La surveillance, c’est l’observation d’une personne, d’un lieu, d’une situation précise au moyen de caméras cachées ou fixes, visuellement par une ou plusieurs personnes à pied ou en véhicule.
Hollywood nous montre au petit écran ou au cinéma une panoplie d’intrigues policières dans lesquelles on peut voir des gens sous surveillance qui utilisent des véhicules, le moyen le plus fréquemment employé. « Ce que vous voyez n’est pas la réalité, car effectivement, si la surveillance était faite comme il se doit, les caméras pourraient difficilement capter cette méthode d’enquête! » En effet, les enquêteurs sont entraînés à ne pas se faire voir. « Voir sans être vu » est le credo de tout bon enquêteur et son expérience est critique.
La surveillance est une méthode éprouvée en cas de vol de marchandises ou de temps, de bris d’engagement de non-compétition ou de confidentialité, d’évaluation et de protection lorsqu’une personne profère des menaces. La preuve des activités illicites est déterminante pour l’entreprise autant que pour sa réputation.
Mettons la surveillance en contexte par des exemples, afin de pouvoir en comprendre les nuances et les défis.
Mise en situation
Un employé est suspecté de fraude ou de vol par l’entreprise. Le gestionnaire fait appel à un enquêteur pour tenter d’obtenir les preuves nécessaires afin de corroborer ses allégations et de pouvoir prendre les mesures disciplinaires adéquates. Voici trois scénarios.
- L’employé, appelons-le Paul pour la cause, est suspecté d’avoir un autre emploi, même si son dossier dit que sa condition médicale ne lui permet pas de travailler. Il en est à ses premiers méfaits dans ce domaine; il habite un quartier résidentiel d’une banlieue, la rue est très accessible, proche d’une artère, la circulation y est grande, les endroits pour se stationner sont nombreux et il est possible de trouver un point d’observation sur la résidence, sans attirer l’attention. Comme on soupçonne que Paul occupe un autre emploi, l’enquêteur prend position tôt le matin. Effectivement, Paul quitte sa résidence vers 6 h 30, monte dans son véhicule, se dirige normalement vers l’artère principale, puis environ un kilomètre plus loin, clignote et tourne pour se diriger vers l’entrée d’une cour où on peut constater qu’il y a une maison en construction. Intéressant! Notre enquêteur se trouve alors un point d’observation discret, sort sa caméra et attend patiemment de voir Paul à l’œuvre. Paul est observé travaillant ardemment et les images sont alors captées sur bande vidéo. L’enquêteur reprend sa surveillance le lendemain avec le même succès. Tout le monde est heureux, le dossier est clos.
- Le même Paul est un employé difficile à gérer. Il est souvent absent, il est suspecté de fréquenter des gangs et se montre même menaçant à l’occasion. Dans ce cas-ci, Paul demeure dans un multiplex d’une rue achalandée de la ville. L’enquêteur en sait peu sur lui et n’a aucune description de véhicule; en plus, la photo qu’on lui a fournie de Paul n’est ni récente ni claire. L’enquêteur aura beaucoup à faire. Il devra se trouver un point d’observation suffisamment près pour avoir une vue sur la porte du multiplex. Malgré ces difficultés, l’enquêteur réussira à voir Paul sortir de sa résidence : il est alors six heures du matin, un véhicule arrive, s’immobilise en face de la maison et Paul y monte avec des bagages. Il fait noir, il y a peu de circulation, l’enquêteur est relativement près pour maintenir un point d’observation sur la porte, mais il doit filmer la scène dans la pénombre, car il ne peut pas allumer ses phares. Il ne peut pas non plus partir tout de suite pour ne pas alerter Paul ou le conducteur. Il laisse donc le véhicule s’éloigner avant de le prendre en chasse. Comme la situation se passe en ville, la circulation du matin devient peu à peu plus lourde. Faut-il rester collé au véhicule, sachant qu’il risque d’être repéré, ou prendre la chance de lui laisser du champ, risquant ainsi de rater son unique chance d’obtenir les preuves tant espérées? L’enquêteur réussit à garder le véhicule en vue tout en laissant suffisamment d’espace pour ne pas être repéré. Ils se dirigent vers un endroit éloigné, voire isolé sur une route secondaire. Évidemment, après plus de deux heures de route, l’enquêteur a perdu le véhicule de vue; finalement, il repère le véhicule, stationné et vide; semble indiquer que Paul et son ami se sont dirigés dans le boisé tout près. Ajoutons plus de défis. À l’endroit où le véhicule est stationné, on peut clairement lire « Défense d’entrer, club privé ». Que fera l’enquêteur? S’il s’y engage, même s’il est très efficace en obtenant une bande vidéo montrant Paul à l’œuvre travaillant sur une bâtisse et faisant preuve d’une grande agilité comme s’il n’avait aucune restriction médicale, la preuve sera-t-elle utilisable?
