Les employés de la génération Y se livreront plusieurs fois dans leur carrière à un questionnement sur leur départ éventuel vers une autre organisation.
Ils feront donc une analyse des avantages liés à un changement d’emploi. Sans doute, la perception d’un accroissement de leur rémunération jouera un rôle non négligeable dans leur prise de décision. Mais d’abord, qui sont ces employés de la génération Y et dans quel monde travailleront-ils?
La génération Y
La génération Y est formée des personnes nées entre 1977 et 1988, c’est-à-dire les employés âgés entre 18 et 29 ans. Le tableau ci-contre présente certains traits associés à cette génération.
Principaux traits de la génération Y |
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Réalité démographique
En fonction des prévisions démographiques, 24,4 % de la population québécoise sera âgée de 65 ans et plus en 2026 (Girard et al., 2004). Et à partir de 2008, le nombre d’entrants potentiels sur le marché du travail (le groupe des personnes de 20 à 29 ans) sera inférieur au nombre de sortants (le groupe des personnes de 55 à 64 ans) et atteindra une proportion de trois entrants pour quatre sortants en 2026. En d’autres mots, la pénurie de la main-d’œuvre se positionnera du côté de la demande de travail.
Pourquoi obtiendront-ils une rémunération plus élevée?
Bien que nous sachions que la rémunération n’est pas toujours un élément considéré dans un changement d’emploi, il est commun que l’employé y perçoive une occasion d’accroître son salaire de base. En effet, il est plutôt rare de voir un employé de la génération Y quitter son employeur pour obtenir un salaire de base moindre ou égal. Même si le niveau du salaire de base ne représente pas nécessairement la raison principale du changement d’emploi, le pourcentage d’écart par rapport à l’emploi antérieur est en quelque sorte le symbole d’un changement réussi, bien orchestré.
Au-delà de la pénurie de main-d’œuvre anticipée et des nouvelles valeurs de la génération Y, certaines raisons peuvent expliquer le succès dans l’obtention d’une rémunération plus élevée. Mentionnons que la possibilité d’accroître son revenu est beaucoup plus rapide pour les jeunes professionnels en début de carrière comparativement à ceux qui se situent au milieu ou à la fin de leur carrière.
En effet, il n’est pas rare que le marché offre des possibilités de croissance supérieures au modèle traditionnel de gestion des augmentations de salaire en fonction du mérite. Plusieurs matrices de révision des salaires incluent la performance individuelle et le positionnement dans l’échelle salariale (ratio comparatif). Cette façon de fonctionner fait en sorte qu’on offre une augmentation trop timide par rapport à ce qu’un employé peut trouver sur le marché, et ce, après seulement une ou deux années d’expérience. Ces augmentations sont habituellement de l’ordre de 6 % à 8 %, si un employé affiche une très bonne performance conjuguée à un faible ratio comparatif. Dans ce contexte, il n’est pas rare qu’un jeune professionnel quitte son employeur pour une augmentation de 10 % à 15 % du salaire de base. Mais est-ce vraiment payant? Est-ce qu’un tel changement vaut vraiment la chandelle financièrement? La réponse à cette question n’est pas simple. Il faut s’attarder à plusieurs composantes de la rémunération globale pour tenter de s’y retrouver.
L’apport de la rémunération globale dans le processus de comparaison
Changer d’emploi comporte toujours une part d’incertitude. L’employé pourrait réaliser très vite que l’autonomie et les projets intéressants sont au rendez-vous comme promis et se laisser envoûter par un accroissement du salaire de base. Mais il y aurait lieu de considérer quelques autres composantes de la rémunération globale avant d’affirmer que sa rémunération s’est améliorée.
Les révisions salariales annuelles et positionnement dans l’échelle salariale
En fonction de sa date d’embauche, l’employé pourrait ne pas être admissible aux révisions salariales de la prochaine année. Dans ce cas, il peut arriver qu’il ait à attendre plus de douze mois avant de percevoir sa prochaine augmentation de salaire. Il est donc important de considérer cet élément au moment de l’embauche. Comme la majorité des matrices de révision des salaires considère le ratio comparatif afin de déterminer le niveau de l’augmentation salariale, il est important de connaître à l’avance son échelle de salaire afin de pouvoir déterminer le ratio comparatif. Cet aspect est relativement important, puisque s’il est embauché au point-milieu ou au-delà de ce dernier, l’employé recevra fort probablement une augmentation de salaire plus faible.
