Vous lisez : ÉTUDE DE CAS – Harcèlement psychologique au travail

L’article 81.18 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.) définit ainsi le harcèlement psychologique :

« Pour l’application de la présente loi, on entend par “harcèlement psychologique” une conduite vexatoire se manifestant par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l’intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne pour celui-ci, un milieu de travail néfaste.

« Une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et produit un effet nocif continu pour le salarié. »

L’article 123.6 L.N.T. prévoit le recours applicable, soit une plainte à la Commission des normes du travail (CNT) Si, au terme de son enquête aucun règlement n’intervient entre les parties et si la CNT accepte de donner suite à la plainte, elle la défère sans délai à la Commission des relations du travail (CRT).

L’article 123.15 L.N.T. prévoit les pouvoirs de la CRT dans un tel cas et l’article 123.16 restreint ces pouvoirs lorsque le salarié « est victime d’une lésion professionnelle » ou lorsqu’elle « estime probable que le harcèlement psychologique ait entraîné une lésion professionnelle ». La Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) est alors l’instance compétente.

Si une convention collective est en vigueur, le salarié visé par une telle convention doit exercer les recours qui y sont prévus (art. 81.20 L.N.T.). Dans ce cas, c’est l’arbitre de griefs qui a compétence.

Comme on peut le constater, dépendant du statut du salarié ou de la situation, la CRT, un arbitre de griefs ou la CSST sera l’instance compétente pour disposer du litige.

Peu de décisions ont été rendues jusqu’à ce jour, mais les employeurs et les syndicats disposent de suffisamment d’informations pour réajuster la façon de gérer ce genre de situation afin d’éviter des recours qui, au bout du compte, coûtent cher et enveniment l’atmosphère au sein de l’entreprise.

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EMPLOYÉS NON SYNDIQUÉS

EMPLOYÉS SYNDIQUÉS



Détermination du tribunal compétent

Dans l’affaire Calcuttawala c. Conseil du Québec – Unite Here (AZ-50394454), l’employeur a invoqué, de façon préliminaire, que la plainte relevait de la compétence exclusive de l’arbitre de griefs puisqu’une association de salariés était accréditée au moment où elle a été déposée. Il a aussi invoqué que les événements avaient déjà été reconnus comme ayant causé une lésion professionnelle et que, par conséquent, tout litige à ce sujet relevait de la CSST. La CRT a rejeté ces prétentions. Elle a d’abord précisé qu’il est vrai qu’un salarié victime d’une lésion professionnelle ne peut intenter une action en responsabilité civile. Toutefois, la plainte en matière de harcèlement psychologique est différente puisqu’il s’agit plutôt de l’exercice d’un droit prévu par une loi d’ordre public. Quant à la compétence de l’arbitre de griefs, comme la convention collective n’avait pas encore été signée au moment de la plainte, le recours prévu à l’article 100.10 C.tr (maintien des conditions de travail) et celui prévu à l’article 123.6 L.N.T. – qui sont différents – coexistent jusqu’à ce que la convention collective soit en vigueur et que le salarié ait droit au grief.

Dans Clavet et Manoir Archer inc. (AZ-50392662), la CRT, saisie d'une objection à sa compétence au motif qu'elle n'est pas habilitée à déterminer l'existence d'une lésion professionnelle dans le contexte d'une plainte pour harcèlement psychologique, a réservé sa décision, comme le prévoit l’article 123.16 L.N.T., jusqu’à la décision finale découlant du recours en vertu de la LATMP, car elle « estime probable » que le harcèlement ait entraîné chez le plaignant une telle lésion.

Fardeau de la preuve
L'article 81.18 L.N.T. impose la présence de tous les éléments qui y sont prévus pour conclure à du « harcèlement psychologique ». Une conduite vexatoire est la manifestation de gestes, de paroles, de comportements ou d'attitudes qui humilient ou blessent quelqu'un dans son amour-propre et qui lui causent des tourments. En règle générale, il faut que ces gestes, paroles ou comportements se répètent dans le temps. L'analyse de l'affaire doit se faire globalement afin d'y déceler le caractère harcelant ou non des comportements, paroles ou gestes. Ceux-ci doivent être hostiles ou non désirés. Le terme « hostile » fait référence à un sentiment d'inimitié, d'opposition, voire à un comportement d'ennemi. La notion de « comportement non désiré » renvoie à une manifestation qui n'a pas été souhaitée par la victime, et ce, que celle-ci ait exprimé ou non sa désapprobation avant l'événement. Cependant, dans certains cas, le silence de la victime pourra être un facteur important dans l'analyse du bien-fondé de la plainte. La conduite vexatoire doit nécessairement porter atteinte soit à la dignité, soit à l'intégrité physique ou psychologique du salarié. La preuve doit aussi démontrer que l'atteinte a laissé des marques ou des séquelles qui, sans être nécessairement permanentes, compromettent de façon plus que fugace l'équilibre physique, psychologique ou émotif de la victime. Un milieu de travail est néfaste lorsqu'il est nuisible et dommageable et qu'il ne permet pas de réaliser de façon saine les objectifs liés au contrat de travail. Il serait périlleux de prendre comme unique point d'analyse d'une conduite la seule perception du plaignant puisque celle-ci peut être celle d'une personne ayant des problèmes de victimisation ou souffrant de paranoïa. De plus, chaque individu, en raison de ses traits de personnalité, de son éducation, de sa religion et de son milieu de vie réagit différemment à une même situation, voire à une même conduite. C'est pourquoi la conduite vexatoire doit s'apprécier de façon objective en fonction de la personne raisonnable, normalement diligente et prudente, placée dans les mêmes circonstances.

