Vous lisez : ÉTUDE DE CAS – Mesures disciplinaires ou non disciplinaires : Les formalités à respecter

Votre grand-mère prônait la tolérance? Et bien, en matière de mesures disciplinaires, cela risque de se tourner contre vous. Toutefois, l’adage « mieux vaut prévenir… » est toujours d’actualité.

Lorsqu’il s’agit d’imposer une telle mesure, des formalités existent; elles sont issues de la convention collective et de la jurisprudence. De plus, les règles générales de preuve doivent être respectées.

Les exemples suivants illustrent des situations, dans le contexte d’un arbitrage de grief ou d’une plainte en vertu de l’article 124 de la Loi sur les normes du travail (LNT), où la mesure imposée a été maintenue ou cassée selon le respect ou le non-respect de ces formalités ou règles de preuve par l’employeur.

Des politiques ou directives claires

  • Tolérance d’une pratique selon laquelle les salariés faisaient le plein d’essence avant la fin du quart de travail

    Les plaignants, des techniciens ambulanciers, ont été suspendus pour s'être mis en état de non-disponibilité en effectuant le plein de leur véhicule avant la fin de leur quart de travail qui se terminait à 14 h. À 13 h 59, ils ont reçu une affectation à laquelle ils n'ont pas pu répondre. L'employeur leur reproche de ne pas avoir procédé immédiatement à l'affectation reçue, de s'être arrogé une prérogative qui ne leur appartenait pas, soit la répartition d'un appel vers un véhicule ambulancier, et de s'être placés dans un état de non-disponibilité, contrairement à la procédure de rapprochement de fin de quart.

    DÉCISION : Bien que les plaignants se soient mis dans la position de ne pouvoir répondre à un appel urgent et qu'ils aient ainsi provoqué un délai inutile, potentiellement dangereux pour un citoyen, il n'y a pas eu de négligence de leur part et ils n'ont pas agi malicieusement, de mauvaise foi, de manière insouciante ou encore de manière à donner priorité à leurs intérêts personnels. Selon la pratique établie, le véhicule s'approche du secteur vers la fin du quart et se place en position d'être rempli de carburant. Le préposé aux véhicules effectue immédiatement le plein, que les équipiers du véhicule le demandent ou non, quelquefois à la demande de l'employeur afin que les véhicules soient prêts pour le quart de travail suivant. L'absence de politique claire de l'employeur, son silence et sa non-intervention ont permis qu'une telle pratique s'installe, et celle-ci peut entraîner des effets négatifs au moment de la répartition d'appels urgents. Les griefs contestant les suspensions imposées sont accueillis.

    Corp. d'Urgences-santé de la région métropolitaine de Montréal et Rassemblement des techniciens ambulanciers du Québec (F.S.S.S.-C.S.N.), SOQUIJ AZ-02142026
  • Tolérance d’une pratique selon laquelle les congés de maladie sont utilisés à d’autres fins

    Le plaignant, un policier, s'est absenté de son travail à plusieurs reprises afin que ses enfants ne demeurent pas seuls certains matins, utilisant pour ce faire ses crédits de congés de maladie. Le 17 octobre 1999, il a présenté des demandes de permis d'absence pour cause de maladie afin de s'absenter pendant une heure les matins du 25 et du 26 octobre 1999. Ces permis ont été refusés par un de ses supérieurs, lequel, ayant croisé le plaignant par hasard, l'a avisé de cesser ce genre de pratique. Le plaignant, ayant compris qu'il ne devait pas remplir de demandes anticipées, a présenté de nouvelles demandes de permis d'absence le 25 et le 26 octobre, et elles ont été autorisées par son supérieur immédiat. Il a ensuite été suspendu pour avoir fait une fausse déclaration, pour s'être absenté du travail alors qu'on le lui avait préalablement refusé et pour insubordination en raison du non-respect de l'ordre qui lui avait été donné de cesser cette pratique.

