Avec un équipement de plus en plus sophistiqué, la secrétaire devient une assistante autonome, débrouillarde et responsable.
Le traitement de texte, le courrier électronique, Internet, le modem, le télécopieur. le tout à portée de la main. Avec du temps et de la volonté, le patron d'un bureau peut (techniquement) tout faire. L'arrivée toujours plus rapide des nouvelles technologies annonce-t-elle la fin du règne de la secrétaire? Au contraire! Elle devient de plus en plus indispensable.
Tous l'admettent. la cafetière du bureau n'est plus le principal outil de travail de la secrétaire. Avec les décennies, la «tapeuse» de lettres et la «faiseuse» de café se sont transformées en dames on ne peut plus polyvalentes. On leur en demande de plus en plus. Pas étonnant que plusieurs délaissent l'appellation «secrétaire» pour des termes moins. péjoratifs à leurs yeux, comme «assistante» ou «adjointe». «Aujourd'hui, nous leur demandons d'agir davantage comme des collaboratrices, note Denise Martel, responsable de la qualité, au bureau d'ingénieurs et agronomes Urgel Delisle et Associés. La secrétaire n'est plus seulement une "tapeuse". C'est quelqu'un qui va prendre des initiatives, qui va gérer, qui n'attendra pas que le patron lui donne des directives.»
Les temps ont changé. Souvent les seules femmes dans le bureau à l'époque, elles attendaient bien souvent un signe du patron pour agir. «Autrefois, elles étaient plus passives, poursuit Denise Martel. On exige plus d'elles aujourd'hui, car tout va trop vite pour le patron. Avant, il avait le temps de réfléchir entre deux lettres. Maintenant, il raccroche le téléphone et sa lettre arrive par télécopieur. Tout est instantané. Forcément, il faut quelqu'un à côté capable de suivre le rythme, qui connaît les dossiers aussi bien que le patron. Nous aimons travailler avec quelqu'un de critique, qui pose des questions, qui démontre un intérêt pour l'entreprise.»
Même son de cloche du côté du Collège de secrétariat moderne: «Nous formons nos étudiantes en leur demandant d'être autonomes, de prendre de grandes responsabilités, d'être débrouillardes», affirme Carmen Bossé, directrice pédagogique du Collège.
«Avant, si une fille tapait 50 mots à la minute, elle passait le test, remarque Johanne Berry, présidente du Groupe Télé-Ressource. Aujourd'hui, elle doit être polyvalente.»
Rod Plante, le pdg et fondateur du Collège de secrétariat moderne, est ironiquement un de ceux qui préfèrent les termes «collaboratrice», «assistante» ou «adjointe». Et ce, même si le nom de l'institut n'a pas changé ! «Il trouve péjoratif le terme "secrétaire", dit Carmen Bossé. Car aujourd'hui, les employeurs recherchent davantage des assistantes. Elles sont considérées comme essentielles. Avant, le choix d'une secrétaire ne se faisait pas toujours selon ses compétences, mais plutôt selon son apparence, sa docilité. Certaines se faisaient demander d'aller promener le chien du patron! Nos jeunes femmes ne toléreraient plus ça aujourd'hui. Elles sont considérées comme des professionnelles maintenant. Les patrons ne peuvent pas faire ce qu'elles font.»
On dit bien «elles», car s'il y a une chose qui n'a pas changé, c'est que le secrétariat demeure encore une affaire de femmes. Sur les 600 candidatures du Collège de secrétariat moderne cette année, à peine 12 sont masculines. «Nous ne formerions pas une équipe de hockey!, blague Carmen Bossé. C'est un milieu encore très féminin. Et encore là, les gars ont tendance à se spécialiser en comptabilité plutôt qu'en secrétariat après leur formation de base.»
Avec l'arrivée en force du courrier électronique, du modem, d'Internet et de toutes ces technologies qui viennent s'ajouter aux logiciels de traitement de texte et au télécopieur, on a l'impression que le poste de secrétaire est en péril. Que les patrons peuvent maintenant tout faire. Pourtant, la demande est en croissance, qu'on parle de la secrétaire débutante, de direction, médicale ou juridique. «Notre service de placement reçoit hebdomadairement une vingtaine d'offres intéressantes», constate Carmen Bossé (voir tableau pour échelle de salaires).
Parallèlement, le nombre d'inscriptions dans les écoles est en hausse. Comme les patrons exigent aujourd'hui la maîtrise totale des nouvelles technologies, les écoles ont dû modifier leur programme en conséquence. «La technologie a évolué si rapidement depuis les dernières années que le ministère de l'Éducation exige maintenant que les deux tiers de la formation soient axés sur l'informatique», dit Carmen Bossé.
Et pour celles qui perdent le fil en cours de route, le Collège de secrétariat moderne offre en tout temps des cours d'appoint. «Nous nous attendons à ce qu'elles connaissent Internet, le courrier électronique, le traitement de texte bien sûr et qu'elles aient une facilité à faire des tableaux avec le logiciel Excel, mentionne Denise Martel. Nous aimons aussi qu'elles restent à l'affût des nouvelles technologies. Nous proposons constamment de la formation à nos secrétaires et nous voulons qu'elles nous le demandent. Nous payons une partie des cours.»
