Vous lisez : Un repositionnement s’impose...

S’il est une chose qui préoccupe les cadres supérieurs en ressources humaines actuellement, c’est bien le repositionnement du service qu’ils dirigent. C’est vrai tant dans les secteurs privé que public.

Selon un sondage de la Société Mercer effectué en 2003 auprès de plus de mille entreprises dans le monde, plus de 75 % des responsables des ressources humaines avaient amorcé un processus de transformation ou s’apprêtaient à le faire. Ils sont donc nombreux à se poser les mêmes questions, à considérer des options de réorganisation parfois draconiennes et à observer les initiatives des leaders dans ce domaine afin de déterminer ce qu’il faut faire ou éviter.

Malheureusement, nous savons encore peu de choses sur le qui, le quoi et le comment de la transformation des services des ressources humaines. Nous en savons encore moins sur les impacts concrets des actions entreprises jusqu’ici. Quelques études ont documenté l’évolution de certaines facettes de la transformation (impartition, gestion en ligne); mais, à notre connaissance, aucune étude de cas exhaustive et longitudinale de transformation d’un service des ressources humaines n’a été documentée et publiée. Par contre, les raisons qui militent en faveur du repositionnement et les principales options de réorganisation sont connues. Le but de cet article est donc d’en faire un survol et de proposer des solutions aux responsables qui amorcent une réorientation ou qui sont en processus de transformation.

Avons-nous attendu trop longtemps?
Poursuivre avec le modèle traditionnel de service des ressources humaines (souvent centralisé, structuré par spécialité, largement transactionnel, axé sur les activités plutôt que sur les résultats) est de moins en moins une option viable. Pour une organisation qui cherche de nouvelles façons de s’améliorer et de s’adapter le plus rapidement possible à un contexte difficile, il est impensable de se satisfaire d’un service ayant le mandat de la soutenir dans ses changements, mais qui néglige de se remettre lui-même en question. C’est une simple question de crédibilité. Dans un monde idéal, la transformation du service des ressources humaines devrait précéder les changements organisationnels d’au moins un à deux ans afin d’être bien positionné en tant qu’agent de changement. Malheureusement, nous ne vivons pas dans un monde idéal. À tout le moins en ce qui concerne la situation américaine, les trois sondages effectués par le Center for Effective Organizations (University of Southern California) en 1995, 1998 et 2001 nous indiquent que les services des ressources humaines évoluent trop lentement par rapport à un contexte organisationnel qui est en pleine transformation. Les résultats du sondage de 2004 doivent sortir sous peu et il sera intéressant de voir si cette évolution s’est accélérée. À moins d’indications contraires, il n’y a pas lieu de croire que la situation ici soit différente.

Pourtant, au cours de la dernière décennie, la fonction ressources humaines a été sous une pression forte et croissante pour entreprendre un tel repositionnement. Au début, cette pression venait du service lui-même ou de la profession, afin qu’on reconnaisse enfin le statut et l’apport de la fonction ressources humaines au succès de l’entreprise. Maintenant que des progrès sensibles ont été réalisés sur ce front, la pression provient de plus en plus des dirigeants de l’entreprise, qui sollicitent la contribution du service des ressources humaines pour trouver des solutions durables à des enjeux d’affaires fortement dépendants des ressources humaines (innovation) ou des enjeux perçus comme stratégiques (devenir un employeur de choix). À toute cette pression, s’ajoute maintenant celle qui provient des choix technologiques (intranet et impartition) de plus en plus accessibles et performants, ce qui ouvre des possibilités de transformation nouvelles et souvent radicales.

