Vous lisez : Les comités sectoriels de main-d'oeuvre : des ressources à connaître pour les acteurs de l'entreprise

Ayant émergé essentiellement dans les années 90, les comités sectoriels de main-d'oeuvre du Québec sont des institutions en plein développement que les acteurs de l'entreprise méconnaissent encore trop souvent. Ce sont pourtant des ressources collectives qui peuvent rendre de grands services, particulièrement dans le domaine des activités reliées à la formation et au développement de la main-d'oeuvre. L'objectif de cet article est d'en faire un portrait plutôt large qui permettra, en plus de définir ces comités et leur mandat, de préciser la dynamique de leur établissement ainsi que les enjeux que ces nouvelles institutions sectorielles posent aux acteurs patronaux et syndicaux. Leur émergence témoigne, selon notre analyse, que le système québécois de relations industrielles s'adapte aux transformations de l'environnement économique notamment par l'introduction de nouvelles formes de coopération des acteurs, y compris au-delà du niveau de l'entreprise.

D'où viennent les comités sectoriels de main-d'oeuvre? 

La génération actuelle de comités sectoriels au Québec doit son existence à un soutien gouvernemental exprimé dans l'Énoncé de politique sur le développement de la main-d'oeuvre rendu public par le gouvernement du Québec en 1991. Un des constats que l'on y faisait était que l'absence de structures de partenariat dans le domaine de la main-d'oeuvre au Québec handicapait le développement d'une « culture de la formation» que tous estimaient incontournable pour assurer la compétitivité de l'économie québécoise. Ce constat avait également été fait pour l'ensemble du Canada deux ans auparavant à l'occasion de l'énoncé de politique du gouvernement fédéral dans le domaine de la main-d'oeuvre, intitulé Le nouveau mode d'emploi. Dans ce dernier cas, on vit naître la Commission canadienne de mise en valeur de la main-d'oeuvre en 1991 et, dans le cas du Québec, on créa la Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre en 1992. 

Outre ces institutions ouvrant aux niveaux régionaux, provincial et national, les deux énoncés gouvernementaux soutenaient qu'une base de regroupement des acteurs patronaux et syndicaux pour agir dans le domaine de la main-d'oeuvre avait déjà connu du succès par l'intermédiaire de structures sectorielles de partenariat à l'occasion de certaines expériences tantôt plus ponctuelles, tantôt plus permanentes. On pensait alors à différentes expériences québécoises ou canadiennes dans les secteurs du textile, du transport ferroviaire, de la sidérurgie, de l'aérospatiale et d'autres souvent connues sous l'appellation CAMO sectoriels (Comité d'adaptation de la main-d'oeuvre). Du côté fédéral, on décida alors de privilégier cette voie sectorielle en soutenant la création de conseils sectoriels canadiens de développement des ressources humaines. Le gouvernement du Québec appuyait aussi à peu près au même moment la création de comités sectoriels québécois de main-d'oeuvre1. L'idée était d'en faire des structures de partenariat permanentes pour favoriser l'adaptation des milieux de travail aux transformations de leur environnement. 

Dans la foulée de l'Énoncé de politique du Québec et de la création de la SQDM, le conseil d'administration de cette dernière adopta en 1995 une politique d'intervention sectorielle qui précisait ce soutien gouvernemental aux comités sectoriels ainsi que le mandat qui leur était confié. L'objectif alors établi était de contribuer à la mise sur pied (ou à la consolidation) de tels comités dans pratiquement tous les secteurs d'activité économique du Québec, à l'exception du secteur public et du secteur de la construction où des régimes particuliers de négociation et des mécanismes paritaires s'appliquaient. Outre les comités déjà existants à ce moment (on en comptait près d'une dizaine au Québec avant 1995), la politique d'intervention sectorielle a soutenu la création de près d'une quinzaine de nouveaux comités sectoriels depuis lors. Après la disparition de la SQDM, les comités sectoriels ont poursuivi leur développement sous la gouverne de la nouvelle Commission des partenaires du marché du travail. À ce jour, c'est donc quelque vingt-quatre comités sectoriels reconnus ou en voie de l'être qui sont en activité au Québec en 1999. 

