Vous lisez : ÉTUDE DE CAS – Accident survenu par le fait ou à l’occasion du travail

L'article 2 de la

Loi sur les accidents de travail et les maladies professionnelles (LATMP) définit ainsi la notion d'accident du travail : « un événement imprévu et soudain attribuable à toute cause, survenant à une personne par le fait ou à l'occasion de son travail et qui entraîne pour elle une lésion professionnelle ».

La question de savoir si un accident est survenu « par le fait ou à l'occasion de son travail » se pose lorsque l’accident n’est pas survenu alors que le travailleur exécutait ses tâches comme telles.

Type d’activité exercée au moment de l’accident
Afin de déterminer l’existence d’un « facteur de rattachement » avec le travail, la jurisprudence a dégagé des critères à considérer selon le type d’activité exercée au moment de l’accident, notamment : activité d’arrivée et de départ (accident qui survient à l’arrivée au lieu de travail ou au départ; se situe dans la périphérie du lieu de travail, par exemple dans le stationnement), activité de bien-être et de santé (accident qui survient durant la période de repas, la pause café, dans le cadre de la toilette personnelle, des soins, en revêtant un uniforme, alors que le travailleur est allé fumer), activité de loisir (accident qui survient durant des activités sportives, des sorties sociales), activité de trajet (accident qui survient lors du déplacement de la maison au travail ou lors d’un déplacement fait pour l’employeur), activité extérieure (accident survenu en dehors des heures de travail alors que le travailleur n’exécute pas les tâches normales de son travail, par exemple lorsqu’il s’agit d’une activité du club social), agression (entre collègues), geste de civilité (aller chercher un café à un collègue, s’arrêter pour saluer des collègues), geste de civisme (porter secours à une personne), taquinerie (plaisanterie ayant dégénéré en accident).

Critères à considérer
Quant aux critères généralement utilisés afin de déterminer si l’accident est personnel ou professionnel, on retrouve, notamment, les suivants : lieu, moment où l’accident survient (pendant ou en dehors des heures de travail), utilité pour l’employeur, activité connexe, activité personnelle, activité faisant partie des conditions de travail, existence d’une directive de l’employeur, disponibilité du travailleur requise par l’employeur, finalité de l’activité, lien de subordination et obligation de l’employeur en regard de l’activité exercée.

Indemnisation sans égard à la faute
Les conséquences de tels accidents sont souvent très grandes pour les employeurs qui, en bout de ligne, doivent en assumer les coûts. En effet, l’article 25 LATMP stipule que « Les droits conférés par la présente loi le sont sans égard à la responsabilité de quiconque. » L’article 27 peut être invoqué pour se dégager d’une telle responsabilité : « Une blessure ou une maladie qui survient uniquement à cause de la négligence grossière et volontaire du travailleur qui en est victime n'est pas une lésion professionnelle, à moins qu'elle entraîne le décès du travailleur ou qu'elle lui cause une atteinte permanente grave à son intégrité physique ou psychique. »

Cependant, il n’est pas toujours facile de prouver qu’il y a eu « négligence grossière et volontaire ».

Dans un tel contexte, les employeurs ont certainement avantage à encadrer certaines situations par des directives précises, par exemple, par une politique de « tolérance zéro » pour ce qui est des taquineries entre collègues.

Menu des cas Les quelques exemples qui suivent illustrent des cas où, à l’occasion de trois activités fréquentes, un accident est survenu. Pour chaque situation, la réclamation a été acceptée dans un cas et refusée dans l’autre.

FUMER DURANT LA PAUSE

DÉCISION : Même si la travailleuse - une infirmière - était sortie pour fumer, sa véritable raison pour aller à l'extérieur était de faire une promenade et s’aérer avant de rentrer et d'effectuer ses quatre dernières heures de travail qui s'annonçaient assez occupées; l'entorse subie en trébuchant sur le terrain appartenant à l'employeur est donc survenue à l'occasion du travail. La réclamation est acceptée.

