Depuis longtemps, les entreprises avant-gardistes voient le mentorat comme une façon de transmettre l'expérience et la connaissance au sein de l'entreprise. Des centaines de sociétés dans des secteurs d'activité très divers ont adopté des programmes officiels et officieux destinés à exploiter leur capacité concurrentielle.
Or, la révolution technologique a mis les entreprises modernes, et les ressources humaines, devant une réalité étonnante : il n'est pas rare que les jeunes employés occupant des postes subalternes possèdent une meilleure compréhension de la technologie que leurs supérieurs.
Devant cette situation, de nombreuses entreprises ont recours au mentorat inversé et elles demandent aux employés ferrés en technologie de partager ces nouvelles connaissances avec les employés plus anciens. Selon Matt Starcevich, directeur général du centre d'encadrement et de mentorat de Bartlesville, en Oklahoma, le mentorat inversé peut procurer des avantages considérables à une entreprise. Il est ressorti d'une étude effectuée l'an dernier par cette société que 41 % des répondants avaient recours au mentorat inversé pour diffuser les connaissances techniques et que 26 % des répondants demandaient à leurs plus jeunes employés d'aider les cadres à « rajeunir » leur perspective.
L'École d'administration Wharton de l'Université de Pennsylvanie a apparié près de soixante cadres avec des mentors, pour la plupart des étudiants diplômés possédant une solide connaissance de la technologie. Les participants ainsi jumelés se rencontrent en personne, et ils communiquent également par courriel et par téléphone. « Les cadres commencent à constater que nous avons tous des choses à apprendre et qu'il est dans l'intérêt de chacun de partager la connaissance », explique Jerry Wind, directeur du programme de chargés d'études de Wharton.
La société Procter & Gamble a opté elle aussi pour le mentorat inversé. Le directeur de l'information, Steve David, est au service de l'entreprise depuis plus de trente ans et défend depuis longtemps le mentorat. Voulant mieux comprendre l'incidence de la science et de la toxicologie sur les décisions opérationnelles, il a eu lui-même recours au mentorat inversé. Il y a deux ans environ, il a ainsi été jumelé à un scientifique, employé de l'entreprise. Environ une fois tous les mois ou tous les deux mois, il rencontre son mentor pour discuter de sujets comme la structure de l'ADN ou de questions de biotechnologie complexes.
C'est à Jack Welch, l'ancien directeur général de General Electric, que l'on attribue généralement l'implantation du mentorat inversé. En 1999, il a demandé à cinq cents de ses cadres supérieurs de trouver des travailleurs possédant une bonne connaissance d'Internet pour profiter de leur expertise. Il s'est lui-même choisi un mentor et a prévu du temps pour tout apprendre sur Internet, de la création de signets à la consultation des sites de ses concurrents. Jerry Wind constate que certaines entreprises ont aujourd'hui recours à cette formule pour une vaste gamme de sujets. « Elles entendent ainsi exploiter au maximum la connaissance qui se trouve au sein de l'entreprise. »
De l'avis de Matt Starcevich, la création d'un bon programme de mentorat inversé suppose une planification adéquate. Il est essentiel de créer un programme structuré de sorte que les participants ne soient pas surchargés de travail et enclins à négliger les séances de formation. Enfin, le mentor et l'apprenant doivent recevoir une formation. « Il importe que le mentor sache reconnaître ce qui est important et qu'il fasse preuve de patience; l'apprenant doit quant à lui mettre son ego de côté, précise Jerry Wind. Le mentorat inversé est un excellent concept, mais qui demande toutefois un certain effort. »
Samuel Greengard
Traduction : Danielle Veillette. Titre original : « Moving Forward with Reverse Mentoring ». Reproduit avec la permission de Workforce, Costa Mesa, Californie; tous droits réservés © mars 2002.
Source : Effectif, volume 5, numéro 3, juin / juillet / août 2002