Vous lisez : L'intelligence émotionnelle, un atout

Chacun de nous possède certaines caractéristiques physiologiques qui, associées aux expériences qui nous façonnent, déterminent notre perception du monde et notre comportement. Nous avons tous notre propre perception du monde et un comportement qui reflète cette perception.

En raison de nos différences de perception, nous choquons souvent, et inconsciemment, les susceptibilités des autres dans le cours de nos interactions. Lorsque nos susceptibilités sont touchées, réagissons-nous sans réfléchir, c’est-à-dire de façon émotionnelle, ou soumettons-nous ce stimulus à une analyse rationnelle et à un processus de réflexion?

Bref, avons-nous tendance à réagir ou à agir?

Les bons dirigeants savent qu’ils influencent par leur attitude et leur comportement. Ils apprennent à observer les autres et choisissent de se comporter de façon à être plus efficaces, dans leurs relations et en affaires. Or, il est encourageant de savoir que tout au long de notre vie, nous pouvons constamment améliorer notre intelligence émotionnelle. Pour ce faire, nous devons apprendre à mieux nous connaître et travailler sur nous-mêmes. Le résultat en vaut la peine.

Il y a vingt-cinq ans environ, lors d’une cérémonie de collation des grades, le directeur d’une école secondaire avait prédit que, vingt ans plus tard, les premiers de classe travailleraient probablement pour les étudiants qui occupaient alors le deuxième rang, qui eux-mêmes géreraient les sociétés appartenant aux étudiants qui venaient au troisième rang. Ses commentaires découlaient de ses observations, sur deux décennies, d’étudiants avec lesquels il était demeuré en contact après que ceux-ci aient quitté l’école secondaire. Ils constituent l’origine de la recherche sur l’intelligence émotionnelle.

L’expression intelligence émotionnelle, qui a fait son apparition au début des années 1980, décrit la capacité d’une personne de reconnaître ses propres émotions et de les utiliser de façon productive, de reconnaître également les émotions d’autrui et de s’adapter positivement au changement. Il s’agit à la fois d’un talent inné et d’une aptitude qu’il est possible d’acquérir et qui permet d’améliorer nos relations et notre efficacité dans tous les aspects de notre vie. Pendant des décennies, des chercheurs ont observé que les personnes pourvues du quotient intellectuel (QI) le plus élevé n’obtenaient souvent pas les résultats exceptionnels auxquels on se serait attendu. En fait, les personnes dont le QI était inférieur réussissaient mieux en affaires et dans leurs relations personnelles. Les psychologues et les sociologues ont donc commencé à chercher une explication à cet état de fait. Les résultats de la recherche faisaient notamment état d’« intelligence critique » et d’une plus grande valorisation de la double capacité de s’autogérer et de travailler avec les autres.

Qu’est-ce que l’intelligence émotionnelle?
En 1983, un psychologue de Harvard, Howard Gardner, a publié une théorie avant-gardiste qui remettait en question la définition largement acceptée de l’intelligence humaine. Il considérait que le quotient intellectuel servait à mesurer essentiellement l’apprentissage théorique et constituait une mesure trop restrictive de l’intelligence humaine. Il avançait l’existence de multiples formes d’intelligence essentielles à la réussite personnelle, qu’il regroupait en sept grandes catégories. Ces catégories comprenaient les intelligences verbale, logico-mathématique, visuo-spatiale, musicale, kinesthésique, interpersonnelle et intrapersonnelle. Ces deux dernières formes d’intelligence sont au cœur de l’intelligence émotionnelle.

Les personnes dotées d’une intelligence intrapersonnelle possèdent une bonne connaissance d’elles-mêmes. Elles connaissent leurs points forts et leurs points faibles, leurs désirs, leurs craintes, leurs joies et leurs peines. Elles savent utiliser cette connaissance pour s’adapter de façon positive au changement; on appelle cette caractéristique la résilience. L’intelligence interpersonnelle désigne l’aptitude à connaître et à comprendre les autres, et plus particulièrement leurs sentiments et leurs réactions émotionnelles. Ceux qui possèdent cette forme d’intelligence ont la faculté de s’identifier aux autres, de remarquer les signes qui trahissent leurs émotions et de réagir de façon appropriée, de sorte que les autres se sentent en sécurité et compris. Une personne qui réunit ces deux formes d’intelligence peut travailler efficacement avec des gens aux personnalités très diverses. En fait, une personne qui manifeste une grande intelligence émotionnelle se distingue par le fait que l’on se sent bien en sa compagnie. Par son attitude, elle encourage, soutient et aide inévitablement les autres.

