Certaines entreprises, dans les secteurs tant public que privé, adoptent des programmes ou des pratiques de reconnaissance en vertu desquels un ensemble de rétributions – autres que celles liées à la rémunération (salaires, primes, actions, etc.) – peuvent être accordées aux employés, entre autres des mentions honorifiques, des remerciements ou des prix.
Au cours des dernières années, les programmes de reconnaissance ont évolué, passant du « merci » informel exprimé lors d’une réunion et de la remise d’une montre en or en reconnaissance d’un certain nombre d’années de service à un éventail plus large de récompenses attribuées en fonction d’un programme officiel (objectifs et critères écrits), en fonction d’un budget prédéterminé.
Fréquence et caractéristiques des pratiques de reconnaissance
Aux États-Unis, un sondage mené en 2002 auprès des sociétés membres du Fortune 1000 (Lawler, 2003) montre que 96 % d’entre elles ont mis en place des programmes de reconnaissance non pécuniaire et que, dans 25 % de ces sociétés, la totalité du personnel y est admissible. Par ailleurs, une autre étude faite parMercer Human Resource Consulting en 2005 montre que 38 % des organisations répondantes comptent investir davantage qu’elles le font actuellement dans leurs pratiques de reconnaissance non pécuniaires au cours de la prochaine année.
Comme l’indique le schéma 1, une étude menée conjointement par WorldatWork et la National Association for Employee Recognition révèle qu’en 2003, 87 % des 413 grandes sociétés participantes avaient un programme de reconnaissance. Les objectifs les plus fréquemment poursuivis avec ces programmes sont : créer un environnement de travail positif, créer une culture de reconnaissance, motiver les employés à améliorer leur rendement, promouvoir l’adoption de certains comportements et améliorer le climat de travail. La plupart de ces programmes visent à reconnaître soit l’ancienneté, soit le rendement supérieur ou exceptionnel. De plus, pour évaluer le succès de ces programmes, les employeurs s’appuient surtout sur les enquêtes de satisfaction ainsi que sur le nombre de lauréats, de nominations ou de prix accordés. Finalement, toujours selon cette enquête, il semble que 71 % des sociétés allouent au programme officiel de reconnaissance un budget moyen équivalent à 2 % de la masse salariale annuelle, de manière à couvrir le coût des récompenses et les coûts de gestion du programme (incluant la communication et la formation des cadres).
Schéma 1 : Résultats d’une enquête sur les programmes de reconnaissance (N = 413 grandes organisations établies aux États-Unis) |
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Finalement, le schéma 2 résume les résultats d’une enquête canadienne menée par la société Mercer Consultation en ressources humaines en 2004. On peut constater que les deux contributions les plus reconnues – les années de service et l’excellence du rendement – le sont surtout sous forme de récompenses «autres qu’en espèces» comme des chèques-cadeaux (livres, musique), des cadeaux (bijoux, reproductions, vêtements), des certificats de reconnaissance, des plaques et des trophées.
