Vous lisez : Un environnement de travail sans fumée

En 1998, la Loi sur le tabac[1] a été adoptée par l’Assemblée nationale du Québec et avait le double effet de stimuler la réduction du tabagisme et de protéger la population contre les dangers de l'exposition à la fumée de tabac dans l'environnement.

Or, le 17 juin 2005, le gouvernement québécois a sanctionné la Loi modifiant la Loi sur le tabac et d’autres dispositions législatives[2] dont la plupart des dispositions sont entrées en vigueur le 31 mai 2006. Ces modifications couvrent trois volets : l’usage du tabac dans les endroits publics, la vente de tabac ainsi que la promotion et la publicité relatives à ces produits.

Les principales modifications applicables au milieu de travail

  • En plus d’être interdit de fumer dans les milieux de travail, à l’exception de ceux situés dans une demeure[3], il est maintenant interdit de fumer dans les véhicules transportant deux personnes ou plus qui sont obligatoirement utilisés dans le cadre d’un travail.[4]
     
  • De plus, il est maintenant interdit de fumer dans un rayon de neuf mètres de certains locaux, bâtiments ou installations[5]. Cette interdiction ne s’applique pas à tous les milieux de travail, mais uniquement aux endroits suivants :
     
    • les installations maintenues par un établissement de santé et de services sociaux visé par la Loi sur les services de santé et les services sociaux ou la Loi sur les services de santé et les services sociaux pour les autochtones cris et les locaux où sont offerts des services d'une ressource intermédiaire visée par la Loi sur les services de santé et les services sociaux, sauf si ces locaux sont situés à l'intérieur d'une demeure;
       
    • les locaux ou les bâtiments mis à la disposition d'un centre de formation professionnelle ou d'un centre d'éducation des adultes établi conformément à la Loi sur l'instruction publique, ceux qui sont mis à la disposition d'un établissement d'enseignement privé dispensant des services visés aux paragraphes 4° à 9° de l'article 1 de la Loi sur l'enseignement privé et ceux qui sont utilisés par un collège d'enseignement général et professionnel ou une université;
       
    • les installations d'un centre de la petite enfance ou d'une garderie au sens de la Loi sur les services de garde éducatifs à l'enfance et les résidences privées où sont fournis des services de garde en milieu familial au sens de cette loi, aux heures où les personnes qui offrent ces services y reçoivent des enfants;
       
    • les locaux où se déroulent des activités communautaires ou de loisirs destinés aux mineurs, sauf si ces activités se déroulent à l'intérieur d'une demeure.

Il faut noter que si ce rayon ou une partie de ce rayon excède la limite du terrain sur lequel ce lieu est situé, l’interdiction de fumer s’applique uniquement jusqu’à cette limite.

  • Comme par le passé, l’employeur devra indiquer au moyen d’affiches installées à la vue de ses employés les endroits où il est interdit de fumer[6]. Par surcroît, la Loi sur le tabac prévoit qu’il est interdit d’enlever ou d’altérer une telle affiche[7].
     
  • Et il est désormais interdit d’installer, de maintenir ou laisser sur place un appareil distributeur servant à la vente de tabacs[8].
     
  • Initialement, la Loi sur le tabac avait permis aux employeurs qui le souhaitaient d’aménager des fumoirs pour les membres de leur personnel à la condition que ces fumoirs respectent certaines normes strictes d’aération.

    Or, la Loi modifiant la Loi sur le tabac et d’autres dispositions législatives[9] accorde un délai de grâce qui expirera le 31 mai 2008 pour le maintien de tels fumoirs dont l’utilisation doit être réservée aux dirigeants et employés de l’entreprise. À compter de cette date, l’interdiction générale prévue par la Loi sur le tabac s’appliquera sans aucune exception dans les lieux de travail et de tels fumoirs ne pourront plus être utilisés par les employés.

    De plus, la Loi modifiant la Loi sur le tabac et d’autres dispositions législatives[10] prévoit que, si l’employeur décide de maintenir un fumoir jusqu’au plus tard le 31 mai 2008, ledit fumoir doit être délimité par des cloisons ou des murs s’étendant du sol au plafond, de façon à ce qu’il soit complètement fermé, et doit être muni d’un système de ventilation garantissant que la pression de l’air est négative et permettant l’évacuation directe de la fumée vers l’extérieur du bâtiment. De plus, la porte donnant accès à ce fumoir doit être munie d’un dispositif de fermeture automatique garantissant que celle-ci se referme après chaque utilisation.

