Vous lisez : Le tableau de bord : pour une gestion stratégique

Parmi les nombreuses approches préconisées pour évaluer la gestion des ressources humaines, un concept intéressant émerge, celui du tableau de bord en ressources humaines. En effet, le tableau de bord semble combiner des approches d'évaluation quantitatives et qualitatives, puisqu'il permet effectivement à la fonction ressources humaines de jouer le rôle tant convoité de partenaire stratégique par une vérification de la qualité des activités de gestion de ressources humaines implantées dans le but de soutenir la stratégie de l'organisation. C'est dans cette perspective que la fonction ressources humaines doit créer diverses mesures – certaines financières et certaines d'ordre plus qualitatif - dans le but de situer sa performance globale actuelle et de mieux cibler ses actions futures.

Plusieurs groupes de travail ont conçu un tableau de bord pour évaluer la fonction ressources humaines; nous présentons dans cet article celle de Kaplan et Norton qui ont conçu un cadre détaillé, qui s'applique à l'ensemble de l'entreprise et qui est donc susceptible de mesurer la contribution des différentes activités organisationnelles, dont la fonction ressources humaines. Un cadre semblable peut donc être mis au point dans le même esprit par les autres fonctions organisationnelles afin d'en arriver à une évaluation cohérente de leur capacité d'assumer la mission et les stratégies de l'organisation. Le concept du tableau de bord

Le tableau de bord analyse la performance selon quatre dimensions : la perspective financière, la perspective clients, la perspective des processus internes et la perspective de l'apprentissage et de la croissance. La notion clé est que les mesures devraient consister en une suite d'objectifs reliés entre eux, intégrant à la fois des relations de cause à effet et une combinaison de résultats et de facteurs de performance. Cette chaîne causale devrait se retrouver dans les quatre perspectives d'un tableau de bord équilibré et permettre de clarifier la stratégie. Il faut qu'il y ait un équilibre entre les résultats et les facteurs de performance. En effet, si on ne mesure que les résultats, il est difficile de savoir comment ils ont été atteints, et s'ils n'ont été mesurés qu'après les faits, ils seront des indicateurs tardifs.

Le concept du tableau de bord

Le tableau de bord analyse la performance selon quatre dimensions : la perspective financière, la perspective clients, la perspective des processus internes et la perspective de l'apprentissage et de la croissance. La notion clé est que les mesures devraient consister en une suite d'objectifs reliés entre eux, intégrant à la fois des relations de cause à effet et une combinaison de résultats et de facteurs de performance. Cette chaîne causale devrait se retrouver dans les quatre perspectives d'un tableau de bord équilibré et permettre de clarifier la stratégie. Il faut qu'il y ait un équilibre entre les résultats et les facteurs de performance. En effet, si on ne mesure que les résultats, il est difficile de savoir comment ils ont été atteints, et s'ils n'ont été mesurés qu'après les faits, ils seront des indicateurs tardifs.

Les quatre perspectives du tableau de bord

Les quatre perspectives du tableau de bord peuvent être utilisées comme modèles, mais elles sont flexibles. Un tableau doit combiner de quinze à vingt-cinq mesures financières et non financières, groupées en fonction des perspectives (Kaplan et Norton, 1996).

La perspective financière

La perspective financière traduit habituellement la manière dont la stratégie contribue à l'amélioration globale. Du point de vue de l'entreprise, elle est au centre de toutes les mesures, de toutes les relations de cause à effet qui aboutissent à l'amélioration des résultats financiers. Les mesures financières portent habituellement sur la rentabilité, la valeur économique ajoutée, les flux de trésorerie générés, etc. Cependant, les objectifs financiers différeront considérablement à chaque étape du cycle de vie d'une entreprise.

La perspective clients

La perspective clients comprend la capacité de l'entreprise à fournir des biens et des services de qualité, l'efficacité de leur livraison ainsi que le service et la satisfaction de la clientèle en général. Dans certaines entreprises, telles que le gouvernement, le facteur principal de performance diffère : les clients prennent le pas sur les résultats financiers (Procurement Executive Association, 1999). Cette perspective identifie les segments « clientèle » pertinents et les mesures de performance dans ces segments ciblés. C'est pourquoi, dans un premier temps, l'entreprise détermine et cible les segments et, ensuite, elle s'attelle aux objectifs et aux mesures qui s'y rapportent. C'est à ce stade-ci que les entreprises décident de ce qu'elles doivent faire ou ne pas faire.

