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Ils sont généralistes. Ils peuvent intervenir autant en matière de rémunération que de formation ou de

coaching.

En relation étroite avec différentes divisions de leur entreprise, ils contribuent aux bons résultats financiers et au développement des affaires. Bienvenue dans l’univers des partenaires d’affaires en ressources humaines!

Au milieu des années 90, portées par la vague de décentralisation des affaires qui déferle un peu partout en Amérique du Nord, plusieurs entreprises décident de revoir l’organisation de leurs services. L’heure est à l’éclatement des structures. Plutôt que de travailler en « silo », autour de spécialités telles que la rémunération, la dotation ou les relations du travail, les services des ressources humaines choisissent de miser sur des généralistes en lien étroit avec les diverses divisions de l’entreprise. Intermédiaires entre la fonction ressources humaines et les gestionnaires, les partenaires d’affaires transforment de fond en comble la manière de gérer les ressources humaines.

Chef, perfectionnement professionnel et partenaires d’affaires chez Merck Frosst Canada, Line Quenneville, CRHA, a connu l’avant et l’après partenariat d’affaires en ressources humaines. « En 1997, explique-t-elle, nous sommes passés d’une organisation plus traditionnelle des ressources humaines où chaque personne avait sa spécialité, rémunération, dotation, etc., à une structure basée sur les partenaires d’affaires. À compter de ce moment, les conseillers en ressources humaines ont eu la responsabilité de répondre à l’ensemble des besoins exprimés par des secteurs particuliers de l’organisation : production, recherche et ventes notamment. C’est une sorte de one stop shopping. Si un besoin concernant les ressources humaines se manifeste dans une équipe, le partenaire d’affaires est là pour y répondre. »

Plusieurs modèles, une approche
Parce qu’ils sont considérés comme des généralistes, les champs d’intervention des partenaires d’affaires sont très diversifiés. Chez Telus Mobilité par exemple, Pascale Tremblay, CRHA, partenaire d’affaires, l’avoue franchement : elle touche à tout. « Je fais tout, sauf le recrutement. En fait, précise-t-elle, j’agis comme un coach, comme quelqu’un qui peut aider les gestionnaires en ce qui a trait au développement, à la formation et au respect de toutes les politiques de gestion des ressources humaines existantes dans l’entreprise. » L’arrivée récente du syndicat dans l’entreprise lui a aussi permis de partager ses connaissances en matière de relations du travail. « Nous voyons avec les gestionnaires comment fonctionner avec un syndicat, comment s’y prendre, quoi faire, quoi ne pas faire. C’est extrêmement stimulant. »

Le scénario est sensiblement le même du côté de Reitmans Canada qui compte quinze partenaires d’affaires. « Dans une semaine, explique Éric Dumouchel, CRHA, directeur, partenariat d’affaires et mesures ressources humaines pour le détaillant, un partenaire peut être appelé à faire de la gestion de cas, de la discipline, de la rémunération, du coaching ou encore du développement et de la formation. La palette est extrêmement large. Il ne s’agit pas seulement de répondre aux besoins qui émergent des divisions et de se contenter d’offrir les services requis, ni non plus d’agir comme un consultant extérieur. Il faut savoir agir comme un véritable conseiller et avancer des opinions éclairées. »

« De plus en plus, souligne Line Quenneville, les partenaires sont d’ailleurs impliqués dans les décisions d’affaires. Ils prennent connaissance des projets de développement de l’entreprise et les envisagent à travers leur lunette de généralistes en ressources humaines. Ils se demandent notamment quel sera l’impact des projets annoncés sur les ressources humaines, ce qui devra être fait en matière de formation par exemple, et conseillent les gestionnaires à cet égard. »

Si les responsabilités sont chaque fois sensiblement les mêmes, le positionnement dans l’entreprise et le lien d’attachement hiérarchique des partenaires toutefois peuvent diverger. Pendant que certains sont physiquement installés dans la division à laquelle ils sont rattachés, d’autres restent au sein de l’équipe des ressources humaines. La même différence peut se faire sentir en ce qui a trait au lien hiérarchique. De fait, si la plupart continuent de relever du vice-président, ressources humaines, le supérieur immédiat se trouve pour une minorité d’entre eux dans la division.

Des avantages multiples
Du point de vue d’Éric Dumouchel, peu importe le modèle choisi, le partenariat d’affaires permet une meilleure utilisation des savoirs. « Quand une entreprise s’engage dans un projet d’envergure, le fait d’avoir des généralistes en ressources humaines à proximité des gestionnaires permet de prendre des décisions mieux adaptées à la réalité vécue sur le terrain. C’est toute la différence du monde entre un beau concept qui ne passe pas et une approche concertée où le savoir de tout le monde est mis à contribution. »

Line Quenneville abonde dans le même sens. À son avis, le retour sur investissement en matière de gestion des ressources humaines est d’ailleurs beaucoup plus facile à démontrer dans les entreprises qui optent pour le modèle des partenaires d’affaires. « Parce que nous sommes près du terrain, des opérations et des besoins qui en découlent, nos interventions sont mieux ciblées et ont par conséquent un impact plus direct et rapide. Le bénéfice de nos actions est plus facile à démontrer, plus concret. »

Du côté de Reitmans Canada, le partenariat d’affaires a même produit des résultats financiers, puisque la direction des ressources humaines est parvenue à démontrer, chiffres à l’appui, que certains projets conçus pour l’organisation au complet, puis adaptés localement, ont généré des économies importantes pour l’entreprise.