    DÉCISION : Afin de déterminer si le plaignant a commis une faute en utilisant ses crédits de maladie pour s'absenter du travail, il importe d'examiner le comportement des parties. À cet égard, l'employeur savait depuis deux ans que le plaignant avait des difficultés d'horaire et qu'il prenait des congés de maladie d'une heure afin d'y remédier. Ses demandes d'absence ont toujours été accueillies. Ces faits démontrent une tolérance de l'employeur. Pour lui reprocher subséquemment sa conduite, il devait l'aviser de manière formelle et non au hasard d'une rencontre fortuite. De plus, il devait informer les signataires habituels des demandes de permis d'absence afin que ceux-ci appliquent correctement la nouvelle directive de l'employeur, ce qui ne fut pas le cas puisque le supérieur immédiat du plaignant, qui a autorisé les absences du 25 et du 26 octobre, n'avait pas été avisé qu'il ne devait les accorder que si le plaignant était malade. Le grief contestant la suspension est accueilli.

    Fraternité des policiers de la Régie intermunicipale de police, sécurité publique Chaudière-Etchemin inc. et Régie intermunicipale de police et direction incendie de Charny, St-Jean-Chrysostome et St-Romuald, SOQUIJ AZ-01142117
La progression des sanctions
  • Tolérance d’une attitude inacceptable

    La plaignante était gérante d'une boutique d'articles de cuir depuis six ans. Une des vendeuses ayant informé la directrice du personnel de l’ensemble des boutiques de la possibilité de sa démission en raison de la rigidité de la plaignante à l'égard des vendeuses, celle-ci a été congédiée. La directrice du personnel lui a reproché son manque de souplesse et d’initiative ainsi que ses difficultés à s'entendre avec les vendeuses et elle-même. Elle affirme également que la plaignante est incapable de diriger le personnel dans un climat de travail détendu et agréable.

    DÉCISION : Il est vrai que la plaignante manquait de souplesse et que le climat de travail n'était pas agréable. Cependant, cela n'était pas uniquement attribuable à la plaignante. Avec l'arrivée de gros concurrents, le milieu de la vente au détail était devenu difficile et préoccupait autant la plaignante, les vendeuses que l'employeur. De plus, toutes ont leur part de responsabilité dans les conflits qui se sont manifestés par des remarques sèches, des reproches mutuels et un peu de jalousie. Quant à la directrice du personnel, elle n'était pas toujours disponible et était peu présente pour régler les problèmes. Par ailleurs, elle a fait confiance à la plaignante pendant six ans, en espaçant même ses visites. Même si la plaignante pouvait être rigide dans l'exécution de ses fonctions, le congédiement fait de façon aussi abrupte, sans aucune forme d'avertissement antérieur, n'est pas justifié et a été fait sans cause juste et suffisante au sens de l’article 124 LNT.

    Patenaude et Groupe SGF inc., SOQUIJ AZ-50336002
L’évaluation des facteurs atténuants et aggravants
  • Dossier disciplinaire vierge

    Les plaignants sont agents de sécurité. Alors qu'ils travaillaient de nuit à surveiller un entrepôt de la SAQ, dans un contexte de grève, la bâtisse a été la scène d’actes de vandalisme. Dès le lendemain, ils ont été suspendus pour les besoins de l'enquête et ils ont ensuite été congédiés, l'enquête ayant révélé que, lors de l’événement, ils étaient en train de fumer à l'intérieur de l'entrepôt.

    DÉCISION : Les instructions remises à tous les salariés disponibles sur les lieux du travail indiquaient clairement de ne jamais quitter leur poste de travail sans avoir préalablement obtenu l'autorisation. De plus, les plaignants ne pouvaient pas ignorer la possibilité que la bâtisse puisse faire l'objet de vandalisme dans un contexte de conflit de travail, alors que cette succursale était maintenue ouverte malgré la grève. Il y a donc lieu de conclure que les plaignants ont commis la faute reprochée. Quant à la sanction imposée, en matière disciplinaire, à moins d'être devant une faute d'une gravité telle que le lien de confiance nécessaire à la relation de travail soit rompu, l'employeur doit sanctionner d'une façon progressive. Ainsi, avant d'imposer un congédiement, l’employeur doit envisager une mesure disciplinaire moindre, si cette mesure lui assure une garantie satisfaisante que le salarié comprend sa faute et corrigera son comportement. En l'espèce, les plaignants ont commis une faute de négligence qui dénote un manque de jugement. Ils ont commis une faute grave en laissant l'avant de la bâtisse sans surveillance. Or, une mesure disciplinaire sévère, telle qu'une suspension de longue durée, garantirait de façon satisfaisante l'employeur que les plaignants ont compris la gravité de leur faute. On ne peut prétendre qu'ils n'ont pas le sens des responsabilités requis pour comprendre leur faute et pour garantir à l'employeur un comportement futur digne de confiance. Enfin, ils n’avaient pas de dossier disciplinaire. Une suspension de 10 mois est substituée au congédiement.

