Récemment, dans un arbitrage de grief, nous avons passé une journée d’audition à débattre de la conformité d’une lettre de congédiement. Les parties ont perdu beaucoup de temps et d’argent sur ce point qui est, en définitive, très éloigné du débat principal. Je me suis demandé comment ce genre de problème pouvait encore survenir, alors que les gestionnaires qui avaient rédigé cette lettre avaient plusieurs années d’expérience? C’est ainsi que j’ai eu l’idée d’écrire cet article. Même si vous évoluez en milieu de travail non syndiqué, ces quelques conseils pourront vous être utiles.
Piège 1 : | Rédiger une mesure sous l’impulsion du moment, sous l’effet de la colère et dans un esprit de vengeance : mauvaise idée |
Attendez au lendemain ou faites relire votre mesure par quelqu’un de neutre. Vous risquez d’oublier des éléments, d’en mettre trop ou de prendre une mauvaise décision. |
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Piège 2 : | Utiliser des termes désobligeants |
Évitez de qualifier une personne (ex. : vous êtes un irresponsable), parlez plutôt de son comportement (ex. : votre comportement dénote un manque flagrant de sens des responsabilités). Si vous vous laissez aller à des attaques personnelles, ceci pourra nuire à la crédibilité de votre mesure et de vos motivations, si un jour vous avez à défendre cette mesure. Privilégiez les termes neutres. |
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Piège 3 : | Rédiger une mesure sans avoir vérifié l’exactitude des faits que vous entendez invoquer |
Ne prenez pas de chance. Il vaut mieux en mettre moins et être certain de ce que vous avancez. Les impressions des témoins telles « je pense qu’il voulait dire que… », les « j’ai entendu dire », les jugements de valeur d’un témoin ne sont pas fiables. Préférez des preuves directes et énoncez-les dans votre mesure : « M. X vous a vu dormir à votre poste de travail » ou encore « vous avez prononcé les paroles suivantes : … ». Une mesure basée sur des faits erronés est condamnée à la nullité. |
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Piège 4 : | L’excès de détail |
N’oubliez pas que tout ce que vous écrivez devra être prouvé. Si jamais vous avez à défendre cette mesure, les incohérences entre la preuve et les faits allégués dans celle-ci sont de nature à semer un doute défavorable à votre égard dans l’esprit du décideur. Cela ne veut pas dire de rester dans l’abstrait, mais tenez-vous en à ce qui est nécessaire pour que la personne visée puisse se situer et comprendre ce dont vous voulez parler. |
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Piège 5 : | Manque de constance dans l’imposition des mesures |
Imposez des mesures semblables pour des cas semblables. Pourquoi ne pas créer un registre, un livre de bord? Très souvent les employés allèguent la discrimination dans l’imposition des mesures : « J’ai reçu une suspension de deux jours alors que mon collègue n’a reçu qu’un avertissement écrit ». Si cela se révèle vrai, sachez que vous risquez que votre mesure soit réduite. Ceci est particulièrement vrai lorsque deux employés sont impliqués dans un même événement fautif. Si vous voulez sanctionner l’un des travailleurs plus sévèrement que l’autre, assurez-vous d’avoir des motifs ou des raisons qui justifient votre décision tels que : dossier antérieur plus lourd, incitation plutôt que simple participation, etc. |
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Piège 6 : | Ne pas vérifier la convention collective ou le manuel de l’employé |
Ces textes peuvent prévoir des délais, des façons de faire (rencontre préalable avant l’imposition de la mesure, information au syndicat, contenu de la mesure, motifs, raisons, faits, etc.) qui, s’ils ne sont pas respectés, mettent en péril votre mesure. |
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Piège 7 : | Omettre d’écrire les faits |
Cela peut sembler ridicule, mais quelques rédacteurs s’en tiennent à des « Tel que nous vous en avons fait part lors de notre rencontre » ou encore « Jeudi dernier, vous avez enfreint les règles de sécurité, vous êtes suspendu pour deux jours ». Ces rédactions sont susceptibles de causer des problèmes. Prenez donc quelques minutes de plus pour décrire les faits! Le lecteur doit pourvoir comprendre les où, quoi, quand, comment et pourquoi de la mesure. |
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Piège 8 : | Ne pas tenir compte de la situation de la personne visée par la mesure |
