Vous lisez : Les nouvelles compétences des professionnels en ressources humaines

La gestion des ressources humaines prend de plus en plus d’importance dans les organisations. La pérennité organisationnelle, l’excellence opérationnelle, l’innovation, la qualité ou l’orientation client sont quelques enjeux qui exigent une meilleure gestion du capital humain.

Par conséquent, les mandats et les responsabilités des professionnels de la gestion des ressources humaines en matière de productivité humaine, attraction et conservation du personnel, gestion de la relève, gestion des compétences, gestion de la reconnaissance ou gestion de la diversité et des nouvelles valeurs de la main-d’oeuvre prendront de l’envergure dans les prochaines années. Ces nouveaux défis obligent l’identification de nouvelles compétences afin que les professionnels du domaine puissent contribuer directement au succès organisationnel. On trouvera dans cet article un tour d’horizon des répertoires de compétences en gestion des ressources humaines proposés par la communauté scientifique afin d’orienter l’action des professionnels à cet égard.

Il est approprié de définir préalablement la notion de « compétence » avant de se concentrer sur l’examen des compétences requises. Les connaissances, le savoir-faire et le savoir-être sont les principales dimensions des différentes conceptualisations de la compétence. Plus spécifiquement, les compétences sont définies comme étant une configuration d’attributs psychologiques et d’attributs de nature comportementale qui sont associés à la fois à une performance supérieure dans le cadre de l’emploi et au succès organisationnel. Ces multiples attributs observables incluent notamment les connaissances, les traits, les motivations intrinsèques, les aptitudes et les attitudes. En résumé, l’application des compétences techniques, personnelles et interpersonnelles telles que les connaissances, l’adaptation, l’innovation, le travail d’équipe, la coopération et la communication représente une initiative stratégique qui vise le succès en emploi et, par ricochet, l’atteinte des objectifs et des résultats organisationnels.

L’intérêt croissant à l’égard de la relation entre la gestion des ressources humaines et la performance organisationnelle explique l’attention particulière accordée à la nature des rôles et des compétences que les professionnels doivent maîtriser afin d’apporter une valeur ajoutée à la performance organisationnelle. L’appréciation des différents rôles du professionnel de la gestion des ressources humaines constitue la première étape de la détermination des compétences requises pour jouer ces rôles.

Typologies des rôles
Plusieurs typologies des rôles du professionnel de la gestion des ressources humaines ont été proposées. Par exemple, Tyson se concentre sur les rôles de soutien administratif, de gestionnaire des contrats de travail ainsi que d’architecte des politiques susceptibles de contribuer au succès organisationnel. Schuler observe pour sa part l’apparition des rôles suivants : artisan du changement, consultant interne, gestionnaire du talent humain, partenaire d’affaires dans l’élaboration et la mise en oeuvre de la stratégie, contrôleur des coûts financiers et opérationnels. Selon lui, la diversité de ces rôles se manifeste en réponse à l’obligation du professionnel de contribuer à l’efficacité organisationnelle. Storey définit quant à lui quatre rôles : consultant interne, régulateur dont le mandat est d’adopter, promulguer et surveiller l’application des politiques, agent de changement et gestionnaire de service. Enfin, le modèle dominant des rôles s’appuie sur la matrice 2 x 2 d’Ulrich. Celui-ci adopte deux continuums (les processus et le système de gestion des ressources humaines versus la gestion des personnes; la dimension stratégique versus la dimension opérationnelle) afin de clarifier les quatre principaux rôles qui fournissent une valeur ajoutée à l’organisation.

  • Partenaire opérationnel (expert en ressources humaines).
    Dans ce rôle, le professionnel de la gestion des ressources humaines conçoit et implante les politiques, les processus et les systèmes pour les différentes activités. En tant que consultant interne dans son champ d’expertise, il conseille judicieusement les autres professionnels, les gestionnaires et les employés. Il prend la responsabilité d’améliorer et de mesurer les bénéfices des programmes sur une base continue. Il gère également la discipline selon une approche positive. Enfin, il offre des conseils et des services qui sont de qualité, pertinents, accessibles, fiables et innovateurs. Le résultat visé par ce rôle est l’efficacité et l’efficience administrative.