Bangia et Nadler Danino, s.e.n.c., SOQUIJ AZ-50389860


EMPLOYÉS NON SYNDIQUÉS

La plainte d'une serveuse pour harcèlement psychologique de la part de son employeur est rejetée, celle-ci n'ayant pas fait la preuve d'une répétition de gestes ou de paroles vexatoires.

DÉCISION – Dans cette matière, il faut démontrer la répétition de plusieurs éléments, qui doivent être appréciés selon le modèle « subjectif-objectif » de la victime raisonnable. La plaignante a tout d'abord cherché à établir que le départ de deux autres serveuses découlait du comportement de l'employeur. Cependant, à défaut d'une preuve probante, ces éléments doivent être écartés. Par ailleurs, une analyse globale de la situation permet de conclure que l'employeur peut se révéler directif, voire abrupt à l'occasion. Toutefois, il n'y a pas d'exemples probants de gestes ou de comportements « qui sont hostiles ou non désirés » au sens de la définition de harcèlement psychologique contenue dans la Loi sur les normes du travail (art. 81.18). Les éléments apportés sont trop généraux ou constituent des gestes isolés, quand ils ne sont pas carrément contredits. Le portrait d'ensemble est décousu et la preuve ne convainc pas qu'une personne raisonnable puisse voir sa dignité ou son intégrité menacée. D'avril à août 2004, il y a peut-être eu certains incidents isolés, mais la preuve ne permet pas de conclure à une répétition de gestes ou de paroles vexatoires.

Hilaregy et 9139-3249 Québec inc. (Restaurant Poutine La Belle Province), SOQUIJ AZ-50374609

Les critiques répétées et les reproches injustifiés d'un directeur à l'endroit du plaignant — un cadre intermédiaire — constituent une conduite vexatoire ayant porté atteinte à l'intégrité psychologique et à la dignité de ce dernier.

Engagé à titre d'intervieweur en 1997, le plaignant a été nommé directeur de la centrale téléphonique de Montréal en septembre 1998. Le 6 décembre 2004, il a déposé une plainte pour harcèlement psychologique et une autre en vertu de l'article 124 L.N.T. Congédié le 6 janvier 2005, il a déposé une nouvelle plainte à l'encontre de cette mesure. L'employeur lui reproche de ne pas avoir respecté certaines directives, d'avoir manqué de professionnalisme, de s'être absenté sans autorisation et d'avoir sollicité des salariés afin qu'ils adhèrent à un syndicat.

DÉCISION – En tant que cadre, la participation du plaignant à la campagne de syndicalisation des salariés qu'il supervisait le plaçait en conflit d'intérêts avec l'employeur et rompait définitivement le lien de confiance avec ce dernier. Ce manque de loyauté constitue une cause juste et suffisante de congédiement, de sorte que les plaintes en vertu de l'article 124 L.N.T. sont rejetées. Par ailleurs, il est établi que le supérieur administratif du plaignant a exercé du harcèlement psychologique à son endroit, et ce, à la connaissance du vice-président de l'entreprise. La conduite vexatoire s'est manifestée par des reproches injustifiés qui ont humilié le plaignant et l'ont fait douter de ses capacités. À titre de cadre, celui-ci avait à superviser des sondages téléphoniques selon des normes précises de rendement. L'employeur devait donc lui accorder la marge de manoeuvre nécessaire et éviter de lui imposer des conditions additionnelles mettant en péril cette obligation de rendement. Au cas où de telles conditions s'avéraient nécessaires, il avait l'obligation d'en informer le plaignant et de lui donner les moyens de satisfaire à ces nouvelles conditions. Or, la stratégie adoptée par le plaignant afin d'atteindre quotidiennement la norme de rendement tout en respectant les quotas (ratios hommes-femmes, fumeurs-non fumeurs) était valable. D'ailleurs, les dirigeants ne lui ont fourni aucune solution de rechange. Leurs critiques répétées sur la question des quotas constituaient par conséquent une pression indue. Certains faits reprochés par le supérieur démontrent la volonté de ce dernier de miner indûment le moral du plaignant. Quant à la menace d'un congédiement au lendemain d'une absence d’une journée, le 30 novembre 2004, elle était exagérée. Ces comportements ont porté atteinte à l'intégrité psychologique du plaignant. Si l'attitude du vice-président, qui a choisi de rester à l'écart du conflit appréhendé entre le supérieur et le plaignant alors que ce dernier craignait pour son emploi, ne peut être qualifiée de vexatoire, elle demeure cependant inacceptable pour un haut dirigeant de l'entreprise. Il n'a pas pris les moyens raisonnables pour prévenir ce harcèlement psychologique. Enfin, les ordres donnés au plaignant — d'être seul à travailler le 23 décembre, de laver la vaisselle et de sortir les ordures — ainsi que sa mise à l'écart d'un repas du personnel constituent des gestes non désirés portant atteinte à sa dignité.

