Vous lisez : La gestion de la diversité : l'étroite interdépendance de l'équité et de l'efficacité

Il est devenu assez commun de dire que le marché du travail s'est diversifié et qu'il présente de nouveaux défis aux gestionnaires. De nombreux conseils sont donnés pour faire face à cette diversité, certains fondés sur des études sérieuses, d'autres un peu improvisés. Il est souvent difficile pour les praticiens de se retrouver dans la multiplicité des analyses et des études publiées sur le sujet. Cet article n'a pas la prétention d'être exhaustif, mais de fournir des éléments de réflexion et des pistes d'intervention prenant en compte les différentes dimensions de cette problématique. Nous nous attacherons principalement à la diversité telle qu'elle est définie par les politiques d'équité en emploi et plus particulièrement aux minorités visibles et aux femmes.

Les données du marché du travail indiquent que la proportion de femmes diplômées universitaires est de plus en plus élevée dans tous les champs d'études et que le niveau de scolarité des membres des minorités visibles est nettement supérieur à la moyenne de la population. Ces derniers par contre indiquent qu'ils ont beaucoup de difficultés à obtenir un emploi correspondant à leurs qualifications. Selon les résultats d'une enquête scientifique récente, un Noir diplômé universitaire a autant de chances de se trouver un emploi à Montréal qu'un jeune décrocheur du secondaire. Le taux de chômage des membres des minorités visibles diplômés universitaires de 19,2 % est nettement plus élevé que la moyenne de la population. Les statistiques récentes indiquent également que les femmes en dépit de leur niveau de scolarité de plus en plus élevé se retrouvent concentrées de façon disproportionnée dans les emplois les moins bien rémunérés.

Comment se fait-il que, dans une économie qui se veut de plus en plus concurrentielle notamment sur le plan des compétences, on puisse ainsi négliger une fraction importante du capital humain disponible ? Comment se fait-il que, malgré cette disponibilité d'une main-d'œuvre compétente, les gestionnaires des entreprises québécoises demeurent réticents à diversifier leurs effectifs ? Interrogés lors d'une enquête récente au sujet des faibles progrès réalisés en matière d'embauche de femmes ou de membres des minorités visibles, un grand nombre de gestionnaires d'entreprises ayant des programmes d'accès à l'égalité ont répondu que cela était dû à l'absence de candidats qualifiés ou intéressés ! Il semble donc y avoir une importante inadéquation sur le marché du travail entre l'offre de main-d'œuvre qualifiée de femmes ou de minorités et la perception qu'en ont les employeurs. À quoi est-elle due ? Bien que de nombreux facteurs soient probablement en cause, les défis de la diversité et les risques potentiels qu'elle entraîne constituent probablement un facteur explicatif majeur. Nous examinerons dans cet article d'abord la problématique de la diversité et ses défis et en deuxième lieu les mesures à prendre pour bien la gérer.

Les impacts de la diversité dans les organisations

La diversité dans les organisations est sujette à deux opinions opposées : alors que certains gestionnaires la dénoncent comme étant une source potentielle de conflits, d'autres au contraire sont dithyrambiques à son égard et considèrent qu'elle a sensiblement augmenté la rentabilité de leur entreprise. Ces deux opinions divergentes ne sont pas sans fondement puisque les études démontrent que la diversité est une arme à double tranchant : d'une part, elle peut être source d'insatisfaction, de conflits et de démotivation pour les individus et par le fait même les gestionnaires; d'autre part, elle permet de dynamiser un milieu de travail, de le rendre plus créatif et plus souple face aux multiples transformations du contexte socio-économique.

En fait, selon Taylor Cox, spécialiste en la matière, tout dépend du climat de diversité dans l'organisation. Celui-ci se définit comme un ensemble de politiques, de pratiques formelles ou informelles, d'attitudes et de comportements dont l'interaction influence l'intégration des membres des groupes cibles en milieu de travail. Cet ensemble de facteurs se situe à trois niveaux : individuel, collectif et organisationnel. Même s'ils sont interdépendants, il est préférable pour bien les comprendre de les examiner à tour de rôle (voir tableau ci-dessous).

Le niveau individuel : préjugés et stéréotypes

Recrutement et sélection

Les préjugés, qui traduisent une aversion ou une peur de l'autre en raison de sa différence, ont d'importants effets négatifs sur les personnes membres des groupes cibles. C'est ainsi qu'une jeune fille d'origine haïtienne déclarait récemment : « Moi je ne cherche plus d'emploi par téléphone, de peur de me voir refuser la job une fois sur place, en raison de ma couleur ». Une autre affirmait : « J'indique dans mon CV que je parle créole, afin d'éviter au moment de mon arrivée à l'entrevue des réactions négatives de la part d'intervieweurs surpris par mon origine ». Des expériences de testing effectuées tant au Canada qu'ailleurs ont montré comment des employeurs refusent d'office pour un même emploi de considérer certains candidats en raison de leur nom à consonance étrangère ou de leur couleur, alors qu'ils acceptent de recevoir et d'interviewer des candidats de race blanche ayant exactement le même profil. De telles situations reflètent la force des préjugés, des idées préconçues souvent négatives, qui influencent encore les attitudes et les comportements des recruteurs ou d'autres d'intervenants du milieu du travail.