    Union des agents de sécurité du Québec -- Métallurgistes unis d'Amérique, section locale 8922 (FTQ) et Groupe de sécurité Garda – Sentinelle, SOQUIJ AZ-50334931
L’obligation d’accompagnement ou de soutien
  • Congédiement administratif en raison de l’incapacité à fournir sa prestation de travail

    Le plaignant occupait le poste d'opérateur de chariots élévateurs et était au service de l'employeur depuis 19 ans lorsqu’il a été congédié en raison de son absentéisme excessif. Au cours des 15 dernières années, il a suivi cinq cures de désintoxication pour sa consommation de drogue et d'alcool, ce qui l'a forcé à s'absenter durant plusieurs mois. Il a ensuite été absent pendant 27 mois en raison d’un accident de hockey. Il a aussi été absent en raison de diverses autres incapacités et il a fait deux tentatives de suicide, dont l'une alors que l'audition de son grief était engagée. Au cours des deux dernières années, il n'a travaillé que durant cinq jours.

    DÉCISION : En matière de congédiement administratif, la compétence de l'arbitre se limite à évaluer si la mesure imposée est justifiée en ce sens qu'elle n'est ni arbitraire, ni abusive, ni discriminatoire. Il s'agit donc de déterminer s'il était déraisonnable de la part de l'employeur de penser que le plaignant ne serait pas en mesure, dans un avenir raisonnable, de fournir une prestation normale de travail sur le plan de l'assiduité. En l'espèce, l'employeur a soutenu le plaignant tant qu'il a pu. Il l'a fait profiter de son programme d'aide aux employés en difficulté, a accepté de payer deux des cures de désintoxication qu'il a suivies et a financé la troisième. Il l'a également envoyé dans une clinique privée à la suite de son accident de hockey et, au moment où il s'attendait à ce que le plaignant recommence à travailler, il a pris la peine de le rencontrer et de lui suggérer des méthodes de travail adaptées à sa situation. Compte tenu de l'ensemble de la preuve de même que des événements postérieurs au congédiement, soit la nouvelle tentative de suicide, il faut reconnaître que les problèmes du plaignant ne sont pas entièrement réglés. Il ne s'agit pas d'un salarié qui présente un pronostic favorable de guérison. L'employeur n'avait pas l'obligation d'en faire davantage, d'autant moins qu'il ne peut se fier au plaignant puisque le tempérament manipulateur de celui-ci l'amène à mentir. Pour arriver à une conclusion différente, il faudrait élever la barre de l'obligation d'accompagnement à un niveau tel que cela serait arbitraire, abusif et sans lien avec l'état actuel du droit. Le congédiement est confirmé.

    Sobeys Québec inc. et Travailleuses et travailleurs unis de l'alimentation et du commerce, section locale 501, SOQUIJ AZ-01141265
Le respect de la procédure prévue à la convention collective
  • Non-respect de l’obligation d’envoyer un préavis écrit avant d’imposer une mesure

    Le plaignant, qui est président du syndicat, a été convoqué à une rencontre avec l'adjoint du directeur du personnel. Convaincu qu'il s'agissait de discuter des libérations syndicales, il s'est fait accompagner par un délégué syndical. La rencontre a plutôt porté sur certains reproches adressés au plaignant : harcèlement physique, ingérence et abus de pouvoir. Il a été suspendu avec solde en attendant que la direction prenne définitivement position à son sujet et a ensuite été congédié. Saisi du grief, l'arbitre a conclu que la procédure préalable à l'imposition de la mesure prévue à la convention collective n'avait pas été respectée et le congédiement a été annulé.

