Au temps du désenchantement. À la fin des années 1980, Hydro-Québec connaît une période de grande morosité. Les dernières augmentations de tarifs et les pannes générales ont passablement terni son image auprès de ses clients, dont la satisfaction atteint un plancher. La continuité du service est désespérante et le taux des accidents du travail, alarmant. Elle se classe au dernier rang des entreprises d'électricité canadiennes.
L'entreprise doit se ressaisir, et vite. Elle décide de prendre le grand virage qualité et le Défi performance voit le jour. C'est une stratégie globale de changement qui repose sur la gestion intégrale de la qualité. Son objectif est de satisfaire totalement la clientèle au moindre coût et d'améliorer la performance globale.
En cinq ans, Hydro-Québec a repris du galon. Son taux de favorabilité est passée de 46 % à 81 %. Le service d'électricité s'est grandement amélioré. Et le taux des accidents du travail est réduit de moitié. Mais il faut pousser les efforts encore plus loin.
Le leitmotiv de la haute directionD'un côté, on a de l'or bleu à profusion, l'hydroélectricité, une ressource naturelle. De l'autre, on doit miser sur l'or gris, les employés, notre richesse naturelle.
La mobilisation de l'effectif devient, en 1995, le leitmotiv de la haute direction. Celle-ci commence par établir une Table des attentes des employés, puis un processus d'Écoute du personnel, comme elle l'avait fait pour ses clients.
On fait les constats suivants : les employés sont peu satisfaits; ils se disent mal informés et coupés de la haute direction. Les gestionnaires hésitent à communiquer leur plan d'affaires; bon nombre d'entre eux présentent des signes de stress. La situation est problématique, voire préoccupante.
La gestion revue et réalignéeEn 1997, Hydro-Québec formule une vision claire et ambitieuse d'elle-même : être la première entreprise d'électricité du monde. Elle répand largement cette vision auprès du personnel de même que ses visées d'affaires. Elle met en place les con-ditions de performance collective, à commencer par un rôle transformé du gestionnaire. Elle crée un modèle de gestion à deux composantes, axé sur les résultats.
- Le système de gestion. Diagnostic et enjeux de l'entreprise, déploiement des cibles, exécution et suivi des activités, revues de gestion. Finalité : performance du système.
- Le style de gestion. Aspect humain de la gestion et de la culture d'entreprise : leadership, communication, habilitation, responsabilisation et reconnaissance. Finalité : mobilisation des employés en vue des résultats.
Les caractéristiques du style de gestion (reliées aux attentes du personnel) sont devenues des leviers de mobilisation. Pour l'entreprise et pour chacune de ses grandes unités, des objectifs mesurables sont fixés.
- Leadership : orienter les employés et encourager l'engagement
- par l'exemple.
- Communication : communiquer avec transparence et écouter.
- Habilitation : favoriser leur développement et leur perfectionnement.
- Responsabilisation : leur donner la responsabilité et la pleine capacité de répondre aux besoins des clients et des partenaires.
- Reconnaissance : souligner leurs contributions importantes et celles des équipes.
Pour atteindre ses objectifs, la haute direction déploie un plan d'action auprès de l'ensemble des cadres. Ce que cela change pour les employés ? Leur travail commence à prendre du sens et ils se sentent de plus en plus utiles à l'entreprise. Ils sont mieux en mesure de réaliser leur travail parce qu'ils ont de plus en plus les compétences, les outils et les ressources nécessaires ; et ils se sentent appuyés. Ils savent que leur contribution sera reconnue par l'entreprise et par leur unité.
Pleins feux sur les employésDans son Plan stratégique 2000-2004, Hydro-Québec mise plus que jamais sur ses employés pour maintenir sa performance élevée, améliorer toujours sa situation financière et, même, stabiliser ses tarifs. La mobilisation générale devient ni plus ni moins un projet de gestion, dont le succès repose sur les gestionnaires.
Les résultats de l'Écoute du personnel, dont l'exercice est devenu une tradition, sont considérés par la haute direction, les planificateurs, les grandes unités chargées d'élaborer des plans opérationnels, la fonction ressources humaines. Tous doivent déterminer des cibles et des objectifs d'amélioration. Plans d'action, outils, moyens, etc. sont mis en place pour rejoindre tous les employés et couvrir toutes les sphères d'activité.
Une chaîne de succès se dessineOn voit surgir la «vraie réalité». Les résultats recherchés par l'entreprise sont en rapport direct avec la mobilisation générale des employés. La qualité du service et les succès financiers reposent principalement sur le personnel. C'est lui qui possède, après tout, l'expertise et le savoir-faire d'Hydro-Québec.