Parallèlement aux préjugés, un autre élément ayant un impact négatif est représenté par les stéréotypes que des gestionnaires peuvent avoir au sujet des aptitudes ou des déficiences de certains groupes. En voici quelques exemples : les mères de jeunes enfants seraient moins motivées par leur travail et moins ambitieuses professionnellement; les asiatiques seraient extrêmement compétents du point de vue technique, mais peu aptes à l'autorité et au leadership; les travailleurs âgés n'auraient plus la capacité d'assimiler de nouvelles connaissances professionnelles. On pourrait citer également bien d'autres stéréotypes à l'égard des Noirs, des Arabes, des personnes handicapées ou des Autochtones. Les stéréotypes répondent à une tendance naturelle des individus à traiter l'information nouvelle en l'insérant dans des catégories connues. On ne peut dire qu'il s'agit de discrimination intentionnelle comme pour les préjugés. Mais l'effet reste identique, à savoir l'exclusion des femmes ou des minorités visibles de certains postes.

Préjugés et stéréotypes affectent aussi l'évaluation de l'expérience de travail ainsi que des diplômes acquis à l'étranger, notamment dans des pays non occidentaux. Les préjugés à l'égard de systèmes différents se conjuguent alors avec un manque d'informations au sujet des équivalences possibles. Les cas réels et bien documentés sont nombreux, tel celui de cet ingénieur chimiste de 31 ans, d'origine iranienne, qui, après avoir présenté sa candidature à de nombreuses offres d'emploi, finit par se retrouver livreur dans une pizzeria à 10 $ l'heure. Selon un rapport publié en 2001 par le Conference Board du Canada, l'incapacité à reconnaître les compétences des immigrants entraîne pour le pays des pertes de l'ordre de 4,1 à 5,9 milliards de dollars par an. Cette incapacité se traduit au niveau individuel par un manque à gagner variant entre 8000 $ et 18 000 $ selon les cas et affecterait en particulier les immigrants appartenant au groupe des minorités visibles.

Une étape aussi particulièrement vulnérable à l'influence de ces facteurs est celle de l'entrevue de sélection. Les enquêtes démontrent d'ailleurs que c'est là que se situe la barrière la plus difficile à surmonter et où le taux d'échec des femmes ou des membres des minorités visibles est le plus élevé. Lorsque cette entrevue n'est pas bien structurée, les membres du jury peuvent être amenés à poser davantage de questions à certains candidats pour vérifier des craintes qu'ils ont au sujet de leurs compétences. Aujourd'hui, les entrevues de sélection qui mettent de plus en plus l'accent sur les qualités personnelles des candidats appelées soft skills risquent d'être encore plus influencées par des facteurs subjectifs. L'expression de la motivation – l'une des qualités personnelles sur lesquelles on met de plus en plus l'accent – risque d'être fortement influencée par des codes culturels. Les candidats des minorités peuvent être désavantagés par de telles exigences comme l'a démontré récemment une étude effectuée aux États-Unis.

Une autre dimension qui joue sur le plan individuel est ce que l'on appelle le phénomène d'attraction et de similarité, c'est-à-dire la tendance des individus à favoriser les personnes qui leur ressemblent. Dans le contexte d'une main-d'œuvre fortement homogène, une telle tendance, qui a été bien documentée, ne peut que nuire aux travailleurs des groupes minoritaires. On a pu constater en ce qui a trait aux entrevues de sélection que, lorsqu'un candidat provenait d'un milieu culturel semblable à celui des intervieweurs, il recevait le bénéfice du doute si ses qualités ou ses aptitudes ne s'imposaient pas d'emblée aux intervieweurs; par contre, s'il s'agissait d'un candidat provenant des minorités visibles, les questions devenaient plus inquisitrices et plus nombreuses, risquant ainsi de faire ressortir certaines faiblesses.

Promotion et évaluation du rendement

Cette hypothèse d'attraction/similarité s'applique aussi aux situations de promotion. Elle prédit que les supérieurs se sentent plus à l'aise et favorisent davantage les subordonnés qui appartiennent au même groupe qu'eux. Dans cette optique, trois faits importants ayant un effet indirect sur les promotions ont été observés. D'une part, les supérieurs ont tendance à déléguer plus fréquemment des tâches et à confier des dossiers complexes aux subordonnés qui leur ressemblent, leur permettant ainsi d'enrichir leur expérience. En deuxième lieu, ils communiquent davantage avec eux, ce qui permet aux subordonnés d'être au courant des divers projets et d'influer éventuellement sur les décisions. Enfin, ils sont plus portés à leur servir de mentor et à leur faciliter ainsi l'ascension dans l'organisation. Délégation de tâches, communication et mentorat facilitent considérablement l'avancement de carrière de ceux qui peuvent en bénéficier, au détriment de leurs collègues appartenant à des groupes minoritaires.