Allaire et Research House Inc. (Québec Recherches), SOQUIJ AZ- 50364666


L'employeur a le droit d'exiger le respect de l'horaire de travail et le fait de rappeler cette exigence à la plaignante — secrétaire de direction dans un centre de santé — ne peut constituer du harcèlement psychologique.

Depuis 1976, la plaignante occupe un emploi de secrétaire de direction dans un établissement du secteur de la santé et des services sociaux. À compter de février 2003, elle travaille sous l'autorité d'un nouveau directeur des ressources humaines, financières et informationnelles. Celui-ci lui reproche d'arriver souvent en retard et lui demande de faire preuve de ponctualité en arrivant à son poste à 8 h 30 du matin. Il exige aussi qu'elle lui demande une autorisation avant d'effectuer des heures supplémentaires. Le 15 mars 2004, la plaignante avise le directeur général de l'existence de relations difficiles entre elle et son supérieur. Le 21 septembre suivant, elle dépose une plainte pour harcèlement psychologique. Elle allègue que son supérieur souhaite réduire son autonomie et qu'il ne respecte pas son rythme de travail, sa contribution ni l'expérience qu'elle a acquise dans ses fonctions.

DÉCISION – L'employeur doit prendre les moyens raisonnables pour prévenir le harcèlement psychologique dans le milieu de travail et, s'il est informé de son existence, pour y mettre fin. En l’espèce, même s'il existe un conflit de travail entre la plaignante et son supérieur, celle-ci présente un problème d'assiduité qu'elle n'arrive pas à corriger en dépit de nombreux avertissements à cet effet. Elle avoue ne pas pouvoir fonctionner dans un contexte aussi strict et refuse de se plier à ses obligations d'employée ainsi qu'au fonctionnement de l'organisation, qu'elle juge trop rigide. Or, l'employeur a le droit d'exiger le respect de l'horaire de travail et cela ne peut constituer, en l'espèce, du harcèlement psychologique. Les raisons qui y sont rattachées sont compréhensibles et incontestablement liées au bon fonctionnement de l'organisation. Les retards perpétuels et la tolérance de la direction à cet égard ne donnent aucun droit acquis à la plaignante ni ne l'exemptent de son obligation de respecter les attentes clairement exprimées par l'employeur. En refusant de s'engager à respecter un horaire fixe, elle se place en situation de rupture du lien d'emploi. Elle est maintenant engagée dans un processus disciplinaire de progression des sanctions. En tant qu'employée, elle doit respecter l'autorité de la direction conformément aux obligations découlant de son contrat de travail. Étant donné qu'il n'existe aucun acte ni aucune parole qui puissent constituer une forme de harcèlement psychologique de la part de l'employeur à son endroit, la preuve d'une conduite vexatoire portant atteinte à sa dignité n'a pas été faite.

Bourque et Centre de santé des Etchemins, SOQUIJ AZ-50358566


Les paroles ainsi que les actes hostiles et répétés de la propriétaire d'un restaurant à l'endroit d'une gérante constituent une conduite vexatoire ayant porté atteinte à la dignité et à l'intégrité psychologique de cette dernière.

La plaignante occupait le poste de gérante d'un restaurant. Le 29 juillet 2004, elle a déposé une plainte alléguant du harcèlement psychologique de la part de la propriétaire de l'établissement. Cette dernière lui aurait adressé de vives réprimandes à plusieurs reprises devant la clientèle, la traitant d'ignorante, l'accusant de ne pas savoir compter, dénonçant son travail et lui reprochant son orientation sexuelle. Une fois les réprimandes terminées, elle refusait de lui adresser la parole. La plaignante a clairement avisé sa patronne qu'elle n'acceptait pas d'être traitée de cette façon. Le 21 février 2005, alors qu'elle était absente pour cause de maladie depuis une dizaine de jours, elle a été congédiée. Elle a déposé une seconde plainte, alléguant une pratique interdite.

DÉCISION – Il est établi que la plaignante a été victime de harcèlement psychologique et que l'employeur n'a pas respecté ses obligations de prévenir ce harcèlement et de le faire cesser. En effet, les paroles ainsi que les actes hostiles et répétés de la propriétaire de l'établissement constituent une conduite vexatoire ayant porté atteinte à la dignité et à l'intégrité psychologique de la plaignante.

Ganley et 9123-8014 Québec inc. (Subway Sandwiches & salades), SOQUIJ AZ- 50353155


EMPLOYÉS SYNDIQUÉS

La preuve doit s'apprécier en fonction du critère de la « victime raisonnable ».

