Vous lisez : Mon consultant, mon miroir

« Quelle est votre notion du service à la clientèle ? » demanda-t-on à la candidate lors d'une entrevue de sélection pour un poste de consultant en relations du travail dans l'équipe de consultants de Bell Canada. Assis autour du bureau d'acajou se trouvaient l'interviewer, une consultante de cette équipe et un client. Mais quel client ? Mille et une questions vinrent à l'esprit de la future recrue : « Est-ce un groupe de consultants pour des clients externes de la compagnie ? Bell Canada diversifie-t-elle son service de consultation à des gestionnaires de l'extérieur de l'organisation ? »

En fait, il n'en était rien. Au fil des minutes, en répondant aux questions et en en posant à son tour, la candidate saisit toute la réalité : en tant que consultante dans l'équipe, elle aurait sa propre clientèle, juste à elle, au sein de l'organisation. Génial comme idée !

Cette notion du service à la clientèle demeure omniprésente dans l'esprit de ce groupe de consultants. En fait, pour les onze consultants qui desservent tout près de dix mille clients gestionnaires de Bell Canada, tant au Québec qu'en Ontario, la tâche n'est pas mince. C'est la raison pour laquelle il s'avérait essentiel de créer un concept afin de satisfaire le plus adéquatement possible les attentes des groupes opérationnels en matière de relations du travail.

Chaque membre de l'équipe de consultation assiste un nombre attitré de clients, tous des gestionnaires, tantôt chevronnés, tantôt néophytes en matière de gestion du personnel. Ainsi, une relation de confiance, voire un sentiment d'appartenance, s'établit rapidement entre le consultant et son client. C'est en fait au gré des contacts, par téléphone ou en personne, que la fidélisation de la clientèle s'accroît, concrétisant ainsi la personnalisation du service fourni.

Une offre de service sur mesure

Une offre de service de consultation personnalisée assure aux clients gestionnaires une sorte de garantie que leurs besoins seront traités avec tout le professionnalisme nécessaire.

À l'intérieur de cette offre de service, on retrouve, entre autres, l'assurance d'un rappel dans un délai de vingt-quatre heures. Nul besoin de souligner que cette formule enchante bien des clients, d'autant plus que les situations d'urgence foisonnent dans cette entreprise !

De plus, chaque consultant tente de répondre aux attentes spécifiques de ses clients au sujet de la formation requise sur différents sujets. Que ce soit pour traiter de la gestion de la présence au travail, de la performance, des différentes conventions collectives ou encore de la résolution de litiges, des ateliers de formation sont disponibles sur demande.

L'intention formelle des ateliers de formation est de permettre aux gestionnaires de gérer efficacement leur personnel, favorisant ainsi l'atteinte des objectifs opérationnels propres à chaque unité d'affaires.

À titre d'exemple, si une équipe de gestionnaires en particulier éprouve certaines difficultés à gérer des situations conflictuelles avec certains employés, ils sont en mesure de faire appel à leur consultant attitré pour obtenir de la formation (résolution de litiges). Mieux encore, ce même consultant pourra évaluer la pertinence de la formation donnée dans les éventuelles interventions qu'il fera auprès de ces mêmes clients.

Le besoin d'affaires

Que ce soit par l'intermédiaire des sessions de formation ou de consultations individuelles, certaines conceptions transpirent continuellement dans le discours de ces experts conseils en relations du travail. Pensons entre autres, pour ne nommer que les principales, au besoin d'affaires du client ou encore au maintien de la paix industrielle.

Le besoin d'affaires doit d'abord guider chaque gestionnaire. Si simple soit-elle, cette étape fondamentale se retrouve bien souvent escamotée. Il appartiendra donc au consultant d'amener son client à revenir toujours à la source dans son processus décisionnel et d'insister sans cesse sur son réel besoin d'affaires. Les interrogations du client à son « fournisseur de conseils » peuvent porter sur une multitude de sujets, à la fois techniques et stratégiques.

Parmi ces sujets, on peut retrouver par exemple les vacances ou les congés, le changement de statut d'employé, l'offre de départ volontaire, la gestion de la présence au travail, les horaires souples et bien d'autres encore.

Une fois de plus, à cette occasion, le fait que chaque conseiller ait une clientèle désignée facilite la compréhension des différents besoins d'affaires. À mesure que le consultant apprendra à connaître ses clients, il saisira toutes les occasions qui lui seront données d'en savoir davantage sur leur réalité respective. Du même coup, il maîtrisera de mieux en mieux le contexte opérationnel dans lequel le gestionnaire doit gérer sa main-d'œuvre, ce qui lui permettra de faire les recommandations les plus pertinentes.

Ce sont les clients qui décident !

À ce propos, on parle bien ici de conseils, de recommandations, de suggestions ou de soutien, mais la notion de décision finale ne s'insère jamais dans les interventions de cette équipe de consultation. Qu'il soit question de recommander une mesure disciplinaire ou administrative, une réponse à un grief, une application de la convention collective ou encore un avis juridique nécessitant l'intervention du contentieux, la décision finale reviendra toujours au client lui-même et à personne d'autre. C'est ici qu'entre en jeu toute l'importance du rôle-conseil du consultant : présenter différentes solutions au problème soumis, diverses façons de résoudre une difficulté. Et, le plus important, faire voir les conséquences de chacun de ces moyens utilisés.