Puis, une chaîne de succès se dessine : un employé mobilisé fait que la clientèle est plus satisfaite et l'actionnaire, plus prospère. Une performance honorable qu'il faut améliorer, toujours. L'entreprise s'engage à développer les compétences techniques, commerciales et humaines de son personnel. On assure la relève, ainsi que la pérennité et le développement du savoir-faire.
Un personnel très concernéEncouragée, Hydro-Québec veut continuer d'augmenter le taux de mobilisation de son personnel. Convaincue, elle l'est, car elle a déjà effectué une importante analyse des risques auxquels elle est exposée. Pour un producteur d'électricité, l'hydraulicité et la température, pourrait-on croire, sont les risques les plus élevés… Au premier rang des risques, ce sont plutôt la mobilisation des employés et la relève !
Plusieurs nouvelles mesures sont alors lancées. Signalons premièrement un projet à l'échelle de l'entreprise, les «cartes d'appropriation», qui permet à chacun des employés de comprendre enjeux et orientations, pour mieux se les approprier et pour mieux s'engager, deuxièmement une meilleure communication entre cadres et employés et enfin une rémunération incitative pour tous liée aux résultats annuels de l'entreprise.
La force de la mobilisationL'employé mobilisé a fait l'objet d'un examen. Plusieurs critères de mobilisation ont été mesurés, vérifiés. D'abord, plus l'employé est mobilisé, plus il est présent au travail. Et sa présence au travail est plus significative.
Ensuite, il travaille davantage avec ses collègues et s'implique fortement dans le processus décisionnel. Il s'investit qualitativement dans son travail. Il cherche des façons de mieux faire les choses. Il met ses énergies au bon endroit pour le bien de l'organisation, recentre ses efforts sur les grands objectifs.
Sur une dizaine d'années, bien que l'effectif ait diminué de 24 %, les revenus de l'entreprise ont augmenté de 44 %, de même que la satisfaction des clients et la mobilisation des ressources humaines.
Une gestion plus mobilisatrice
Dans son Plan stratégique 2002-2006, Hydro-Québec explique que les nouveaux défis qui l'attendent exigent de nouvelles expertises. Elle poursuit ses efforts de mobilisation.
Hydro-Québec a évolué. La culture d'affaires est ancrée chez les employés qui la véhiculent. Les valeurs ont changé, les comportements aussi. Constats : l'entreprise pratique une gestion de plus en plus mobilisatrice; un employé mobilisé fournit un travail à valeur ajoutée.
L'or gris, cette richesse naturelle
Hydro-Québec voit aujourd'hui ses gestionnaires comme des leaders et des agents de changement et ses employés comme des partenaires stratégiques en qui elle a confiance.
À l'intérieur des murs, on commence à ressentir fierté, enthousiasme, plaisir de travailler et volonté de réussir. Mêmes sentiments que l'on retrouve chez un employé qui participe à un grand projet comme celui de la Baie-James, ou qui s'identifie à une grande cause comme au temps de la crise du verglas.
La matière grise est vraiment passée à l'avant-plan dans l'exploitation des forces d'Hydro-Québec. L'entreprise a de plus en plus ce qu'il faut pour se positionner comme chef de file mondial dans le domaine de l'énergie.
Résultats de l'écoute du personnel | Résultats de l'entreprise | ||||
1995 | 2001 | 1995 | 2001 | ||
Satisfaction de travailler à Hydro-Québec |
7,90/10 | 8,03/10 | Satisfaction de la population à l'égard d'Hydro-Québec : Satisfaits Très satisfaits |
95 % 36 % |
94 % 41 % |
Indice de mobilisation | Augmentation de 11 points sur 100 par rapport à 1995 | Continuité de service (nombre moyen d'heures d'interruption du service par client) | 2,95 h | 2,61 h | |
Bénéfice net Rendement de l'avoir propre |
390 M $ 3,3 % |
1 108 M $ 7,6 % |
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La satisfaction générale de travailler à Hydro-Québec dépasse aujourd'hui celle de l'ensemble du marché québécois. La mobilisation est un changement dans la culture de l'entreprise qui se produit de façon graduelle, par étapes. |
La nature de la mobilisation | Les nuisances à la mobilisation |
La mobilisation d'un employé comporte une part qui lui est propre – 35 %. L'autre part – 65 % – dépend entièrement du travail. Celle-ci est mesurable :
En sachant de quoi est faite la mobilisation, on sait mieux cibler ses actions pour l'améliorer. |
Instabilité organisationnelle
L'entreprise travaille à réduire, voire à éliminer les nuisances à la mobilisation. |
Jean-Luc Chabot est directeur – Relève et développement, Hydro-Québec
Source : Effectif, volume 5, numéro 5, novembre / décembre 2002