Occasion de mieux connaître ses collègues pour les employés, stratégie de renforcement du sentiment d'appartenance pour les gestionnaires des ressources humaines, les clubs sociaux peuvent contribuer de façon positive à la vie sociale d'une entreprise. À condition que la rigueur et la bonne entente soient au rendez-vous.
Chez Bombardier Produits récréatifs, plusieurs activités étaient organisées chaque année à l'intention des employés : tournois de base-ball, golf et hockey, partys de Noël, soirée du président… Mais ceux-ci voulaient plus. Ils avaient envie d'un club social qui leur appartiendrait, qui leur offrirait davantage d'activités et qui leur permettrait de socialiser plus souvent avec leurs collègues de travail en dehors du boulot.
Le conseiller senior en relations humaines, Patrick Alarie, CRIA, et ses collègues se sont donc mis à la tâche. Pendant un an, ils ont fait des recherches auprès d'autres entreprises, question de savoir quelle formule serait la mieux adaptée à l'entreprise, et ils ont mis sur pied une structure et des règles d'organisation.
« On a finalement choisi de former un conseil d'administration de onze membres élus, avec un comité exécutif, explique Patrick Alarie. Ce sont eux qui gèrent le club social, en collaboration avec le département de ressources humaines. » La formule semble bien choisie; deux ans après sa mise sur pied, le club social compte mille membres, soit un tiers des employés de l'entreprise située à Valcourt.
« Une grande famille »D'où vient cette idée de jumeler les loisirs avec le travail ? « Ça peut venir des employés, d'un désir de créer des liens avec les personnes qu'ils côtoient tous les jours, dit Kevin Charron, CRIA, vice-président exécutif de Charron, Bourgetel et associés. Ça peut aussi être une stratégie de gestion des ressources humaines très intéressante. Quand les gens se connaissent, ils travaillent mieux ensemble et se font davantage confiance. Ils sont aussi plus efficaces lorsque des coups durs surviennent ou que la pression augmente. Sans tomber dans le cliché de la « grande famille », il est vrai que la mise sur pied d'un club social peut contribuer à motiver le personnel. »
Andrée Chouinard, CRHA, conseillère en ressources humaines chez Produits métalliques Roy, croit elle aussi que le club social peut contribuer à créer un climat de travail positif au sein d'une entreprise. L'été dernier, elle et les autres responsables du club social ont organisé une journée d'activités au fort Montmorency, dans la région de Québec, où les employés étaient regroupés en équipes et devaient relever divers défis. « L'hiver dernier, nous avons vécu une baisse de la production, ce qui amène toujours un climat d'incertitude, raconte Andrée Chouinard. Cette activité était la première d'importance à être organisée après cette période, et nous avons clairement senti qu'elle avait amené un vent positif. Comme les équipes avaient été déterminées au hasard, cela a permis de rapprocher des gens qui ne se connaissaient pas beaucoup et de faire s'estomper la frontière entre les employés de l'usine et ceux des bureaux. Les participants sont ressortis emballés de l'expérience. »
À l'École nationale de police du Québec, un milieu où se côtoient des employés de toutes les professions et de tous les horizons, le club social a également une fonction rassembleuse. « Ça permet de niveler les écarts hiérarchiques », croit Claudelle Lebel, qui coordonne les activités sociales du club. Organisant une foule de sorties sportives, culturelles et gastronomiques, le club social s'est aussi donné comme mandat de faire le lien entre les employés en soulignant les événements heureux (anniversaires, naissances, etc.) et en offrant des messages de compassion lors de moments plus difficiles.
Dans certains cas, le club social peut même contribuer à animer la communauté entourant l'entreprise. Par exemple, les activités organisées par le club social de Produits métalliques Roy incluent toujours les conjoints des employés, et parfois aussi leurs enfants. « On fait partie d'un petit milieu, où tout le monde se connaît, dit Andrée Chouinard. Les enfants vont à l'école ensemble, les conjoints se connaissent bien et le fait de pouvoir vivre des activités qui sortent de l'ordinaire, tant avec ses collègues qu'avec sa famille, c'est très apprécié par les employés. Plusieurs disent que, si les conjoints n'étaient pas invités aux activités, ils ne seraient pas intéressés à y participer. »
L'importance de la préparationPour que le club social réponde à tous ses objectifs et constitue un apport positif à l'entreprise, certaines règles s'imposent. La première, c'est de s'assurer que l'entente entre le club et l'employeur est claire, bien définie et bien comprise des deux parties. Cette entente devrait couvrir le mode de financement, les responsabilités des administrateurs du club ainsi que celles de l'employeur et du service des ressources humaines, les ressources en temps et les moyens logistiques alloués au club et les balises entourant le choix des activités.
Le club social doit également s'assurer de répondre réellement aux besoins et aux goûts de ses membres. L'une des façons d'y arriver est de veiller à une bonne représentation de tous les groupes d'employés au conseil d'administration (ou toute autre formule de gestion choisie). Ces personnes doivent être capables de prendre le pouls de leurs pairs et de transmettre au club social leurs demandes et préoccupations. « Le comité multipartite est probablement le véhicule le plus sûr pour éviter de se heurter à certains obstacles, dit Kevin Charron. Si la direction ou quelques individus décident unilatéralement d'organiser une activité sans consulter les employés, en se fiant uniquement à leurs propres goûts, l'activité qui se voulait rassembleuse peut avoir un effet complètement inverse. »
Enfin, les gestionnaires des ressources humaines ont un rôle de premier plan à jouer pour assurer le succès du club social. « L'objectif de cette démarche est de rassembler les gens et le service des ressources humaines est le plus impliqué dans cette démarche, explique Kevin Charron. Il ne devrait pas agir en dictateur (ce serait une grave erreur), mais plutôt faciliter le processus le plus possible. »
« Il est très difficile de mesurer les effets que peut avoir un club social sur la productivité ou sur la motivation du personnel, dit Patrick Alarie. Chez Bombardier, le sentiment d'appartenance a toujours été élevé; la moitié de notre main-d'œuvre a plus de vingt ans d'ancienneté. On parle d'eux comme étant ceux qui ont le « sang jaune » (la couleur de Bombardier). Le club social n'a donc pas été créé pour susciter ce sentiment d'appartenance, mais pour le maintenir, le démontrer et assurer la diffusion du fameux sang jaune. Quand on se promène dans les usines et dans les bureaux et qu'on voit plusieurs personnes arborant leurs vêtements affichant le logo du club social, on se dit que la reconnaissance et la fierté sont là. »
Claudine St-Germain est journaliste indépendante. Elle collabore notamment aux magazines Coup de Pouce et Capital Santé.
Source : Effectif, volume 4, numéro 5, novembre / décembre 2001