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La CRT a le mandat d'inciter les parties à régler leurs différends par la négociation ou la conciliation plutôt que par un processus de type judiciaire.

La Commission des relations du travail (CRT) a commencé ses activités le 25 novembre 2002. C'est à cette date que la majorité des articles du chapitre 26 des lois de 2001 modifiant le Code du travail ont été mis en vigueur. Le principal but de cette loi était d'accélérer le processus d'accréditation et le traitement des divers recours. Dans cette optique, la loi prévoyait de remplacer le système à deux paliers par une Commission des relations du travail. L'application du Code était assurée par deux organismes : le Commissaire général du travail relevant du ministère du Travail et le Tribunal du travail qui siégeait en appel de ces décisions. Toutes les contraventions au Code devaient passer par le mécanisme des plaintes pénales au Tribunal du travail. Ces deux instances disparaissent et seule la CRT voit maintenant à l'application du Code et ses décisions sont finales et sans appel.

La CRT reçoit dorénavant la plupart des plaintes portées en vertu du Code du travail ou d'autres lois protégeant les droits des salariés relativement à leur emploi. Elle assure de plus le libre exercice du droit d'association et s'occupe du processus d'accréditation.

Pour ce faire, la CRT possède de larges pouvoirs d'ordonnance qui lui permettent d'intervenir rapidement afin de minimiser les effets des contraventions au Code du travail. Bien que les plaintes pénales subsistent à la Cour du Québec, il est à prévoir que ce sera dorénavant par le recours aux pouvoirs d'ordonnance et de réparation de la Commission que l'application du Code sera assurée.

La loi donne aussi à la Commission le mandat d'inciter les parties à régler leurs différends à l'aide de moyens comme la négociation ou la conciliation plutôt que par un processus de type judiciaire. Cette loi introduit aussi certaines modifications dans les cas de reconnaissance du statut de salarié, de transmission des droits et obligations suite à une aliénation ou une concession d'entreprise et confère à la Commission le pouvoir, à la demande de l'employeur, d'ordonner à l'association de salariés accréditée de tenir un scrutin secret sur les dernières offres patronales.

Comment la Commission entend-elle fonctionner pour atteindre ces objectifs ?

Disons d'abord que les membres de la Commission ont déjà adopté des règles de preuve et de procédure souples. Le but est de réduire les délais d'audience tout en respectant les règles de justice naturelle.

Le dépôt de la demande

De façon générale, toute demande présentée à la CRT doit être écrite, signée par la partie ou son représentant et doit contenir notamment les coordonnées de la partie et celles de son représentant ainsi qu'un exposé sommaire des faits et des conclusions recherchées. Des informations supplémentaires ou des documents à l'appui peuvent être exigés selon le recours exercé. Le délai pour déposer la plainte peut varier en fonction du type de recours. Des formulaires de plainte, dont l'utilisation n'est pas obligatoire, sont disponibles.

Le traitement de la demande

Dès que la Commission reçoit une plainte ou une demande, un agent de relations du travail est chargé de l'analyser afin de déterminer le traitement approprié. Trois possibilités s'offrent à lui  : la filière administrative, la filière normale ou l'urgence.

Il choisira la filière administrative, sans convocation immédiate, s'il croit dès le départ que la demande se réglera à l'amiable sans qu'il soit besoin de convoquer les parties à une audience. C'est le cas des demandes faites conjointement. C'est le cas également de la plupart des requêtes en modification d'accréditation ou en constatation de transmission des droits et obligations. C'est le cas en fait d'un très grand nombre d'affaires traitées par la Commission.

La filière normale est celle qui entraîne la convocation des parties à l'audience dès que la Commission reçoit la demande — à l'exception des plaintes faites en vertu de l'article 122 de la LNT où la CRT attend que la Commission des normes du travail ait terminé sa médiation. Cette convocation est faite dans des délais établis pour respecter les obligations qui sont imparties à la CRT par le Code du travail et pour permettre d'amorcer le processus de conciliation. Elle est toujours faite en tenant compte des ressources de la Commission.
Dans les requêtes en accréditation, un agent est dépêché sans délai pour vérifier les faits relatifs à la requête. Il vérifie les livres et les archives du syndicat, la liste des salariés produite par l'employeur et le caractère représentatif. À cette fin, il rencontre des salariés pour vérifier si leur adhésion a été libre et volontaire. Il calcule les effectifs. Dans la plupart des cas, il procède à l'accréditation conformément à l'article 28 du Code du travail. Maintenant, l'agent a de plus larges pouvoirs d'accréditation au nom de la Commission. Dans les autres cas, un commissaire entendra la requête et en disposera rapidement.

