Dans une salle de conférences, un groupe d’employés participe à une session de formation sur la culture client. Convaincue que la prochaine révolution industrielle est arrivée, l’organisation relègue ses services d’une complexité et d’une valeur moindres en sous-traitance un peu partout dans le monde et relève la barre de performance de sa main-d’œuvre qui effectue des transactions à complexité et à valeur ajoutée.
Cette nouvelle approche fait partie du plan stratégique à long terme de l’entreprise, soit améliorer et différencier les trois formes de capital de l’entreprise : le capital humain, le capital client et le capital financier. Le fer de lance de cette approche est la mise en valeur de l’expertise en résolution des problèmes d’une très grande complexité et à valeur ajoutée pour ses clients, qui est unique à l’organisation.
Le service des ressources humaines est partie prenante de cet important projet stratégique de mise en valeur du talent et de la connaissance tacite (par opposition au talent purement transactionnel, de fabrication ou d’assemblage); l’impact recherché est d’agir sur le capital humain (gestion des interactions et de la connaissance tacite) et sur sa résultante, le capital financier. Toutes les activités visent à aider l’entreprise à se rapprocher des clients, à se différencier clairement de la compétition, à améliorer l’efficacité et la perception de son image commerciale interne et externe.
Ce qui est assez hors de l’ordinaire, c’est que ces employés dans la salle de conférences s’évertuent de manière théâtrale à imaginer et à produire le plus mauvais service au client! Évidemment, cette approche de formation qui fait rire les participants attire leur attention sur l’engagement à la courtoisie et au service. En effet, le service à la clientèle est sans contredit l’un des facteurs déterminants de la survie et du succès à long terme d’une entreprise dans un marché même quasi-monopolistique.
Il fut un temps où le service à la clientèle était la responsabilité d’un vice-président ou d’un directeur des ventes. Aujourd’hui, les choses ont changé; les entreprises veulent que leur service des ressources humaines joue un rôle de premier plan dans la mise en place et l’amélioration continue du capital client et de son véhicule privilégié de mise en valeur qu’est la culture d’orientation client interne-externe.
Un rôle crucial pour le service des ressources humaines
Dans le monde des affaires de classe mondiale, les services des ressources humaines sont indissociables de l’engagement à la satisfaction client. Toutes ses activités sont centrées sur cet objectif stratégique – embauche, formation, coaching, gestion de la performance et des compétences, évaluation à 360° – en vue de donner aux employés les outils et le soutien dont ils ont besoin pour performer. Il est de plus en plus évident que la direction de l’entreprise et les ressources humaines sont le moteur de la satisfaction du client et des revenus – en s’assurant que les embauches sont faites en portant une attention toute particulière à l’engagement au service, à la formation à la culture de service, à l’orientation client. Il est irréfutable que les pratiques de gestion des ressources humaines qui font la promotion de la satisfaction du client améliorent la satisfaction de celui-ci tout en améliorant de manière très significative les revenus des entreprises. Une analyse effectuée en 1979 dans huit cents magasins Sears Roebuck fait la démonstration mathématique que, si l’attitude relationnelle des employés s’améliore de 5 %, la satisfaction client s’améliore de 1,3 % et les revenus s’élèvent de 0,5 %. Des résultats plus qu’impressionnants!
De plus, une entreprise qui se réjouit d’avoir un quotient élevé de satisfaction et de loyauté du client peut survivre aux désastres économiques de son secteur industriel. Le meilleur exemple de cette situation est Southwest Airlines, qui continue de se démarquer de toutes les autres entreprises de transport en se classant systématiquement première pour la satisfaction client. Southwest Airlines fut la seule entreprise de son secteur industriel à continuer à embaucher et à faire un profit substantiel après les attaques terroristes du 11 septembre et à élargir sa gamme de routes aériennes aux dépens de ses concurrents.
