Vous lisez : Songez-vous à la relève?

Les résultats d'une recherche menée par Development Dimensions International (DDI), une entreprise d'envergure mondiale établie à Bridgeville en Pennsylvanie et spécialisée dans la formation et l'évaluation d'employés et de dirigeants de même que dans la dotation en personnel, révèlent que les entreprises risquent de perdre un nombre important de leurs dirigeants au cours des cinq prochaines années. En fait, les entreprises vont devoir non seulement remplacer leurs dirigeants actuels, mais aussi accroître leur personnel de gestion. Selon un sondage sur le recrutement effectué récemment par Management Recruiters International Inc., les cadres intermédiaires, les cadres supérieurs et les professionnels sont très recherchés. Plus de la moitié des entreprises interrogées ont indiqué qu'elles comptent hausser le nombre de cadres intermédiaires et de professionnels.

Le vieillissement de la population et le départ à la retraite des baby-boomers incitent les experts à prédire une importante pénurie de professionnels de haut niveau et de personnes capables d'occuper des postes de direction ou d'exercer des fonctions spécialisées.

Quelles que soient les raisons qui vous obligent à remplacer des employés (tragédie, transition ou erreur), il vous est possible, en vous penchant maintenant sur la question de la relève, d'effectuer des changements en douceur, en bouleversant le moins possible vos processus internes et sans que vos clients en soient affectés.

Comment faut-il procéder ? Vous pouvez mettre en œuvre un plan de relève en bonne et due forme et bien structuré, qui vous permettra de cerner les besoins éventuels et d'élaborer une stratégie visant à combler ces besoins.

La planification de la relève fait partie de ces démarches « proactives » que de nombreuses organisations n'ont simplement pas le temps d'entreprendre. Les activités courantes que supposent le maintien d'un effectif approprié ont déjà de quoi tenir les professionnels de la gestion des ressources humaines suffisamment occupés. Pourtant, les entreprises qui ne prennent pas le temps d'étudier la question de la relève risquent d'en subir les conséquences dans un avenir relativement proche. Le personnel responsable des ressources humaines devra alors pourvoir des postes vacants et trouver des employés compétents dans un bassin de travailleurs de plus en plus restreint.

Les professionnels de la gestion des ressources humaines se trouvent donc devant un dilemme : « planifier maintenant ou subir plus tard ».

Élaboration d'un plan de relève approprié

Comment élabore-t-on un plan de relève efficace ? Un certain nombre d'éléments clés doivent être réunis :

1 - Engagement de la haute direction. Les professionnels de la gestion des ressources humaines seront généralement d'accord pour dire qu'il n'est pas possible de mener à bien un programme de planification de la relève sans l'appui nécessaire. Il est essentiel que la haute direction reconnaisse l'importance de concevoir un plan de relève et qu'elle soit prête à y consacrer les ressources voulues. Comment pouvez-vous convaincre les dirigeants que ce plan est nécessaire ? En effectuant et en présentant un dossier bien étoffé étayé par des données externes et des données internes. De nombreux sondages ont été réalisés qui font clairement état d'une future pénurie d'employés compétents. Il est possible de se procurer des données auprès d'organismes comme le Bureau of Labor Statistics (chez nous, Institut de la statistique du Québec). Ces données, de même que des données internes, vous aideront à démontrer l'importance d'une planification de la relève.

2 - Vision à long terme. De quelles compétences votre entreprise aura-t-elle besoin dans cinq, dix, quinze et même vingt ans ? En prenant le temps d'examiner les tendances de la main-d'œuvre, les prévisions concernant les diplômés dans divers domaines, etc., vous aurez une meilleure idée de ce que l'avenir vous réserve. Discutez également avec les dirigeants de l'orientation qu'ils vont donner à l'entreprise et des compétences dont les employés auront besoin à l'avenir.

3 - Connaissance précise des effectifs actuels. Savez-vous combien d'employés prendront leur retraite au cours des cinq prochaines années ? Combien de futurs retraités sont des dirigeants ? Avez-vous une idée du nombre de cadres intermédiaires qui pourraient être disposés et aptes à occuper des postes de direction ? Avez-vous au sein de l'entreprise des employés qui possèdent les connaissances nécessaires ou la capacité de combler les besoins futurs, sur le plan technique, de votre entreprise ? L'information se trouve-t-elle « dans votre mémoire » ou dans une base de données à laquelle peut avoir accès toute personne qui a besoin de cette information ?

4 - Objectivité. Lorsque vous examinez vos effectifs, intéressez-vous aux postes clés, sans vous arrêter aux caractéristiques des titulaires de ces postes. Supposons par exemple que l'un de ces postes clés, celui de directeur du développement des produits, est occupé par un fidèle employé dans la trentaine qui, selon vous, « n'abandonnera jamais l'entreprise ». Si vous croyez que ce poste n'est pas à risque, vous posez une hypothèse dangereuse. Il faut admettre, même si c'est difficile, la possibilité qu'un employé loyal soit attiré par un autre emploi, qu'il décide que la vie d'employé d'une entreprise ne lui convient plus ou encore malheureusement qu'il décède ou devienne handicapé et incapable de satisfaire les exigences du poste.

5 - Ouverture d'esprit. Le plan de relève met trop souvent l'accent sur « la crème » c'est-à-dire sur ces employés dont on peut dire avec certitude et facilement, pour diverses raisons, qu'ils sont promis à un brillant avenir. Or, en vous intéressant uniquement à ces employés, vous restreignez les possibilités. Les travailleurs les plus discrets ont parfois des talents cachés. Certains employés savent se mettre en valeur alors que d'autres ont besoin d'encouragement. Il faut donc faire connaître les besoins futurs au personnel en place de façon à ce que les employés soient en mesure d'indiquer qu'un poste pourrait les intéresser.