Schéma 2 – Nature des programmes de reconnaissance et types de récompenses accordées : résultats d’une enquête canadienne |
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A) PROGRAMMES DE RECONNAISSANCE | ||||
Récompense versée sous forme pécuniaire (en espèces) |
Récompense versée sous forme pécuniaire (non en espèces) |
Prime versée sous forme pécuniaire et non pécuniaire |
Pas de programme |
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Types de programme de reconnaissance (N=187) | % de l’échantillon | % de l’échantillon | % de l’échantillon | % de l’échantillon |
Reconnaissance des années de service | 4,8 | 76,7 | 11,6 | 6,9 |
Prix d’excellence | 11,6 | 28,0 | 16,4 | 43,9 |
Reconnaissance de la carrière | 3,2 | 18,5 | 7,9 | 70,4 |
Prix liés à la santé et sécurité | 0,0 | 18,0 | 1,6 | 80,4 |
Reconnaissance des réalisations personnelles | 4,2 | 7,4 | 5,3 | 83,1 |
Programme de type « Employé du mois » | 3,2 | 6,9 | 3,7 | 86,2 |
Prix d’assiduité | 2,6 | 6,3 | 0,5 | 90,5 |
Autres | 2,1 | 6,3 | 1,1 | 90,5 |
B) IMPORTANCE DES RÉCOMPENSES VERSÉES SOUS FORME NON PÉCUNIAIRE | ||||
Fréquence | ||||
Type de récompense (N=189) | % de l’échantillon | N | Moyenne | |
Chèques-cadeaux (livres, musique) | 93,1 | 27 | 115 $ | |
Cadeaux (bijoux, reproductions, vêtements) | 63,5 | 40 | 178 $ | |
Certificats de reconnaissance | 60,8 | – | – | |
Plaques et trophées | 51,3 | – | – | |
Chèques-cadeaux dans des restaurants | 25,9 | 31 | 75 $ | |
Laissez-passer dans les cinémas | 22,8 | – | – | |
Congés payés | 19,0 | 8 | 1,1 jour | |
Rabais sur les produits de l’entreprise | 13,2 | 15 | 38,3 % | |
Produits de l’entreprise donnés en cadeau | 11,6 | 10 | 195 $ | |
Attribution de mandats ou de projets intéressants | 11,1 | – | – | |
Horaires de travail plus flexibles | 3,2 | – | – | |
Autres | 6,9 | – | – | |
Source : Mercer Consultation en ressources humaines. Enquête sur les politiques et méthodes, 2004, p. 11 et 12. Traduction libre. |
Atouts et efficacité des pratiques de reconnaissance
En comparaison avec les régimes individuels et collectifs de rémunération variable, les programmes de reconnaissance comportent les atouts suivants :
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ils entraînent moins de coûts; -
ils sont plus flexibles, c’est-à-dire plus faciles à mettre en place, à modifier et à abandonner; -
ils peuvent être plus personnalisés;
Selon une étude de Gostick en 2003, les sociétés qui ont mis en place des programmes de reconnaissance obtiennent un rendement médian deux fois plus élevé pour leurs actionnaires que celles qui n’en ont pas. Au Québec, une étude (Rousseau, 2003) menée en 2001 auprès de 312 sociétés comptant plus de deux cents employés révèle que, dans les sociétés qui accordent plus fréquemment des récompenses, le climat de travail est meilleur et le chiffre d’affaires est plus élevé.
Toutefois, l’efficacité d’un programme de rémunération variable ou de reconnaissance s’évalue en fonction de la réalisation de l’objectif visé. En effet, les pratiques de reconnaissance sont des outils d’information et de rétroaction qui peuvent être utilisées à plusieurs fins : motiver les employés, les attirer et les fidéliser, soutenir la stratégie d’affaires ou un changement organisationnel, communiquer des valeurs et renforcer une culture, bonifier un régime de rémunération, faciliter la transition éventuelle à un régime collectif de rémunération variable, reconnaître les rendements exceptionnels, reconnaître les suggestions, réduire l’absentéisme, soutenir une culture ou des valeurs particulières, etc. Ainsi, il est important que la société se demande quel problème elle veut résoudre ou encore quels objectifs les programmes de reconnaissance lui permettront d’atteindre. Veut-elle promouvoir le travail d’équipe, reconnaître les heures supplémentaires, diminuer l’absentéisme, attirer et fidéliser le personnel, faire adopter de nouvelles valeurs ou de nouvelles façons de faire, bonifier la rémunération, préparer la transition éventuelle vers un régime collectif de rémunération variable, reconnaître les rendements exceptionnels et les suggestions pertinentes? Une enquête montre d’ailleurs que, lorsqu’on leur demande : « Comment reconnaissez-vous et récompensez-vous vos employés ayant le meilleur rendement (top performers)? », les employeurs disent recourir principalement aux récompenses non pécuniaires (72 %) et aux primes financières ponctuelles (53 %).