L’intelligence émotionnelle comporte cinq caractéristiques clés :

  • la conscience de nos propres émotions, c’est-à-dire la capacité de reconnaître nos réactions émotionnelles lorsqu’elles se produisent;
  • la maîtrise de nos émotions, à savoir la capacité de choisir un comportement en réaction à un stimulus (agir plutôt que réagir);
  • la faculté de nous motiver, à savoir la capacité de faire ce qu’il faut pour atteindre un but (à court et à long termes);
  • l’empathie, à savoir la capacité de décrypter la réaction émotionnelle d’une autre personne devant une situation donnée; cette faculté consiste notamment à remarquer des signes comme de subtils changements dans l’expression du visage ou le ton de la voix, puis à interpréter correctement ces changements;
  • la gestion efficace des relations, soit la capacité de prendre des décisions judicieuses à l’égard de notre propre comportement, de savoir à quel moment il faut lutter, affronter, garder le silence, réconforter ou soutenir.
Les trois premières caractéristiques concernent notre connaissance de nous-même et de nos réactions. Connaissons-nous nos points sensibles? Possédons-nous des techniques nous permettant d’agir et non pas de réagir lorsque quelqu’un touche un de nos points sensibles? Avons-nous la discipline de persévérer lorsque nous sommes découragés? Ces questions concernent l’application pratique de la connaissance de soi.

Les quatrième et cinquième caractéristiques renvoient directement à la conscience des émotions d’autrui. Savons-nous notamment noter les signes subtils qui reflètent la réaction primaire et émotionnelle d’une autre personne à l’égard d’une information ou d’une situation, et y réagissons-nous de façon appropriée? Cette faculté concerne directement la capacité de travailler avec d’autres et de créer de solides relations de confiance qui permettent à toutes les parties de mieux réussir.

Pourquoi l’intelligence émotionnelle est-elle importante?
La capacité d’entretenir de solides relations de confiance avec de nombreuses personnes différentes montre l’importance de l’intelligence émotionnelle en milieu de travail. Devant une concurrence de plus en plus vive, les sociétés reconnaissent qu’elles doivent améliorer leurs différents systèmes ou services spécialisés pour offrir une valeur accrue aux clients. À cette fin, elles engagent et forment des personnes qui possèdent une grande expertise dans un domaine donné. Or, ces spécialistes n’ont souvent pas de formation en dehors de leur domaine d’expertise et ils ne savent pas toujours comment travailler en collaboration avec des clients et des collègues qui ne comprennent pas toujours leur point de vue.

Comme on l’a constaté avec la mesure du quotient intellectuel, l’intelligence technique réduit parfois le champ de vision d’une personne et l’empêche de voir les aspects critiques extérieurs à son domaine d’activité. La capacité de rassembler des personnes et des points de vue divers pour créer une équipe efficace est essentielle à la réussite à long terme de toute entreprise. L’aptitude à collaborer est la caractéristique principale d’une personne dotée d’une intelligence émotionnelle. Pour utiliser une métaphore, la personne pourvue d’une intelligence émotionnelle constitue le mortier qui joint les briques que sont les nombreuses personnes possédant des connaissances spécialisées variées. En ce sens, l’intelligence émotionnelle assure généralement l’intégrité des personnes et des processus de l’organisation. En outre, des données semblent indiquer que le potentiel d’une équipe est directement fonction de son « quotient intellectuel de groupe », soit la faculté de réunir les talents et compétences de tous les membres du groupe. L’harmonie est la clé d’un quotient intellectuel de groupe élevé.

L’un des aspects les plus encourageants concernant l’intelligence émotionnelle, qui nous est révélé par les observations et la recherche, veut qu’à l’encontre du QI, qui semble être prédéterminé relativement tôt et demeurer inchangé pendant la vie d’une personne, l’intelligence émotionnelle peut s’améliorer constamment. Il semble qu’il n’y ait pas de limite à l’augmentation du quotient émotionnel. Tant qu’une personne s’efforce, consciemment, de mieux se connaître et de mieux connaître les autres, ce quotient continue de s’élever. Lorsque les personnes décident d’apprendre et d’adopter de nouveaux comportements qui les aident à mieux gérer leurs relations, elles augmentent leur intelligence émotionnelle.