Celles qui ont plusieurs années d'expérience sont particulièrement visées. Il y a quelques années, plusieurs ont été réticentes à ranger leur bonne vieille machine à écrire. C'est le cas de Nicole Ryan, qui pratique le métier depuis plus de 40 ans. «Lorsque la machine à écrire électrique est arrivée, j'étais bien excitée!», raconte la secrétaire de direction d'Hydro-Québec.
La percée des ordinateurs en milieu de travail l'a cependant moins réjouie! «Je ne suis pas jeune, dit la dame de 61 ans. Les outils ont beaucoup changé. Lorsque je travaillais pour un cabinet d'avocats, je rédigeais des lettres d'appel à la dactylo en 19 exemplaires. J'avais intérêt à ne pas me tromper! J'ai été réfractaire à l'arrivée des ordinateurs dans le bureau. Mais mon patron ne m'a pas poussée. Au départ, je n'avais pas le temps de prendre des cours. Mais un vendredi après-midi, j'ai demandé à mes jeunes collègues de m'apprendre. Je commence à m'initier aussi tranquillement à Internet. Je suis fière lorsque j'arrive à prendre des messages sur le courrier électronique.»
L'arrivée des ordinateurs est, par ailleurs, en partie responsable des demandes de plus en plus exigeantes des patrons à leurs secrétaires. «Comme elles travaillent sur un ordinateur et que c'est plus rapide que la dactylo, on pense que tout se fait en un rien de temps, constate Nicole Ryan. Mais il faut quand même le faire, le travail!»
Sinon, il y a des constantes qui demeurent : répondre au téléphone, ouvrir le courrier, répondre au courrier, prendre des rendez-vous, annuler des rendez-vous.
Voilà pourquoi les employeurs se retrouvent parfois devant un dilemme lorsque vient le temps d'engager une nouvelle secrétaire. Doivent-ils opter pour la jeunesse ou l'expérience? «La personne plus âgée va avoir une façon de faire difficile à changer, mentionne Denise Martel. En retour, elle va être habituée à subir du stress et ne paniquera pas lorsque le patron élève la voix. D'un autre côté, une jeune fille qui vient de sortir de l'école connaît bien l'informatique. Elle va pouvoir être formée comme on le désire. Elle n'aura pas de mauvais plis! Aujourd'hui, celles qui ont plus d'expérience ne viennent même plus frapper à notre porte si elles ne connaissent pas l'informatique. Il n'y a pas un bureau qui n'exigera pas cette compétence.»
Même chose pour le bilinguisme. «C'est ce que le patron demande en premier, constate Carmen Bossé. On est certain de pouvoir presque immédiatement placer quelqu'un qui est bilingue. Pourtant, il n'y a pas beaucoup d'étudiants qui arrivent au Collège avec une bonne connaissance de la langue seconde.»
On déplore cependant davantage les lacunes en français des secrétaires. «Nos professeurs sont très malheureux, s'indigne Carmen Bossé. Nous nous attendons à ce que nos étudiants aient une solide formation en français lorsqu'ils s'inscrivent. Nous avons un programme de français, mais nous ne devrions pas faire plus que fignoler la langue durant les cours. La formation de base en français est très déficiente depuis une dizaine d'années. Nous essayons de combler les lacunes. Avant, on axait davantage sur la finition des textes et la syntaxe. Maintenant, il faut revenir à la bonne vieille grammaire!»
«Il est de plus en plus difficile de trouver des filles qui connaissent très bien leur français, déplore également Denise Martel. Ça se détériore d'année en année. Nous sommes chanceux lorsque nous en trouvons une. Nous en prenons soin!»
Malgré tout, aucun patron ne peut s'imaginer sans sa secrétaire à ses côtés. «Je me plais à dire: "Que feriez-vous si nous n'étions pas là?", raconte Nicole Ryan. Je crois encore avoir mon utilité à tous les jours.» La retraite n'est pas pour demain!
Combien coûte une secrétaire? | |
Le salaire d'une secrétaire varie évidemment selon ses compétences, ses années d'expérience, les personnes pour qui elle travaille dans l'entreprise, en plus d'une multitude d'autres petits facteurs. «Tout entre en ligne de compte, remarque Johanne Berry, présidente du Groupe Télé-Ressource. Tant l'attitude de la personne embauchée que ses connaissances technologiques, le niveau de sa grammaire française et anglaise, la période d'embauche. Durant la récession, on n'offrait pas un salaire de 40 000$ à une nouvelle secrétaire.» | |
Adjointe administrative | entre 32 000 $ et 50 000$ |
Intermédiaire | entre 24 000 $ et 32 000$ |
Débutante | entre 18 000 $ et 22 000$ |
(Les données: Groupe Télé-Ressource) |
Isabelle Massé
Source : Effectif, volume 2, numéro 3, juin / juillet / août 1999