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En scène pour un développement organisationnel bien orchestré


Qui dit développement organisationnel dit formation, communication, structure, nouveaux marchés… Mais finalement, quels sont les éléments du développement organisationnel? Cette question semble incongrue tellement on a lu sur le sujet. Pourtant, doutant de notre compréhension de ce qu'est le développement organisationnel, nous avons choisi d'explorer la question en consultant quelques cadres supérieurs et gestionnaires d'entreprises québécoises. Comme on s'y attendait, oui, le développement organisationnel est associé à la gestion du changement. Une fois clarifiée la définition et les composantes, nous avons pu constater que deux fonctions essentielles devaient s'unir pour assurer un développement organisationnel harmonieux et durable: le duo communication-formation.

La mondialisation (encore celle-là!) et la concurrence accrue ont bien souvent forcé les organisations à repenser leur futur et à se réorienter. Résultats: fusions et acquisitions, restructurations administratives, reconfiguration des processus et réorganisation du travail, réductions d'effectifs et implantation de nouvelles technologies, démarches ayant toutes un impact majeur sur les ressources humaines de l'entreprise. Au cours des années 1990 à 2000, les services de formation et des ressources humaines ont dû évoluer vers un rôle stratégique et non plus simplement transactionnel. 

Qu'en est-il présentement? Ce rôle stratégique est-il bien joué et bien accueilli dans les organisations? Ou plus simplement, est-il bien connu et reconnu? Quelles sont les attentes des clients internes à l'égard de ces partenaires stratégiques?

Notre objectif, dans cet article, est de susciter le questionnement et la réflexion chez le lecteur plutôt que de donner des recettes toutes faites. 

Vous avez dit développement organisationnel…
Lorraine Gauthier, chef, ressources humaines – distribution chez Hydro-Québec, définit le développement organisationnel comme « la volonté d'assurer la croissance d'une organisation de façon à ce qu'elle concrétise sa vision ou qu'elle l'atteigne malgré les aléas. Cette volonté se traduira ensuite par des réflexes de gestion individuels et collectifs ».

Pour Annie Corriveau, CRIA, conseillère – planification et développement de la main-d'œuvre chez Hydro-Québec Équipement, il s'agit d'une « démarche qui vise à planifier, organiser, diriger et évaluer l'opérationnalisation d'un changement – qu'il soit à petite ou à grande échelle –, et ce, afin d'augmenter la performance et la santé de l'organisation ».

De son côté, Guylaine Désautels, CRHA, directrice, ressources humaines chez Transat Tours Canada, le voit comme une « spécialité en ressources humaines qui se veut beaucoup plus large que le seul développement des individus et dont l'objectif est de réviser et de concevoir des outils, des politiques et des pratiques, de façon à faire grandir les individus et, de ce fait, l'organisation ».

Guy Marier, président retraité de Bell Québec, affirme pour sa part : « Je n'ai jamais pensé en termes de développement organisationnel, mais beaucoup plus en termes de formation-équipe-évaluation-relève; ces quatre éléments sont les clés de l'évolution de l'entreprise vers l'atteinte des objectifs et de la vision. Le développement de l'organisation ou les changements sont plutôt mus par l'organisation des marchés : par produits, géographiques ou par niche de clients. » Nous passons trop de temps à évaluer l'individu et pas assez l'équipe selon lui. C'est par le travail d'équipe qu'une organisation se développe et réalise sa vision. Dans cet esprit, les différentes fonctions de gestion des ressources humaines – sélection et dotation, relations du travail, formation… – ne doivent-elles pas de plus en plus harmoniser leurs actions, élaborer des outils intégrateurs? Ceci nous propose une piste de réflexion : le développement organisationnel devrait-il passer en premier par le développement des équipes?

Tous s'entendent pour dire que :

  • l'humain est au cœur de tout changement, puisque c'est lui qui doit l'articuler, le digérer et l'appliquer en ayant constamment en tête la vision;
  • la poursuite d'une vision, se traduisant par des objectifs et des plans d'action concrets, oriente le développement des ressources. 

