Vous lisez : Encadrer les cadres

Voici, à l’intention des responsables des ressources humaines, des solutions pratiques qui pourront être utilisées lors des séances de consultation ou d’encadrement avec les cadres qui dirigent d’autres cadres.

La formation offerte aux cadres est généralement axée sur l’art de savoir bien diriger ceux qui relèvent directement d’eux. De nombreuses organisations ont éliminé la fonction de cadre intermédiaire, c’est-à-dire le cadre d’expérience dont la responsabilité consistait à alléger la tâche du cadre supérieur. Aujourd’hui, nombre d’entre elles confient à des professionnels de moindre expérience le rôle de superviseur/cadre. Un grand nombre de dirigeants font l’erreur de ne pas veiller à ce que leurs subalternes exercent leur rôle efficacement. Lorsqu’il y a plusieurs cadres au sein d’un groupe, le dirigeant et l’équipe de direction doivent travailler en synergie pour que chacun soit sur la même longueur d’onde, car le rythme auquel le milieu des affaires change aujourd’hui ne permet tout simplement pas qu’une équipe de direction soit divisée par des divergences d’opinion.

Le rôle du dirigeant qui dirige des cadres est compliqué, pour les raisons suivantes.

  • Le dirigeant doit à la fois s’acquitter des obligations propres à sa fonction et veiller à ce que les cadres subalternes assument leurs propres fonctions (y compris leur rôle de cadre) avec efficacité. Il doit s’assurer que les cadres subalternes gèrent les questions relatives au personnel conformément à sa vision. À une époque où il faut toujours en faire davantage pour gagner sa vie, de nombreux cadres ont tendance à négliger leur personnel au profit de l’amélioration de leur propre sécurité d’emploi ou visibilité.

  • Le dirigeant doit veiller à ce que toutes les personnes du groupe respectent les mêmes attentes, même si le message transmis doit franchir plusieurs niveaux de direction avant de parvenir au personnel subalterne. À maintes reprises, nous avons observé des équipes de direction qui stagnaient et étaient incapables d’obtenir quelque résultat que ce soit, parce que les membres du personnel poursuivaient des objectifs différents, qu’il y avait des querelles internes, etc.

  • Les cadres subalternes qui relèvent du dirigeant se trouvent souvent dans d’autres bureaux ou d’autres emplacements, ce qui rend d’autant plus difficile l’évaluation de leurs compétences en gestion et l’appréciation de la satisfaction du personnel.

La plus grande difficulté, pour le dirigeant, consiste à faire en sorte que les cadres subalternes communiquent la vision de façon uniforme au personnel. Les personnes d’expérience (en particulier les cadres) sont des personnes autonomes qui ont la possibilité d’exercer leur propre jugement, ce qui est bien si les cadres subalternes obtiennent les mêmes résultats avec des méthodes différentes, mais problématique si les méthodes sèment la confusion ou ont d’autres conséquences négatives pour le personnel.

Le dirigeant doit présenter une image unifiée au personnel, même si chaque cadre sous sa direction a un style ou une approche différente. Il doit notamment s’assurer de jouer un rôle approprié à l’égard des aspects suivants.

  • Motivation du personnel. Tous les employés au sein du groupe doivent être motivés, productifs et raisonnablement heureux. De nombreux dirigeants hésitent à s’adresser aux membres du personnel qui ne relèvent pas directement d’eux pour vérifier s’ils se sentent motivés. En fait, le dirigeant doit s’autoriser à prendre le pouls du personnel de son groupe qui relève d’autres cadres et les employés se sentent encouragés lorsque les cadres supérieurs s’intéressent véritablement à leur degré de motivation et de satisfaction. La personne qui dirige des cadres subalternes doit se rappeler que son rôle consiste en partie à s’assurer que ces derniers communiquent avec les personnes de leur groupe et que les cadres qui relèvent d’elle ne se sentent pas menacés par l’intérêt qu’elle manifeste à l’égard de la motivation de tous les membres de l’équipe.