Comment identifier des employés ayant un fort potentiel d’engagement à la satisfaction client
Ce n’est pas en soi une nouvelle découverte, mais c’est incontournable. Il est plus facile de développer le talent inné de satisfaire le client et les compétences déjà acquises à cet égard que de tenter de faire l’inverse. Expliquons un peu pour ceux qui sont à l’affût des techniques de recrutement centré sur la satisfaction du client; il faut trouver le moyen d’identifier des compétences telles que l’écoute, l’optimisme, la flexibilité, la capacité de gérer les situations stressantes ou critiques sans se sentir en mode défensif… Évidemment, cela suppose que d’autres compétences ne sont pas prioritaires, par exemple l’éloquence, la force de persuasion qui peuvent être exigées dans d’autres domaines. Dans notre cas, la personne à haut potentiel de satisfaction client est celle qui joue son rôle dans l’équipe et tend naturellement à pondérer ses intérêts et ceux des autres intervenants, soit le client et l’entreprise. Quelqu’un qui défend légitimement de manière engagée les intérêts de son client, parce que c’est la bonne chose à faire. Par opposition, ce n’est pas une vedette, ni une personne renfermée ou solitaire, impolie dans ses rapports avec les autres.
Comment mettre en valeur les compétences des employés au fort potentiel d’engagement à la satisfaction client
Évidemment, une fois embauchés, sensibilisés et formés à la culture client de l’entreprise, ces employés ont besoin d’être guidés pour maintenir l’avantage concurrentiel des compétences relationnelles en milieu commercial. Lorsque l’économie est incertaine ou que les soubresauts du marché font vaciller les investissements en formation à la performance client, il est primordial que le service des ressources humaines rappelle les intentions stratégiques à long terme de l’entreprise et défende vigoureusement ses budgets d’exécution. C’est de cette façon qu’il devient crédible sur le plan des décisions d’affaires et peut avoir une influence politique et économique dans l’entreprise.
L’une des manières d’élever la barre de performance en matière de satisfaction client, c’est d’amener tout le personnel de l’entreprise à comprendre ses pulsions internes. « Vous n’excellerez jamais sur le plan de la culture de relation client tant que chacun de vos intervenants ne saura pas qui il est individuellement et collectivement sur le plan des compétences requises et du leadership social. Sur le plan individuel et collectif, chacun doit reconnaître comment il se présente aux autres, comment il réagit au stress, quel est son style de leadership social dominant. » En fait, les intervenants doivent réaliser qu’ils sont interdépendants dans leur diversité unique de talent et d’impact client.
Plusieurs outils de développement organisationnel sont utilisés pour aider la direction, le management et les employés à devenir conscients de leurs compétences et styles de leadership social. En général, plus les outils sont simples à utiliser et accessibles à l’interprétation individuelle, plus l’apprentissage est aisé et porteur de résultats à long terme. De plus, ces outils de réflexion-formation aident à identifier les besoins de communication des clients et leur style de leadership social dominant : par exemple, si le client interne ou externe est un analytique (personne très méthodique), un sympathique (personne axée sur la relation), un téléguidé (personne axée sur les livrables) ou un expressif (qui tend à éviter les structures).
La communication interactive
Un autre aspect très important de la gestion de la formation à la culture client, c’est l’entraînement à la communication interactive. Nos recherches et observations pratiques démontrent qu’environ 7 % de l’impact des communications vient des mots utilisés pour communiquer, environ 38 % de la tonalité de la voix, alors qu’environ 55 % du message est reçu par l’apparence physique, la gestuelle, le premier contact visuel. Parce qu’une grande partie de la communication est non verbale, les employés impliqués dans la relation client uniquement au téléphone sont désavantagés quand il s’agit de bien saisir les besoins de la clientèle.
Une manière de compenser le manque de contact humain, c’est d’enseigner l’écoute active : répéter et synthétiser ce que le client demande. Non seulement cela facilite la compréhension des besoins, mais cela donne aussi le sentiment qu’ils sont reçus avec attention et respect, que leur satisfaction est importante. Les employés peuvent aussi être entraînés à percevoir les inflexions de la voix et les hésitations afin de percevoir le besoin d’être réassurés des clients. Une autre méthode est aussi utilisée par les agences de voyages, les bureaux de courtiers et les entreprises d’assurances; c’est celle de la modélisation de la conversation qui est une approche très subtile et sophistiquée pour entretenir une relation de haut niveau.