  • Champion des employés.
    Le professionnel de la gestion des ressources humaines est le défenseur des intérêts, des droits et des responsabilités des employés. Il discute des besoins des employés et souligne les préoccupations des gestionnaires en matière de relations et de communication avec les employés. Finalement, il fournit aux employés les ressources nécessaires afin qu’ils soient mobilisés envers l’atteinte des objectifs organisationnels. Ce rôle vise à favoriser, mesurer et accroître la compétence, la contribution et l’engagement des employés.

  • Agent de changement.
    Le professionnel de la gestion des ressources humaines gère la transformation organisationnelle, la réorganisation du travail et le changement. Il réalise également la restructuration des processus d’affaires. Le résultat visé par ce rôle est la croissance de l’efficacité organisationnelle.

  • Le partenaire stratégique.
    Le professionnel formule une stratégie de gestion des ressources humaines alignée sur les objectifs organisationnels. Il apporte une contribution visible et tangible aux décisions stratégiques. Enfin, il adopte un rôle de vigie de l’environnement interne et externe. Le but visé par ce rôle est la mise en oeuvre et l’alignement de la stratégie ressources humaines sur les objectifs d’affaires.

La plupart des auteurs constatent une nouvelle trajectoire dans les rôles du professionnel de la gestion des ressources humaines. En effet, celui-ci devient le partenaire des cadres supérieurs et opérationnels dans l’exécution de la stratégie organisationnelle. Par ailleurs, il subsiste un déclin du rôle de régulateur des politiques ressources humaines ainsi qu’une intensification des rôles de consultant interne, d’expert en ressources humaines et d’agent de changement. Certains auteurs affirment que les rôles du professionnel de la gestion des ressources humaines se transforment rapidement. Par conséquent, les compétences requises pour accomplir ces rôles changent parallèlement. Les connaissances, les aptitudes et les habiletés jouent un rôle de premier plan dans la mise en place d’une gestion des ressources humaines efficace. Cette analyse ouvre donc la voie à l’identification des compétences requises dans l’exercice complexe des rôles du conseiller en ressources humaines.

Compétences essentielles
Plusieurs études théoriques et empiriques ont été réalisées récemment afin d’identifier les compétences essentielles du professionnel de la gestion des ressources humaines exemplaire. Heneman souligne l’importance de valoriser les aptitudes analytiques ainsi que les aptitudes liées au leadership. À l’aide d’entrevues auprès de cadres supérieurs et de praticiens, plusieurs chercheurs constatent que de nombreux diplômés en gestion des ressources humaines ne maîtrisent pas suffisamment les connaissances liées au droit du travail, relations du travail, gestion des opérations, gestion éthique des organisations et gestion stratégique. Par ailleurs, ces mêmes auteurs recommandent aux professionnels de la gestion des ressources humaines de développer davantage leurs aptitudes interpersonnelles. D’autres mentionnent que les professionnels doivent maîtriser l’ensemble des processus de gestion des ressources humaines, les nombreux modèles et outils dans les secteurs du diagnostic organisationnel, gestion du changement et développement organisationnel ainsi que le langage des affaires de manière à devenir de véritables partenaires d’affaires. De plus, ces auteurs insistent sur la capacité à adopter diverses approches de consultation interne.

Les travaux d’Ulrich dans le secteur de l’appréciation des compétences sont les plus cités dans la documentation scientifique. Lors d’une première étude empirique, il remarque que la connaissance approfondie des processus, les aptitudes à gérer le changement ainsi que la connaissance du milieu des affaires sont indispensables au succès du professionnel de la gestion des ressources humaines. D’autres auteurs y ajoutent les compétences associées à la compréhension de la gestion stratégique, gestion de la reconnaissance, gestion de la culture organisationnelle, gestion de la clientèle interne et externe, gestion financière ainsi que de l’environnement économique de l’entreprise. Finalement, les travaux d’Ulrich accordent une attention particulière aux compétences analytiques et personnelles telles que la capacité de penser selon une perspective stratégique et la crédibilité personnelle. Une nouvelle compétence à acquérir semble se dessiner à l’horizon. Meisinger et Losey soulignent en effet que, lorsque la situation l’exige, les professionnels de la gestion des ressources humaines doivent avoir le courage de remettre en question les pratiques de gestion qualifiées de douteuses ou qui ne correspondent pas aux normes éthiques.