La présomption de tolérance
La Loi sur le tabac[11] prévoyait déjà que l’employeur ne devait pas tolérer qu’une personne fume dans un endroit où il est interdit de le faire. Toutefois, afin de pallier la difficulté de prouver une contravention à ladite loi, la Loi modifiant la Loi sur le tabac et d’autres dispositions législatives est venue simplifier la tâche de la poursuite en établissant que, dès qu’elle a prouvé qu’une personne a fumé dans un endroit interdit, l’exploitant du lieu, c’est-à-dire l’employeur, est présumé avoir toléré cette situation[12]. Ainsi, le fardeau de la preuve est donc renversé et c’est dorénavant à l’employeur de prouver qu’il n’a pas toléré qu’une personne fume dans un endroit où il est interdit de le faire.

Dans une telle situation, afin de renverser le fardeau de la preuve, l’employeur devra démontrer qu’il a posé des gestes concrets pour assurer le respect des interdictions prévues à la loi, par exemple : politique interne, directive, formation, mesures disciplinaires, avertissements aux visiteurs.

La responsabilité des administrateurs
Depuis le 31 mai 2006, la Loi sur le tabac rend non seulement la personne morale elle-même coupable d'une infraction, mais également les personnes physiques qui, dans l’entreprise, ont consenti à la commission de l’infraction.

En effet, lorsqu'une personne morale, une société ou une association commet une infraction à la présente loi ou à un de ses règlements, l'administrateur, le dirigeant, l'associé, l'employé ou le mandataire de la personne morale, de la société ou de l'association qui a ordonné, autorisé ou conseillé la commission de l'infraction ou qui y a consenti est partie à l'infraction et est passible de la même peine que la peine prévue pour celle qui l'a commise, que celle-ci ait ou non été poursuivie ou déclarée coupable[13].

À ce jour, le terme « consenti » n’a pas été interprété par les tribunaux québécois en regard de la Loi sur le tabac et particulièrement en tenant compte de la présomption dont il a été question plus haut. Toutefois, nous considérons qu’une personne pourra se défendre en alléguant sa diligence raisonnable et devra alors démontrer qu’elle a pris toutes les mesures possibles pour qu’aucune personne ne fume dans un endroit sur lequel elle exerce une autorité ou encore que l’infraction s’est produite à son insu.

En dernier lieu, la Loi sur le tabac prévoit maintenant qu’une personne qui aide ou, par un encouragement, un conseil, un consentement, une autorisation ou un ordre, amène une autre personne à commettre une infraction visée par la Loi sur le tabac, commettra elle-même l’infraction et sera passible de la même peine que celle dont elle aurait été passible si elle avait commis l'infraction.[14]

Les amendes
Les amendes prévues par la Loi sur le tabac n’ont pas été modifiées et prévoient notamment que :

  • quiconque fume dans un lieu où il est interdit de le faire est passible d'une amende de 50 $ à 300 $ et, en cas de récidive, d'une amende de 100 $ à 600 $[15];
     
  • l’employeur qui contrevient aux normes d’installation, de construction et d’aménagement d’un fumoir, qui n’appose pas les affiches prévues par la Loi sur le tabac ou qui tolère qu’une personne fume dans un endroit interdit sera passible d’une amende de 400 $ à 4000 $ et, en cas de récidive, d'une amende de 1000 $ à 10 000 $[16];
     
  • quiconque enlève ou altère une affiche apposée afin d’indiquer les endroits où il est interdit de fumer est passible d'une amende de 100 $ à 1000 $ et, en cas de récidive, d'une amende de 200 $ à 3000 $[17];
     
  • l’employeur qui possède un appareil distributeur servant à la vente de tabac est passible d'une amende de 300 $ à 2000 $ et, en cas de récidive, d'une amende de 600 $ à 6000 $[18].
     

Patrick Galizia, avocat du cabinet Ogilvy Renault

Source : VigieRT, numéro 9, juin 2006.


1 L.R.Q. chapitre T-0.01.
2 L.Q. 2005, ch. 29.
3 Supra, note 1, article 2 (9°).
4 Ibid., article 2 (10°).
5 Ibid., article 2.2.
6 Ibid., article 10 (1).
7 Ibid., article 10 (2).
8 Ibid., article 16.
9 Supra, note 2.
10 Ibid., article 69 (3).
11 Supra, nota 1, article 11 (1).
12 Ibid., article 11 (2).
13 Ibid., article 57.1.
14 Ibid., article 57.2.
15 Ibid., article 42.
16 Ibid., article 43.
17 Ibid., article 45.
18 Ibid., article 46.
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