C'est donc en analysant les diverses pistes de solutions soumises et leurs conséquences que le gestionnaire sera en mesure de prendre une décision finale objective et avisée. Les points de vue respectifs des gestionnaires et du groupe des relations du travail peuvent évidemment différer. Parmi les solutions présentées à son client, le consultant pourrait spécifier laquelle il serait préférable de choisir et pour quelle raison. Par ailleurs, le gestionnaire garde la liberté d'opter pour un solution différente de celle que son conseiller lui a suggérée. Ce faisant, il assumera son geste en connaissant les conséquences de ce choix.

Action, réaction

Dans un autre ordre d'idées, revenons maintenant sur la notion du maintien de la paix industrielle, l'un des éléments vitaux en matière de relations du travail. En effet, la très grande majorité des recommandations fournies aux gestionnaires seront empreintes de cette notion de paix industrielle. Sans elle, on ne parlerait plus de relations du travail, mais plutôt de conflits de travail et c'est un des mandats du consultant d'amener ses clients à prévenir ces situations pour le moins regrettables.

C'est aussi la raison pour laquelle chaque membre de l'équipe de consultation mettra l'accent, et ce, dans chacune de ses recommandations, sur les effets, les répercussions des différentes solutions proposées. En mentionnant par exemple : « Si vous choisissez d'aller dans cette direction, voici les revendications du syndicat ou des employés concernés auxquelles vous aurez à répondre; êtes-vous prêts à faire face à de telles revendications ? Avez-vous suffisamment d'arguments pour défendre votre point de vue de façon juste et raisonnable ? Si le syndicat fait un grief à la suite de votre décision, par quels moyens y répondrez-vous ? Seriez-vous capable de défendre votre choix si la cause se rendait en arbitrage ? »

Les consultants de l'équipe préservent donc la qualité du service rendu à leurs clients internes en jouant les avocats du diable dans leurs discussions quotidiennes avec les gestionnaires. Et d'ailleurs, ceux-ci apprécient cette façon d'être conseillés, ils tiennent à se faire « cuisiner » par leur consultant afin de prendre des décisions éclairées et dont les impacts potentiels sont établis. Une fois de plus, un tel mode de consultation serait difficile pour le client s'il devait parler à un conseiller différent à chaque fois. Admettons simplement que la relation étroite, voire très personnelle, que les gestionnaires de cette entreprise ont avec leur conseiller dit « privé », facilite des échanges à l'allure de défi, de provocation, de chocs d'idées, et ce, dans un seul but : en venir à la meilleure solution possible, dans l'intérêt des parties impliquées.

Souvent même, les membres du groupe de consultants pratiquent entre eux un jeu de rôles. La science infuse : ils ne connaissent pas ! C'est pourquoi ils tenteront toujours de remettre en question leurs méthodes, leurs points de vue respectifs, leur approche. L'un questionnera l'autre, l'autre lui répondra comme le ferait un représentant syndical ou encore un employé envers son supérieur immédiat.

Et la raison pour laquelle ces conseillers cherchent si souvent à confronter leurs idées, c'est qu'en plongeant si profondément dans un problème donné, il arrive parfois que « l'effet d'œillères » survienne. En effet, il peut devenir difficile de penser à tous les risques possibles de diverses revendications syndicales, ce qui crée le besoin d'être provoqué par le reste de l'équipe sur le problème en cause.

C'est donc une réalité observable, cette équipe d'experts avertis va plus loin que la simple qualité du service offert à ses clients. Remarquable également que ce souci de bien pourvoir aux besoins opérationnels soit si prononcé, malgré le fait que la clientèle soit interne à l'organisation.

Conclusion

Une telle ardeur ainsi témoignée a pour conséquence directe, sur les dirigeants des groupes opérationnels, d'éveiller en eux des réflexes plus automatiques et d'élargir leurs horizons sur le plan des relations industrielles.

On ne devrait jamais rien tenir pour acquis… c'est le leitmotiv de ces consultants. C'est d'autant plus vrai lorsqu'on jette un œil sur une des devises actuelles de l'organisation : « Plus vite, mieux, en premier ». D'abord, on convient de poursuivre les principales initiatives de croissance, donc de croître plus vite. On entend travailler mieux, soit hausser la productivité à des niveaux différents. Enfin, c'est le client en premier et il s'agit de lui assurer une expérience unifiée.

Cette vision de surpassement et le désir de toujours tendre vers la perfection soulignent donc hors de tout doute la passion que ces consultants inspirent à leur clientèle.

Voilà qui se rapproche infiniment du Citus, Altius, Fortius des derniers jeux olympiques !

Mireille Larouche, CRIA est chef, relations du travail chez Bell Canada

Source : Effectif, volume 5, numéro 2, avril / mai 2002

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