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Que dire de plus sur l’impartition? On a l’impression que tout a été écrit sur l’impartition au cours des cinq dernières années. Pourtant il y a beaucoup de chemin à parcourir.

Même si l’ensemble des secteurs de l’entreprise ont été touchés par le phénomène, nous devons continuer notre quête en vue d’améliorer l’efficacité de notre organisation et agir à titre d’acteur stratégique pour lui permettre de mieux faire face à la concurrence. L’impartition demeure encore une décision stratégique pour les entreprises et nous oblige à remettre en question un certain nombre de paradigmes ; c’est ce qui explique l’actualité du sujet.

Car ce n’est pas facile d’externaliser. Lorsque le gouvernement du Québec a commencé à parler de partenariats public-privé (PPP), il a ouvert en quelque sorte la porte à l’impartition et nous connaissons la suite. Lorsqu’une entreprise désire prendre une telle décision, elle fait face à la même résistance, et ce, à quelque niveau que ce soit. Pourquoi ? Parce que l’externalisation remet en question les façons de faire et insécurise les individus sur un aspect très important de leur vie, leur emploi. Ils résisteront alors à l’envahisseur jusqu’à ce qu’ils puissent démontrer la non-efficacité du fournisseur et se réapproprier la tâche. Pour leur part, les décideurs recherchent un résultat ; subissant des pressions énormes, ils recherchent eux aussi une solution.

Dans le secteur des ressources humaines, les tentatives d’impartition sont très timides et, naturellement, ce secteur d’activité est mis sous pression lorsque l’entreprise a besoin de ressources. Ainsi, si l’externalisation n’a pas toujours connu du succès dans ce secteur, c’est souvent parce que les besoins n’ont pas été définis avec précision ou simplement que les attentes sont irréalistes. La fonction de recrutement ne fait pas exception ; certains y connaissent du succès, d’autres non. Pourquoi ?

Afin que l’impartition fonctionne dans le domaine du recrutement, il faut d’abord et avant tout définir avec soin les raisons qui justifient la décision d’impartir :

  • identification des résultats recherchés;
  • analyse des raisons qui justifient cette décision relativement : 
    • aux ressources humaines (compétence);
    • aux ressources financières;
    • aux ressources matérielles et physiques;
    • aux exigences reliées au plan d’affaires de l’entreprise;
    • à la sensibilité stratégique du résultat.

L’atteinte des résultats
Le service des ressources humaines doit fournir un service adéquat en matière de recrutement. Pour ce faire, il doit s’assurer que ses stratégies internes permettent d’atteindre les résultats en fonction des obligations de livraison de l’entreprise. Si un gestionnaire doit augmenter l’effectif de 20 % en six mois, qu’il dispose d’un seul recruteur et que les livraisons de l’entreprise dépendent de son accessibilité aux ressources, il doit immédiatement se poser certaines questions. D’abord, la rémunération tiendra-t-elle le coût face au marché et pas seulement au niveau de la profession, mais aussi en fonction de l’emplacement de l’entreprise? S’il décide d’externaliser la totalité ou une partie du recrutement, il lui faudra d’abord établir son rôle à l’intérieur de l’entreprise et identifier les secteurs à risque. Voici quelques conseils pratiques :

  • définir avec précision les besoins de main-d’œuvre avec ses clients internes;
  • connaître le style de gestion du manager responsable et sa compréhension de l’impartition;
  • établir des processus de recrutement efficace et les axer sur la communication entre les clients internes et le fournisseur;
  • regrouper les profils de poste en fonction du type de qualification exigée ;
  • identifier des fournisseurs qui accepteront d’appuyer le gestionnaire dans sa démarche;
  • choisir le fournisseur en fonction de sa capacité à livrer le service et s’informer auprès de ses clients sur sa façon de faire des affaires et surtout comment il réussit à livrer la marchandise;
  • visiter les installations du fournisseur et se faire expliquer comment il s’y prendra pour livrer le service demandé;
  • faire le choix du fournisseur en fonction non seulement du prix, mais aussi de la capacité de donner un service de qualité;
  • demander au fournisseur retenu de visiter l’entreprise et le présenter aux clients internes avec lesquels il aura à travailler;
  • dresser pour le fournisseur les profils des clients internes, même s’ils sont difficiles, et lui indiquer leur rôle stratégique au sein de l’entreprise;
  • réviser avec le fournisseur les différents postes ou les étapes à impartir ; lui demander où il prévoit des difficultés et comment on pourra lui venir en aide pour éviter de régler un problème en cours de fonctionnement (par exemple une rémunération inférieure au marché et son impact).

Le rôle du gestionnaire des ressources humaines
Le rôle du gestionnaire des ressources humaines doit évoluer vers le coaching de sa clientèle interne et il doit se concentrer sur les stratégies qui lui permettront d’atteindre les objectifs organisationnels. Ce n’est pas le nombre de personnes employées dans le service qui lui donnera un rôle stratégique dans l’organisation, mais bien sa capacité d’action dans les moments où l’organisation doit répondre au marché. Il faut donc identifier des fournisseurs fiables capables, de par leur structure, de répondre rapidement aux besoins, selon le marché. Il ne faut pas s’attendre à recruter un professionnel dans un domaine en grande pénurie dans un délai de quinze jours; il faudra du temps; il faudra aussi évaluer le travail effectué par l’impartiteur et gérer les attentes des clients internes. Surtout, le gestionnaire ne doit pas refiler ses problèmes internes à son fournisseur. Si son client interne a un style autocratique de telle sorte qu’il est difficile de recruter pour lui, il doit s’attendre à ce que son fournisseur éprouve lui aussi des difficultés. Certains clients internes n’ont plus le style recherché par les gens qui détiennent les compétences convoitées et leur réputation est faite sur le marché de l’emploi.

Conclusion
Le fournisseur doit être une organisation en qui le gestionnaire des ressources humaines peut avoir confiance et qui a démontré sa capacité professionnelle d’appuyer son plan d’affaires. Il doit aussi assumer les responsabilités liées à cette relation d’affaires. Si les clients internes lui font la vie difficile parce qu’ils préfèrent un autre mode de relation, le gestionnaire doit avoir le courage de défendre les activités de son fournisseur, car ce dernier aura pris la décision d’investir dans l’organisation. Pour que l’impartition fonctionne, il est important que cette décision ne soit pas seulement l’initiative du gestionnaire des ressources humaines, mais qu’elle soit l’aboutissement d’un cheminement décisionnel impliquant les clients internes à qui on a expliqué les motifs de la recommandation. Offrir à un fournisseur l’impartition d’une partie des tâches peut s’avérer un élément stratégique pour l’organisation. Face à une pénurie de compétences de plus en plus importante sur le marché, il sera important d’établir des stratégies qui permettront à l’organisation de réaliser ses objectifs. Au cours des dernières années, des gestionnaires ont sous-estimé l’impact d’une pénurie dans leur secteur. Aujourd’hui, leur entreprise subit une énorme pression et ils doivent faire face à une inflation importante en matière de rémunération et de coûts pour faire l’acquisition de ces compétences. Les impacts d’une négligence sur ce plan ne sont pas négligeables et certaines entreprises doivent payer chèrement le fait de n’avoir pas agi à temps. Pour leur part, les entreprises qui se sont dotées de moyens efficaces, telle l’externalisation, réussissent mieux à passer à travers la tempête.

Jean-Marc Léveillé, CRHA, président, Dotemtex recherche de cadres

Source : Effectif, volume 8, numéro 3, juin/juillet/août 2005

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