La plaignante est une agente de recherche et de développement socio-économique. Elle a rencontré sa supérieure en décembre 2000, peu de temps après l'obtention d'une maîtrise en muséologie. Cette dernière lui a alors offert son aide et ses relations pour se trouver un autre travail à l'extérieur du Ministère. En février 2001, la supérieure lui a écrit afin de l'inviter à entreprendre dès lors des démarches pour se trouver un nouvel emploi. Au mois de novembre suivant, au retour d'un congé d'études, la plaignante a découvert qu'aucun lieu de travail ni aucune affectation n'avaient été prévus pour elle, et on lui a réitéré par écrit que des offres d'emploi à l'extérieur du Ministère étaient disponibles. La plaignante affirme également que les modifications survenues dans son lieu de travail ne lui ont pas été expliquées et que c'est avec beaucoup de difficultés qu'elle a finalement obtenu les informations recherchées.

DÉCISION – L'employeur a allégué que le grief ne pouvait viser qu'un événement survenu dans le délai de 30 jours précédant son dépôt. Or, le harcèlement peut comprendre un ou plusieurs événements et s'étaler sur une longue période. Dans les faits, un grief de harcèlement survient généralement après le cumul de plusieurs gestes au cours d'une certaine période. Dans l'appréciation de la preuve en pareille matière, le critère à utiliser est celui de la victime raisonnable. En l'espèce, l'inexpérience de la supérieure a certes été un facteur important. Même si les gestes reprochés n'avaient sûrement pas pour but de vexer la plaignante, il demeure que certains d'entre eux ont pu être considérés comme hostiles par cette dernière. En outre, plusieurs des éléments mis en preuve sont suffisants pour qu'une personne moyennement raisonnable et avertie ait clairement l'impression que l'on ne voulait plus d'elle ou qu'il n'y avait plus de place pour elle. Ainsi, même en l'absence d'intention de blesser ou d'atteindre la plaignante dans son amour-propre, plusieurs gestes ont pu paraître hostiles et être perçus comme non désirables par cette dernière. De telles attitudes peuvent également paraître hostiles et non désirables pour une personne plus objective et moins émotive que la plaignante. En l'espèce, il est clair que ce sentiment de rejet a eu pour effet de l'atteindre dans son amour-propre et son intégrité psychologique.

Syndicat des professionnelles et professionnels du gouvernement du Québec (SPGQ) et Québec (Ministère des Affaires municipales et de la Métropole), (Marie-Josée Fortier), SOQUIJ AZ-50346896


En n'entreprenant aucune démarche afin de régler la situation difficile dans laquelle la plaignante se trouvait, la supérieure immédiate a engagé la responsabilité de l'employeur.

La plaignante, une thérapeute en comportement humain intervenant auprès d'une clientèle souffrant de déficience intellectuelle, soutient qu'elle a été victime de harcèlement psychologique de la part de sa supérieure immédiate et de ses collègues. Le 23 janvier 2003, elle a déposé un grief afin de contester cette situation et d'exiger que l'employeur prenne les mesures nécessaires afin d'y mettre un terme. Elle reproche à sa supérieure immédiate de n'avoir rien fait alors qu'elle lui a fait part du caractère insoutenable de la situation pendant une période de plus d'un an. Elle s'est finalement absentée pour cause de maladie (dépression majeure). Elle prétend que lors de son retour au travail, en mars 2004, personne ne lui parlait. L'employeur se défend de n'avoir rien fait en affirmant qu'il a eu recours au service d'un consultant externe ayant le mandat d'évaluer les causes du climat de travail tendu et d'émettre des recommandations. Il soutient que la situation décrite par la plaignante est liée à un problème de relations interpersonnelles et de divergences d'opinions et qu'elle ne constitue pas du harcèlement psychologique.