La perspective des processus d'exploitation internes

Cette perspective est généralement constituée après que les objectifs clients et financiers aient été définis. La perspective des processus internes est centrée sur les processus d'exploitation de l'entreprise qui mènent au succès financier et à la satisfaction de la clientèle. Il est important de repérer d'abord les processus cruciaux dans lesquels l'entreprise doit exceller et ensuite de les surveiller pour s'assurer qu'ils entraînent des résultats satisfaisants. Ce sont ces processus qui permettront à l'entreprise de fournir les propositions de valorisation qui répondront aux attentes. Il semble que la plupart des entreprises ont essayé d'améliorer la performance des processus existants par l'abaissement des coûts, l'amélioration de la qualité et le raccourcissement du temps de réponse. Pourtant, elles n'ont pas identifié les processus qui étaient réellement stratégiques. En conséquence, ces efforts d'amélioration ont produit des résultats faibles et fragmentés, qui ne sont pas étroitement reliés aux objectifs stratégiques. Il est donc important de déterminer les processus qui doivent être exceptionnellement bien appliqués pour faire de la stratégie organisationnelle une réussite (Kaplan et Norton, 1996).

La perspective d'apprentissage et de croissance

Cette perspective établit les objectifs et les mesures qui stimulent l'apprentissage et la croissance dans l'entreprise. Elle porte habituellement sur la capacité des employés, la qualité de l'information et les effets de l'alignement organisationnel qui vient appuyer la réalisation des objectifs de l'entreprise. Selon Kaplan et Norton, ce domaine est le moteur de réalisation des processus internes, du succès financier et de la satisfaction de la clientèle. Cette relation causale s'appuie sur l'hypothèse que les processus ne pourront être couronnés de succès que s'ils sont accomplis par des employés compétents et motivés, soutenus par des informations exactes et opportunes (Procurement Executive Association, 1999).

L'élaboration du tableau de bord

Kaplan et Norton proposent un cadre pour la composition d'un tableau de bord pour l'ensemble de l'organisation. Il est important de considérer d'emblée le tableau de bord comme un système de gestion stratégique global plutôt que comme un système de mesure. Les mesures dont il est question dans les quatre perspectives indiquées doivent être reliées à la stratégie, car l'objectif final consiste à motiver tous les dirigeants et employés à appliquer la stratégie de leur unité avec succès. C'est pourquoi il faut s'assurer que chaque objectif stratégique est opérationnel, en posant des questions du type : « À quoi reconnaissez-vous que l'objectif a été atteint ? »

Les mesures doivent être reliées à la stratégie par une série d'éléments principaux. Tout d'abord, étant donné que la stratégie consiste en une série d'hypothèses sur les relations de cause à effet qui peuvent être exprimées par une séquence de suppositions et de déductions, le système devrait expliciter les hypothèses sur les objectifs et les mesures, de façon à ce qu'elles puissent être mesurées et vérifiées. Deuxièmement, le tableau de bord est composé de paramètres de résultats et de facteurs de performance. Les mesures des résultats sont généralement des indicateurs génériques tardifs et, sans les facteurs de performance, ils n'offrent pas de renseignements sur la manière d'atteindre les objectifs. Les facteurs de performance sont des indicateurs clés qui tendent à être propres à l'unité et, s'ils ne sont pas reliés aux mesures des résultats, ils risquent de ne pas entraîner d'avantages à long terme. Finalement, les chaînes causales ultimes devraient être reliées aux objectifs financiers de l'entreprise.

Kaplan et Norton proposent plusieurs étapes pour l'élaboration du tableau de bord (voir tableau 1). Grâce à ce processus, le tableau de bord permet d'évaluer la performance et offre une charpente structurée pour la gestion des résultats. Pour que cette transition puisse avoir lieu, il faut cependant que deux composantes fondamentales soient en place. D'abord, il est important que la structure organisationnelle soit appropriée afin de permettre l'utilisation efficace des résultats de l'évaluation. Il est également important que l'on soit capable d'utiliser les résultats des mesures de performance afin d'apporter véritablement des changements dans l'organisation. Il faut donc que ces données soient opportunes, pertinentes et concises et que les résultats soient utilisés, sinon personne ne les prendra au sérieux (Procurement Executive Association, 1999).