Par contre, ceci place les services des ressources humaines devant une situation intenable dans laquelle ils doivent assumer de nouveaux rôles tout en maintenant les anciens. On exige d’eux d’être des acteurs incontournables dans la mise en oeuvre du plan d’affaires de l’entreprise, mais en même temps de consacrer près de 75 % de leur temps à administrer des activités transactionnelles à faible valeur ajoutée. Il faut bien admettre que la plupart d’entre eux n’ont pas su se réorganiser à temps pour être en mesure de remplir les promesses inhérentes au statut d’acteur stratégique. Il s’agit d’un virage qui a été effectué depuis longtemps par les fonctions finance et marketing, qui ont su se concentrer sur les aspects stratégiques et déléguer les aspects administratifs à des unités distinctes, mais complémentaires, que sont respectivement la comptabilité et les ventes. Dans notre domaine, nous persistons à croire que les professionnels de la gestion des ressources humaines peuvent tout faire en même temps mais, comme nous le verrons plus loin, personne n’est dupe, surtout pas les dirigeants. Être stratégique, c’est faire des choix et il est plus que temps pour la fonction ressources humaines de faire les siens et de s’organiser en conséquence.

Face à cette pression, de plus en plus de cadres supérieurs en ressources humaines font donc face à une profonde remise en question de leur service. Conscients qu’ils ont un certain retard à rattraper pour mettre leur service à niveau, plusieurs envisagent non pas une série de changements à la pièce, mais une véritable révolution. Tout est susceptible d’être transformé sur un horizon de quelques années seulement, que ce soit la mission du service, sa structure, son offre de service, la technologie utilisée de même que les rôles et le profil de compétences des individus qui y travaillent. En fait, les services des ressources humaines n’ont probablement jamais été confrontés à une transformation aussi exhaustive et fondamentale que celle qui a débuté il y a plus de cinq ans chez les leaders dans le domaine et qui est maintenant envisagée dans un nombre croissant d’entreprises.

Le contexte est-il optimal?
Si on est d’accord sur l’urgence de repositionner le service des ressources humaines, il faut néanmoins s’attarder brièvement au contexte dans lequel ses responsables devront agir. À cet égard, deux articles parus dans d’importants magazines d’affaires américains, à près de dix ans d’intervalle, nous permettent de poser un regard externe particulièrement critique sur ce contexte. Le moins qu’on puisse dire, c’est que la partie n’est pas gagnée d’avance.

En 1996, dans l’important magazine Fortune, Thomas A. Stewart descendait en flamme les services des ressources humaines dans un article intitulé « Taking on the Last Bureaucracy ». Les qualifiant d’endormis et bien au chaud dans leur entreprise respective, il décrivait les services des ressources humaines comme bureaucratiques. Il en avait particulièrement contre le fait qu’ils se permettaient quand même de donner des avis aux autres sur comment faire pour être plus productif. Sa conclusion était sans appel : « C’est le temps pour le service des ressources humaines de se mettre au travail ou de se la fermer! ». Or, il y a quelques mois, un second article encore plus critique à cet égard fut publié cette fois dans le magazine Fast Company. Avec son titre provocateur « Why we Hate HR », Keith H. Hammonds a porté un regard sans complaisance sur l’évolution des services des ressources humaines au cours des dix dernières années. Parce qu’il reconnaît tout leur potentiel pour être le principal levier de performance de l’entreprise, il exprime sa grande frustration face à leur incapacité à répondre aux attentes. Sa conclusion est claire. Les services des ressources humaines n’ont pas su profiter du contexte qui leur était pourtant favorable pour faire des gains. Aujourd’hui, ils se disqualifient et ce qu’ils font devrait être donné en impartition à un fournisseur externe plus efficace.

Selon plusieurs, les positions avancées dans ces textes correspondent à une perception largement partagée dans le milieu des affaires. Les services des ressources humaines seraient alors coincés dans une image « coûts élevés, valeur ajoutée faible ». D’ailleurs, en 2005, l’un des panels mandatés par la Society for Human Resource Management pour cerner les enjeux les plus susceptibles d’affecter la profession dans les cinq prochaines années, a relevé la tendance, chez les responsables des finances des entreprises, à prendre en charge les initiatives de repositionnement du service des ressources humaines, vous l’aurez deviné, pour l’externaliser parfois en totalité. Ce contexte rend donc la transformation beaucoup plus difficile à réaliser, mais elle n’est pas impossible. Pour transformer cette image en une perception « coûts bas, valeur ajoutée élevée », les responsables des ressources humaines doivent prendre l’initiative, sinon d’autres la prendront, et ne pas hésiter à poser des gestes draconiens. Dans tous les cas, ils devront disposer d’une bonne stratégie pour réussir le passage entre ces deux visions opposées.