L'étape de l'évaluation du rendement – cruciale aux fins de promotion – est également, selon un certain nombre d'études, influencée par les préjugés et les stéréotypes. Certains types de comportements ne correspondant pas à l'image stéréotypée que l'on peut avoir d'un groupe peuvent affecter négativement l'évaluation, comme l'illustre le cas suivant.

Dans un groupe de discussion de son service, une professionnelle conteste avec vigueur une position d'un de ses collègues qu'elle trouve peu rigoureuse. Elle est la seule femme de son groupe et ce genre de comportement est observé à l'occasion chez l'un ou l'autre de ses collègues masculins. Son supérieur, qui a un stéréotype au sujet du comportement attendu des femmes, remarque cette « saute d'humeur » et en est surpris. Six mois plus tard, arrive le moment de l'évaluation de cette employée. En raison de son stéréotype, le supérieur se rappelle vivement de cet événement qui l'a frappé et souligne dans son évaluation le manque de coopération de cette employée avec ses collègues. Cette remarque entache son dossier et par la suite réduit ses chances de promotion.

Cette situation illustre l'impact désavantageux des stéréotypes sur les membres des groupes cibles, impact qui, dans ce cas, est subtil et peut passer inaperçu.

L'évaluation du rendement reflète aussi dans certains cas l'application d'un double standard : la réussite de femmes ou de membres de minorités dans un poste est attribuée en grande partie à la chance ou à l'aide qu'ils auraient reçue ; par contre, celle d'employés de la majorité est considérée comme un signe de leurs compétences. Une étude américaine récente indique qu'il ne faut pas sous-estimer l'impact de ces facteurs sur la situation professionnelle puisque, parmi 240 dirigeants de sociétés interrogés, 81 % ont admis que les principaux obstacles à l'avancement des femmes dans leur entreprise sont les stéréotypes et les préjugés.

Ces quelques illustrations indiquent que les barrières à la diversité dans les organisations, tout en étant très subtiles parfois, peuvent être sources de démotivation et d'injustices.

Le niveau collectif : équipes de travail mixtes, conflits et créativité

La question de la mixité des équipes de travail a suscité un vaste courant de recherches qui s'explique par l'importance de plus en plus grande qu'a prise cette forme d'organisation du travail dans les entreprises. Relativement aux impacts dits affectifs, les gestionnaires craignent généralement que les équipes mixtes soient peu intégrées et conflictuelles. Les études indiquent effectivement que les membres de groupes diversifiés communiquent moins bien entre eux, sont moins coopératifs et que les dissensions sont fréquentes. On a pu observer à plusieurs reprises dans des équipes masculines de cols bleus que l'arrivée d'une travailleuse suscitait chez certains collègues des comportements hostiles, tel un manque de coopération lorsqu'elle demande des renseignements. Dans des cas plus graves, certains vont jusqu'à entraver son travail, l'amenant ainsi à commettre des erreurs ou à briser des équipements. La répétition de tels faits finit par causer des frustrations et une démotivation chez les travailleuses ou les membres des minorités visibles, les poussant à abandonner leur poste.

Paradoxalement, c'est au niveau des équipes de travail que l'on a aussi constaté des retombées positives de la diversité. Sur le plan des impacts cognitifs, un certain nombre de recherches ont démontré qu'une équipe diversifiée est plus créative et plus efficace en matière de résolution de problèmes. Ces effets s'expliqueraient par le fait qu'un groupe mixte profite d'un large éventail de perspectives ainsi que d'informations nouvelles. La mise en commun de ces éléments aurait pour effet d'augmenter, après un certain laps de temps, la qualité des solutions proposées pour résoudre un problème donné.

Même si ces bénéfices sont réels, les chercheurs ne sont pas parvenus à établir leurs causes. Qu'est ce qui suscite en fait une plus grande créativité d'une équipe mixte ? Est-ce le fait que la qualité de réflexion du groupe est améliorée par la présentation de nouveaux arguments ? Est-ce l'expertise spécifique des membres attribuable à leur bagage culturel ? Ces bénéfices se retrouvent-ils avec tous les groupes culturels ou sont-ils propres à certains d'entre eux seulement ? On peut dire qu'il s'agit là d'une boîte noire dont les secrets n'ont pas encore été élucidés.