    DÉCISION : La Cour supérieure a rejeté la requête en révision judiciaire considérant que l’arbitre n’avait pas rendu une décision manifestement déraisonnable en concluant que le non-respect de la procédure préalable prévue à la convention collective constituait un vice de fond entraînant la nullité de la mesure. Selon la Cour, l'arbitre est resté rationnel lorsqu'il a considéré que la suspension du plaignant, même avec solde, était une mesure disciplinaire et que cette dernière, en évoluant vers le congédiement, ne constituait qu'une seule et même mesure disciplinaire liée aux motifs de reproche dénoncés lors de la rencontre.

    Cégep de Ste-Foy c. Cain, SOQUIJ AZ- 50335317
  • Intervenir dans un délai raisonnable lorsqu’il s’agit d’imposer une sanction

    Le plaignant, un journalier, a été suspendu puis congédié à la suite d'une longue enquête. Après s’être accidentellement piqué avec une seringue alors qu'il était au travail, il s'est absenté aux motifs qu'il craignait d'être infecté, et que cela lui causait un grand stress. Il a alors rencontré le médecin de l'entreprise afin de subir une évaluation. Par la suite, il a déposé des plaintes au Collège des médecins contre ce dernier, dénonçant son attitude « baveuse » et arrogante et a adressé une mise en demeure à l'employeur, réclamant le remboursement des pertes salariales liées à son absence. Après une suspension pour enquête, il a été congédié pour avoir manqué à son obligation de loyauté et de collaboration. Le syndicat soutient, notamment, que la mesure disciplinaire n’a pas été déposée à l'intérieur du délai de 15 jours « après l'infraction présumée ou après découverte de l'infraction présumée » prévu à la convention collective.

    DÉCISION : Le délai d'imposition d'une mesure disciplinaire commence à courir à partir du moment où l'employeur a une connaissance suffisante des faits pour décider s'il y a faute et, le cas échéant, qualifier cette faute et déterminer la mesure appropriée à imposer. En l'espèce, le délai n'a commencé à courir qu'une fois l'enquête terminée puisque c'est à ce moment que l'employeur a acquis une connaissance suffisante des faits concernant les manquements reprochés au plaignant. Un arbitre ne doit intervenir en pareille matière que s'il est convaincu que le délai pris par l'employeur est arbitraire, abusif, déraisonnable ou injustement discriminatoire. Il faut favoriser l'exercice du droit disciplinaire plutôt que l'interdire pour des motifs de procédure. Une clause établissant un délai d'imposition d'une mesure disciplinaire doit donc être interprétée restrictivement. Dans le présent cas, le délai d’un an suivant les manquements reprochés pour imposer le congédiement n'est pas déraisonnable. Par ailleurs, la convention collective énonce que : « Toute mesure disciplinaire écrite ou verbale sera invalide et retirée du dossier d'un employé régulier ou temporaire douze (12) mois après la date de la dernière mesure disciplinaire et vingt-quatre (24) mois après ladite mesure disciplinaire. » Le libellé retenu par les parties et la référence à « toute mesure disciplinaire » confirment que leur intention n'était pas d'empêcher l'employeur de considérer des faits antérieurs afin de déterminer ultérieurement si ceux-ci contribuent à une faute ou s'ils sont de nature à permettre de conclure qu'il y a eu commission d'une faute plus tard, soit en jugeant de l'intention du salarié ou de la progression de son comportement. Il y a donc lieu de rejeter la première objection à la preuve. De plus, le plaignant a renoncé au secret professionnel en dévoilant lui-même à l'employeur les détails de son intervention auprès du Collège des médecins. Et il ne peut empêcher l'employeur de prendre en considération ses plaintes puisque ce dernier a le fardeau de prouver les faits au soutien de sa décision de congédier l’employé et à la justesse du congédiement. Or, la faute doit être qualifiée de grave et le congédiement est confirmé. Par ailleurs, la gravité de la faute doit être évaluée en considérant que les faits reprochés se sont déroulés sur une période de trois ans, que le plaignant a fait preuve de mauvaise foi et de malhonnêteté, qu'il voulait nuire, qu'il détenait une ancienneté considérable (19 ans) lui permettant de connaître les rouages de l'entreprise, qu'il avait l'intention de poursuivre sa conduite et qu'il n'a admis aucune faute.