Mais, une bonne culture de gestion de service au client requiert plus qu’une approche axée sur la relation. Il faut aussi améliorer constamment les compétences fonctionnelles et techniques des employés ayant un potentiel de satisfaction client très élevé. Les questionnaires organisationnels sur la satisfaction des employés (clients internes) et des clients externes sont des outils essentiels pour mesurer les résultats et effectuer les corrections de parcours nécessaires à l’amélioration continue, pour devenir une organisation apprenante centrée sur le client.
Comment utiliser la supervision pour mettre en valeur les compétences des employés
Nous savons tous, de manière intuitive, qu’il existe une corrélation très forte entre la satisfaction interne et celle de la clientèle externe. Les études relativement récentes de l’université Cornell confirment le lien entre la fidélisation et la loyauté, qui semblent opérer dans un cycle qui peut varier de trois à cinq ans. De fait, les nouveaux employés sont en amour avec l’entreprise, parce qu’ils sont en mode d’apprentissage de nouvelles compétences et qu’on reconnaît leur potentiel d’avancement dans l’entreprise. Les nouveaux clients sont aussi en amour avec l’entreprise parce qu’ils traitent la relation sur la base d’une grande satisfaction. Moins de deux ans plus tard, si l’employé appartient à la génération Y, la relation peut être très différente. Quoique performant, l’employé peut se sentir perdu dans l’entreprise. Il faut savoir qu’un employé performant est très recherché par les chasseurs de têtes. Le même phénomène peut jouer pour un client externe : il se sent tenu pour acquis, il a appris de l’organisation et se sent maintenant plus détaché dans sa relation avec l’entreprise. Ce qui ressort de cela, c’est qu’une culture client interne-externe bien soutenue peut aider à empêcher les deux de s’en aller ailleurs; cette culture forte peut être un atout important de conservation à long terme des employés et des clients externes.
Évidemment, la culture client de l’entreprise tend à refléter très fidèlement les valeurs de la direction et du management dans sa relation d’intimité avec ses employés. Cette modélisation culturelle instinctive se réfléchit directement sur la qualité du service au client externe. Cela veut dire qu’une direction d’entreprise à culture client interne autoritaire, dont les communications absentes ou intempestives sont à son image, mène à une culture de gestion client interne-externe tendue, dysfonctionnelle, désengagée et confuse. À ce sujet, une étude récente de Towers Perrin soulignait que l’engagement des employés est à la baisse dans beaucoup d’entreprises et de pays; le pourcentage d’employés engagés se situant à 17 % au Canada, c’est tout un défi à relever! À l’inverse, une entreprise à culture de client interne-externe collégiale sera habile à communiquer, à garder ses employés et clients satisfaits, engagés et loyaux. Dans le même ordre de pensée, il est important de bien connaître l’ADN de son milieu organisationnel; pour évaluer ses chances de succès, en se souvenant que moins de 31 % des organisations ont les attributs fonctionnels favorables à la culture client interne-externe positive.
Faire ses devoirs…
Le service des ressources humaines doit faire ses devoirs et analyser les facteurs favorables et défavorables à sa participation à un tel projet d’entreprise. Préparer le terrain aux changements souhaités, bien mesurer et identifier le point de départ, mesurer et ajuster les étapes critiques, incluant sa propre capacité à mener un tel projet sur une base perçue objective, et surtout se préparer à une résistance passive cruelle si le niveau d’engagement et de fonctionnalité ne se révèle pas à la hauteur pendant l’implantation et l’exécution.
Il y beaucoup de choses qu’un service des ressources humaines peut faire pour contribuer au succès stratégique de l’entreprise, en plus de renforcer l’engagement à la satisfaction client et à la profitabilité de l’entreprise. Avant de s’y engager, il doit faire l’analyse de sa capacité à soutenir l’approche client de classe mondiale de la direction.
Rémi Bourdage, CRIA, chef de pratique, Bourg-Consult International, Gestion du changement et coach exécutif
Source : Effectif, Volume 9, numéro 2, avril/mai 2006