Les chercheurs ont acquis cependant une certitude : ces bénéfices ne se manifestent que lorsqu'une certaine cohésion du groupe a été atteinte, lorsque les gestionnaires parviennent à instaurer une dynamique où les membres de l'équipe s'identifient bien à leurs tâches et partagent des objectifs communs. Les bénéfices de la diversité ne sont pas spontanés, mais sont plutôt le fruit d'efforts soutenus. Des actions délibérément prises afin d'accroître le sentiment d'appartenance à l'organisation et de minimiser l'identification au sous-groupe culturel améliorent considérablement la performance d'une équipe mixte.

Le niveau organisationnel : entre tradition et souplesse

Pratiques de gestion traditionnelles

Sur le plan organisationnel, les obstacles à un bon climat de diversité se retrouvent notamment au niveau des pratiques formelles ou informelles de gestion des ressources humaines. Ces pratiques ont été conçues pour une main-d'œuvre historiquement homogène et peuvent avoir un impact défavorable sur les membres des groupes cibles. Plusieurs éléments du système d'emplois peuvent constituer un frein au développement de la diversité. Les commissions des droits de la personne chargées de veiller à la mise en œuvre de programmes d'équité ont établi des listes exhaustives des différents éléments du système d'emplois qui doivent être examinés.

En matière de recrutement, certaines méthodes telles que le recours au réseau de connaissances des employés ou le bouche à oreille sont peu favorables à la diversité. Si l'organisation affiche des effectifs homogènes, il y a de fortes chances pour que cette méthode vienne consolider la situation. Une enquête effectuée auprès de 170 entreprises québécoises soumises à un programme d'accès à l'égalité en vertu de l'obligation contractuelle a indiqué que 70 % d'entre elles l'utilisaient. Ceci pourrait en partie expliquer les progrès limités que ces entreprises avaient réalisés au chapitre de l'égalité.

Le recours de plus en plus fréquent à des intermédiaires, tels que les agences de placement, peut également constituer un frein à la diversité dans la mesure où ces agences réalisent une sélection sur la base du sexe ou de l'origine ethnique. Si l'employeur ne donne pas d'instructions précises à l'agence en faveur de la diversité, celle-ci, voulant maximiser son taux de placement, ne prendra pas de risques et va recommander à l'entreprise des candidats qui ont le profil traditionnel de l'emploi, excluant ainsi fort probablement tant les femmes que les minorités visibles, notamment pour des postes d'encadrement.

L'usage fréquent de tests de sélection peut également avoir un impact défavorable. Plusieurs tests couramment utilisés ont été conçus aux États-Unis en fonction d'une main-d'œuvre homogène. Ils ont par la suite simplement été traduits tels quels dans d'autres langues pour pouvoir être administrés à l'étranger. N'ayant pas été adaptés au nouveau visage du marché du travail, ils ne constituent pas des instruments valides pour une population diversifiée. C'est ainsi qu'on apprenait dernièrement que les trois quarts des candidats appartenant aux minorités visibles avaient échoué aux tests de la fonction publique du Québec contre 50 % pour les autres candidats. Un tel écart entre les taux de réussite pourrait signifier que ces tests sont culturellement biaisés. Ils devraient alors faire l'objet d'une vérification, surtout à une époque où il y une volonté affirmée de diversifier les effectifs de la fonction publique. Il est essentiel de réviser les tests de sélection de façon systématique, si on veut éviter les biais culturels et ouvrir les postes de l'organisation à des effectifs diversifiés.

Les valeurs de la culture organisationnelle

La capacité de s'ouvrir à la diversité et de la tolérer dépend aussi en grande partie de la culture organisationnelle. Celle-ci peut accentuer l'effet des préjugés et des stéréotypes de façon à rendre l'intégration des membres de groupes cibles parfois impossible. L'hypothèse selon laquelle une culture organisationnelle directive, basée sur des normes strictes, ne constitue pas un terrain propice à la diversité paraît plausible. Les Forces armées pourraient constituer un cas type de ce genre d'organisation. Les nombreuses actions entreprises pour créer un milieu plus favorable aux femmes n'y ont encore donné que de maigres résultats et les responsables s'attendent à ce que cela prenne plusieurs années avant que les mentalités et les comportements ne changent. À l'opposé, il semblerait qu'une culture organisationnelle peu directive soit davantage susceptible de favoriser la diversité. Un tel contexte encouragerait l'autonomie des employés ainsi que la prise de risques calculés tout en mettant l'accent sur un petit nombre de valeurs jugées essentielles. Il serait davantage tolérant à l'ambiguïté découlant d'attitudes et de comportements moins familiers et plus favorable au pluralisme.