Accroître l’intelligence émotionnelle
Le point de départ est la conscience de soi. La personne qui se connaît mal n’est pas capable de séparer les véritables menaces émotionnelles des événements historiques qui l’ont conditionnée à adopter une réaction primaire à l’égard du stimulus. Le fait de connaître ses propres perceptions permet à une personne de se mettre plus facilement dans la « peau de l’autre » devant des événements et des réactions émotionnelles. Il y a plusieurs façons d’acquérir une meilleure connaissance de soi, en particulier par rapport à son comportement dans les relations de travail. Ainsi, il existe de nombreux outils qui nous permettent de mieux comprendre notre comportement et notre personnalité. Des outils bien conçus nous fournissent une compréhension précieuse de nos perceptions innées, en faisant ressortir les points de vue et préférences qui font partie de notre conditionnement.

Le test de personnalité de Meyers-Briggs (Meyers-Briggs Temperament Indicator) est sans aucun doute l’outil le mieux connu. Ce test nous fournit des informations détaillées et une grande quantité de données qui nous permettent d’en apprendre davantage sur nous-même et sur les autres. Sa complexité même limite parfois son efficacité pour le milieu du travail. Des versions simplifiées de type comportemental fournissent également des informations utiles sur nos perceptions et nos zones de sécurité. Tous ces outils décrivent plusieurs perspectives à la fois valables et distinctives. Lorsqu’ils sont utilisés dans un contexte sain et dans le cadre de séances dirigées, ces tests aident à faire comprendre l’importance de l’existence de perspectives diverses au sein des organisations. Ces programmes de formation ont pour principal avantage d’amener chacun à reconnaître que les opinions des autres sont valables et à modifier son comportement pour créer des rapports plus harmonieux.

L’aspect important de l’intelligence émotionnelle, celui qui nous permet d’être plus efficace dans nos réactions avec les autres, consiste à choisir de modifier son comportement. Cette décision, lorsqu’elle est prise par respect pour la personnalité unique de l’autre et dans un désir authentique de travailler plus efficacement avec cette personne, a le potentiel de modifier l’environnement de travail pour le mieux. On pose ainsi le fondement d’une relation axée sur la confiance et la collaboration de même que sur le partage d’expertises variées en vue de l’atteinte d’un but commun. Les défenses ont tendance à tomber et les ressources personnelles peuvent être dirigées vers les questions qui se posent au groupe.

Avantages de l’intelligence émotionnelle en milieu de travail
Comme on pourrait s’y attendre, une plus grande intelligence émotionnelle est source d’une harmonie accrue au sein des équipes en particulier et au sein du milieu de travail en général. On constate une productivité accrue et un plus grand esprit de collaboration. Lorsque des divergences d’opinion surgissent, nous sommes davantage disposés à écouter les points de vue des autres et à apprendre les uns des autres. Nous sommes ainsi moins portés à nous sentir personnellement visés et nous focalisons notre attention sur la résolution des problèmes.

L’augmentation du quotient émotionnel au sein des organisations a aussi pour effet de rendre le climat de travail plus agréable. Les personnes qui ne sont pas sur la défensive se prennent moins au sérieux, voient avec humour les maladresses et apprécient les plaisanteries, ce qui tend souvent à accroître la créativité et l’innovation en matière de résolution de problèmes. Il en résulte, en bout de ligne, une plus grande satisfaction de la clientèle et une meilleure performance sur le plan économique.

Une intelligence émotionnelle accrue correspond souvent à une interaction plus efficace avec les clients éventuels et à l’augmentation de la clientèle. Faisant preuve d’une meilleure écoute, les personnes dont le quotient émotionnel est plus élevé comprennent mieux les besoins des clients et peuvent souvent prévenir ou résoudre plus facilement les problèmes. Elles sont en mesure de créer des relations plus productives et saines.

Ces personnes offrent aussi un avantage face aux défis de la mondialisation, qui se caractérise notamment par une diversité de cultures et de langues, car elles sont plus ouvertes à l’idée de comprendre des comportements différents et de connaître les perceptions des autres à leur endroit. Les personnes qui se connaissent bien et ont confiance en elles, qui peuvent décrypter les signes non verbaux et sont disposées à s’adapter aux autres, sont celles qui ouvrent la porte à de nouvelles possibilités. Lorsque l’organisation doit intégrer diverses perspectives aux processus de travail, le leadership que peuvent offrir les personnes qui manifestent une intelligence émotionnelle supérieure aidera grandement à cette intégration.