DÉCISION – Afin de trancher le grief, le Tribunal se réfère à la définition du « harcèlement psychologique » énoncée à l'article 81.18 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.). D'abord, l'analyse de l'ensemble de la preuve permet de conclure que les incidents et les comportements que la plaignante reproche à certains éducateurs et à sa supérieure immédiate ont été prouvés de façon prépondérante. En effet, en 2002, certains éducateurs ont adopté une attitude désobligeante et irrespectueuse à l'égard de la plaignante. Cette attitude se traduisait parfois par un refus systématique de travailler avec elle ou encore par des gestes dénigrants ou irrespectueux à son égard tels que des mimiques, des haussements d'épaules ou des mouvements d'impatience lors de ses interventions pendant des réunions d'équipe. Relativement au comportement de la supérieure immédiate, il est clair qu'elle ne pouvait ignorer les comportements irrespectueux de certains salariés à l'égard de la plaignante ainsi que la sous-utilisation de ses services par les éducateurs, d'autant moins que la plaignante lui faisait part de ses préoccupations. Elle n'a toutefois pas entrepris de démarches afin d'améliorer la situation. Au contraire, elle a agi d'une façon telle qu'elle limitait ou, à tout le moins, ne favorisait pas les relations de la plaignante avec les éducateurs lorsque des difficultés ou des divergences d'opinions survenaient. On doit conclure que la plaignante a été victime de harcèlement psychologique au travail au cours de l'année 2002. Une telle conclusion est conforme à la position de la Cour d'appel dans Habachi c. Commission des droits de la personne (C.A., 1999-09-16), SOQUIJ AZ-50067497, J.E. 99-1968, D.T.E. 99T-945, [1999] R.J.Q. 2522, selon laquelle une situation de harcèlement s'apprécie de façon objective en établissant si les gestes et les attitudes allégués sont ceux qu'une personne raisonnable ne peut désirer. Par ailleurs, il ne fait aucun doute que l'employeur n'a pas pris les mesures appropriées en temps utile pour remédier à la situation et assurer à la plaignante un climat de travail sain et exempt de harcèlement. La convention collective l'oblige à prendre des moyens afin d'assurer la santé et la sécurité des salariés. L'article 2087 du Code civil du Québec ajoute à cette obligation celle d'assurer la protection de la dignité des salariés. De plus, l'article 81.18 L.N.T. prévoit qu'il a la responsabilité d'assurer à ces derniers un milieu exempt de harcèlement psychologique. L'employeur pourra être tenu responsable des actes des salariés qui violent ces obligations. Il doit donc formuler des exigences claires concernant le respect mutuel, sur les plans tant professionnel que relationnel, et informer les salariés que les conduites vexatoires ne sont pas tolérées, sans quoi sa responsabilité sera mise en cause. En l'espèce, l'employeur connaissait bien les circonstances relatives au harcèlement que subissait la plaignante, celle-ci l'ayant informé à plusieurs reprises de la situation qu'elle vivait. Il ne peut donc invoquer son ignorance. De plus, la supérieure immédiate n'a pas entrepris de démarches sérieuses afin que cessent le dénigrement et le harcèlement à l'égard de la plaignante. Le consultant externe n'avait pas le mandat de vérifier les allégations de harcèlement de la plaignante, et son intervention n'a pas permis de régler la situation. L'inaction de l'employeur a entraîné une détérioration du climat de travail, qui, à son tour, a engendré une dégradation des conditions de travail de la plaignante et des effets néfastes sur sa vie personnelle, dont une absence de plusieurs mois pour cause de maladie résultant des difficultés éprouvées au travail. L'employeur a engagé sa responsabilité. Le Tribunal réserve sa compétence afin de déterminer les mesures de réparation, à défaut d'entente à cet égard.

Clair Foyer inc. et Syndicat régional des travailleuses et travailleurs de Clair Foyer inc. (CSN), (Marie-Hélène Dubois), SOQUIJ AZ-50338845


L'inertie du collège — qui a laissé perdurer une situation de harcèlement à l'endroit de la coordonnatrice du département de philosophie — engage sa responsabilité.

En 1995, la plaignante, professeure de philosophie et coordonnatrice du département, a signalé pour la première fois à la directrice des ressources humaines (DRH) qu'elle considérait être victime de harcèlement de la part d'un collègue. Elle n'a toutefois pas porté plainte. Les relations avec ce collègue s'étant détériorées, elle a écrit au DRH en janvier 2005 pour lui signaler la situation, sans toutefois déposer de plainte officielle. Le mois suivant, son collègue a déposé contre elle une plainte pour harcèlement, laquelle fut finalement jugée mal fondée, après enquête, en juin. Entre-temps, soit le 12 mars, la plaignante a déposé un grief alléguant la violation de la convention collective en raison du fait que l'employeur avait laissé une situation de harcèlement exister et perdurer malgré ses plaintes. L'employeur a alors fait enquête et a conclu que l'attitude du collègue, pour la période comprise entre le 15 mars et le 20 septembre 2005, correspondait à la notion de harcèlement psychologique au sens de la politique adoptée le 29 avril 2004 précédent. L'employeur a toutefois refusé de reconnaître que cette conduite existait avant le dépôt du grief et, partant, que celui-ci était fondé.