En ce qui concerne les autres demandes, au moment où elles sont convoquées, les parties sont incitées à tenter de régler à l'amiable. Un agent est chargé d'amener les parties à s'entendre avant l'audience. Lorsque les parties y consentent, il procède à une conciliation pré-décisionnelle. Dans de telles rencontres, l'agent joue le rôle de conciliateur. Il essaie tout d'abord de clarifier la nature des mésententes; puis, à l'aide de propositions, de compromis, d'hypothèses et d'analyses, il tente d'aider les parties à dégager des solutions qui leur soient acceptables. Tout accord est constaté par écrit et lie les parties. Il est important de noter qu'à défaut du consentement de chacune des parties, les discussions qui ont mené à une entente sont confidentielles et ne peuvent être recevables en preuve devant la Commission ou tout autre tribunal.

Cette conciliation peut se faire dans tous les cas  : congédiement, représailles, grève ou lock-out, entrave, etc. La troisième filière, c'est l'urgence. En tout temps, sur demande, la Commission peut rendre toute ordonnance de nature à sauvegarder les droits des parties ou accepter d'entendre une affaire de façon urgente. Une telle demande doit faire état des motifs la justifiant, être appuyée d'une preuve par déclaration assermentée et être accompagnée des documents invoqués. Dans ce cas, le professionnel du greffe indique au requérant la marche à suivre et fixe les modalités d'intervention d'urgence. Dans tous les cas, un agent de relations du travail sera encore là chargé d'amener les parties à s'entendre à l'amiable.

L'audience

L'audience devant la CRT est gouvernée par des règles de preuve et de procédure qui lui sont propres. Elle peut recevoir tout élément de preuve qu'elle considère pertinent. Les parties sont appelées à donner leur version des faits. Des témoins peuvent être entendus, des documents et des pièces peuvent être déposés et, lorsque la Commission le décide ou dans les cas prévus, des déclarations assermentées peuvent aussi être déposées.

La CRT fait parvenir un avis d'audience à chacune des parties. Lorsqu'une partie croit que des jours supplémentaires d'audience sont requis, elle doit adresser une demande en ce sens dans les dix jours en indiquant les motifs de cette demande. La CRT détermine la durée de l'audience.

La CRT s'est également dotée d'une politique concernant les remises d'audience visant notamment à éviter des délais indus. Essentiellement, sauf dans les cas où il y a obligation d'agir rapidement, une remise sera accordée si elle est faite dans les quarante-cinq jours de la date de l'avis d'audience. Si elle est faite plus tard, la Commission examine les motifs et ne l'accordera que s'ils sont sérieux. S'il n'y a pas consentement de toutes les parties ou s'il s'agit d'une demande en vertu des articles 20.0.1, 25 ou 45 du Code du travail, la Commission communique avec les parties et dispose de la demande en tenant compte notamment de la nature de l'affaire, de la diligence des parties, du sérieux des motifs invoqués et du préjudice causé à l'une ou l'autre des parties.

Par ailleurs, une partie qui désire faire entendre un témoin peut l'assigner à comparaître. Cette assignation doit être signifiée au moins cinq jours « complets » avant l'audience. La Commission ou l'avocat de la partie peut délivrer cette assignation.

Au début de l'audience, le commissaire chargé de l'affaire tient une rencontre préalable pour déterminer les enjeux et la façon la plus efficace de procéder.

Les règles de preuve et de procédure

La Commission applique les règles de preuve et de procédure dont elle s'est dotée et qui ont été soumises au gouvernement pour approbation.

Lorsqu'une partie identifie son représentant, c'est à ce dernier que la Commission communiquera toute information relative à la demande. Toute communication peut être effectuée par livraison, par la poste ou par télécopieur.

La Commission peut demander aux parties de lui soumettre par écrit leurs prétentions ou des précisions à l'égard de la demande ou de produire tout document ou pièce. La Commission fixe alors le délai pour ce faire. En cas de défaut de satisfaire la demande dans le délai accordé, la Commission pourra refuser la production tardive et même, dans certains cas, se prononcer sur la demande sans autre avis.

Par ailleurs, si elle le considère utile et si les circonstances le permettent, la Commission peut convoquer les parties à une conférence préparatoire visant essentiellement à mieux cerner ou définir les questions en litige et à planifier le déroulement de l'affaire.

Ces règles prévoient des façons de procéder avec les témoins experts, les demandes de récusation, le type de preuve que la Commission peut recevoir, les péremptions d'instance. Elles contiennent des dispositions particulières en ce qui concerne les requêtes en accréditation, les demandes en vertu des articles 20.0.1, 45.1, 45.3, 58.2 ainsi que les demandes concernant la révision, la fixation d'indemnité, l'ordonnance provisoire ou d'urgence. Enfin, des dispositions relatives au scrutin sont prévues lorsqu'un agent de relations du travail procède par cette voie pour vérifier le caractère représentatif.

Le site Internet de la Commission (www.crt.gouv.qc.ca) contient entre autres la politique concernant les remises d'audience, les règles de preuve et de procédure, la façon dont la Commission tient les audiences, la législation pertinente, un registre des demandes d'accréditation, toutes les décisions de la Commission ainsi que divers formulaires.

Louis Morin est membre honoraire de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, premier président, Commission des relations du travail

Source : Effectif, volume 6, numéro 2, avril / mai 2003

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