  • Perfectionnement du personnel. En qualité de personne plus expérimentée, le dirigeant doit s’assurer que le personnel bénéficie du mentorat nécessaire de toutes les personnes du groupe (parfois, un membre plus expérimenté du groupe peut être un mentor plus efficace que le cadre dont l’employé relève directement). En outre, en maintenant une relation avec les employés gérés par des cadres subalternes, le dirigeant peut s’assurer que tous les membres du personnel ont la possibilité de parfaire leurs aptitudes. Enfin, le dirigeant peut ainsi se faire une meilleure idée de ce qui se passe « dans les tranchées » ou plus précisément de ce que vivent les personnes qui exécutent le travail.

  • Communication de la vision. Comme dans le jeu du téléphone arabe, les messages sont parfois transformés lorsqu’ils sont transmis d’une personne à une autre. Il appartient au dirigeant de veiller à ce que tous les employés aient la même compréhension des buts, objectifs et attentes quant à la performance nécessaire à la concrétisation de la vision. De plus, les employés aiment entendre de la bouche même des dirigeants ce qu’ils pensent de la façon dont ils contribuent à la réalisation de la vision.

  • Création d’un esprit d’équipe. Encore une fois, le dirigeant ne doit pas s’isoler des autres membres du personnel, parce que le principe de l’unité doit prévaloir au sein de l’équipe, même si chaque cadre du groupe souhaite que les membres de son propre groupe aient un sentiment d’appartenance à son équipe. L’expérience nous a démontré qu’il ne doit pas y avoir de sous-équipes ou de sous-cultures au sein d’un groupe, parce que les énergies sont ainsi divisées et le progrès, ralenti, lorsque les buts ou les programmes diffèrent. Un esprit de collaboration du haut vers le bas procurera les meilleurs résultats globaux.

  • Rétroaction. Pour assurer l’uniformité, le dirigeant doit veiller à ce que tous les cadres offrent une rétroaction uniforme et que les normes de performance sont appliquées de façon appropriée.

  • Dynamisme et passion. Le dirigeant ne devrait jamais déléguer entièrement la responsabilité de susciter le dynamisme et la passion; il lui incombe de créer la vision et, en dernier ressort, de veiller à ce que les membres du groupe réalisent leur potentiel. Les organisations prospères ont des cadres supérieurs dynamiques qui inspirent continuellement leur personnel et l’incitent à atteindre les buts fixés par l’entreprise.

  • Établissement des attentes. La personne qui crée la vision (le cadre supérieur) doit naturellement convertir cette vision en attentes quant au rendement vers lequel doit tendre le personnel. Les cadres subalternes doivent appuyer cette vision, faire respecter ces attentes et aider les employés à établir des objectifs qui correspondent à la vision.

Lorsque des problèmes surgissent…
Le cadre n’appuie pas votre vision

L’incapacité d’un cadre à appuyer la vision du dirigeant entraîne souvent la stagnation de l’équipe et du service, une diminution du moral de l’ensemble du personnel et une confusion générale. En général, le cadre qui n’appuie pas la vision et l’orientation du service devrait être dirigé d’une main ferme. Lorsque la vision n’est pas partagée, ou à tout le moins lorsque tous les employés ne sont pas sur la même longueur d’onde, l’équipe ne peut progresser et réaliser son plein potentiel. Pire encore, les personnes qui relèvent directement d’un cadre voient bien qu’il n’est pas d’accord avec les autres cadres du groupe et cette dissension entre les cadres suscite la confusion ou l’apathie chez le personnel. La meilleure façon de résoudre ce genre de problème consiste, pour le dirigeant, à comprendre l’origine du désaccord à l’égard de la vision; il peut s’agir notamment d’une lutte de pouvoir, d’un problème d’ego, d’un conflit de personnalité, de l’absence de vision de la part du cadre subalterne, de la poursuite de la vision du dirigeant précédent, etc.