L'événement est survenu sur les lieux appartenant à l'employeur vers 3 h 27 alors que la travailleuse se dirigeait vers la porte d'entrée de l'hôpital après s’être promenée à l'extérieur pendant la pause. Elle bénéficiait d'un arrêt d’une heure et demie puisque, sur le quart de nuit, la pause-repas et les deux pauses-repos sont jumelées. L'événement est donc arrivé sur les lieux de l'employeur, pendant la pause, et elle était rémunérée au moins pour une partie de cette pause, notamment la dernière partie, constituée des deux pauses-repos. Par ailleurs, les accidents qui surviennent à un travailleur lorsqu'il arrive et repart des lieux du travail, par un moyen d'accès fourni, autorisé ou toléré par l'employeur et dont il a fait un usage raisonnable sont généralement considérés comme des accidents survenus à l'occasion du travail. Quant à l'argument de l'employeur, les faits en l'espèce diffèrent de ceux sur lesquels il s'appuie. La travailleuse n'est pas sortie pour fumer et, si elle l'a fait — ce qui n'a pas été prouvé —, l'activité a été exercée de façon accessoire et est totalement étrangère et sans relation avec l'événement survenu. La véritable raison pour laquelle elle est sortie à l'extérieur est pour marcher et s’aérer avant de rentrer au travail et de finir les dernières heures de travail qui s'annonçaient assez occupées. L'employeur allègue que la volonté de la travailleuse de se mettre en forme en marchant est une activité et un choix personnels qui n'ont aucune connexité avec le travail. Or, l'activité de marcher exercée par la travailleuse était utile en regard de l'accomplissement de son travail. Le fait de prendre l'air pendant sa pause lui permettait de revenir au travail dans une meilleure forme pour fournir sa prestation de travail. En effet, à son retour de la pause, elle travaillait pendant quatre heures sans arrêt et devait accomplir beaucoup de tâches. Cette activité était en relation avec son travail. De plus, elle se dirigeait vers les lieux du travail lorsqu'elle a trébuché sur le terrain appartenant à l'employeur et la finalité de cet acte était de rentrer au travail. Elle exerçait une activité connexe et utile à son employeur, et l'événement imprévu et soudain est donc survenu à l'occasion du travail.

CENTRE SANTÉ SERVICES SOCIAUX LAVAL, partie requérante, et MARIE-PIER ROULEAU, partie intéressée, SOQUIJ AZ- 50395879

DÉCISION : Même si la pause est généralement reconnue comme une activité accessoire au travail, le fait de se livrer à une activité purement personnelle — fumer à l'endroit prévu à cet effet — brise le lien de connexité puisqu'il s'agit d'un choix personnel. La réclamation est refusée.

L'accident est survenu sur les lieux de l'établissement de l'employeur et à un moment qui est généralement reconnu comme étant connexe au travail, soit pendant une pause. Cependant, les critères de subordination, de l'autorité de l'employeur, de la finalité de l'activité de même que de sa connexité avec le travail sont tous absents. De plus, même si la pause est généralement reconnue comme une activité accessoire au travail, le fait de pratiquer pendant ce temps une activité purement personnelle brise le lien de connexité avec le travail puisqu'il s'agit alors de l'exercice par la travailleuse d'un choix purement personnel qui ne relève aucunement de son employeur. La travailleuse était parfaitement libre de faire ce qu'elle voulait durant le temps de sa pause et pouvait même aller fumer à l'extérieur des limites de l'établissement de l'employeur.

RÉSIDENCE ANGELICA INC., partie requérante, et ÉLIZABETH LESSARD, partie intéressée, SOQUIJ AZ-50397032


TAQUINERIES ENTRE COLLÈGUES

DÉCISION : Un travailleur qui s'est fait enfoncer une vis dans un orteil par un collègue qu'il taquinait a subi une lésion professionnelle à l'occasion du travail. La réclamation est acceptée.