Le régime incitatif à court terme
En fonction de son niveau hiérarchique et de la période de l’année où il quitte son organisation, l’employé peut perdre le montant qu’il aurait perçu au moment de l’octroi de son boni annuel. Cette somme pouvant représenter plusieurs milliers de dollars devra en quelque sorte être amortie sur les gains qu’il réalisera dans son nouvel emploi.
Certaines organisations offrent une prime à l’entrée afin de diminuer ou d’annuler la perte subie. Toutefois, il est plutôt rare de voir une telle pratique appliquée à des emplois occupés par la génération Y. Au moment de l’embauche, on pourra identifier l’employé à un niveau de bonification minimal, cible et maximal en fonction de son groupe salaire. Un pourcentage plus élevé par rapport à son emploi actuel ne signifie pas nécessairement que le montant en argent accordé sera supérieur. Il est sage de s’informer des montants moyens réellement alloués pour un emploi de sa catégorie durant les trois dernières années. Bien entendu, un régime de bonification à court terme moins généreux peut faire en sorte que la rémunération en espèces (salaire et boni) soit sensiblement la même que dans l’emploi antérieur.
Il y a également lieu de s’attarder au design du régime de bonification. À titre d’exemple, si l’employé est un individu performant aimant relever de nouveaux défis, il y a fort à parier qu’il valorisera la présence d’une composante fondée sur la performance individuelle. En effet, c’est à ce moment que la notion d’équité individuelle prend tout son sens… Il serait donc difficile pour cet individu performant d’accepter qu’un employé sous-performant reçoive exactement le même boni que lui.
Les avantages sociaux
Au chapitre des régimes de retraite, plusieurs scénarios sont envisageables. En effet, l’employé peut par exemple migrer d’un régime à prestations déterminées (PD) à un régime à cotisations déterminées (CD). Il serait également possible qu’il entre dans une organisation n’offrant aucun régime de retraite. Dans ce cas, nous croyons que le salaire de base risque d’être relativement plus élevé. Si tel est le cas, il ne sera pas nécessairement perdant, puisqu’il pourra verser une partie de ce revenu dans un compte REER.
Par ailleurs, il devra avoir la discipline d’effectuer de tels versements, faute de quoi son revenu à la retraite pourrait s’avérer sérieusement hypothéqué. Durant les premières années de sa carrière, le passage d’un régime PD à un régime CD ne sera probablement pas bénéfique à l’employé. En effet, il serait préférable de migrer vers un autre régime PD comparable ou de demeurer dans son organisation actuelle à long terme. Enfin, si l’employé se dirige vers un régime CD, il est important de vérifier le niveau de cotisation de l’employeur.
Finalement, en ce qui concerne les assurances collectives, il est important de vérifier l’étendue des couvertures.
Développement individuel et environnement de travail
Les composantes de rémunération non pécuniaires sont également à considérer dans un processus de comparaison entre différents emplois potentiels. Quelles sont les conditions de travail? À titre d’exemple, le taux horaire d’un employé travaillant 40 heures par semaine avec un salaire de 45 000 $ est supérieur à celui d’un autre employé recevant un salaire de 60 000 $ pour 55 heures par semaine. Bien entendu, le nombre d’heures travaillées par semaine est en lien direct avec le concept d’équilibre travail et famille.
Quel est le type de supervision du nouveau patron? Pour les employés de la génération Y, la qualité de la relation avec le supérieur immédiat est un élément qui revêt une grande importance. Il s’avère donc primordial de passer suffisamment de temps avec son futur supérieur immédiat avant de changer d’emploi. Il y a également lieu de voir si la nouvelle organisation offre des programmes ou des occasions de formation à ses employés.
En conclusion, disons qu’il n’est pas toujours évident de comparer la rémunération globale d’une organisation à l’autre. Par ailleurs, cette démarche s’avère nécessaire afin de prendre une décision éclairée. Pour les gestionnaires en ressources humaines, cela démontre l’importance d’établir une offre de rémunération globale intéressante pour ses employés. Plusieurs organisations pourront songer à l’importance d’un relevé de rémunération globale à la fois pour attirer et conserver le personnel compétent. L’employé de la génération Y saura alors si c’est vraiment payant de changer d’emploi.
Marc Gauthier, CRHA, M.B.A., conseiller en rémunération, La Coop fédérée
Source : Effectif, volume 9, numéro 5, novembre/décembre 2006