DÉCISION – La preuve ne démontre pas une violation des dispositions de la convention collective. Toutefois, les dispositions de la Loi sur les normes du travail définissant le concept de harcèlement psychologique et donnant droit, à tout salarié, à un milieu de travail exempt de harcèlement, en vigueur depuis le 1er juin 2004, font maintenant partie intégrante de la convention collective. En conséquence, à compter de cette date, toute conduite vexatoire découlant de comportements, de paroles, d'actes ou de gestes hostiles ou non désirés, portant atteinte à la dignité ou à l'intégrité de la plaignante, constituait du harcèlement psychologique et donnait ouverture à un recours par voie de grief ou autrement. L'existence d'une procédure de traitement d'une plainte relative à une situation de harcèlement prévue à la politique de l'employeur n'empêchait pas la plaignante de procéder par voie de grief. Il s'agit non seulement d'un recours que la Loi sur les normes du travail lui accorde par l’entremise de la convention collective, mais aussi d'un recours que l'employeur lui-même reconnaît dans la procédure qu'il a adoptée. Il s'agit de l'une des options offertes à la personne qui croit être exposée à du harcèlement. La plaignante n'était donc pas tenue de formuler une plainte avant de déposer un grief. Le grief constituait par lui-même une plainte et rien n'empêchait l'employeur de former un comité d'enquête pour faire la lumière sur les circonstances de l'affaire. C'est d'ailleurs ce qu'il a fait, pour finalement conclure que la plaignante avait été victime de harcèlement entre le 15 mars et le 20 septembre, refusant toutefois de reconnaître l'existence d'une pareille situation avant le 15 mars parce qu'il n'avait pas été saisi d'une plainte officielle. Il est vrai que, exception faite d'une plainte écrite en novembre 1995, la plaignante a toujours refusé ou s'est abstenue de déposer une plainte écrite, et l'écoulement du temps autorisait raisonnablement l'employeur à considérer que son droit s'éteignait périodiquement par voie de prescription ou de renonciation. Cependant, à compter du 1er juin 2004, il ne pouvait plus être fondé à croire que ses obligations envers une victime de harcèlement naissaient uniquement à compter du moment où celle-ci portait plainte officiellement. L'employeur a omis de considérer non seulement son devoir d'enquêter, mais également son obligation d'assurer à tout salarié un milieu de travail exempt de harcèlement, et il y a lieu de vérifier d'abord si la preuve démontre que la plaignante a été victime de harcèlement dans les mois précédant le grief. À cet égard, le Tribunal fait sienne l'approche jurisprudentielle voulant qu'il faille regarder la situation dans son ensemble et non prendre les mesures isolément pour conclure à l'existence ou non de harcèlement. En l'espèce, il existe suffisamment d'éléments pour conclure que la conduite vexatoire du collègue de la plaignante n'a jamais vraiment cessé depuis les premiers événements de 1995. Le but de la Loi sur les normes du travail n'est pas nécessairement de punir un coupable, mais de redresser la situation dans laquelle se trouve la personne harcelée. Dans ces conditions, il revenait à l'employeur d'adopter des mesures pour assurer un milieu de travail sain et, en outre, d'assurer l'efficacité de celles-ci et de faire le redressement nécessaire. L'employeur ne pouvait se retrancher derrière l'adoption d'une politique et d'une procédure et attendre qu'une plainte ou un grief soit déposé pour ce faire. Il savait que les relations interpersonnelles au sein du département de la plaignante étaient mauvaises et il a attendu que le collègue de la plaignante dépose une plainte et qu'ensuite cette dernière dépose un grief avant d'agir. Or, la répétition de paroles et de gestes hostiles dont la plaignante était l'objet de la part de son collègue lui permettait d'écarter l'idée qu'il s'agissait de rapports personnels temporairement difficiles. En conséquence, le reproche qui lui est adressé, soit d'avoir laissé une situation de harcèlement perdurer, est fondé. Il est donc ordonné à l'employeur de prendre les moyens appropriés et efficaces pour faire cesser la conduite vexatoire dont la plaignante a été victime et de compenser celle-ci pour les dommages et préjudices subis.

Syndicat des enseignants de Beauce-Appalaches et Collège de Beauce-Appalaches (Claire Nadeau), SOQUIJ AZ-50389480


La plaignante, une infirmière, n'a pas fait l'objet de harcèlement de la part de sa supérieure; le fait qu'elle ait été traitée différemment de ses collègues est parfaitement compréhensible compte tenu de son comportement déviant et de son attitude de défi.

La plaignante est infirmière. En mars 2000, elle a déposé un grief à l'encontre du harcèlement qui lui était infligé. Les faits à l'origine du grief ont pris naissance lors de la fusion des services d'endoscopie des deux pavillons d'un centre hospitalier. Après le regroupement des deux services dans un même lieu, un climat de tension s'est installé entre la plaignante, ses collègues et sa supérieure. La situation s'est dégradée au cours des mois suivants en ce qui concerne la plaignante pour culminer à la fin de 1999 et au début de 2000 en une série de plaintes formulées par ses collègues, une évaluation de rendement négative, deux avis disciplinaires et une suspension de deux jours. Les parties conviennent que les règles de droit applicables en l'occurrence sont celles contenues à l'article 81.18 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.), dont l'introduction en 2004 a cristallisé l'état du droit en matière de harcèlement psychologique. Le syndicat allègue essentiellement que la plaignante a été l'objet de l'hostilité de sa supérieure immédiate, qui l'a traitée différemment des autres infirmières et qui a refusé d'établir une communication véritable avec elle. Il prétend que l'évaluation dont elle a fait l'objet constitue une mesure disciplinaire déguisée et un abus de pouvoir puisque sa supérieure ne lui a pas donné la chance de fournir sa version concernant les incidents rapportés par certaines infirmières.