Même s'il était sur les lieux du travail lorsque la blessure est survenue, il n'était pas « à son travail » puisqu'il n'exécutait pas des mouvements inhérents à ses tâches, mais plutôt certains gestes de taquinerie ou de provocation à l'égard de son collègue. Le travailleur a cependant établi les éléments essentiels à la définition d'un accident du travail énoncée à l'article 2 LATMP. La preuve établit la survenance d'un événement imprévu et soudain et d'une lésion qui en a résulté, soit une plaie au premier orteil gauche. Par ailleurs, le fait accidentel n'est pas survenu « par le fait du travail », les activités du travailleur à ce moment se situant plutôt dans un contexte d'échange de taquineries avec un collègue. Quant à savoir si l'événement est survenu « à l'occasion du travail », selon la jurisprudence, cette notion implique l'existence d'une connexité avec le travail qui peut être directe ou indirecte, mais qui doit être présente. En vertu des critères jurisprudentiels utilisés aux fins de déterminer l'existence de cette connexité, l'accident en cause est survenu sur les lieux du travail et pendant les heures de travail alors que le travailleur était rémunéré et sous la subordination ou le contrôle de l'employeur. De plus, cet accident implique directement l'utilisation d'un outil de travail usuel par un collègue du travailleur, utilisation qui a manifestement contribué de façon déterminante à la survenance même de l'accident, et ces éléments sont indissociables du travail. Le fait que l'accident soit survenu dans un contexte de taquineries ne saurait, à lui seul, permettre de conclure à l'inexistence d'une certaine connexité avec le travail. Au contraire de la jurisprudence déposée par l'employeur, la connexité entre le travail et le motif de la taquinerie a été établie en l'espèce. En effet, l'accident serait relié au fait que le collègue se serait moqué du travailleur en raison d'une fausse manoeuvre occasionnée par de la colle qu'il avait sur les mains. Ainsi, le contexte de taquinerie tout comme la nature même des gestes ayant donné lieu à l'accident ne sont pas étrangers au travail exercé par le travailleur. D'ailleurs, selon la définition d'un accident du travail, l'événement imprévu et soudain peut aussi « être attribuable à toute cause ». Enfin, cet accident ne résulte pas de la seule négligence grossière et volontaire du travailleur puisque, si ce dernier a posé des gestes puérils et imprudents avec son pied gauche, l'accident résulte tout autant de la manoeuvre exécutée par le collègue avec son outil de travail. Il ne peut donc s'agir d'un cas visé par l'article 27 LATMP.

RÉSIDENCES PRO-FAB INC., partie requérante, et JEAN-SÉBASTIEN LABRIE, partie intéressée, SOQUIJ AZ-50294487


ACTIVITÉ EXTÉRIEURE

DÉCISION : L'accident hors du Québec qu'a subi un chargé de projet alors qu'il faisait une promenade après le souper est survenu à l'occasion du travail; pendant tout le séjour, le travailleur représente l'employeur et exerce une activité reliée au travail. La réclamation est acceptée.

Les employés assignés par l'employeur dans une région éloignée de leur domicile n'ont pas à faire la preuve que l'événement imprévu et soudain est survenu sur les lieux du travail. Les activités connexes à l'emploi du travailleur le forcent à quitter la sphère de ses activités purement personnelles. Par ailleurs, la jurisprudence étend la responsabilité de l'employeur qui assigne un travailleur « hors du Québec ». En l'espèce, le travailleur est un employé de la compagnie depuis plusieurs années, et l'assignation en Europe était à la demande de l'employeur. L'alcool n'est pas en cause puisque la consommation est inférieure à trois verres entre 19 h et 23 h. Selon la règle adoptée en 1991 dans l'affaire Zaheeruddin et Canada (Ministère de la Défense nationale), (C.A.L.P., 1991-08-14), SOQUIJ AZ-91156145 (Banque CALP AZ-4000009089), D.T.E. 91T-1204, [1991] C.A.L.P. 935, Jurisélection J3-16-22, la responsabilité de l'employeur commence lorsque le travailleur quitte son domicile au Canada pour se rendre à une destination et elle se termine lorsque le travailleur est de retour à son domicile. Pendant tout le séjour, le travailleur représente l'employeur et il exerce une activité reliée au travail. Ainsi, lorsque des travailleurs se sont blessés en se rendant au restaurant ou en en revenant, la CLP a décidé qu'il y avait une lésion professionnelle au sens de la LATMP. Selon la jurisprudence américaine, les seules activités qui seraient exclues de la responsabilité de l'employeur sont celles qui sont clairement déraisonnables, une notion que notre jurisprudence connaît bien puisqu'elle est encadrée par les dispositions de l'article 27 LATMP. La CLP a également confirmé qu'une pneumonie qui se manifeste au retour d'une assignation en Asie est une lésion professionnelle, et que la responsabilité de l'employeur pouvait être engagée lorsqu'un camionneur en assignation en Floride se rendait à la plage. En l'espèce, le comportement du travailleur est en relation directe avec ses conditions d'emploi. Il doit être à l'hôtel ce soir-là. Il n'est pas anormal de faire une marche de santé après le repas. Il se promène dans un parc en compagnie de collègues de travail. Même si les lieux n'étaient pas sécuritaires et qu'il aurait été souhaitable de ne pas les rendre accessibles en soirée, c'est une contingence qui résulte de l'assignation loin du domicile.

