Vous lisez : Une politique pour en finir avec l’absentéisme

Perte de productivité, retard dans la production, frais de remplacement… L'absentéisme coûte des milliards de dollars chaque année aux entreprises canadiennes et québécoises. Plusieurs ont choisi d'aborder de front ce problème et se sont munies d'une politique de gestion de l'absentéisme. Et ça marche, à condition bien entendu de respecter certaines règles. Suivez le guide!

Johanne Potvin est conseillère principale et responsable de l'unité de gestion des absences au Groupe Conseil Aon. Chaque année, elle aide de nouvelles entreprises à se doter de mécanismes et d'outils susceptibles de favoriser la présence au travail. La politique de gestion de l'absentéisme figure, selon elle, au nombre des outils le plus fréquemment utilisés par les gestionnaires pour atteindre leur but.

Concrètement, au cours des dernières années, un nombre grandissant d'organisations tant publiques que privées ont effectivement fait le choix de se doter d'un cadre de gestion de l'absentéisme. Dans le réseau de la santé et des services sociaux, par exemple, la quasi-totalité des établissements peuvent désormais compter sur une mesure du genre. Devant le taux effarant d'absences pour épuisement notamment, les directions d'établissement de santé ont été forcées d'agir. En effet, elles n'avaient plus affaire à de simples cas isolés; le problème était devenu endémique. Or, du point de vue de Claude Le Corre, CRIA, associé chez Le Corre & Associés, un cabinet d'avocats spécialisés en droit du travail, « une politique présente l'avantage de viser tous les aspects de l'absentéisme, que ce soit les cas uniques jugés problématiques ou les problèmes plus généralisés ».

Avant d'espérer couvrir un aussi large spectre et en tirer des bénéfices, l'entreprise préoccupée par l'absentéisme doit cependant se poser certaines questions, selon Johanne Potvin. « Une politique vient confirmer l'engagement de la direction. C'est la mise en application d'une philosophie de gestion. Avant d'aller vers cela, il faut donc se demander jusqu'où on veut aller, si on prêt à mettre tout le monde à contribution et surtout, à désigner quelqu'un pour la gérer, quelqu'un qui y mettra du temps et de l'énergie. C'est fondamental. »

Le plus souvent, c'est un représentant du service des ressources humaines ou du service de santé et sécurité du travail de l'entreprise qui est responsable de l'application de la politique. C'est aussi lui qui collabore généralement à son élaboration avec la direction.

Une politique et des procédures claires
Bien que très souvent rédigée par des spécialistes, du point de vue de Claude Le Corre, « une bonne politique doit cependant être simple, claire et concise ». Une vision des choses à laquelle Johanne Potvin adhère entièrement. En fait, à son avis, une politique efficace comporte au maximum deux ou trois pages. « Trop souvent, dit-elle, les gens produisent une véritable brique que personne ne prend le temps de lire. C'est contreproductif, parce qu'une politique qui n'est pas connue et qui n'est pas lue ne vaut rien. »

Chaque fois qu'elle doit assister une entreprise dans la rédaction d'une politique, Johanne Potvin conseille donc aux responsables de se limiter à l'essentiel. « En lisant la politique, les employés doivent comprendre les grands principes qui commandent la politique, les objectifs de sa mise en place et surtout les rôles et responsabilités de chacun, employés, syndicats, gestionnaires opérationnels, etc.

Le reste, ce qu'il faut faire en cas d'absence et les mesures d'accommodement possibles lors du retour du travail par exemple, ce sont des détails techniques qui peuvent très bien être résumés et réunis dans un autre document de procédures techniques que les gens consulteront en cas de besoin seulement. En premier lieu, ce qui compte, c'est que tout le monde sache que l'entreprise se préoccupe vraiment de la gestion de l'absentéisme et que chacun a en ce sens certaines responsabilités, ne serait-ce que d'aviser son supérieur dans les meilleurs délais lorsqu'il s'absente. »

Les mesures de retour du travail doivent aussi figurer à la fois dans la politique et dans les procédures techniques. « Il ne s'agit pas, précise la conseillère du Groupe Conseil Aon, de ne parler que d'absentéisme. Il faut aussi prendre les choses sous un angle positif et parler de la gestion de la présence ou de la réintégration au travail. Il faut non seulement dire que la présence est favorisée, mais aussi prévoir quoi faire pour réintégrer l'employé et comment le faire. »

Appelé à intervenir dans certains dossiers problématiques de gestion de l'absentéisme, Claude Le Corre insiste pour sa part sur la rédaction de procédures claires et encadrantes. « Pour qu'elles donnent quelque chose, les procédures rattachées à une politique de gestion de l'absentéisme doivent être encadrantes et personnalisées. En ce sens, elles doivent être sous la responsabilité d'une personne en position d'autorité. Si une politique prévoit que je dois prévenir en cas d'absence et que je peux laisser un message dans la boîte vocale ou parler à l'un de mes collègues, ce n'est pas très contraignant. Si je dois par contre en aviser mon supérieur immédiat, c'est autre chose. Les règles doivent être claires, écrites dans des mots simples et significatives pour les employés. Par exemple, si c'est ce qui est souhaitable, il ne faut pas hésiter à écrire que: Un salarié qui manquera plus de trois jours consécutifs de travail sera obligé de fournir un certificat médical dès son retour. Dans ce cas, tout est dit. Le nombre limite de jours d'absence et l'obligation précise. Personne ne peut prétendre ne pas comprendre. »