Composition et mandat des comités sectoriels 

Les comités sectoriels sont composés de représentants des employeurs et de représentants des travailleurs (il peut s'agir de syndicats ouvriers ou d'associations professionnelles). Leur nombre n'est pas limité et il n'y a pas de règle stricte d'égalité entre le nombre des représentants patronaux et des travailleurs, même si nous avons observé que cette représentation est en général assez équilibrée entre les parties. À ces représentants s'ajoutent des personnes-ressources du gouvernement ou d'autres partenaires, par exemple du milieu de l'éducation. Fondamentalement, il s'agit donc de comités bipartites, puisque ce sont les représentants des employeurs et des travailleurs qui sont les décideurs. Le mode de décision repose sur la pratique du consensus. Généralement, les comités sectoriels sont dotés d'un personnel administratif se résumant à un employé de bureau et une direction générale. 

La représentation au sein du comité doit correspondre à la réalité du secteur en ce qui a trait à la présence des associations patronales et syndicales ou des associations professionnelles. De plus, on demande à ces associations, lors de la nomination de leurs représentants, de tenir compte de la représentativité des régions où le secteur est davantage présent. Enfin, mentionnons que la représentation dans les comités a une vocation sectorielle; un employeur ou un travailleur ne peut y siéger à titre individuel ou à seule fin de représenter l'entreprise. 

Quant au financement des activités des comités sectoriels, il est assuré en bonne partie par le soutien gouvernemental qui octroie jusqu'à concurrence de 250 000$ par année sur présentation d'un plan de travail et d'un bilan des réalisations. Les employeurs du secteur et les travailleurs ainsi que leurs associations respectives peuvent contribuer financièrement pour augmenter ce financement de base. Mentionnons qu'une contribution importante de leur part prend déjà la forme du temps consacré aux activités du comité sectoriel, puisque les représentants des employeurs et des travailleurs y oeuvrent sans rémunération ou compensation. 

Le mandat des comités sectoriels a été défini comme suit à l'origine dans la politique d'intervention sectorielle : «(.) favoriser et consolider le partenariat sur une base sectorielle, en collaboration avec les sociétés régionales et les ministères et organismes gouvernementaux concernés (MICST, MEQ, MDRHC, etc.), dans le but de permettre une prise en charge par le milieu du développement des facteurs de compétitivité des entreprises et de la main-d'oeuvre d'un secteur.» De manière plus précise, le mandat des comités sectoriels est de: 

  • «développer la formation continue (.);
  • déterminer les besoins spécifiques d'un secteur en matière de gestion des ressources humaines et d'organisation du travail et développer des pistes et des moyens d'intervention pour répondre aux problématiques identifiées;
  • élaborer des mesures pertinentes pour permettre la stabilisation de l'emploi et réduire le taux de chômage dans le secteur (.);
  • prendre en compte les problématiques des clientèles cibles et proposer aux entreprises de leur secteur des pistes de solution (.);
  • assurer, en cohérence avec ses mandats, la circulation de l'information auprès de l'ensemble des entreprises et des travailleurs du secteur concerné au Québec (.)»2 

Ainsi, la mission vise un objectif à long terme, l'établissement du partenariat et la prise en charge par les acteurs des facteurs de compétitivité dans leurs secteurs respectifs. Bien que le mandat soit centré sur le développement des ressources humaines, il inclut également la possibilité de travaux portant sur d'autres aspects relatifs à l'essor des entreprises, notamment l'organisation du travail. La mission s'inscrit aussi dans l'optique d'une politique globale de l'emploi, considérant le mandat de la stabilisation de l'emploi et de la réduction du taux de chômage dans le secteur concerné. Enfin, le mandat porte également sur les liens à établir entre le comité sectoriel et les entreprises et les travailleurs du secteur. Cela représente un défi de taille pour plusieurs secteurs d'activité économique où le degré d'organisation interne est peu élevé ou encore lorsque le nombre d'intervenants au niveau microéconomique est très élevé. 