Malgré l’importance de posséder une solide compréhension du milieu des affaires, de maîtriser la gestion du changement ainsi que d’avoir de fortes capacités interpersonnelles en matière de communication et d’influence, plusieurs auteurs affirment sur un ton pessimiste que seulement 10 à 35 % des professionnels de la gestion des ressources humaines maîtrisent convenablement ces nouvelles compétences. De plus, Meisinger constate que seulement 34 % des cadres supérieurs considèrent réellement les professionnels de la gestion des ressources humaines comme des partenaires stratégiques.

Un répertoire en cinq dimensions…
Soucieux d’effectuer une synthèse de la documentation scientifique sur les compétences des professionnels de la gestion des ressources humaines et de permettre le développement de ces compétences, Brockbank et Ulrich présentent un répertoire des compétences en cinq dimensions : la contribution stratégique, la crédibilité personnelle, l’expertise en ressources humaines, la connaissance de la gestion d’entreprise et la connaissance de la technologie. Les résultats empiriques de Brockbank et Ulrich auprès d’un échantillon d’entreprises américaines démontrent que la maîtrise de l’ensemble de ces compétences contribue à expliquer 10 % de la performance financière de l’organisation. La contribution stratégique permet à elle seule de prédire 5 % de la performance financière de l’organisation. La crédibilité personnelle et l’expertise en ressources humaines expliquent respectivement 3 % et 2 % de la performance financière de l’organisation. La connaissance de la gestion d’entreprise se limite à expliquer 1 % de la performance financière de l’organisation et la connaissance de la technologie appliquée aux ressources humaines n’est pas reliée à la performance financière de l’organisation. Tandis que les données empiriques indiquent que la relation entre la maîtrise des compétences et la performance financière de l’organisation est relativement faible, des résultats additionnels soulignent un lien très étroit entre la maîtrise des compétences et la perception des gestionnaires et des employés à l’égard de la valeur ajoutée du service des ressources humaines dans l’organisation. Parmi les compétences qui prédisent le mieux la perception des gestionnaires et des employés à l’égard de la valeur ajoutée du service, nous retenons la contribution stratégique, la crédibilité personnelle et l’expertise RH qui contribuent à expliquer respectivement 38 %, 49 % et 31 % de cette perception des retombées du service des ressources humaines.

Dans une étude qui vise à vérifier la généralisation des données empiriques de Brockbank et Ulrich auprès des organisations européennes, Boselie et Paauwe observent que les gestionnaires établissent une relation positive entre la maîtrise de la compétence contribution stratégique à la performance financière de l’organisation. À l’opposé, les professionnels de la gestion des ressources humaines croient plutôt que la connaissance de la gestion d’entreprise est liée à cette performance financière. Les analyses statistiques concernant les liens entre la maîtrise des compétences et la valeur ajoutée du service des ressources humaines dans l’organisation révèlent que la crédibilité personnelle et l’expertise en ressources humaines favorisent une appréciation positive du service des ressources humaines parmi les gestionnaires et les employés. Pour l’ensemble des répondants, la connaissance de la technologie ne contribue pas à accroître la perception de valeur ajoutée du service des ressources humaines ou la performance financière de l’organisation. En somme, la crédibilité personnelle ainsi que l’expertise ont une incidence positive sur la perception de valeur ajoutée du service. Il est possible d’établir dans une certaine mesure une relation positive entre la contribution stratégique et la performance financière de l’organisation.

McEvoy et ses collaborateurs recommandent également un répertoire de compétences de manière à guider le développement des professionnels de la gestion des ressources humaines. Ils proposent quatre principales compétences qui se rattachent à la maîtrise de diverses connaissances : compétence en gestion d’entreprise, compétence organisationnelle (gestion du changement), expertise en ressources humaines et crédibilité professionnelle. Ces multiples compétences sont semblables au profil de compétences élaboré par Brockbank et Ulrich. Les auteurs valorisent également les compétences fondées sur le savoir-faire telles que les aptitudes pour la communication, l’analyse, la consultation interne, la collaboration. Ils énumèrent finalement une liste complète de compétences qui se greffent au savoir-être : courage, proactivité, orientation vers l’action, innovation, adaptabilité, estime de soi, prédisposition à prendre des risques, intégrité, vivacité d’esprit et perspective large dans l’analyse des situations organisationnelles, curiosité, énergie, sens des responsabilités et respect des opinions divergentes.