Vous pourrez être accusé d’aveuglement volontaire, de ne pas avoir fait ce que vous auriez dû faire, etc. Si vous pensez que le comportement de l’employé est susceptible d’avoir été provoqué ou peut s’expliquer par un élément extérieur (maladie d’un proche, alcoolisme, toxicomanie, problème personnel, etc.), offrez-lui de l’aide : « Nous vous rappelons que, si vous éprouvez des problèmes, nous sommes disponibles pour en discuter avec vous et nous pouvons vous orienter vers les ressources nécessaires ». Si vous n’avez que de vagues soupçons, n’écrivez pas la nature du problème. Par contre, si vous tendez davantage vers la certitude, n’hésitez pas à l’écrire avec plus de précision. Cette approche jouera en votre faveur. Un employé qui s’est vu offrir de l’aide mais qui l’a refusée ne pourra vous le reprocher. Également, devant un employé récidiviste, cette approche est aussi gagnante. Par exemple, à un employé qui a démontré plusieurs écarts de langage envers ses supérieurs, vous pourriez écrire : « Vous avez déjà été suspendu à plusieurs reprises pour votre langage abusif… Nous vous rappelons que, si vous estimez avoir des problèmes à contrôler vos écarts de langage ou vos excès de colère, nous pouvons vous orienter vers les ressources qui sauront vous aider dans votre démarche ». Les mesures disciplinaires servent à corriger le comportement. Évidemment, en cas de congédiement, il est inutile d’offrir de l’aide. |
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Piège 9 : | Invoquer le statut de représentant syndical à titre de facteur aggravant |
Dangereux. Le Code du travail prévoit des sanctions pour les employeurs qui imposent des mesures disciplinaires à des travailleurs en raison de l’exercice leurs droits syndicaux. Peut-être que cela n’était pas votre intention, que vous êtes de bonne foi… Mais les apparences seront contre vous et sachez que vous vous exposez à des débats inutiles. Également, plusieurs décideurs accordent une certaine immunité aux représentants syndicaux pour des gestes commis dans l’exercice de leurs fonctions, même si ces gestes mériteraient une sanction disciplinaire en temps normal. |
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Piège 10 : | Chercher des puces |
Ne mettez pas de vieux incidents dans votre mesure disciplinaire. Vous semblerez alors vous acharner. Certaines conventions collectives établissent le délai maximum au delà duquel il n’est plus possible d’invoquer des mesures disciplinaires antérieures. Ce délai excède rarement deux ans, sauf en cas de récidive. Il est certain qu’il faut faire du cas par cas et, devant un comportement qui persiste depuis plusieurs années, vous serez davantage autorisé à invoquer les fantômes du passé. Mais devant un comportement isolé, n’allez pas chercher un manquement qui date de quatre ans pour justifier une mesure plus sévère. S’il y a des sanctions au dossier qui peuvent être invoquées, faites-le. Ceci donnera du poids à votre mesure. Vous pouvez invoquer toutes les sanctions qui sont de la même nature que le comportement que vous désirez sanctionner. Ainsi, dormir au travail, arriver en retard et s’absenter sont des comportements de même nature puisqu’il s’agit de formes variées d’absentéisme. |
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Piège 11 : | L’automatisme |
Vol = congédiement. Ce n’est plus exact. Tout manquement doit être analysé en tenant compte des circonstances. |
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Piège 12 : | Les mesures disciplinaires sans trace |
Si vous donnez un simple avis verbal, conservez une note au dossier en indiquant les circonstances. Ainsi, si vous désirez invoquer cette mesure dans l’avenir à titre de gradation des sanctions, vous n’aurez pas à vous fier uniquement à votre mémoire. Même un simple avis oral peut avoir de l’importance. Vous ne pouvez pas imaginer le nombre de fois où les employeurs disent : « Il me semble que l’employé a déjà été averti pour un cas semblable », sans que l’on soit capable d’en faire la preuve… |
En terminant, rappelez-vous que tout est une question de « gros bon sens ». Ce qui importe avant tout dans la rédaction d’une mesure disciplinaire, c’est le choix de la sanction. Une sanction trop sévère est encore le principal motif d’annulation ou de réduction de cette mesure. C’est sans doute la décision la plus difficile que vous avez à prendre dans tout le processus disciplinaire!
Fannie Nepton, CRIA, avocate chez Cain Lamarre Casgrain Wells S.E.N.C.
Source : VigieRT, numéro 2, octobre 2005.