C’est pour faciliter cette transition que nous proposons sept initiatives aux responsables des ressources humaines. Elles s’appuient sur deux piliers : un ensemble de dix raisons pouvant justifier les importants investissements en temps et en budget nécessaires au repositionnement du service des ressources humaines (ci-dessous) et une cartographie des options de réorganisation qui peuvent être envisagées (ci-contre). Malheureusement, l’espace limité de ce texte ne nous permet pas d’entrer en détail dans chacune de ces raisons et de ces options, mais l’ensemble des sept initiatives proposées permettra d’en faire le tour sommairement. Ces initiatives sont présentées en fonction de trois axes de transformation essentiels à un service des ressources humaines qui se repositionne avec succès. Comme chaque axe semble nécessaire, l’ordre de présentation ne signifie pas un ordre d’importance ou de priorité.








LES OBJECTIFS DE LA TRANSFORMATION DU SERVICE DES RESSOURCES HUMAINES
1. S’adapter à l’évolution de l’organisation et aux nouvelles attentes des dirigeants.
2. Consacrer plus de temps aux activités de nature stratégique (valeur ajoutée).
3. Responsabiliser davantage les gestionnaires sur la gestion de leur personnel.
4. Profiter des nouvelles technologies de l’information pour être plus efficace.
5. Diminuer les coûts de fonctionnement du service.
6. Réduire le fardeau administratif tout en améliorant le service offert (libre-service).
7. Améliorer le soutien accordé aux gestionnaires (comptoir unique).
8. Accroître la flexibilité de l’offre de service (décentralisation).
9. Accroître le niveau d’expertise de contenu et d’intervention.
10. Gagner en crédibilité et en influence.

Axe A : décentraliser la GRH vers les unités d’affaires
Cette option vient rapidement sur la table lorsqu’un responsable des ressources humaines songe à repositionner son service. Est-il encore pertinent de concevoir un service centralisé dans un environnement composé d’unités d’affaires différentes et indépendantes? Quatre objectifs sont alors poursuivis : assumer un rôle plus stratégique, responsabiliser davantage les gestionnaires sur le plan des ressources humaines, offrir un meilleur service de proximité à ces derniers et accroître la flexibilité de l’offre de service, dans un contexte organisationnel de plus en plus complexe. Pour réaliser ces objectifs, trois initiatives sont proposées.

Initiative 1 : revoir l’offre de service
La décentralisation de la gestion des ressources humaines impose une redéfinition de la relation entre les professionnels du service, les gestionnaires et les employés dans l’organisation. Il faut donc revoir l’offre de service. En d’autres termes, il faut redéfinir qui fait quoi et qui assume quelle responsabilité. Il s’agit d’un exercice beaucoup plus complexe qu’il n’y paraît à première vue. Récemment, nous avons pu observer ce cas au sein de l’importante entreprise multinationale Areva. Après avoir identifié jusqu’à 129 activités assumées par le service des ressources humaines, qui étaient réparties en fonction de huit champs de la profession, le responsable et son équipe se sont systématiquement demandé, pour chaque activité, qui en était responsable, quelle était sa valeur ajoutée et si elle devait être assumée en interne ou donnée en impartition. Une réflexion sur l’offre de service est ainsi une occasion unique, pour le service des ressources humaines, de se rapprocher de ses principaux clients, en assumant un rôle de soutien ou d’accompagnement, plutôt que d’expert, pour gagner en crédibilité et en influence, grâce à l’établissement d’une relation de proximité stable, basée sur la confiance et des réalisations communes.