Les réalisations des comités sectoriels de main-d'oeuvre 

Il n'est pas possible ici de rendre compte de toutes les réalisations des différents comités sectoriels mais nos travaux de recherche3 sur le sujet ont permis de regrouper ces réalisations autour de trois grands axes d'action. Ainsi, on peut considérer, autant pour les comités bien établis comme le CAMAQ ou CAMO-ROUTE que pour les comités plus récents, que les actions se déploient de la façon suivante :

  • la production et la mise à jour périodique d'un diagnostic concernant le secteur qui permet de définir le profil économique du secteur et de la main-d'oeuvre, de déterminer les besoins de main-d'oeuvre actuels et à venir dans les entreprises, d'évaluer les besoins de formation, d'analyser les changements importants de l'environnement, d'établir les forces et les faiblesses de l'industrie et, en général, de faire des recommandations quant aux actions à entreprendre;
  • l'élaboration d'un plan d'action qui comporte les objectifs à court, moyen et long termes ainsi que les moyens choisis par le comité sectoriel. Bref, pour donner suite aux recommandations du diagnostic, chaque comité sectoriel doit définir sa propre stratégie d'intervention à l'intention des entreprises et de la main-d'oeuvre, généralement en recherchant des alliances avec les ressources du milieu (notamment du monde de l'éducation);
  • la mise en vigueur et le suivi du plan d'action permet de passer à la concrétisation et à la réévaluation périodique de la stratégie. Ces opérations portent par exemple sur la définition de normes professionnelles pour des emplois clés du secteur, la définition et l'établissement de programmes de formation pour la main-d'oeuvre actuelle et future, la création de centres ou d'instituts de formation, la production d'outils d'information à l'intention des entreprises concernant la formation de la main-d'oeuvre, la production d'études spécifiques reliées à la main-d'oeuvre dans l'industrie et d'autres activités particulières telles que colloques, activités de promotion reliées à la main-d'oeuvre ou de représentation des intérêts du secteur. 

Soulignons que même si cette présentation des réalisations revêt un certain côté standardisé, chaque comité a une marge d'autonomie plutôt grande quant à la définition de son propre mandat, de ses priorités et de ses actions. Nous avons observé toutefois que le travail des comités s'inscrivait dans ce continuum «partage de l'information et détermination des enjeux/conception d'une stratégie d'action/réalisations des actions, évaluation et renouvellement». Enfin, en dépit d'un mandat plutôt large comme nous l'avons relevé précédemment, les comités sectoriels concentrent généralement leurs activités autour de la formation et du développement des ressources humaines. 

Les enjeux particuliers que soulèvent les comités sectoriels pour les acteurs de l'entreprise 

Les comités sectoriels représentent certes une innovation importante dans la gestion de l'adaptation des milieux de travail aux changements de l'environnement, mais ils soulèvent aussi un certain nombre d'enjeux particuliers aux acteurs des relations industrielles, dont en premier lieu les acteurs patronaux et syndicaux. Nous suggérons ici une brève analyse de trois de ces enjeux. 

Un premier enjeu interpelle les acteurs quant à leur représentation au sein d'une nouvelle forme institutionnelle qui se situe au-delà du niveau traditionnel des relations industrielles qu'est l'entreprise. En effet, le mandat des comités sectoriels impose aux acteurs patronaux et syndicaux qui y participent d'agir dans l'intérêt commun de toutes les entreprises et de tous les employés d'un secteur donné. Considérant le caractère décentralisé du système de relations industrielles au Québec, cette obligation de «représentation élargie» des intérêts ne va pas de soi pour les acteurs. La décentralisation relative du système de relations industrielles au Québec et au Canada a fait de l'entreprise le lieu privilégié de représentation et d'action des employeurs et des salariés, ce qui a modelé également les structures elles-mêmes de la représentation des acteurs (centrées sur le local et la pratique de la négociation collective)4. En d'autres termes, la prise de décision collective des acteurs patronaux et syndicaux au-delà de l'entreprise suppose une adaptation dans la culture établie des lieux et des dynamiques de représentation, à plus forte raison sur des sujets qui sont souvent considérés comme des prérogatives des milieux de travail eux-mêmes, voire des seuls employeurs (ex. : la formation et le développement des ressources humaines). 