    Brasserie Labatt ltée et Syndicat des travailleuses et travailleurs de la Brasserie Labatt (CSN), SOQUIJ AZ-50335055
Le respect des règles de preuve
  • Ne pas se fonder sur des ouï-dire ou sur une bande vidéo non conforme

    La plaignante, une caissière dans un supermarché, a été suspendue aux fins d'une enquête et congédiée pour cause de vol. L'employeur lui reproche d'avoir contrevenu à une politique prévoyant que la totalité des pourboires doit être remise à la chef caissière. À l'audience, l’employeur a présenté un extrait d’une bande vidéo qui démontre, selon lui, que la plaignante a commis des irrégularités dans la gestion des pourboires. Le syndicat s'est opposé à la recevabilité de cette preuve aux motifs que l'employeur n'avait pas prouvé son authenticité et que l'extrait de la bande vidéo ne permettait pas d'identifier la plaignante. Il ajoute que la preuve de l'employeur repose sur des ouï-dire et que, dans l'ensemble, il n'a pas établi de preuve prépondérante des manquements reprochés.

    DÉCISION : La preuve testimoniale de l'employeur relativement aux manquements reprochés repose essentiellement sur des ouï-dire. Il aurait fallu qu'au moins un témoin direct rapporte les manquements au Tribunal, d'autant plus que la faute est sérieuse et la sanction sévère. Quant à la preuve vidéo, pour qu'elle soit recevable, il faut démontrer sa valeur probante. Cette preuve se fait habituellement à l'aide de témoins en mesure d'attester l'identité et l'intégralité du document. Or, non seulement la preuve vidéo n'est pas établie, c'est-à-dire qu'elle ne précise ni date ni heure, mais elle est limitée à une courte séquence et est, de ce fait, incomplète. Un témoin de l'employeur a affirmé que la preuve vidéo était trop lourde pour être présentée dans sa totalité. Cette affirmation ne constitue pas une explication véritable. Il aurait fallu qu'un expert vienne démontrer l'impossibilité technique d'une telle reproduction. Par conséquent, la plaignante doit être réintégrée.

    Travailleuses et travailleurs unis de l'alimentation et du commerce, section locale 503 et Supermarchés GP inc. (Neufchâtel), SOQUIJ AZ-50336134
  • Avoir une preuve médicale probante

    Le plaignant, un préposé aux bénéficiaires aux prises avec un problème de toxicomanie, a été congédié une première fois en 2001. Cette mesure a été annulée en 2002 et remplacée par une suspension à la suite d'une entente prévoyant qu’il s'était engagé, sous peine de congédiement, à ne pas travailler « sous l'influence de boisson alcoolique ou de drogue (substance hallucinogène non prescrite) ». Le 10 juin 2004, l'employeur lui a fait subir un test d'urine. Au moment de consentir au test, le plaignant a indiqué avoir consommé de la marijuana la veille de même que six heures avant le début de son quart de travail. Les résultats ont révélé une teneur en métabolite du THC de 585 nanogrammes par millilitre, dépassant de 39 fois le seuil de détection. Le plaignant a alors été congédié pour avoir contrevenu à l'entente. Selon un pharmacologue consulté par l'employeur avant le congédiement, l'aveu du plaignant était suffisant pour conclure que ses facultés étaient altérées.

    DÉCISION : L'influence dont il est question est celle qui touche la capacité de l'employé à effectuer ses tâches habituelles ou, plus généralement, à fonctionner normalement au travail. Or, la preuve de l'employeur est limitée et, au mieux, circonstancielle. Il a choisi de mesurer les facultés du plaignant au moyen d'un test unique qui, selon la preuve, indique seulement s'il y a eu ou non consommation sans permettre d'établir la quantité consommée, le moment de l'absorption ni un quelconque état d'intoxication. De plus, les conclusions de l'expert patronal sont contredites sur le plan théorique par l'expert syndical et ne trouvent pas d'assise dans la preuve matérielle. Pour ce qui est des faits ou des circonstances concernant le 10 juin 2004, on ignore pourquoi il a été décidé de soumettre le plaignant à un test ce soir-là; il est fort possible que la chose ait été décidée au hasard. De plus, le plaignant a fait valoir que la coordonnatrice de son service, qui l'a accompagné au test, lui a dit ignorer pourquoi on lui faisait subir cette épreuve à ce moment-là et qu'elle ne remarquait rien chez lui pouvant être associé aux effets du cannabis. Ce témoignage n'a pas été contredit. Par ailleurs, l'employeur n'a pas procédé à des évaluations permettant de vérifier si les facultés du plaignant étaient altérées malgré l'absence de signes visibles à cet effet. La preuve prépondérante ne démontre donc pas que ses facultés étaient altérées. Le grief contestant le congédiement est accueilli.