Initiative 2 : préparer les gestionnaires à assumer de nouveaux rôles
Cette initiative découle directement de la première. La responsabilisation accrue des gestionnaires découle du principe que les véritables responsables de la gestion des personnes sont les gestionnaires eux-mêmes et non pas le service des ressources humaines. Trop souvent, ce dernier a tendance à vouloir s’interposer entre le gestionnaire et ses employés, en s’appuyant sur son expertise, pour dicter les termes de leur relation. Un lien de dépendance se crée alors et se renforce par le désir du service des ressources humaines d’être utile à l’un et à l’autre au quotidien. Ceci le contraint également à trop s’impliquer dans la gestion opérationnelle des ressources humaines. D’ailleurs, c’est pour briser ce cercle vicieux, il y a quelques années, que Merck a articulé le repositionnement de son service des ressources humaines autour de la priorité suivante : « Get Out of the Way! » ou enlevons-nous du chemin entre le gestionnaire et son personnel.

Par contre, même si le principe a du sens, son application s’avère particulièrement difficile. Les gestionnaires, étant déjà fort occupés et n’ayant pas toujours les compétences requises, résistent à cette délégation de leur service, particulièrement s’il s’agit d’activités de nature administrative. Très souvent, ils ne sont pas associés à la planification du repositionnement et se retrouvent devant un fait accompli, une situation non optimale. Non seulement les responsables des ressources humaines doivent-ils absolument impliquer les gestionnaires dans leur réflexion sur une nouvelle offre de service, mais ils doivent surtout les préparer, par une formation, à assumer leurs nouveaux rôles de coach et de leader dans leur unité d’affaires.

Initiative 3 : affecter des partenaires RH dans les unités d’affaires
Afin de faciliter le travail des gestionnaires et d’assumer un rôle plus stratégique, les services des ressources humaines se réorganisent de plus en plus autour de professionnels affectés à un ou à plusieurs secteurs d’activité (généralement entre cent et trois cents employés), dans le but d’offrir un comptoir unique. Contrairement aux généralistes en ressources humaines présents dans les entreprises organisées en divisions ou géographiquement dispersées, ici le partenaire RH n’est pas une fonction conçue principalement pour administrer les activités des ressources humaines. C’est pourquoi, même si de tels postes existent, ils doivent souvent être revus en profondeur et repositionnés à un niveau plus stratégique. En effet, le partenaire d’affaires RH est une fonction cruciale au coeur de la majorité des projets de repositionnement des services des ressources humaines. Cet acteur doit être capable d’agir à la fois sur les plans tactique, stratégique et éthique.

Dans une étude récente auprès de douze partenaires d’affaires RH en poste depuis plus de deux ans, dans trois entreprises différentes, nous avons constaté que ces derniers étaient souvent débordés par l’ampleur et la complexité de la tâche, qui se déclinait en cinq rôles, quatorze responsabilités principales et soixante activités différentes. Issu de l’effort de réflexion des dix dernières années, ce poste stratégique semble donc particulièrement exigeant. Dans l’étude d’un cas de repositionnement d’un service des ressources humaines, au sein d’un important centre hospitalier universitaire, nous avons observé un taux de roulement élevé à ce poste. Plusieurs éprouvaient de la difficulté à faire le passage d’un poste de spécialiste (par exemple en formation) à la fonction de partenaire RH. De façon générale, peu de professionnels de la gestion des ressources humaines maîtrisent la diversité des compétences exigées, en partie parce qu’ils n’ont pas eu une formation qui les a bien préparés, mais aussi parce qu’ils ont peu d’expérience en dehors de la fonction. D’ailleurs, Philip Vernon, un associé de la firme Mercer en Europe, estime que la transformation réussie d’un service des ressources humaines aboutit souvent au remplacement de 35 à 50 % du personnel, avant de trouver la combinaison de compétences requises par la nouvelle configuration de responsabilités liée au rôle de partenaires d’affaires RH.