TABLEAU 1
Conception du tableau de bord des ressources humaines de Hewitt Associates
1. La perspective financière Porte sur les conséquences financières de la gestion et des pratiques des ressources humaines sur les résultats commerciaux, y compris sur les coûts des ressources humaines et sur la valeur qu'elles ajoutent.
2. La perspective opérationnellePorte sur l'efficience et l'efficacité internes des processus de gestion des ressources humaines, y compris sur la productivité, la qualité, les coûts et les cycles.
3. La perspective clientsPorte sur les perceptions des intervenants internes au sujet de l'efficacité des pratiques et des rôles des ressources humaines par rapport aux objectifs de l'entreprise.
4. La capacité stratégiquePorte sur la mesure de la contribution des ressources humaines au leadership, à l'innovation et à l'apprentissage, tous ces facteurs contribuant à la réussite concurrentielle.
Source : Hewitt Associates. Business Intelligence, 1998.
L'utilisation du tableau de bord

Le concept du tableau de bord peut s'appliquer à la fonction ressources humaines, pour servir de soutien au service des ressources humaines dans son rôle de partenaire commercial. Cette approche globale peut également permettre au service d'évaluer son efficacité dans chacun des quatre rôles suivants : expert administratif, agent de changement, partenaire stratégique et porte-parole des employés. De plus, elle combine des données qualitatives et quantitatives, tout en éclairant les relations de cause à effet entre les variables et la satisfaction des divers intervenants quant aux résultats, ainsi que la relation entre les pratiques des ressources humaines et la stratégie de l'entreprise. La création de tableaux de bord fonctionnels constitue une séquence naturelle du processus de production en cascade d'un tableau de bord. En fait, pour obtenir tous les avantages d'un tableau de bord, on propose que les unités créent des tableaux de bord pour les autres fonctions, telles que les ressources humaines, ce qui renforcera le lien entre systèmes, fonctions, unités et objectifs. Cette approche permet aussi la coordination transversale des efforts d'amélioration et la destruction des fonctionnements en silo (Procurement Executive Association, 1998).

Éléments constitutifs du tableau de bord

Hewitt Associates (Business Intelligence, 1998) propose une architecture de tableau de bord qui tente d'aligner stratégiquement et de mesurer les ressources humaines suivant quatre dimensions : les perspectives financière, opérationnelle, clients et la capacité stratégique. Chacune de ces optiques est liée à des mesures et à des questions spécifiques (voir tableau 2).

Bien que les mesures réelles doivent se rapporter aux exigences propres à chaque entreprise, selon Hewitt, un modèle de tableau de bord pourrait comprendre les mesures de la figure 1.

L'implantation d'un tableau de bord

L'approche de la conception et de l'implantation d'un tableau de bord pour les ressources humaines ressemble à celle qui est utilisée pour les tableaux de bord de l'entreprise dans son ensemble. La plupart des services des ressources humaines suivent une séquence d'étapes, dont beaucoup de travail préalable. Hewitt Associates propose un processus d'implantation d'un tableau de bord fonctionnel (voir tableau 2).

TABLEAU 2
Processus d'implantation d'un tableau de bord
1. Étape de planification• Organisation du projet
• Sélection de l'équipe
• Définition de la portée et des objectifs
2. Étape d'évaluation • Révision des stratégies de l'entreprise et du service des ressources humaines
• Établissement des critères de mesure
• Évaluation des besoins des employés
• Évaluation des mesures existantes
3. Étape de création• Détermination des objectifs stratégiques cruciaux
• Création des mesures
• Essais avec les intervenants clés
• Établissement de mécanismes de suivi
4. Étape d'implantation• Implantation du tableau de bord
• Évaluation et amélioration
• Application du processus d'apprentissage
Source : Hewitt Associates, Business Intelligence, 1998.

Dans l'étape de planification, il est important d'instruire les personnes concernées au sujet du concept de tableau de bord. Les dirigeants des ressources humaines sous-estiment souvent les efforts à fournir dans ce processus et ceci pourrait devenir un obstacle au succès de l'implantation d'un tableau de bord à moins que cette instruction ne se fasse et que les personnes concernées aient compris à fond le processus dans son ensemble afin d'y consacrer les ressources adéquates.

Pendant l'étape d'évaluation, le service des ressources humaines devra examiner la stratégie organisationnelle et sa propre stratégie pour s'assurer qu'elles sont bien alignées. À partir de là, il devra établir les critères de mesure adéquats afin de sélectionner les paramètres qui seront utilisés dans la poursuite du processus. Il s'agit ici d'une étape importante, car le choix peut être vaste parmi les mesures disponibles et ce sont ces critères qui faciliteront la prise de décision en ce sens. Au cours de cette étape, le service des ressources humaines devra aussi examiner ses mesures déjà existantes, identifier les clients et les évaluer par rapport aux critères de mesure. En outre, il y a bon nombre de fonctions des ressources humaines qui n'ont pas véritablement de stratégie. En fait, une partie de ce processus devra donc nécessairement comprendre la mise au point d'une stratégie et ensuite la construction de mesures autour de celle-ci (Business Intelligence, 1998).