Dans ce domaine, la recherche est encore peu développée et il est difficile de s'avancer davantage sur le lien entre culture organisationnelle et ouverture à la diversité. Il s'agit encore simplement d'hypothèses, parfois soumises à rude épreuve, comme c'est le cas des entreprises informatiques de Silicon Valley. Alors que l'on pourrait penser que, dans ce secteur neuf et dynamique, la flexibilité et l'encouragement à l'autonomie seraient propices à une plus grande tolérance et une plus grande diversité, il semblerait que celle-ci soit encore très limitée. Les observateurs caractérisent la situation par l'expression de digital divide ou fracture numérique appliquée ici à l'origine ethnique et au sexe. Par exemple, bien que l'on retrouve dans ces entreprises un grand nombre d'Asiatiques, il est très rare qu'ils accèdent à des postes de direction. Quant à la présence de Noirs ou d'Hispaniques, elle est encore très limitée et concentrée dans des postes hiérarchiquement peu élevés. On voit donc que la question cruciale de l'impact de la culture organisationnelle exige que l'on dépasse les schémas simplistes et que des recherches approfondies dans ce domaine soient entreprises.

Ce bref aperçu des variables qui influencent le climat de diversité d'une organisation met en évidence le fait qu'il s'agit d'une question complexe et multidimensionnelle dont on ne maîtrise pas encore bien tous les aspects. Toutefois, comme l'ont indiqué les données présentées en introduction, on ne peut se permettre d'attendre les résultats de recherches supplémentaires pour commencer à agir : la diversité imprègne le marché du travail et il est temps de la gérer adéquatement dans les organisations aussi bien pour des raisons de justice que d'efficacité. Une analyse des initiatives prises à cet effet, notamment aux États-Unis et, dans une moindre mesure,au Canada et en Europe, permet de dégager des pistes d'intervention intéressantes.

Trois modèles de gestion de la diversité

Depuis déjà une trentaine d'années, les entreprises américaines ont commencé à s'engager sur la voie de la gestion de la diversité. Les programmes d'affirmative action adoptés au début des années soixante-dix ayant donné des résultats significatifs en matière de progrès des femmes et des minorités, les entreprises ont réalisé qu'elles devaient trouver des moyens de bien gérer cette main-d'œuvre hétérogène. Selon les chercheurs Ely et Thomas, les entreprises américaines ont successivement endossé trois modèles en matière de gestion de la diversité.

Le modèle de l'équité et de la justice, le plus ancien historiquement, est celui qui est strictement inspiré par l'obligation de se soumettre aux exigences légales de non-discrimination et de programmes d'affirmative action. Les entreprises qui ont rigoureusement observé les exigences légales sont parvenues à une bonne représentation des membres des groupes cibles. Toutefois, elles se sont heurtées à des problèmes parfois aigus résultant de tensions entre les divers groupes et qui ont entraîné discrimination, absentéisme et, à la limite, démissions.

Parallèlement, au modèle précédent et sous l'influence de la diversification de la population et donc du marché interne, de plus en plus d'entreprises ont pris conscience de la nécessité d'une main-d'œuvre diversifiée pour mieux comprendre leurs clients et répondre à leurs besoins. Un nouveau modèle de gestion de la diversité a été mis au point, le modèle du marché. Ce modèle s'est avéré rentable financièrement, mais du point de vue de l'intégration des minorités et des femmes toutefois, des problèmes sont apparus. En effet, dans ces entreprises, les membres des groupes cibles étant très utiles dans les postes de première ligne où se fait le contact avec la clientèle deviennent captifs de ce type d'emplois. Les gestionnaires sont peu ouverts à promouvoir ces travailleurs à d'autres postes. La valorisation de la diversité dans ce type d'entreprises risque ainsi de demeurer superficielle et d'entraîner également des insatisfactions chez les membres des groupes cibles.

Le troisième modèle, auquel un petit nombre d'entreprises seulement adhère pour le moment, est le modèle de la compétence et de la productivité. Ce modèle dépasse le caractère simplement mathématique de la diversité et considère que celle-ci enrichit le milieu de travail sous plusieurs angles. Dans un tel modèle, les gestionnaires encouragent la diversité de perspectives et d'opinions créée par l'arrivée de femmes et de minorités. Les bénéfices soulignés plus haut, tels que la créativité et l'apport de solutions originales, entraînent une augmentation de la productivité et du chiffre d'affaires. En même temps, les conflits et tensions sont résolus grâce à l'ouverture des gestionnaires et à une bonne communication. L'étude des entreprises ayant atteint ce modèle, qui constitue la forme la plus achevée de la gestion de la diversité, permet de dégager des critères de bonnes pratiques. Celles-ci bien sûr devront être choisies et adaptées en fonction du contexte de chaque organisation, de ses objectifs et de ses ressources.

Les piliers de la gestion de la diversité : adaptation, formation et promotion

L'analyse des diverses mesures prises en faveur de la gestion de la diversité nous amène à les regrouper sous trois thèmes. Le premier sera évoqué brièvement alors que nous nous attarderons plus longuement sur les deux autres, notamment la formation.