La littérature consultée converge vers une définition du développement organisationnel axée sur les individus qui composent une organisation, plus précisément sur la modification de leurs attitudes, perceptions et comportements afin d'améliorer l'efficacité organisationnelle.

Nous nous permettons donc d'affirmer que le développement organisationnel est plus humain que structurel.

Le duo communication-formation
Dans une démarche de développement organisationnel, quelles sont les activités de la gestion des ressources humaines qui sont le plus mises à contribution? Question de cohérence, toutes doivent l'être pour opérationnaliser ou soutenir le changement. Cependant, ce sont la communication et la formation qui s'articulent dès les premières étapes d'une situation de développement organisationnel. Les autres activités de gestion des ressources humaines viendront soutenir le changement  dans la vie quotidienne des individus au travail.  Pensons à la dotation, à la rémunération et à l'évaluation du rendement, pour n'en nommer que quelques-unes.

Indissociables, la communication et la formation forment donc le duo de l'heure. 

Joseph Anstett, CRHA, écrivait dans le magazine Effectif (vol. 4, n° 2) :

« Pour naviguer avec succès à travers le changement organisationnel, les employés ont besoin :

« de structure : des stratégies qui servent à mettre en place des systèmes et des nouvelles façons de procéder pour traverser efficacement la période de transition (par exemple, politiques, marches à suivre, descriptions de tâches, directives claires);

« d'information : des données, des faits, conseils, nouvelles, trucs et autres connaissances qu'ils peuvent mettre en application pour naviguer dans le quotidien et vers l'avenir;

« du soutien : un climat de compréhension, d'appui et de soutien ainsi qu'un milieu attentif pour leur permettre de franchir en toute sécurité la période de transition. »

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Comment cela va se traduire concrètement?

Développement organisationnel et communication
Pour Annie Corriveau, la stratégie de communication qui doit être mise en place inclut des activités tout au long du processus de changement, pas juste au début et à la fin. Si on promet de tenir les employés informés tout au long de cette aventure de changement, on doit le faire. Elle ajoute que communiquer, c'est aussi écouter. Les commentaires, plaintes ou questions des individus qui vivent le changement sont une source très importante de renseignements de grande valeur. Ces gens savent de quoi ils parlent! Leur anticipation est bien souvent tout à fait justifiée et réaliste.

La communication sera faite par des représentants crédibles et influents, c'est-à-dire des alliés qui connaissent bien le travail des individus qui vivront le changement. 

Développement organisationnel et formation
Les professionnels de la formation ne sont ni plus ni moins que les initiateurs et gardiens de plusieurs moyens pour soutenir et développer les individus. Ils ont un rôle de vigie sur ce qui se fait de bien dans les services de l'organisation ou à l'externe pour en faire bénéficier d'autres unités; ils identifient les pratiques émergentes, les documentent pour en faciliter la compréhension et les adaptent à leur organisation. Nous comprenons qu'ils doivent s'allier à leurs collègues des autres sphères d'activité de la gestion des ressources humaines afin d'aligner et de synchroniser leurs outils et actions.

Sans équivoque, la formation est d'une importance capitale dans la réussite du projet de développement organisationnel. Lorraine Gauthier souligne que « les responsables de la formation chez Hydro-Québec siègent régulièrement aux tables de coordination de changement. Par ailleurs, la formation doit être donnée à des moments judicieux de l'implantation d'un changement (juste assez, juste à temps) et suivie d'actions de renforcement, par exemple l'assistance de super-utilisateurs sur le plancher. »

Selon Annie Corriveau, « les activités de formation interviennent après les étapes de la prise de conscience de la nécessité d'un changement et de son acceptation et sont suivies d'une période d'intégration des nouvelles habiletés, connaissances ou attitudes. »

On nous a rapporté que, lors de l'implantation d'une démarche d'amélioration continue, on a choisi de mettre l'accent d'abord sur la connaissance de soi et des autres et sur l'acquisition d'attitudes favorables au travail en équipe, avant de former les employés sur les outils, les processus et les habiletés individuelles. Plutôt que de se sentir seul dans le changement, chaque individu a découvert la force de l'équipe, ce qui a facilité la mobilisation et la transition vers le changement.