En conclusion, les nouvelles compétences se greffent aux multiples rôles que les professionnels de la gestion des ressources humaines s’engagent à mettre en oeuvre dans un contexte de complexité organisationnelle. Ils sont maintenant tenus de maîtriser la contribution stratégique, la crédibilité personnelle et l’expertise en ressources humaines s’ils veulent apporter une valeur ajoutée à l’excellence opérationnelle du service et participer à l’amélioration de la compétitivité organisationnelle. La bibliographie de cet article se trouve dans la version électronique d’Effectif.

Denis Morin, CRHA, professeur agrégé en gestion des ressources humaines et chercheur à la Chaire en gestion des compétences, École des sciences de la Gestion, Université du Québec à Montréal

Source : Effectif, Volume 9, numéro 1, janvier/février/mars 2006

Bibliographie

Baill, B. (1999). « The changing requirements of the HR professional: Implications for the development of HR professionals », Human Resource Management, 38, p. 171-176.

Barber, A.B. (1999). « Implication for the design of human resource management education: Education, training, and certification », Human Resource Management, 38, p. 177-182.

Boselie, P. et Paauwe, J. (2004). « Human resource function competencies in European companies », Personnel Review, 34, p. 550-566.

Boyatzis, R.E., Stubbs, E.C. et Taylor, S.N. (2002). « Learning cognitive and emotional intelligence competencies through graduate management education », Academy of Management Learning and Education, 2, p. 150-162.

Brockbank, W. et Ulrich, D. (2003). Competencies for the new HR, University of Michigan Business School, SHRM and Global Consulting Alliance.

Brockbank, W., Ulrich, D., et Beatty, R.W. (1999). « HR professional development: creating the future crators at the University of Michigan Business School », Human Resource Management, 38, p. 111-116.

Caldwell, R. (2003). « The changing role of personnel managers: old ambiguities, new incertainties », Journal of Management Studies, 40, p. 983-1004.

Cascio, W.F. (2005). « From business partner to driving business success: the next step in the evolution of HR management », Human Resource Management, 44, p. 159-163.

Hayton, J.C., Cohen, D., Hume, F., Kaufman, B. et Taylor, J. (2005). « Conversations on what the market wants from HR graduates, and how can we institutionalize innovation in teaching », Human Resource Management Review, 15, p. 238-245.

Heneman, R.L. (1999). « Emphasizing analytical skills in HR graduate education: the ohio state University MLHR program », Human Resource Management, 38, p. 131-134.

Kaufman, B.E. (1999). « Evolution and current status of university HR programs », Human Resource Management, 38, p. 103-110.

Langbert, M. (2005). « The master’s degree in HRM: Midwife to a new profession?  », Academy of Management Learning and Education, 4, p. 434-450.

Losey, M. R. (1999). « Mastering the competencies of HR management », Human Resource Management, 38,
p. 99-102.

McEvoy, G.M., Hayton, J.C., Warnick, A. P., Mumford, T.V., Hanks, S.H. et Blahna, M.-J. (2005). « A competency-based model for developing human resource professional », Journal of Management Education, 29, p. 383-402.

Meisinger S.R. (2005). « The four Cs of the HR profession: Being competent, curious, courageous, and caring about people », Human Resource Management, 44, p. 189-194.

Schuler, R.S., Jackson, S.E. et Fendt, J. (2003). « HR leader, staff and department » dans R. Berndt (Ed.), Leadership in Difficult Times, Berlin, Springer Press.

Schuler, R.S. et Jackson, S.E. (2001). « HR roles, competencies, partnerships and structure » dans M. Warner & Poole, M. (Eds.), International Encyclopedia of Business and Management, London, ITP.

Schuler, R.S. (1990). « Repositioning the human resource function: transformation or demise? », Academy of Management Executive, 4, p. 49-59.

Spencer, L.M. Jr. et Spencer, S.M. (1993). Competency at work: Models for superior performance, New York, John Wiley.

Storey, J. (1992). Developments in the Management of Human Resources, Oxford, Blackwell Publishers.

Tyson, S. (1987). « The management of the personnel function », Journal of Management Studies, 24, p. 523-532.

Ulrich, D. (1997). Human Resource Champion, Boston, Harvard Business School Press. Ulrich, D., Brockbank, W., Yeung, A.K. et Lake, D.G. (1995). « Human resource competencies: An empirical assessment », Human Resource Management, 34, p. 473-495.

Yeung, A. (1996). « Identifying and developing HR competencies for the future: Keys to sustaining the transformation of HR functions », Human Resource Planning, 19, p. 48-58.

Ajouté à votre librairie Retiré de votre librairie