L'adaptation du système d'emploi

La révision des pratiques d'emploi permet de bâtir la diversité sur des bases solides. Il ne sert à rien de sensibiliser les gestionnaires à la diversité, si les pratiques de recrutement ou d'évaluation du rendement par exemple ont des effets négatifs sur les membres des groupes cibles. Disons tout simplement que, sans révision des pratiques d'emploi, la diversité risque de rester un vœu pieux et la gestion de la diversité de demeurer sans objet !

La révision des pratiques d'emploi a été bien documentée dans le cadre des programmes d'équité en emploi au fédéral ou d'accès à l'égalité au Québec et c'est pourquoi nous ne développerons pas ce volet. Le principe à appliquer ici est de revoir les pratiques des différents sous-systèmes mentionnés dans l'encadré afin de déterminer leurs aspects potentiellement discriminatoires et de les modifier en conséquence. Comment savoir qu'une pratique est potentiellement discriminatoire? Certaines sont bien documentées comme la méthode du recrutement par réseau de connaissances ou l'utilisation d'entrevues de sélection non structurées. Un indice qui constitue dans une certaine mesure un signal d'alarme est le taux d'échec plus élevé des membres des minorités ou des femmes à une étape spécifique du recrutement ou du cheminement de carrière dans l'entreprise (voir le tableau ci-contre).

La formation à la diversité

La formation à la diversité est indispensable, si l'on veut éviter les erreurs de gestion, les blocages et les tensions.

Les stratégies ci-dessous vont des plus limitées aux plus vastes. Il ne faut cependant pas penser que seules les stratégies d'envergure comme la dernière sont susceptibles d'avoir des effets. Même une stratégie relativement limitée comme la première peut entraîner des effets positifs.

Un examen par J. Wrench des stratégies de formation en cours dans les entreprises tant américaines qu'européennes fait ressortir quatre types de stratégies dont le contenu précis varie bien sûr selon l'entreprise.

  1. Stratégie basée sur l'information
    Cette stratégie part de l'hypothèse que les personnes sont de bonne foi, mais que c'est leur ignorance des autres cultures ou du processus de discrimination qui est responsable de leur comportement. En donnant de l'information aux employés, on éliminera alors les impacts négatifs de la diversité. Deux types d'information sont donnés généralement par les entreprises qui recourent à cette stratégie : une information sur les caractéristiques de la diversité culturelle ou selon le genre. Les entreprises donnent alors des informations sur les différentes cultures, sur les pays d'origine des minorités, sur la situation des minorités visibles et des femmes sur le marché du travail. Un autre volet de l'information fournit des données factuelles sur les préjugés, le racisme, le sexisme, les processus de discrimination.
  2. Stratégie visant à changer les perceptions et les attitudes
    Cette stratégie vise à faire prendre conscience aux participants de leurs attitudes, de leurs préjugés ainsi que des stéréotypes qui les influencent. L'hypothèse de base est que cette prise de conscience va amener des changements d'attitudes. Contrairement à la stratégie précédente, celle-ci s'appuie sur une implication active des participants. Elle peut prendre deux formes :
    • Formation visant la prise de conscience des stéréotypes culturels par des jeux de rôle et des groupes de discussion. Elle implique parfois la participation de membres des groupes visés. Une chose à éviter ici, qui arrive avec des formateurs peu expérimentés, c'est le renforcement des stéréotypes plutôt que leur élimination.
    • Formation visant la prise de conscience des préjugés et des attitudes racistes ou sexistes. Une technique souvent utilisée dans ce type de formation est la confrontation des participants avec leurs attitudes et leurs préjugés racistes. Ici aussi, il faut éviter de culpabiliser les participants sous peine de voir cette formation attiser l'hostilité à l'égard de la diversité.
    Ces deux types de formation peuvent être utiles par exemple pour les membres des comités de sélection. Ils présupposent cependant que les problèmes dus à la diversité sont relativement simples et qu'une prise de conscience des barrières personnelles va entraîner des changements d'attitudes et résoudre les problèmes.
  3. Stratégie de formation visant à changer les comportements
    Il s'agit ici de formation visant à adapter les comportements en milieu de travail aux exigences des lois interdisant la discrimination et visant l'égalité, notamment les programmes d'accès à l'égalité (Québec) et les programmes d'équité en emploi (fédéral). Cette formation n'a pas pour objectif de modifier les attitudes et les perceptions considérées comme étant du domaine privé. Son but est d'apprendre aux participants les exigences des législations et la meilleure façon de les mettre en œuvre. Il s'agit souvent d'une formation offerte par les organismes responsables de l'application des lois, par exemple les Commissions des droits de la personne.
  4. Stratégie de formation visant à changer le contexte organisationnel
    Ici, la formation est la plus large : elle vise non seulement à changer attitudes et comportements individuels, mais aussi à agir sur le plan organisationnel. Deux types de formation s'y retrouvent également :
    • Formation anti-discriminatoire qui s'attaque aux attitudes racistes ou sexistes non seulement sur un plan individuel comme dans la première stratégie, mais aussi sur un plan organisationnel. Nous avons vu au début de cet article comment les préjugés, les stéréotypes, la préférence pour la similarité affectent par exemple le recrutement ou l'évaluation du rendement. Cette stratégie vise donc à changer les perceptions et les attitudes aux différents stades du système d'emploi et non seulement sur le plan personnel. Elle recouvre par exemple l'apprentissage de techniques pour éviter les biais discriminatoires lors du recrutement et de la sélection, dans l'évaluation du rendement et les promotions. Dans certains cas, elle inclut l'apprentissage de moyens pour augmenter le taux de rétention des membres des groupes cibles ou pour encourager leur développement professionnel. Il s'agit évidemment d'une formation plus poussée et plus complexe. À titre d'exemple, on peut citer des ateliers sur la résolution de conflits en milieu de travail diversifié que certaines entreprises ont instaurés.
    • Formation visant à l'intégration organisationnelle de la diversité. Il s'agit d'une formation qui, logiquement, doit être adoptée une fois qu'un certain seuil de diversité a été atteint dans l'organisation. Elle vise à montrer aux participants les meilleurs moyens pour valoriser la diversité et permettre aux employés des divers groupes de développer leur plein potentiel. Comme le souligne J. Wrench, elle inclut également un volet leur indiquant comment réaliser un audit culturel afin de déceler les divers blocages. Il s'agit d'une formation à long terme destinée particulièrement aux cadres de niveau hiérarchique élevé qui ont le pouvoir de provoquer des changements organisationnels.