    Centre hospitalier de l'Université de Montréal (CHUM) (pavillon Hôtel-Dieu) et Syndicat national des employés de l'Hôtel-Dieu de Montréal (CSN), SOQUIJ AZ-50333258
Le respect des droits prévus à la Charte des droits et libertés de la personne
  • L’obligation d’accommodement

    Le 22 septembre 2004, l'employeur a avisé la plaignante, une emballeuse, qu'il allait mettre fin à son emploi à compter du 2 octobre suivant en raison de l'expiration du délai de 24 mois prévu à la convention collective en cas d'absence pour cause d'invalidité. Elle souffrait de maux de dos, pour lesquels elle était sous enquête médicale, et attendait de subir l'examen diagnostic prescrit par son médecin en novembre 2003. Au printemps 2004, le syndicat avait proposé à l'employeur de signer une lettre d'entente qui aurait permis de déroger à la convention en prolongeant la période d'invalidité de la plaignante de 24 à 36 mois, ce qui a été refusé. À l'audience, l'employeur s'est opposé à la recevabilité d'une preuve de faits postérieurs, à savoir que la plaignante avait finalement subi l'examen le 3 décembre 2004, qu'elle avait été opérée (discoïdectomie), que l'intervention avait été couronnée de succès et qu'un retour progressif était probable à compter de la fin de juillet 2005.

    DÉCISION : Une preuve de faits postérieurs est pertinente dans la mesure où elle permet de vérifier si le congédiement était raisonnable et approprié au moment où il a été ordonné. En l'espèce, en ce qui a trait à la demande de prolongation formulée par le syndicat à titre d'accommodement raisonnable, il est pertinent de savoir qu'effectivement ce délai additionnel semble suffisant pour permettre à la plaignante de reprendre ses activités normales. La preuve des faits postérieurs est donc pertinente, mais uniquement dans la mesure où elle permet d'apprécier, eu égard à son obligation d'accommodement, la justesse de la décision de l'employeur au moment où elle a été prise. L'objection est donc rejetée. Quant au fond, compte tenu des droits reconnus aux salariés par la Charte des droits et libertés de la personne, l'application automatique d'une clause de perte d'emploi ne peut se faire sans violer les droits qui y sont reconnus et incorporés dans toute convention collective. Or, même si la preuve n'établit pas que l'employeur a appliqué automatiquement la clause, les motifs invoqués pour conclure à une contrainte excessive ne sont pas convaincants. En effet, la situation dans l'entreprise (manque de travail et mises à pied) à l'époque où la décision a été prise était telle que la prolongation demandée n'aurait pas occasionné de coûts excessifs pour l'employeur ni eu d'effet significatif sur le moral du personnel. De plus, la plaignante attendait depuis près d'un an un rendez-vous pour un examen. Et même si elle n'était pas en mesure, au moment de la rencontre avec l'employeur, de conclure sur l'éventuel déroulement des traitements, il reste qu'on pouvait penser que le délai additionnel requis avant de pouvoir être fixé sur sa condition se comptait en mois et non en années. Il est donc difficile de concevoir en quoi le maintien du lien d'emploi de la plaignante jusqu'au résultat du test diagnostique constituait une contrainte excessive pour l'employeur. L'ancienneté de la plaignante doit être rétablie telle qu'elle était à la date du début de son congé de maladie.

    Patenaude et Groupe SGF inc., SOQUIJ AZ-50336002
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Monique Desrosiers, avocate, coordonnatrice, Secteur droit du travail et administratif, Direction de l'information juridique à la Société québécoise d'information juridique (SOQUIJ)

Source : VigieRT, numéro 2, octobre 2005.

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