Tous sont pour la vertu et l'idée d'un milieu de travail exempt de harcèlement psychologique n'est pas pour déplaire. L'expérience européenne nous a cependant appris que, sans limite, un régime de protection des salariés peut mener à l'abus, et ce, au détriment de tous, incluant les vraies victimes qui voient le système s'embourber sous le nombre. Nous croyons que la loi aurait eu avantage à prévoir explicitement un « ticket modérateur », tel le paiement des frais et dépens lors de cas d'abus de procédure. En ce sens, l'employé qui dépose une plainte assurerait la Commission des normes du travail du sérieux de ses intentions.
D'autre part, nous croyons que les enquêtes et les recours de la Commission de la santé et de la sécurité du travail et de la Commission des normes du travail ne devraient pas pouvoir être menés de front comme c'est présentement permis. Bien qu'on puisse comprendre qu'il y a certaines distinctions entre les questions auxquelles doivent répondre les deux juridictions, nous croyons toujours qu'il serait possible que le recours devant la Commission des relations du travail soit suspendu en attendant le résultat de celui qui a été fait à la Commission des lésions professionnelles. Il est lourd pour un employeur de devoir traiter avec un enquêteur et, par la suite, avec tout le processus mis en place par la Commission des normes du travail et la Commission des relations du travail, tout en traitant aussi avec un agent de la Commission de la santé et de la sécurité du travail. N'y aurait-il pas lieu, pour l'employeur, de pouvoir s'objecter à la juridiction de la Commission des relations du travail jusqu'à la décision finale de la Commission des lésions professionnelles?
Dans un autre ordre d'idées, la loi, selon nous, n'aurait pas dû ouvrir toute grande la porte à des situations de harcèlement sans intention par l'utilisation des mots « hostiles ou non désirés » à la définition. En effet, même si une mauvaise gestion sans intention malveillante peut donner lieu à une conclusion de congédiement déguisé en vertu de l'article 124 de la Loi sur les normes du travail pour un employé depuis plus de deux ans, elle ne devrait pas donner aussi accès, quant à nous, à ce recours pour harcèlement dans un cas de gestion déficiente. Autrement, ce nouveau recours risque de devenir un « fourre-tout » et, dans certains cas, fera double emploi avec la plainte pour congédiement sans cause juste et suffisante.
La loi ou le règlement auraient dû prévoir de façon claire le droit pour l'employeur d'avoir accès à la plainte écrite du salarié. À l'heure actuelle et suivant la position défendue par la Commission des normes du travail, en l'absence d'autres précisions législatives, l'employeur n'aura pas accès à la plainte écrite déposée par le salarié. Ce faisant, nous croyons que la Commission s'arroge indûment un droit exclusif à tous les détails de l'enquête puisque, évidemment, à la suite de l'enquête, ses procureurs auront accès à toute l'information au détriment de l'employeur et de son droit à une défense pleine et entière. Finalement, en l'absence de limite, le résultat de cette enquête pourra aussi être utilisé par la Commission des normes du travail dans la préparation du dossier de plainte en vertu de l'article 124 de la Loi sur les normes du travail, bien qu'un droit à une telle enquête n'y soit pas prévu.
Jacques Provencher, CRIA, avocat chez Les avocats Le Corre et Associés
Il est co-auteur de l'ouvrage Le harcèlement psychologique : tout ce que l'employeur doit savoir
Source : VigieRT, numéro 1, septembre 2005.