Comment les gestionnaires en ressources humaines peuvent-ils encourager le développement de l’intelligence émotionnelle?

  • Relevez les secteurs pour lesquels la création d’équipes plus efficaces et coopératives sera avantageuse pour la société.

  • Obtenez l’approbation de la haute direction. Pour ce faire, présentez une analyse de rentabilisation qui justifie la mise en œuvre. Décrivez les avantages associés à l’intelligence émotionnelle (performance au travail, conservation du personnel et innovation).

  • Élaborez et mettez en œuvre un programme en plusieurs étapes visant à promouvoir l’intelligence émotionnelle au sein du service des ressources humaines de la société. Commencez avec un projet expérimental qui consistera à créer un petit noyau d’employés qui voient les avantages de l’intelligence émotionnelle et qui se feront les défenseurs, en interne, de l’importance d’une intelligence émotionnelle accrue. Le processus devrait comporter les actions clés suivantes :

    1. recensez les services qui font montre d’une plus grande ouverture à l’égard du concept de même que les secteurs où une amélioration des compétences interpersonnelles est particulièrement nécessaire;

    2. trouvez au moins un membre de la haute direction qui veut participer au projet;

    3. déterminez les résultats qui vont démontrer si un changement de comportement a entraîné des avantages pour l’entreprise;

    4. choisissez plusieurs outils qui permettent aux personnes d’acquérir une meilleure connaissance de leurs propres comportements;

    5. établissez un calendrier de formation et de consolidation de l’apprentissage initial jusqu’à ce que des améliorations palpables puissent être observées;

    6. procédez à une évaluation périodique; faites participer un plus grand nombre de personnes au processus grâce au bouche à oreille ou à mesure que se fait sentir un besoin d’amélioration.

  • Insistez pour que les dirigeants de la société acquièrent les aptitudes qui caractérisent l’intelligence émotionnelle et qu’ils les appliquent. Offrez des programmes de formation, d’encadrement et de mentorat qui visent l’acquisition et le renforcement de ces aptitudes.

  • Trouvez ou élaborez des programmes de formation qui intègrent l’intelligence émotionnelle à différents rôles relatifs au travail en appliquant le concept à des situations de travail.

  • Prévoyez un projet expérimental visant à encourager une utilisation accrue de l’intelligence émotionnelle. À tout le moins, ce projet expérimental devrait être mené au sein du service des ressources humaines en vue d’en améliorer le fonctionnement interne de même que l’interaction du service avec les autres services de la société. Lorsque c’est possible, faites participer un autre service à l’effort initial. Suivez les étapes suivantes :

    1. trouvez un collègue disposé à vous assister dans votre démarche, exercez-vous à présenter une analyse de rentabilisation sur l’amélioration de l’intelligence émotionnelle et demandez-lui ses commentaires sur les outils utilisés;

    2. lorsque le projet prend fin, évaluez ce qui a, et ce qui n’a pas, fonctionné. Élaborez un plan en vue d’un suivi et des séances visant à consolider l’apprentissage.

  • Procédez à une évaluation de l’efficacité.

  • Élargissez le plus possible votre intervention.

Conclusion
Les organisations qui se préoccupent de l’avenir savent que les besoins et les désirs des clients vont changer. Pour répondre à des attentes encore insoupçonnées et changeantes, elles vont devoir créer des équipes composées de spécialistes dans divers secteurs qui peuvent former des groupes de travail dynamiques et produire des résultats. Ces entreprises seront en mesure d’innover, de développer de nouveaux produits et services et d’aider à façonner les secteurs d’activité de demain. Il existe des preuves qui montrent qu’une intelligence émotionnelle accrue produit des groupes de travail plus efficaces, une plus grande harmonie en milieu de travail et, en dernier ressort, des organisations plus résilientes.

Elizabeth Guss, MA
Traduit par Danièle Veillette avec l’autorisation de la Society for Human Resource Management
Traduction de Emotional Intelligence. Tous droits réservés. Septembre 2005.

Source : Effectif, Volume 8, numéro 5, novembre/décembre 2005
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