6 - Un plan solide. La planification de la relève est, à de nombreux égards, un jeu de hasard. C'est un processus analytique qui suppose de bonnes compétences organisationnelles, de la minutie et la capacité de faire des projections. Votre plan devrait être conçu de façon à ce que l'information dont vous avez besoin puisse être recueillie, emmagasinée et utilisée pour la production de rapports, l'élaboration de situations hypothétiques et l'introduction de changements en fonction de l'évolution des besoins en ce qui a trait à la main-d'œuvre et des besoins de l'organisation.

7 - Fermeté. Un des principaux obstacles à la planification de la relève concerne votre personnel cadre et professionnel actuel. Les gestionnaires auxquels on demande de prendre part à la recherche des « dirigeants de l'avenir » peuvent se sentir menacés. C'est l'une des raisons pour lesquelles un plan de relève doit être l'affaire de l'ensemble de l'entreprise et non pas seulement du service des ressources humaines. Les hauts dirigeants doivent confier à tous les gestionnaires la responsabilité de trouver les employés de talent au sein de leur personnel et même lier les conditions salariales et l'avancement de ces gestionnaires à leur capacité d'identifier et de former les employés talentueux.

8 - Un programme de formation et de perfectionnement bien coordonné. Si votre organisation détermine qu'il lui faudra des employés spécialisés en commerce électronique et si elle constate que cette compétence n'existe pas actuellement dans l'entreprise, deux possibilités s'offrent à elle : trouver des personnes compétentes à l'extérieur ou offrir au personnel intéressé qui possède le potentiel voulu la possibilité d'acquérir les compétences recherchées. Lorsque les besoins ont été cernés, l'étape suivante consiste à déterminer si l'on aura recours, pour les combler, au recrutement ou au perfectionnement du personnel existant. Le perfectionnement pourra s'effectuer au moyen d'une formation interne, de l'affectation à des projets spéciaux, de cours donnés à l'extérieur, etc.

9 - Attention continue. Comme nous l'avons vu, on a parfois tendance à s'occuper des problèmes plus « immédiats » et à négliger la planification de la relève. Encore une fois, la haute direction, par sa participation et son engagement, peut faire en sorte que cette question demeure une priorité de l'entreprise et s'assurer qu'on lui accorde l'attention continue qu'elle mérite.

Erreurs courantes

Les entreprises qui établissent un programme de planification de la relève commettent parfois des erreurs qui peuvent nuire à leurs activités de planification :

  • Garder le secret. Combien d'employés prometteurs ont quitté l'entreprise parce qu'ils n'avaient pas la moindre idée de vos intentions à leur égard ? Votre programme aura d'autant plus de chances d'être fructueux qu'il sera connu d'un grand nombre de personnes au sein de l'organisation.
  • Sous-estimer les compétences qui existent déjà dans l'entreprise. Pourquoi avons-nous si souvent l'habitude de recruter des personnes parmi un vaste bassin d'inconnus au détriment de celles qui se trouvent déjà dans l'entreprise ? En gestion, on dit souvent qu'un expert est « une personne qui vient d'ailleurs et qui tient à la main un porte-documents ». Selon vous, combien de vos employés risquent d'être considérés comme des « experts » par le concurrent qui se trouve dans la ville ou l'immeuble d'à côté ? Voulez-vous vraiment prendre le risque de les perdre ?
  • Faire preuve d'étroitesse d'esprit. Négliger les employés jugés « trop vieux », « trop jeunes », « trop bourrus » ou « trop différents ».
  • S'intéresser uniquement aux « compétences spécialisées ». Les entreprises constatent que les « compétences générales » (que l'on appelle souvent « l'intelligence émotionnelle ») en disent davantage sur les capacités de réussite d'un employé que les compétences spécialisées ou techniques que l'on tend traditionnellement à valoriser. Lorsque vous concevez votre plan de relève, tenez compte de la culture d'entreprise et de l'ensemble de l'équipe tout autant que des besoins sur le plan technique.
  • Ne pas offrir les possibilités appropriées de formation et de perfectionnement. En cette matière, ne laissez pas les employés et les gestionnaires à eux-mêmes. Assurez-vous que la formation fait partie de votre programme et que les ressources voulues existent.
  • S'attendre à ce que les employés fassent connaître leurs talents. Il appartient à l'entreprise tout autant qu'aux employés de déceler les personnes possédant les compétences qui permettront de combler les besoins futurs.
  • Ne pas tenir les gestionnaires responsables de la planification de la relève. Ne laissez pas l'insécurité et la subjectivité des gestionnaires nuire aux efforts de planification de la relève.
  • Ne tenir compte que de l'avancement « ascendant ». L'avancement « latéral » est peut-être également nécessaire dans votre entreprise. En fait, de nombreuses entreprises offrent deux formes d'avancement professionnel. La pyramide hiérarchique est exiguë au sommet. Toutefois, cela ne devrait pas empêcher les employés de croître et de se perfectionner, ni votre entreprise d'attirer et de conserver des employés grâce à diverses possibilités d'avancement.
  • Concevoir un programme trop général. Les programmes généraux de développement en leadership ne sont pas une façon efficace de planifier la relève. La planification doit être fondée sur les besoins précis de l'entreprise, sur les compétences que le personnel possède de même que sur les besoins à combler en matière de formation.

Lin Grensing-Pophal est rédactrice pigiste et elle se spécialise dans les questions relatives aux ressources humaines. Traduit par Danielle Veilette avec l'autorisation de la Society for Human Resources Management (SHRM), juillet 2000, révisé en juin 2002.

Source : Effectif, volume 6, numéro 1, janvier / février / mars 2003

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