La promotion d'activités novatrices

La promotion d'activités novatrices a pour but de donner une forte impulsion à la diversité dans l'entreprise et à accélérer ainsi l'atteinte des objectifs visés. Certaines ont pour but de soutenir et d'encourager l'intégration et le développement de carrière des membres des groupes cibles. D'autres sont destinées à donner une bonne visibilité interne et externe à la diversité et à provoquer ainsi un effet d'entraînement. Les activités de promotion sont essentielles et s'expliquent par le fait que l'exclusion des femmes et des membres des autres groupes cibles est une situation qui dure depuis longtemps et qui a une certaine force d'inertie. Afin d'encourager les membres des minorités visibles à présenter leur candidature à des postes de l'organisation ou à participer aux concours de promotion, diverses mesures peuvent être prises. Elles partent de l'hypothèse que les membres des minorités peuvent être dissuadés de présenter leur candidature à des postes soit parce que les exigences de l'entreprise leur sont peu familières, soit parce qu'ils croient d'après divers indices qu'ils n'ont que peu de chances d'être sélectionnés. Plusieurs entreprises ont eu recours à des mesures très proactives et dynamiques, telles que celles qui sont mentionnées ci-dessous.

  1. Bourses d'études et stages
    Certaines entreprises vont attribuer des bourses d'études dans des champs précis aux étudiants issus des groupes cibles, par exemple pour les femmes dans les programmes universitaires de génie ou de sciences pures où elles sont encore sous représentées.
    D'autres entreprises offrent un certain nombre de places de stages aux étudiants ou aux nouveaux diplômés des groupes visés afin de les familiariser avec les activités de l'entreprise et éventuellement de les embaucher. Une entreprise pétrochimique a ainsi créé des liens avec des cégeps dans le domaine de la chimie analytique pour offrir des stages aux étudiants membres des groupes visés.
  2. Mentorat et développement de carrière
    Certaines entreprises identifient des employés prometteurs appartenant aux groupes cibles et leur attribuent un mentor chargé de les aider à se familiariser avec les exigences de l'organisation et à maximiser leur potentiel.
    D'autres offrent à certains employés membres des groupes cibles une formation accélérée dans les différents services de l'organisation afin de leur permettre d'accéder plus rapidement aux postes de cadres.
  3. Prix et récompenses
    Il s'agit d'activités qui encouragent les employés à s'impliquer dans des mesures de diversité. Une institution financière, par exemple, a instauré des récompenses pour le titre de champions de l'égalité décerné annuellement aux employés qui se sont distingués dans ce domaine. Ils sont choisis par leurs pairs et une cérémonie officielle a lieu lors de la remise des prix. De telles initiatives donnent une visibilité à la diversité et témoignent de l'importance que l'organisation lui attribue.
  4. Partenariats
    Un partenariat avec des organismes de promotion ou d'intégration au travail des groupes visés constitue une pratique novatrice à laquelle ont recours un certain nombre d'entreprises. Par exemple, une entreprise du secteur pétrochimique a établi des relations avec des agences de placement ainsi que des organismes pouvant fournir des candidatures de personnes des groupes cibles. Une institution du secteur bancaire maintient des contacts réguliers avec les conseillers en emploi d'organismes d'intégration au travail des membres des minorités visibles. Ces contacts prennent notamment la forme de rencontres avec des employés de divers secteurs de la banque afin qu'ils expliquent aux conseillers en quoi consistent les postes vacants ainsi que les compétences exigées.