- Afin de mieux comprendre les enjeux, prenons le même cas dans un contexte différent. Paul habite dans un secteur résidentiel, très tranquille, sa rue a deux sorties sur des artères achalandées. Il est seize heures. Un enquêteur seul n’a alors aucune chance de pouvoir le suivre sans être repéré. Il faut un minimum de deux enquêteurs et de deux véhicules, ce qui ne garantira pas non plus le succès de l’opération, mais permettra tout de même d’en augmenter la probabilité. Pour observer efficacement, un des enquêteurs devra se rapprocher de la résidence et, n’ayant aucun autre choix, devra se stationner près d’une autre demeure. Comble de malheur, cette résidence est habitée par un membre de la famille de Paul et c’est avec lui qu’il part. Évidemment, dès que Paul est à bord du véhicule avec son beau-frère, ils se doutent qu’ils sont suivis. Comme on a dit que Paul pouvait être menaçant, ce dernier passe à l’action. Il immobilise son automobile et se dirige vers le véhicule de l’enquêteur. Il devient agressif, menace, injurie l’enquêteur, lui demande ce qu’il fait, etc. L’enquêteur, expérimenté, ne dit rien et fait mine de ne pas s’en soucier. Paul repart et évidemment les enquêteurs le laissent aller, sans avoir obtenu de preuve! Le supérieur de Paul est tranquillement assis dans son bureau quand Paul s’y présente et, d’un ton agressif, lui dit qu’il a été suivi, qu’il le poursuivra, et ainsi de suite. Évidemment, le gestionnaire est dans tous ses états, appelle l’agence et demande une rencontre. Tout le monde est dans l’embarras, mais c’est une réalité possible; il faut donc s’y préparer.
Les défis
Ces scénarios permettront de prendre conscience des difficultés auxquelles font quotidiennement face les enquêteurs de surveillance. Que fait un enquêteur lorsqu’il est coincé derrière un autobus scolaire avec clignotants et que le sujet de la surveillance a juste eu le temps de passer? Que fait-il lorsqu’il est à l’arrière du sujet et que ce dernier passe sur un feu jaune, qui devient rouge pour l’enquêteur? Que fait-il quand le sujet circule de façon agressive à une vitesse exagérée peu importe où il se trouve? Un enquêteur, aussi expérimenté soit-il, pourra-t-il maintenir le rythme sans perdre le sujet et sans être repéré? Un enquêteur seul peut-il y arriver? Serait-il toléré qu’un enquêteur, dans un élan de zèle, double l’autobus scolaire, brûle un feu rouge ou circule à haute vitesse dans une zone résidentielle? Cet enquêteur n’engagera-t-il pas la responsabilité de l’entreprise qui l’a embauché s’il causait un accident grave? Quant à l’enquêteur, il ne jouit d’aucune immunité. Donc, s’il contrevient à la loi, il risque une contravention, ce qui entraînera la perte de son permis, de son emploi ou, au minimum, de son revenu le temps de récupérer son permis. De plus, l’assureur de l’agence couvrira-t-il de telles infractions dans les cas où la responsabilité est en jeu?
Par ailleurs, il faut considérer que, souvent, l’enquêteur doit passer de longues heures dans un véhicule, sans être vu et sans attirer l’attention, malgré le fait qu’il a des besoins naturels (nourriture, toilettes, etc.) et qu’il y a de longues heures d’observation exigeant une concentration élevée.
Le bon choix d’un fournisseur
Le gestionnaire devra justifier sa position avant de passer à l’action. Toute firme d’enquêtes sérieuse lui demandera pourquoi il recherche les services d’un enquêteur, afin de s’assurer d’avoir les motifs suffisants pour agir et considérer les contraintes légales. Les prix du service de surveillance varient de 25 $ à 75 $ l’heure et par enquêteur. Souvent, il y a des frais de déplacements de 0,55 $ du kilomètre et même des frais fixes additionnels par véhicule d’environ 65 $ par jour. L’agence et son agent doivent détenir une licence dans la province concernée. Outre la licence, l’agence jouit-elle d’une bonne réputation, a-t-elle un dirigeant qui donne des conseils sur la mise en place et le suivi de l’enquête (facturables ou non), sera-t-elle là pour témoigner éventuellement, ses enquêteurs sont-ils des gens salariés de l’agence (assurance responsabilité oblige), observe-t-elle les normes et les considérations décrites dans ce texte? Si l’entreprise est de compétence fédérale ou si le rapport va au delà des frontières du Québec, l’agence est-elle un organisme d’enquêtes en vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques?
Pour terminer, rappelons qu’une infraction à une loi pourrait équivaloir au refus de l’assureur en responsabilité de couvrir son assuré, l’agence, donc ouvrir la porte à des poursuites contre le client, le cas échéant!
Les considérations et les obligations d’une agence d’enquêtes et des enquêteurs dans l’exercice de leurs fonctions |
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Louis Laframboise, CFE, vice-président, Enquêtes et services conseils, Canada, GARDA
Source : Effectif, volume 9, numéro 5, novembre/décembre 2006