Plutôt que de suivre le schéma classique qui consiste à développer le savoir, le savoir-faire et ensuite le savoir-être, il est selon nous préférable, dans bien des cas, d'investir dans le savoir-être en premier lieu.

Le rôle du service de la formation en développement organisationnel
Les gestionnaires consultés voient les professionnels du service de la formation comme des partenaires accompagnateurs dans le développement de leurs ressources pour faire face à l'évolution de l'entreprise. Ce partenaire permet au gestionnaire de prendre du recul, l'aide à faire une lecture (diagnostic) de la situation, le fait réfléchir sur les opportunités pour lui et son équipe, lui fait voir la situation sous un autre angle; il peut élaborer un plan structuré et ajusté aux besoins actuels et futurs du gestionnaire, partager avec lui les solutions transférables expérimentées ailleurs.

Les gens de la formation ont un rôle essentiel dans le succès de tout projet de développement : poursuite d'une vision, implantation ou changement technologique, réorganisation du travail etc. Leur présence est donc requise dès le début de la réflexion et des travaux. « On les voit d'office comme l'élément intégrateur, dit Sylvie Bélanger, chef – relève de compteurs – Richelieu chez Hydro-Québec, ils pourront aligner les actions des différents partenaires dans le projet. » Agathe Simard, directrice régionale – Richelieu et directrice Service à la clientèle chez Hydro-Québec, propose « d'admettre qu'ils soient observateurs un bout de temps, avant de nous accompagner dans l'action; nous avons souvent trop d'attentes envers les gens de la formation dès le départ; soyons conscients qu'il leur faut une certaine quantité d'information avant de pouvoir produire quelque chose ». Que ce soit pour élaborer un plan structuré, une stratégie de formation ou un contenu de formation, le professionnel doit avoir suffisamment d'information pertinente pour cibler les réels besoins et y répondre adéquatement

La formation : outil privilégié dans la concrétisation de lamission de l'organisation
Fait intéressant: les personnes consultées sont unanimes à souligner que la formation, bien qu'importante en situation de changement, l'est aussi en tout temps pour maintenir un niveau de compétences et de comportements en lien avec la mission et la vision de l'organisation.

Comme le souligne très justement Guylaine Désautels, c'est à partir du moment où cette mission est comprise par les individus (via la communication) qu'ils peuvent savoir comment la concrétiser dans leur quotidien. « Dès qu'on parle du comment, on parle nécessairement de comportements et de compétences. » Un service de formation doit donc s'assurer que ses objectifs appuient les objectifs stratégiques de l'organisation (qui découlent de la mission et de la vision) et les décomposer en actions concrètes. « On ne doit pas former pour former, mais bien avoir un plan structuré de façon à ce que les formations offertes soient interreliées et aboutissent à un objectif précis », dit-elle. Encore une fois, un exemple où les activités de communication prépareront le terrain aux activités de formation, tout comme en situation de développement organisationnel.

« La formation doit devenir une question de culture comme la finance, les opérations et le marketing », affirme Guy Marier. On ne met que très rarement en péril les services de marketing et de finances, puisqu'ils sont considérés comme des « services essentiels » ou des « institutions obligatoires » dans l'organisation.  Un service de formation est souvent remis en question et devient un des premiers services « restructurés » au profit des services opérationnels ou dits « essentiels ». Le service de la formation doit se classer au même rang que ces autres disciplines et démontrer sa valeur. Mais comment y parvenir?