Le cadre est plus loyal envers l’équipe qu’envers le service ou l’organisation
Le cadre qui concentre toute son attention sur son équipe rend généralement un service utile parce qu’il s’assure ainsi que l’équipe atteint ses buts, mais ce faisant, il risque aussi de créer un groupe fermé qui ne se préoccupe pas comme il le devrait des buts du service (ou du dirigeant). La situation est particulièrement problématique si le cadre subalterne va systématiquement à l’encontre des buts et objectifs globaux du dirigeant. Dans ces circonstances, le dirigeant doit rappeler l’importance d’une gestion uniforme et agir avec fermeté au besoin (par exemple en prenant des mesures disciplinaires), si le cadre subalterne ne modifie pas son attitude.

Le cadre dont le rendement n’est pas adéquat
La situation sans doute la plus problématique est celle où le rendement d’un cadre est faible. Souvent, les personnes qui relèvent directement de ce cadre constatent les lacunes du cadre et expriment leur insatisfaction au dirigeant. Le dirigeant doit donc se pencher sur les préoccupations exprimées par le personnel et s’efforcer de résoudre le problème de rendement du cadre promptement, de façon confidentielle et avec tact. Les membres du personnel sont affectés d’une façon ou d’une autre par la piètre performance d’un cadre et le dirigeant qui n’est pas au courant de la situation, ou qui tarde à réagir lorsque le problème a été identifié, peut causer de sérieux dommages.

Moral des employés qui relèvent directement des cadres subalternes (déterminer le niveau d’intervention approprié)
Un dirigeant peut et doit prendre des mesures pour s’assurer que le moral de l’ensemble du personnel est positif. Le dirigeant qui découvre un problème de moral ou de motivation chez un employé relevant d’un cadre subalterne doit déterminer le niveau approprié d’intervention. Il doit s’interroger sur le moment où il faut intervenir et sur la façon de procéder. Si le moral d’un employé de talent est affecté par un conflit de personnalité avec le cadre dont il relève, le dirigeant doit déterminer comment améliorer la situation sans s’immiscer dans la relation entre l’employé et le cadre. Cependant, si l’employé risque de quitter l’entreprise en raison de ce conflit de personnalité, le dirigeant peut devoir aborder le problème de façon plus directe, quitte à créer éventuellement un plus grand malaise entre les trois parties. Le dirigeant a la responsabilité de conserver les personnes de talent et il doit prendre les mesures voulues au besoin. Bien qu’il soit nécessaire de permettre aux cadres d’exercer leur propre jugement et de jouir de l’autonomie voulue pour prendre des décisions concernant leur personnel, lorsque les enjeux sont importants, le dirigeant ne doit pas hésiter à prendre les rênes. Naturellement, des règles déjà bien établies suivant lesquelles le dirigeant a accès à tous les membres du personnel permettront de repérer les situations rapidement et d’intervenir de façon appropriée.

Évaluation fondée sur les résultats et non sur le style
Le dirigeant doit permettre à ses cadres subalternes de trouver leur style et leurs solutions propres, dans la mesure où les résultats obtenus sont les mêmes. En fait, la diversité des méthodes de gestion au sein d’un groupe donné (gestion autocratique, participative, etc.) permet à l’équipe de direction d’aborder les questions selon différentes perspectives. On peut prendre ainsi de meilleures décisions de gestion et s’adapter plus facilement aux différents types de personnalité que l’on retrouve dans un groupe. Cependant, une trop grande diversité de styles risque d’inciter les gens à préférer travailler au sein d’une équipe plutôt que d’une autre si les résultats obtenus sont les mêmes, et cette attitude peut être très préjudiciable au moral du service ou du groupe. Par exemple, le personnel préférera un cadre qui obtient les mêmes résultats en faisant preuve de compréhension à celui qui a recours à l’intimidation.