RONALD HRYNKIW, partie requérante, et ALCAN ALUMINIUM LTÉE, partie intéressée, SOQUIJ AZ-50377556

DÉCISION : L'accident subi par le travailleur — un moniteur de ski — alors qu'il échangeait des techniques avec d'autres moniteurs n'est pas survenu à l'occasion du travail; même s'il s'était inscrit en arrivant, il n'était plus sous l'autorité de l'employeur. La réclamation est refusée.

Même si l'accident a eu lieu sur les lieux du travail, une piste de ski étant aussi un lieu de loisirs, cet élément a peu d'impact dans la qualification de l'accident. Au moment de sa chute, le travailleur n'était pas rémunéré par l'employeur. Quant au moment de l'événement, même si le travailleur s'était d'abord enregistré à son arrivée sur les lieux du travail puis s'était rendu au point de rencontre, à partir du moment où il n'y avait pas de travail pour lui et jusqu'à la prochaine leçon, l'employeur n'avait aucune autorité sur lui. Il était libre de ses mouvements et pouvait quitter les lieux du travail et même retourner chez lui jusqu'à 11 h. Il est donc évident que le lien de subordination était inexistant au moment de la chute. Dans Workmen's Compensation Board c. C.P.R. Co. (C.S. Can., 1952-06-30), [1952] 2 R.C.S. 359, la Cour suprême du Canada devait interpréter une disposition législative du Nouveau-Brunswick semblable à l'article 2 LATMP. Dans cette cause, entre deux périodes de travail, alors qu'elle était libre d'aller où elle le désirait et même de quitter l'hôtel, son lieu de travail, la travailleuse a eu un accident en se baignant et en faisant des plongeons sur une plage privée appartenant à l'employeur et que ses privilèges d'employée lui permettaient de fréquenter. La Cour souligne que le seul fait qu'un privilège soit exerçable sur un lieu appartenant à l'employeur et soit accordé à un employé en raison de son emploi ne permet pas de conclure que l'exercice de ce privilège est une activité accessoire à l'emploi. De même, le fait que le travailleur se soit blessé alors qu'il skiait, se prévalant ainsi d'un privilège accordé par l'employeur en dehors de son travail, ne permet pas de conclure à une connexité entre la pratique du ski faite dans le cadre de cet avantage et le travail. Dans la même affaire, la Cour suprême a développé les notions de « sphère personnelle » et de « sphère professionnelle » et a rappelé que la législation en matière d'accident du travail avait pour objectif de base de protéger les travailleurs contre les risques auxquels ils étaient exposés en raison de leur emploi. Il est donc fondamental de recourir à cette notion de « risque professionnel » dans l'analyse d'une situation, et un incident survenant lorsqu'un travailleur est dans sa sphère d'activités personnelles n'est pas couvert par la loi. En l'instance, après le rassemblement, n'étant pas rémunéré, étant libre de ses déplacements et n'étant plus sous l'autorité de l'employeur, le travailleur a quitté la sphère d'activités professionnelles pour entrer dans la sphère d'activités personnelles, et ceci, à ses propres risques. De plus, le fait que le travailleur soit en uniforme ne permet pas d'établir un lien entre l'activité exercée et le travail. Enfin, le travailleur n'exerçait pas ses fonctions de moniteur de ski et n'avait pas les certifications requises pour enseigner à d'autres moniteurs. L'activité exercée au moment de la chute n'était donc pas utile à l'employeur. Pour un moniteur de ski, l'activité de descendre une pente de ski alors qu'il ne travaille pas, mais en se prévalant de privilèges accordés par l'employeur, constitue non pas une activité connexe au travail, mais plutôt une activité facultative, personnelle et essentiellement récréative.

GILLES MOREAU, partie requérante, et STATION MONT-TREMBLANT (CENTRE DE SKI), partie intéressée, SOQUIJ AZ- 50404935

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Me Monique Desrosiers, coordonnatrice, Secteur droit du travail et droit social, Direction de l’information juridique à la Société québécoise d’information juridique (SOQUIJ)

Source : VigieRT, numéro 15, février 2007.

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