Les habiletés exigées des professionnels de la formation
Le service de la formation doit donc développer ses habiletés d'affaires pour parler le même langage que ses clients « opérationnels »: leur faire voir, connaître et comprendre les impacts des changements sur les opérations quotidiennes de l'individu, de l'équipe, du service et de l'organisation. Il sortira donc de ses bureaux pour vivre avec ses clients le plus possible afin de bien saisir leurs enjeux. 

« Ça prend des gens qui sont à l'écoute des besoins des individus, qui ne cherchent pas à imposer leurs idées ou façons de faire, avance Guylaine Desautels. Ils ne doivent pas perdre de vue que ce n'est pas “leur” projet ou programme qu'ils vont implanter, mais bien celui de leur client. »

Les gestionnaires veulent des outils de gestion des ressources humaines et moyens de formation sur mesure et adaptés aux différentes réalités, c'est là un défi important pour les gens de la formation. Un autre défi se situe autour de la mesure : quels sont les dollars investis? Pour quelle formation? Pourquoi cette formation? Les gestionnaires ont besoin de savoir s'ils investissent leurs dollars dans les bonnes activités. L'aspect technologique prend de l'ampleur et est l'une des clés de l'efficacité des services de formation : concevoir un système flexible pour intégrer rapidement les nouvelles compétences requises, donner les informations de gestion pertinentes aux gestionnaires, rendre accessible les contenus de formation, etc.

Proposer des scénarios du futur en lien avec les tendances et la vision, ne jamais tenir pour acquis ou accepter le statu quo, voilà ce qu'on exige de plus en plus des professionnels de la gestion des ressources humaines et de la formation. S'attarder davantage sur les processus et les façons de faire uniformes, mais flexibles que sur les contenus qui, eux, seront très dynamiques. Par exemple, la façon de concevoir des profils de compétence ou d'élaborer un plan de formation sera éprouvée et uniformisée dans l'organisation, alors que le contenu différera d'un service à l'autre et d'un poste à l'autre. 

La crédibilité demeure un atout pour ce professionnel, puisqu'il a un rôle d'influence majeur dans tout changement organisationnel. Les gens veulent trouver un appui, une sécurité (autrement dit une stabilité dans la mouvance).

En conclusion, le duo communication-formation joue un rôle fort important dans le succès de l'implantation d'un changement, dans le maintien de certaines compétences et dans la canalisation d'efforts de développement qui soutiennent la mission d'une organisation et l'atteinte d'une vision. 

Bien que la clientèle des individus vivant intensément une situation de changement soit de grande importance pour les professionnels du service de la formation, n'oublions pas la clientèle des gestionnaires devant informer et appuyer les membres de leur équipe. Puisque le duo communication-formation est un incontournable, le défi n'est-il pas de développer des gestionnaires habiles en communication et en développement des personnes? Devant ce fait, pourquoi ne pas évaluer les gestionnaires sur les activités de communication (le nombre et la pertinence des rencontres avec leur équipe par exemple) et de développement (ont-ils établi des plans de formation individuels et d'équipe, quelle formation a été suivie et pourquoi)? Pourquoi ne pas les évaluer sur ces aspects comme on le fait pour l'atteinte de ratios ou d'objectifs de vente ou encore le respect de ses budgets?

On demandait en introduction si le rôle stratégique des professionnels de la formation est bien joué et bien accueilli dans les organisations? Il est rassurant de constater que la formation joue un rôle essentiel et non pas accessoire, pour les gestionnaires consultés. Et son rôle stratégique sera reconnu dans la mesure où les professionnels de la formation adopteront des comportements de stratèges et de partenaires, qu'ils faciliteront le succès des individus, des équipes et de l'organisation, rien de moins!

Martine Deschamps, M. Sc., CRHA, conseillère, Syneraction ressources humaines et Johanne Landry, CRHA, consultante, gestion et développement organisationnel chez Johanne Landry, services Conseils

Source : Effectif, volume 8, numéro 1, janvier/février/mars 2005

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