Une fois ce travail de planification et de création terminé, l'étape suivante consiste à établir les objectifs du tableau de bord, des mesures et des cibles. La plupart des praticiens déclarent que ces objectifs et mesures doivent être basés sur de l'information fournie à la fois par la clientèle et par le personnel des services fonctionnels. D'un point de vue commercial, il est important de déterminer ce que la stratégie d'entreprise exige du personnel et comment le service des ressources humaines peut s'assurer qu'il fournira les résultats attendus. Il est également important que quelques entrevues sur des questions semblables aient lieu et que l'on se concentre sur le traçage des liens qui relient entre eux stratégie, personnes et rôle des ressources humaines. Ceci permettra d'éclaircir toute zone où il existerait une rupture entre ce que pensent les ressources humaines et les attentes des clients.

Sans aucun doute, beaucoup de défis devront être relevés au cours de ce processus. Tout d'abord, il est crucial de choisir des critères de mesure qui ont une véritable signification, ce qui, dans un contexte de ressources humaines, peut parfois être difficile. Prenons par exemple le cycle de recrutement, qui perd sa raison d'être étant donné qu'il y a tellement d'exigences différentes pour chaque niveau d'employés. Pour cette situation, Weinberg suggère une meilleure approche : établir des accords de niveau de service pour chaque emploi en particulier, stipulant les attentes en coût, en temps et en qualité, et mesurer ensuite le nombre d'accords où le niveau de service n'a pas été atteint (Business Intelligence, 1998). Un autre défi que les professionnels de la gestion des ressources humaines devront relever est la tension à propos de l'appropriation du processus de mesure. En effet, il existe beaucoup de tension entre les gestionnaires des ressources humaines et les cadres intermédiaires au sujet de la responsabilité d'effectuer ces mesures. Les gestionnaires des ressources humaines doivent bien préciser qu'ils ne sont pas les propriétaires de ce processus, mais qu'ils assument plutôt une responsabilité d'intendance pour sa conception et pour la collecte et l'analyse des données destinées à la structure de gestion.

Conclusion

Il existe actuellement beaucoup d'entreprises qui adoptent un tableau de bord pour l'ensemble de leur organisation. En 1998, le groupe Gartner prévoyait qu'au moins 40 % des entreprises de la liste de Fortune 100 adopteraient une nouvelle philosophie de gestion, le tableau de bord, avant l'an 2000. Kaplan et Norton présentent plusieurs raisons pour lesquelles les entreprises adoptent l'approche du tableau de bord. D'abord, l'ère de l'information remet en question les hypothèses d'exploitation élaborées à l'ère industrielle en matière de gestion des entreprises. Les systèmes de contrôle financier créés dans le passé ne suffisent plus. Les organisations ont commencé à réaliser que la capacité d'une entreprise à mobiliser et à exploiter ses immobilisations incorporelles constitue la clé de son succès. La technologie de l'information est en train de relier les clients aux fournisseurs de telle façon que la chaîne de valeur devient beaucoup plus rapide au sein des organisations; c'est pourquoi il est crucial d'améliorer continuellement les capacités en matière de processus et de produits. De plus, l'exploitation des connaissances de chaque employé constitue aussi un facteur capital de réussite. Pourtant, en dépit du fait que bon nombre d'entreprises ont des objectifs stratégiques qui se rapportent aux relations avec le client et à la capacité organisationnelle, elles ont tendance à être mesurées et motivées uniquement par des indicateurs financiers.

Une caractéristique des entreprises de pointe, qu'elles soient publiques ou privées, est l'application réussie de mesures de performance qui mettent en lumière l'organisation et l'efficacité de leurs programmes, processus et personnes et permettent de formuler des jugements à leur sujet. « Ces entreprises ne se contentent pas de récolter des données, elles les utilisent en pratique pour aboutir à des améliorations et pour traduire avec succès la stratégie en actes. Elles les utilisent pour gérer leur organisation. » (Procurement Executive Association, 1999, p. vii).

Louise Hansell, CRHA est chef, ressources humaines et développement organisationnel, Bombardier inc., et Tania Saba est professeure, École de relations industrielles, Université de Montréal

Bibliographie

Business Intelligence. « Adapting Scorecards », Building and Implementing a Balanced Scorecard, 1998, p. 207-254.

Kaplan, Robert S. and Norton, D. The Balanced Scorecard: Translating Strategy into Action, Harvard Business School Press, Boston, MA, 1996, 322 pages.

Procurement Executive Association. Guide to a Balanced Scorecard Performance Management Strategy, United States of America, 1999

Source : Effectif, volume 5, numéro 3, juin / juillet / août 2002

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