Conditions de succès des pratiques de reconnaissance
L’expérience et les études semblent montrer que les programmes de reconnaissance peuvent être autant des catalyseurs du développement que des obstacles à celui-ci. En somme, l’approche axée sur la reconnaissance n’est pas une panacée; elle peut même engendrer des problèmes sérieux si elle est mal gérée. Un des principaux problèmes que comporte la reconnaissance non pécuniaire est qu’on n’est pas toujours convaincu qu’elle a de l’importance aux yeux des employés ni qu’elle doit être gérée avec rigueur. Au Canada, une étude du Conference Board (2006) démontre qu’améliorer l’efficacité des programmes de reconnaissance des employés constituera une priorité au cours des trois à cinq prochaines années (huitième sur douze priorités en gestion de la rémunération).
Une étude longitudinale (Wilson, 1995) menée auprès de seize entreprises américaines récipiendaires d’un prix de qualité (Malcolm Baldridge National Quality Award) indique que ces dernières ont toutes adopté des moyens de reconnaître la contribution des employés qui respectent leur culture et leurs valeurs de gestion ainsi que leurs objectifs d’affaires. Toutes ces sociétés ont élaboré des moyens variés de souligner et de récompenser les réalisations individuelles et collectives. La plupart d’entre elles mènent des sondages annuels auprès de leurs employés pour évaluer l’efficacité de leurs programmes de récompenses et de rémunération et pour s’assurer qu’ils continuent à répondre aux besoins. Finalement, les dirigeants de ces sociétés prennent le temps de communiquer et d’expliquer leurs pratiques de récompenses et l’évolution des affaires par différents moyens (vidéos, manuels, groupes de discussion, journaux d’entreprise, etc.). Les principales conditions de succès susceptibles d’optimiser les avantages des pratiques de reconnaissance peuvent être résumées comme suit.
- Accorder des modes ou des formes de reconnaissance :
- qui sont appréciés par les employés et qui répondent à leurs besoins;
- qui permettent d’accorder rapidement et fréquemment les récompenses;
- dont la valeur est proportionnelle aux réalisations;
- variés (prix, repas, diplômes honorifiques, primes, etc.) et gérés de manière cohérente;
- attribués de manière équitable, avec parcimonie, sincérité et respect;
- accordés pour récompenser des réalisations, c’est-à-dire des résultats obtenus ou des comportements;
- utilisés pour reconnaître divers types de rendement (individuel, d’équipe et collectif);
- adéquats d’un point de vue fiscal.
En conclusion, il est important de rappeler qu’une véritable culture de reconnaissance est l’affaire de tous. En effet, diverses personnes – tant les supérieurs immédiats, les collègues, les subalternes, les clients internes et externes que les dirigeants – devraient exprimer de la reconnaissance par des moyens officiels et non officiels et tant sur une base continue que ponctuelle. Comme à l’égard de tout autre changement à apporter, il faut d’abord et avant tout que ceux qui sont en position d’autorité agissent comme modèles et prêchent par l’exemple.
Sylvie St-Onge, Ph.D., CRHA, conseillère principale, Mercer consultation en ressources humaines
Source : Effectif, volume 9, numéro 4, septembre/octobre 2006
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Lawler III, E.E. « Pay practices in Fortune 1000 Corporations »,WorldatWork Journal, vol. 2, n° 4, 2003, p. 45-54.
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Rousseau, C. Les pratiques de reconnaissance du rendement au sein des organisations du Québec : profil, déterminants et impacts, mémoire de maîtrise, HEC Montréal, 2003.
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St-Onge, S., M. Audet, V.Haines et A. Petit. Relever les défis de la gestion des ressources humaines, Gaetan Morin/La Chenelière, 2004.
St-Onge, S. et R. Thériault. La gestion de la rémunération : théorie et pratique, Gaetan Morin/La Chenelière éditeur, 2006.
Wilson, S.Y. « Effectively recognizing and rewarding employees: Lessons form Malcolm Baldridge National Quality Award winners », ACA Journal, vol. 4, n° 2, 1995, p. 36-47.
WILSON, T.B. Rewards that Drive High Performance: Success Stories from Leading Organizations, Amacon et American Compensation Association, 1999.