Difficulté à déléguer
Selon notre expérience, les cadres subalternes ont tendance à ne pas à déléguer pour un certain nombre de raisons, dont les plus courantes sont sans doute le perfectionnisme, la réticence à prendre le temps nécessaire pour expliquer la tâche à quelqu’un d’autre (c’est plus facile si je le fais moi-même) ou le fait d’aimer accomplir des tâches plus simples. Cette dernière attitude pose un sérieux problème, parce que le cadre effectue alors un travail dont le niveau de défi n’est pas approprié et qu’il préfère plutôt obtenir la satisfaction immédiate découlant de l’accomplissement de tâches plus simples, de niveau inférieur. De nombreuses organisations ont de la difficulté à former les employés suffisamment rapidement pour pourvoir les postes créés par la croissance ou l’attrition. La délégation des tâches, autrefois facultative, est essentielle aujourd’hui. Les organisations ne peuvent permettre aux cadres de ne pas déléguer. Le dirigeant doit s’assurer que toutes les personnes au sein de l’équipe travaillent à un niveau approprié et que le personnel se voit constamment confier des tâches stimulantes. En outre, il doit faire savoir à tous les cadres qu’il importe de permettre à ceux qui relèvent d’eux de partager, et même parfois de prendre la vedette au sein du groupe. Ce genre d’initiative est formatrice pour l’employé et une bonne façon, pour le cadre, d’apprendre à déléguer.

Les cadres qui travaillent dans un autre emplacement
La question la plus importante à cet égard concerne la possibilité pour le dirigeant de surveiller à distance la performance des cadres subalternes. Voici quelques conseils à cet égard.

  • Le dirigeant doit continuer à entretenir des relations avec les clients, les employés subalternes et les employés clés qui interagissent avec le cadre subalterne. Il doit recevoir une rétroaction constante de toutes les parties qui se trouvent sur place avec le cadre subalterne pour mieux les stimuler. Une appréciation plus officielle doit avoir lieu au cours de la période des évaluations pour que l’évaluation soit juste. Le dirigeant doit communiquer avec toutes les parties concernées pour obtenir les données et les détails qui lui permettront de présenter des exemples précis et pour avoir ainsi la certitude d’effectuer une évaluation appropriée du rendement.

  • Le dirigeant doit faire en sorte que le cadre subalterne se déplace (ou il doit se déplacer lui-même) fréquemment pour faciliter l’esprit d’équipe et l’intégration mutuelle et pour permettre de fréquents échanges de vive voix.

  • Lorsqu’il se trouve sur place dans d’autres installations, le dirigeant doit rappeler aux membres du personnel de ne pas hésiter à communiquer avec lui si des problèmes se posent en ce qui a trait au style de gestion des cadres subalternes.

Naturellement, le dirigeant peut s’assurer que les cadres subalternes s’acquittent de façon appropriée de leurs fonctions de la façon suivante :

  • en discutant de la vision avec les cadres et en s’assurant que les messages sont bien compris;
  • en insistant directement auprès des cadres sur l’importance de présenter une image uniforme et en discutant de la façon de régler les conflits lorsqu’ils sont en désaccord;
  • en faisant savoir aux cadres que leur évaluation (ou leur prime) dépendra en partie de leur capacité d’appuyer la vision, de motiver le personnel, etc.
  • en insistant auprès du personnel sur le fait que le rendement des dirigeants sera évalué sur la façon de gérer le personnel et d’autres facteurs (un service efficient, de bonnes relations avec les clients internes et externes). Trop souvent, le dirigeant, par ses paroles ou ses actions, accorde la priorité à l’accomplissement du travail et non pas aux personnes qui font le travail.

Conclusion
La capacité du responsable des ressources humaines à comprendre les problèmes particuliers auxquels fait face le dirigeant qui doit gérer des cadres est bénéfique à de nombreux égards. Naturellement, il peut faire preuve d’empathie et fournir des conseils utiles en appliquant ces notions; mais il y a plus important : les responsables des ressources humaines continueront d’être appelés à aider les cadres qui gèrent les employés dans les bureaux un peu partout au pays et dans le monde entier. Ce gigantesque défi leur fournira l’occasion de créer une relation plus étroite avec les principaux dirigeants des organisations.

Michael J. Simpson et Gina McClowry
Traduit par Danièle Veillette avec l’autorisation de la Society for Human Resource Management
Traduction de Managing Managers, décembre 2005

Source : Effectif, Volume 9, numéro 2, avril/mai 2006

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