Sur le plan du travail, Pascale Tremblay considère pour sa part que la formule présente aussi de nombreux avantages pour les professionnels de la gestion des ressources humaines. « Le travail de partenaire d’affaires est exigeant, mais aussi extrêmement valorisant. On est dans l’action. Nos responsabilités nous permettent de toucher à certains aspects du management ou de la prise de décision d’affaires dont nous serions exclus autrement. C’est beaucoup plus enrichissant sur le plan professionnel que de faire simplement du recrutement ou de la rémunération. »

Écueils et défis
Si elle offre plusieurs avantages, la formule présente aussi son lot de défis. Pour Line Quenneville, c’est en fait à un véritable changement de culture que s’exposent les conseillers en ressources humaines appelés à agir comme partenaires. « Comme professionnels, nous avons souvent tendance à arriver avec nos outils tout faits. Dans une dynamique de partenariat d’affaires, il faut apprendre à se taire et à écouter avant de proposer des solutions. Il faut sortir de sa pensée ressources humaines pour s’orienter affaires. Il faut lire les chiffres, les comprendre. C’est la clé si l’on souhaite assurer sa crédibilité. »

La crédibilité est d’ailleurs, selon Éric Dumouchel, un défi majeur dans un contexte de partenariat d’affaires. « Parce que les partenaires sont constamment en contact avec les gestionnaires, ils doivent maintenir un équilibre de tous les instants entre les objectifs de gestion de l’entreprise et leurs priorités en gestion des ressources humaines. S’ils négligent les besoins des clients pour pousser leurs idées et atteindre leurs objectifs annuels, ils perdent toute crédibilité. Il faut savoir équilibrer les énergies investies dans un sens ou dans l’autre. Il faut, dit-il, s’assurer que les services de base sont rendus à la perfection. Si on ne parvient pas à gérer et à livrer la paie, je ne vois pas comment les gestionnaires nous feront confiance pour le reste. »

Selon Pascale Tremblay, « un bon partenaire d’affaires doit également savoir s’adapter rapidement aux gens et aux situations. Un vice-président de l’ingénierie ne pense pas et ne travaille pas comme un vice-président des ventes. Il faut savoir être l’affût de ce qui se passe et des besoins particuliers qui sont exprimés ». Le sens de l’urgence est aussi, à son avis, essentiel. « Quand un partenaire se fait dire qu’il est LA référence en ressources humaines, c’est qu’on s’attend à ce qu’il trouve rapidement une solution au problème éprouvé. Il doit donc cultiver sa capacité à réagir rapidement. Dans le cours des activités quotidiennes, ce n’est pas toujours facile. »

Malgré cela, selon Éric Dumouchel, une certaine standardisation doit être atteinte, ce qui ajoute aux défis. « La philosophie derrière le partenariat d’affaires en ressources humaines se résume en quatre mots : penser globalement, agir localement. Il faut donc uniformiser le plus possible pour être cohérent, mais aussi savoir apporter les ajustements nécessaires pour qu’un projet ou une politique soit bien intégrés aux activités et aient un impact. »

Outiller pour durer
Pour faire face quotidiennement aux défis qu’ils rencontrent, les partenaires d’affaires doivent pouvoir compter sur un certain nombre d’outils. Le premier d’entre eux est la mise en place de centres d’expertise. « On a beau vouloir miser sur des généralistes, il arrive un moment où l’on a besoin d’une expertise plus pointue ou spécialisée. On ne peut pas être bon dans tout. Pour pallier ce problème, la plupart des entreprises qui ont des partenaires d’affaires en ressources humaines ont désigné des personnes-relais dans leurs équipes. Ce sont des gens qui se spécialisent en rémunération, en dotation ou en développement auxquels les partenaires peuvent s’adresser en cas de besoin », explique Éric Dumouchel. À titre d’exemple, chez Merck Frosst Canada, en plus d’agir comme partenaires d’affaires, Line Quenneville est responsable du centre d’expertise en perfectionnement professionnel.

Chez Telus Mobilité, on a privilégié les rencontres d’équipes. Ainsi, en téléconférence, toutes les deux semaines, tous les partenaires d’affaires de l’entreprise au Canada échangent de l’information et recherchent des solutions aux problèmes qu’ils éprouvent chacun de leur côté.

Dans de nombreuses entreprises, le service des ressources humaines travaille aussi avec le service des communications pour s’assurer que ses messages circulent bien dans l’organisation. Beaucoup d’organisations disposent également d’une ligne d’information générale qui permet aux employés d’obtenir des renseignements sur l’assurance collective, la retraite, la santé et la sécurité, etc., de manière à alléger la tâche des partenaires. L’informatique joue par ailleurs un rôle central, ne serait-ce que pour simplifier l’exécution des tâches administratives, comme l’assurance collective, les mouvements de personnel, la paie, etc.

« La mise en place de partenaires d’affaires en ressources humaines peut faire beaucoup pour une entreprise. Si on veut en tirer le meilleur parti, il faut savoir mettre les bons outils en place, affirme Line Quenneville. On ne peut pas, précise-t-elle, demander à un professionnel de répondre à toutes les questions détaillées qui lui sont posées et en même temps exiger de lui des échanges nourris et de haut niveau avec les gestionnaires. C’est un choix d’entreprise qui, comme n’importe quelle autre décision, exige un engagement véritable de la haute direction. »

Guylaine Boucher, journaliste indépendante

Source : Effectif, Volume 9, numéro 1, janvier/février/mars 2006

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