Communication et cohérence
Pour favoriser la compréhension de la politique, Johanne Potvin suggère également que l'on accorde une certaine importance à sa diffusion. « Une politique, ce n'est pas seulement du papier. Il faut la communiquer, en faire la présentation aux employés et s'assurer que tout le monde en connaît les fondements. »

À titre d'exemple, Claude Le Corre encourage les séances d'information qui amènent l'employé à prendre connaissance du problème et à comprendre les coûts et les conséquences de l'absentéisme. « Quand il s'absente, quelqu'un en paie nécessairement le prix, que ce soit l'employeur ou ses collègues de travail qui doivent assumer une partie de sa tâche. Les gens n'en sont pas toujours conscients. Quand ils le réalisent, ça les aide à accepter l'instauration de la politique. »

Plus encore, il faut, selon lui, s'assurer de pouvoir compter sur le soutien des gestionnaires de premier niveau. « Si les superviseurs ou ceux qui sont en contact direct avec les employés ne croient pas à la politique, ils ne l'appliqueront pas et rien ne pourra changer. Ce sont eux qui peuvent faire sentir l'importance de la politique et lui donner une certaine crédibilité. »

Dans un même ordre d'idées, Johanne Potvin encourage les dirigeants d'entreprise à poser des questions. « Si on adopte une politique sur l'absentéisme et que jamais plus on n'en reparle, les gens ne lui accorderont pas une grande importance. À l'inverse, si les gestionnaires opérationnels se font poser des questions par la direction sur les résultats obtenus concernant cette politique, ils vont comprendre que c'est une priorité et qu'ils doivent en tenir compte. »

Pas question non plus de laisser le document inchangé pendant des années. L'environnement de l'entreprise change? On procède à une fusion, à une acquisition? Voilà autant de raisons de réécrire la politique ou, à tout le moins, les procédures. Malheureusement, soutient la conseillère du Groupe Conseil Aon, « très peu d'entreprises pensent à faire des mises à jour et beaucoup de politiques sont désuètes ».

Quant aux résultats obtenus, selon les spécialistes interrogés, ils varient beaucoup d'une entreprise à l'autre. Chose certaine, selon Johanne Potvin, « la mise en place d'une politique permet d'uniformiser les interventions en matière d'absentéisme, surtout en ce qui a trait aux absences occasionnelles. Sans politique, la gestion est un peu laissée au bon vouloir du superviseur. La politique vient encadrer tout ça et éviter l'iniquité entre les employés. Ça clarifie les choses. »

Éléments à inclure dans la politique

  • Les grands principes
  • Les objectifs visés
  • Les rôles et responsabilités de chacun
  • Employés
  • Gestionnaires ou superviseurs
  • Syndicats
  • Etc.
Éléments à inclure dans les procédures
  • Les limites de chaque situation (ex.: nombre de jours d'absence)
  • Les gestes à poser (ex.: téléphoner au supérieur immédiat)
  • Les formulaires à remplir
  • Les mesures de retour au travail
Les pièges à éviter
  • Rédiger une politique trop volumineuse, que personne ne lira.
  • Faire abstraction des mesures de retour au travail.
  • Adopter une politique et négliger d'en faire la promotion.
  • Oublier de nommer une personne responsable de l'application de la politique.
  • Négliger de mettre périodiquement à jour la politique et les procédures qui y sont rattachées.
Pour aller plus loin
  • Il existe certains ouvrages sur la gestion de l'absentéisme ou sur la rédaction de politiques d'entreprise. Ils sont susceptibles d'aider quiconque s'intéresse à ces questions. Ce sont :
    • La gestion pratique de l'absentéisme, tout ce que l'employeur doit savoir par Claude Le Corre, Françis Demers et Gilles Dulude, Le Corre et Associés et Les Éditions Yvon Blais, Montréal, 2000.
    • Manuel d'employés et politiques d'entreprise : tout ce que l'employeur doit savoir par Isabelle Lauzon et Linda Bernier, Le Corre et Associés et Les Éditions Yvon Blais, Montréal, 2004.
Vous pouvez vous procurer ces livres dans la boutique du Portail-RHRI
à l'adresse suivante : http://www.orhri.org/boutique.

Claude Le Corre partage le même point de vue. « Les résultats obtenus avec une politique varient en fonction de la situation rencontrée au départ dans l'entreprise. Ce qui est certain par contre, c'est qu'une politique de gestion de l'absentéisme, lorsqu'elle est connue et réellement respectée, permet d'éviter que le problème se répande et finisse par toucher même les employés jugés exemplaires en matière de présence au travail. À l'inverse, si on peut s'absenter sans jamais devoir rendre de comptes à qui que ce soit, sans subir de conséquences, les gens qui sont assidus en viennent à se poser des questions et à se démotiver. C'est majeur dans une organisation. »

Guylaine Boucher, journaliste indépendante

Source : Effectif, volume 8, numéro 1, janvier/février/mars 2005

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