DÉCISION – Le concept de harcèlement psychologique, défini au premier alinéa de l'article 81.18 L.N.T., vise essentiellement une manière d'agir ou un comportement inapproprié qui entraîne des conséquences préjudiciables. Cette définition se compose de cinq éléments : 1) une conduite vexatoire 2) qui se manifeste de façon répétitive, 3) de manière hostile ou non désirée, 4) portant atteinte à la dignité ou à l'intégrité du salarié et 5) entraînant un milieu de travail néfaste. En cette matière, le Tribunal se doit d'apprécier les faits dans une perspective globale, à partir du point de vue objectif de la victime présumée, c'est-à-dire en se référant au critère de la personne raisonnable, normalement diligente et prudente, placée dans les mêmes circonstances que la victime présumée. Il n'est pas pertinent de s'interroger sur l'intention malicieuse du harceleur. Si une telle preuve n'est pas requise, c'est parce que le législateur n'a pas voulu punir le coupable mais redresser la situation, tout comme en matière de discrimination. Or, seul l'employeur est en mesure de réaliser ce redressement. Ainsi, la responsabilité de l'employeur est objectivement engagée dès qu'un cadre ou un salarié sous sa direction s'adonne à une forme de harcèlement répondant à la définition présentée à l'article 81.18 L.N.T., et ce, indépendamment de l'intention malveillante de l'agent harceleur. Par ailleurs, le harcèlement psychologique doit être distingué des situations problématiques associées aux rapports sociaux conflictuels et aux phénomènes de victimisation ou de personnalité paranoïde. En ce qui a trait plus particulièrement au conflit de personnalités, le harcèlement n'apparaîtra que si l'un des belligérants adopte une conduite vexatoire répétée et hostile mettant en cause l'intégrité et la dignité ainsi que le milieu de travail de l'autre. Quant au phénomène de victimisation, il se reconnaît au manque de gravité ou à l'exagération de la conduite vexatoire dénoncée, à l'absence d'hostilité réelle du harceleur présumé et à l'absence de volonté du dénonciateur de trouver une solution à la situation. Par ailleurs, l'exercice des droits de la direction ne constitue un abus que si l'employeur agit de manière déraisonnable; cet abus ne peut être assimilé à du harcèlement que s'il remplit les critères essentiels de la définition retenue par le législateur.

En l'espèce, une preuve particulièrement convaincante établit que, durant toute la période en litige, la plaignante a adopté un comportement agressif, intransigeant, autoritaire et irrespectueux à l'endroit de sa supérieure, des personnes-ressources qui secondaient celle-ci et des autres infirmières de l'équipe. La plaignante et l'une de ses collègues ont mal réagi à l'accroissement de la charge de travail découlant de la fusion et à la perte de certains privilèges dont elles bénéficiaient auparavant, telles une banque d'heures supplémentaires et l'absence de supervision directe. Tandis que sa collègue a finalement accepté la situation après une période d'adaptation et des discussions avec sa supérieure, la plaignante a fait montre d'une attitude hostile envers cette dernière en contestant sans motif légitime son droit de superviser son travail ainsi que celui de toute l'équipe. Elle s'est mise en situation d'insubordination, ce qu'une personne raisonnable et normalement diligente, placée dans les mêmes circonstances, n'aurait certainement pas fait. Parallèlement, elle a refusé de coopérer avec les autres membres de l'équipe, et ce, de manière agressive et hostile, ce qui a mené à plusieurs incidents avec ses collègues. Elle a tout fait pour s'isoler et a découragé quiconque tentait d'établir un dialogue avec elle, et principalement sa supérieure, dont elle a rejeté cavalièrement toutes les demandes de rencontre ou d'échange afin de trouver un terrain d'entente. Le fait qu'elle ait été traitée différemment des autres infirmières est parfaitement compréhensible compte tenu de son comportement déviant et de son attitude de défi. En ce qui concerne les incidents rapportés dans l'évaluation de janvier 2000, ses tentatives d'explication ne font pas le poids face aux témoignages concordants et dénués d'intérêt des autres infirmières concernant son attitude. D'autre part, l'évaluation de la plaignante était tout à fait justifiée, raisonnable et bien fondée. La preuve a aussi mis en lumière qu'elle a refusé de prendre connaissance du contenu de son évaluation et a même menacé sa supérieure de poursuite au civil. En définitive, il ne s'agit aucunement d'un cas de harcèlement ni même d'un conflit de personnalités; si conduite vexatoire et hostile il y a eu, la plaignante en a été l'unique instigatrice. Elle a choisi de se poser en victime alors que c'est sa conduite qui était inacceptable.

Centre hospitalier régional de Trois-Rivières (Pavillon St-Joseph) et Syndicat professionnel des infirmières et infirmiers de Trois-Rivières (Syndicat des infirmières et infirmiers Mauricie—Coeur-du-Québec), (Lisette Gauthier), SOQUIJ AZ-50350462


L'employeur — une municipalité — n'a pas satisfait à son obligation de fournir au plaignant — un électricien — un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique.