Axe B : centraliser les activités transactionnelles dans un centre d’excellence
Une erreur fréquente est de sous-estimer l’importance des activités transactionnelles dans le succès d’un service des ressources humaines et de croire que le but de la transformation est de remplacer le transactionnel par le stratégique. La réalité veut plutôt que les deux types d’activités soient importants et nécessaires. Dans les faits, il paraît difficile d’accéder au stratégique, quand le transactionnel n’est pas accompli avec efficacité. L’objectif de la transformation du service des ressources humaines est donc d’avancer sur trois fronts : améliorer la rapidité et la qualité des services transactionnels offerts, réduire le temps consacré aux tâches administratives pour le reporter sur des dossiers ayant une plus grande valeur ajoutée, finalement, réduire les coûts de fonctionnement du service.

Pour cela, les responsables des ressources humaines doivent miser sur les technologies de l’information. À cet égard, probablement pour une question de coût et d’accès à une technologie adaptée à leurs besoins, les services des ressources humaines ont historiquement eu moins recours aux nouvelles technologies que beaucoup d’autres secteurs de l’entreprise. C’est pour combler ce retard que plusieurs ont entrepris ou envisagent de centraliser les activités transactionnelles dans un centre d’excellence dans ce domaine. Ce centre peut être interne (insourcing) ou externe (outsourcing) à l’organisation.

Initiative 4 : créer un centre de services partagé
Un centre de services dit partagé cherche à regrouper à un seul endroit, généralement virtuel, toutes les activités transactionnelles disséminées un peu partout au siège social, dans les divisions et les unités d’affaires. Une solution à deux niveaux est généralement préconisée. Le premier niveau comprend soit un intranet convivial avec une interface questions-réponses, soit un accès téléphonique (1 800) pour traiter les besoins d’information primaires qui ne nécessitent pas l’intervention d’un expert en contenu. Ces outils ont le net avantage de permettre la prise en charge en libre-service, par les gestionnaires et les employés, d’une portion importante des transactions (environ 50 %). Le deuxième niveau est généralement constitué d’un centre d’appels ou de l’accès téléphonique à une personne ayant une expertise en contenu diversifiée, qui peut fournir une interprétation de politique, une explication ou même un avis sur une démarche à suivre. En principe, on estime qu’environ 35 % des activités transactionnelles devraient se régler à ce niveau. Quant aux 15 % restants, ils seraient transmis soit à un spécialiste en ressources humaines du siège social, soit au partenaire RH dans l’unité d’affaires. Ceci devrait leur donner toute la marge de manoeuvre requise pour assumer pleinement leurs nouveaux rôles.

Initiative 5 : impartir certaines activités à un fournisseur externe
Comme pour les autres services, le service des ressources humaines subit une forte pression pour faire plus avec moins. La réduction des coûts est donc pratiquement toujours une raison clairement affichée dans les projets de transformation. Il n’est pas rare d’observer un objectif de réduction des coûts de l’ordre de 40 et 50 %. C’est pourquoi l’impartition ou l’externalisation d’une partie ou même de la totalité des activités de type transactionnel est une option de plus en plus considérée par les responsables des ressources humaines, d’autant plus qu’avec une compétition accrue et les économies d’échelle, les coûts d’impartition devraient baisser sensiblement.

Beaucoup a été dit sur ce sujet récemment dans cette revue (juin/juillet/août 2005) et il n’est pas nécessaire de revenir sur les constats et enjeux discutés. Par contre, ce qui est intéressant à souligner, c’est que les services des ressources humaines ont finalement renversé une tendance. Historiquement, ils avaient comme pratique d’internaliser le transactionnel et d’externaliser les dossiers stratégiques très souvent confiés à des consultants. Or, de plus en plus, l’inverse se produit. Le transactionnel est confié à un fournisseur externe, alors que l’on tend à conserver à l’interne les mandats qui assurent de la visibilité et de l’impact. D’ailleurs, cette tendance nous conduit directement à notre troisième et dernier vecteur de transformation.