Le partenariat peut également aller plus loin et permettre à des immigrants diplômés à l'étranger d'acquérir une expérience de travail dans leur domaine au Québec. C'est par exemple le cas d'ententes réalisées entre certaines entreprises et le Comité d'adaptation de la main-d'œuvre pour les personnes immigrantes (CAMO - PI). Ces ententes ont facilité au terme du stage le placement de diplômés étrangers dans leur domaine de compétence.

L'ingrédient crucial de la diversité : la volonté politique

Un gestionnaire aura beau maîtriser à la perfection la problématique de la diversité et en connaître toutes les dimensions, il ne pourra aller très loin sans une volonté politique affirmée dans l'entreprise. Cette volonté politique doit aussi s'accompagner d'un certain nombre de mesures concrètes. L'importance de l'engagement de la haute direction ressort clairement de toutes les évaluations des programmes d'égalité ou de diversité. Ce n'est que lorsque le président-directeur général de l'entreprise est convaincu de l'importance de la diversité, qu'il le fait clairement et publiquement savoir et qu'il s'y implique concrètement que le programme peut véritablement prendre son essor. Une étude que nous avons effectuée auprès d'entreprises québécoises soumises à un programme d'accès à l'égalité a indiqué très clairement que c'était le facteur déterminant de l'atteinte des objectifs d'égalité.

Cet engagement se traduit par un souci d'imputabilité des gestionnaires à l'égard des mesures de diversité. En effet, si la haute direction de l'entreprise est réellement engagée envers l'objectif de diversité et d'égalité, une des façons les plus sûres de concrétiser cet engagement est de tenir les gestionnaires responsables de leurs initiatives dans ce domaine. Cette imputabilité peut prendre plusieurs formes. Dans une entreprise qui a obtenu un prix pour l'équité en emploi, les cadres supérieurs sont évalués, entre autres, d'après leurs capacités à gérer la diversité et le président de la compagnie participe à cette évaluation. Dans une autre, les gestionnaires reçoivent une prime spécifique selon le degré d'atteinte des objectifs de diversité.

La volonté politique se traduit aussi par un suivi continu des progrès. Des données statistiques, factuelles ou perceptuelles sont utiles à cet effet. Dans une entreprise québécoise, par exemple, des groupes de discussion auprès d'employés visés par les politiques d'équité ont permis de recueillir leurs perceptions quant aux pratiques avantageuses et aux obstacles possibles ainsi que des suggestions de solutions. Dans une autre, on a constitué des groupes de travail chargés d'établir et de documenter les questions reliées à la diversité. En même temps, une enquête annuelle auprès des employés permet de mesurer l'efficacité des actions entreprises dans ce domaine.

Enfin, pour que l'ensemble de ces actions ait une certaine envergure, il faut y consacrer les ressources financières et le personnel nécessaire. Un programme de diversité axé sur l'adaptation, la formation et la promotion ne peut se faire sans que la direction de l'entreprise n'accepte d'y consacrer un budget adéquat, de façon régulière. Les retombées financières positives de la diversité que plusieurs entreprises ont reçues indiquent qu'à long terme, il s'agit d'un investissement très rentable.

Conclusion

Nous avons voulu dans cet article indiquer les dimensions essentielles qui justifient la prise en compte de la diversité dans les entreprises et qui conditionnent son succès. Il s'agit d'un domaine qui connaît aujourd'hui un développement exponentiel, compte tenu des transformations sociales et économiques du monde du travail. Plusieurs autres aspects importants n'ont pu malheureusement être abordés dans le cadre de ce dossier. Nous avons essayé de nous concentrer sur les éléments qui ont été étayés par des études scientifiques. Cependant, de nombreux aspects restent encore à clarifier et nécessiteront des recherches approfondies. Une des pistes qui nous paraît importante est de déterminer dans quelle mesure les pratiques expérimentées aux États-Unis peuvent être transposées au Québec et quelles sont les adaptations nécessaires. Il sera aussi intéressant d'examiner des expériences européennes dans ce domaine qui, souvent, sont inspirées par une approche différente de l'approche nord-américaine. La gestion de la diversité est appelée à se répandre de plus en plus et il est nécessaire dans ce domaine de fonder solidement les interventions.

Marie-Thérèse Chicha, professeure titulaire à l'École de relations industrielles de l'Université de Montréal

Source : Effectif, volume 5, numéro 1, janvier/février/mars 2002

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