Les 3 août et 10 novembre 2004, le syndicat a déposé deux griefs alléguant que le plaignant, un électricien, était victime de harcèlement de la part de son contremaître. Les six incidents à l'origine des griefs sont les suivants : 1) Le 20 février 2004, il a été réprimandé pour avoir tardé à effectuer une tâche demandée par son contremaître. À cette occasion, ce dernier s'est mis en colère contre lui, criant et blasphémant. 2) Le 8 juin suivant, le contremaître lui a demandé trois fois, avec autorité, de mettre un terme à sa pause. Une réprimande écrite pour insubordination a été déposée à son dossier. 3) Le 11 octobre, le contremaître lui a demandé avec insistance s'il avait déposé un grief contre lui. 4) Le 12 octobre, vers 8 h, le plaignant a subi la colère du contremaître en raison d'un retard dans l'exécution d'une tâche. 5) Le même jour, vers 14 h, le contremaître s'est fâché à la suite d'une décision du plaignant de laisser une pièce d'équipement dans le garage. Ce dernier n'était cependant pas présent lors de cet incident. 6) Le 12 octobre, vers 15 h, le contremaître a fait usage de violence verbale à l'endroit du plaignant après avoir constaté qu'il avait installé une nouvelle entrée électrique à un endroit non réglementaire. Tout en admettant son erreur, il a essayé de calmer son supérieur, en vain. Lorsqu'il a tenté de quitter les lieux, le contremaître a lancé un cri, lui ordonnant de revenir. Le plaignant affirme qu'il était alors « dans un état de stress extrême ». L'employeur soutient que les faits reprochés ne constituent pas du harcèlement, mais l'exercice normal des droits de la direction.

DÉCISION – En vertu de l'article 81.20 de la Loi sur les normes du travail (L.N.T.), les dispositions des articles 81.18 et 81.19 L.N.T. sont réputées faire partie intégrante de toute convention collective. L'article 81.18 L.N.T. définit le harcèlement psychologique au travail comme « une conduite vexatoire se manifestant soit par des comportements, des paroles, des actes ou des gestes répétés, qui sont hostiles ou non désirés, laquelle porte atteinte à la dignité ou à l'intégrité psychologique ou physique du salarié et qui entraîne, pour celui-ci, un milieu de travail néfaste ». Il y est en outre mentionné qu'une seule conduite grave peut aussi constituer du harcèlement psychologique si elle porte une telle atteinte et si elle produit un effet nocif continu pour le salarié. Par ailleurs, ni la convention collective ni la loi précitée ne confèrent à un salarié le droit de refuser de travailler au motif de harcèlement psychologique. Par contre, il peut refuser si le harcèlement psychologique constitue un danger pour sa santé, sa sécurité ou son intégrité physique ou psychologique, à l'instar du droit de refus prévu à l'article 12 de la Loi sur la santé et la sécurité du travail. Hormis ces cas, un salarié doit respecter la règle selon laquelle il faut « obéir d'abord, se plaindre ensuite » et accomplir la prestation de travail convenue même si l'exercice des droits de direction est empreint de harcèlement psychologique. D'autre part, la définition contenue à l'article 81.18 L.N.T. est restrictive, limitant la portée du concept de harcèlement psychologique uniquement à ce qui y est exprimé.

En l'espèce, la réprimande adressée au plaignant lors du premier incident n'était pas justifiée puisqu'il avait un motif suffisant pour expliquer son retard. Lorsque le contremaître est sorti de ses gonds, il a outrepassé l'exercice normal de ses fonctions de direction. Le plaignant n'a toutefois pas démontré que cette conduite était de nature à l'empêcher de fournir la prestation de travail demandée. Bien que grave, la conduite du contremaître n'a pas produit un effet nocif continu sur le plaignant. Par contre, la répétition d'une telle conduite pourra constituer du harcèlement psychologique. Le deuxième incident ne constituait pas du harcèlement psychologique. Lorsque le contremaître a demandé au plaignant de mettre fin immédiatement à sa pause, il n'a tenu aucun propos qui aurait pu le heurter. Il a exercé son pouvoir de direction de façon normale et le ton ferme utilisé ne peut être qualifié de vexatoire. D'autre part, la preuve ne permet pas de conclure que, lors du troisième incident, le plaignant a été privé de son droit à un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique. Lors du quatrième incident, le contremaître a abusé de son pouvoir de direction et a créé un climat de travail néfaste à l'égard du plaignant. Cette conduite n'a toutefois pas produit un effet nocif pour ce dernier. Pris isolément, cet incident n'équivaut pas à du harcèlement psychologique. Quant au cinquième incident, le plaignant ne peut se constituer victime de harcèlement psychologique par substitution de personne. Le recours en redressement d'un salarié se limite aux événements dont il est victime personnellement ou par incidence nécessaire. Enfin, en ce qui a trait au sixième incident, le contremaître a exercé son pouvoir de direction de façon anormale. Il s'agit de la répétition de la conduite tenue lors du premier incident. Par la suite, le plaignant a dû s'absenter deux mois à cause de problèmes psychologiques. Il est clair que les propos du contremaître lors du sixième incident ont eu un effet nocif continu à son égard. Par conséquent, la preuve a démontré de façon prépondérante que le droit du plaignant à un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique a été enfreint à une occasion, soit le 12 octobre 2004. Conformément à la demande des parties, l'arbitre réserve sa compétence afin de décider des mesures de réparation, le cas échéant.

Syndicat canadien de la fonction publique, section locale 2915 (SCFP) et Baie-Comeau (Ville de), (Bobby Lévesque), SOQUIJ AZ-55000028

 

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Me Monique Desrosiers
, coordonnatrice, Secteur droit du travail et droit social, Direction de l’information juridique à la Société québécoise d’information juridique (SOQUIJ)

Source : VigieRT, numéro 11, octobre 2006.

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