Axe C : accroître la professionnalisation du service des ressources humaines
Le service des ressources humaines tel que nous le concevons, soit une unité chargée de fournir à l’organisation l’expertise et les systèmes pertinents à une saine gestion des ressources humaines, sera forcément beaucoup plus petit qu’avant. Par contre, comme son statut devrait être sensiblement accru, il sera composé d’une plus grande proportion de professionnels de haut niveau en matière d’expertise et de compétences en intervention et en gestion. Dans ce contexte, ses responsables devront probablement encourager la participation des professionnels de la gestion des ressources humaines à des programmes de formation en gestion destinés à une clientèle hétérogène de gestionnaires, faciliter les mouvements de carrière entre les ressources humaines et les opérations (dans les deux sens), recruter dans de nouveaux bassins de candidats (diplômés MBA) et embaucher davantage de candidats ayant une maîtrise.

Initiative 6 : concevoir le service des ressources humaines comme un centre d’expertise
S’il applique les initiatives décrites antérieurement, le service des ressources humaines serait alors composé d’un nombre restreint de spécialistes dans les divers champs de la fonction (rémunération, développement organisationnel). Il aurait le mandat suivant : cerner les meilleures pratiques sur le marché, concevoir les politiques et systèmes de gestion et procurer les expertises pointues requises par les généralistes dans les unités d’affaires ou le centre de services partagés. Par exemple, une question inédite acheminée au centre d’appel serait transmise au spécialiste qui, dans un délai de 24 à 48 heures, devrait fournir une réponse validée qui se retrouverait automatiquement sur l’intranet ou au centre d’appels, donc rapidement accessible à l’ensemble de l’organisation.

Initiative 7 : créer un groupe de consultants internes
Certaines grandes organisations ont poussé l’idée de centre d’expertise plus loin en créant un groupe restreint de consultants internes. Fonctionnant sur le modèle d’une firme de consultants, ils vendent sur le marché interne de l’organisation leurs services d’accompagnement dans le cadre de changements majeurs. Ils sont également disponibles pour soutenir les partenaires d’affaires RH dans certains dossiers stratégiques (relève, apprentissage organisationnel) ou pour gérer des situations difficiles dans leur unité d’affaires.

Conclusion
L’enjeu central du repositionnement des services des ressources humaines est de faire plus, différemment et à moindre coût, quitte à le faire faire par d’autres. Les changements envisagés auront certainement des conséquences marquées pour les professionnels de la gestion des ressources humaines. On peut penser que de nouveaux cheminements de carrière devraient s’ouvrir hors de la fonction ressources humaines, dans les opérations ou chez des fournisseurs externes qui auront un urgent besoin d’expertise et d’expérience. Il est probable que les emplois seront moins nombreux au sein des services des ressources humaines, mais ils seront de meilleure qualité car davantage associés au statut d’expert ou de partenaire d’affaires. Enfin, les professionnels de la gestion des ressources humaines auront à consacrer d’importants efforts à l’acquisition de nouvelles compétences, particulièrement dans le domaine de la gestion et des nouvelles technologies.

Ce texte a pour but de faire le point sur ce qui motive la transformation du service des ressources humaines et sur les options qui s’offrent à nous. Nous ne proposons pas un modèle unique. C’est à chaque responsable des ressources humaines, avec son équipe et ses clients, d’amorcer la réflexion qui conduira à la solution appropriée. Notre souhait est que ce texte serve de base aux questions qui seront posées et aux enjeux qui seront discutés.

Dans un monde idéal, nous aurions commencé bien avant ce processus de transformation de façon à être mieux positionnés aujourd’hui, au moment où le besoin se manifeste clairement. Avant que d’autres prennent les décisions qui nous reviennent, il est urgent de combler ce retard. Notre crédibilité et notre influence n’en seront que renforcées.

Alain Gosselin, CRHA, professeur titulaire, service de l'enseignement de la GRH, HEC Montréal

Source : Effectif, Volume 9, numéro 1, janvier/février/mars 2006

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