Un deuxième enjeu pour les acteurs des relations industrielles porte sur la nature des rapports que ces nouvelles expériences sectorielles de partenariat impliquent. Le partenariat ou la concertation est un processus volontaire de participation qui repose sur une démarche décisionnelle consensuelle des acteurs patronaux et syndicaux. Dans le cas précis des comités sectoriels, cette démarche suppose le partage d'informations relatives aux activités et aux enjeux du secteur, l'élaboration d'un plan d'action commun aux divers acteurs et l'atteinte de résultats bénéfiques pour tous les membres d'un secteur donné. Cette démarche se distingue de l'activité de négociation collective que connaissent plusieurs représentants patronaux et syndicaux, et elle se distingue aussi des rapports de concurrence qui caractérisent les relations d'affaires au sein d'un même secteur d'activité entre les entreprises. L'adhésion à une expérience de concertation implique donc pour les acteurs patronaux et syndicaux de passer d'une dynamique connue reposant pour beaucoup sur une logique de type négociation/confrontation et de concurrence où chaque acteur recherche son propre optimum, à une dynamique moins connue de ces acteurs qui repose essentiellement sur une logique de type coopération/concertation où chaque acteur doit rechercher un optimum collectif. 

Cette transition dans la nature des rapports entre les acteurs ne se fait pas sans heurts. En effet, nos travaux de recherche révèlent sur cet aspect précis que la participation à une expérience de concertation constitue un processus d'apprentissage pour les acteurs quant à ces nouveaux types de rapports. Cet apprentissage passe par une première étape où les acteurs conservent largement leur conception des rapports avec les autres acteurs, conception tirée de leurs propres expériences. Cette première étape «d'apprivoisement» d'une nouvelle logique de rapports apparaît déterminante pour la survie du comité sectoriel. En effet, si les acteurs ne réussissent pas à distinguer entre des logiques de rapports qui renvoient à des objets distincts que sont la concertation, la négociation collective et la concurrence, alors les éléments de base nécessaires à la concertation (la confiance, la transparence, la recherche de l'intérêt commun) ne peuvent prendre forme. Ce passage n'a rien d'automatique et il n'est donc pas étonnant de constater que les comités sectoriels connaissent d'abord une période de rodage dans les rapports entre les acteurs qui peut s'échelonner sur plusieurs mois, ce qui donne l'impression à certains que leur établissement est lent et qu'il faut de la patience avant d'atteindre les premiers résultats tangibles pour le secteur. Cela nous conduit à un troisième et dernier enjeu. 

En effet, un troisième enjeu des comités sectoriels est qu'ils engagent les acteurs du secteur dans une logique de résultats tangibles pour les milieux de travail, une logique d'action déterminante pour assurer la pérennité de l'expérience. D'une part, les comités sectoriels sont sujets à une évaluation périodique (condition du financement) de l'acteur gouvernemental qui prendra nécessairement en compte la capacité des différents comités à contribuer à l'adaptation des entreprises en matière de main-d'oeuvre et même de capacité concurrentielle. D'autre part, ces nouvelles structures intermédiaires, qui se situent au-delà de l'entreprise mais qui ne sont pas des structures gouvernementales, n'ont pas de raison d'être autre que d'arriver à faire collectivement dans un secteur donné ce que les milieux de travail ne peuvent arriver à faire efficacement et à un moindre coût de manière isolée. Ces comités, même dans leur rôle d'intermédiation entre les entreprises et le milieu de l'éducation à titre d'exemple, ont une fonction de production de services aux acteurs de l'entreprise (définition de normes professionnelles, de cursus de formation, référence des entreprises à des ressources publiques ou privées, défense des intérêts, etc.). Conformément au mandat des comités sectoriels, les acteurs qui y participent doivent donc assumer la responsabilité de produire des avantages particuliers pour les membres du secteur de façon à améliorer l'efficacité économique de leur secteur. La survie de ces comités en dépend et rien ne garantit donc le succès automatique de ces nouvelles formes de représentation et d'action au sein du système québécois de relations industrielles. 

Avec des moyens somme toute limités, des attentes souvent grandes de la part des entreprises et parfois aussi une méconnaissance de celles-ci à l'endroit des comités sectoriels, le défi de ces derniers de s'établir comme des ressources collectives pertinentes dans leur secteur n'est pas mince, mais certains l'ont déjà relevé avec succès, comme en témoignent des comités connus et reconnus tels le CAMAQ, le CAMO-ROUTE, celui de la chimie, de la pétrochimie et du raffinage, et d'autres. L'expérience des comités sectoriels est encore jeune en général, mais certains résultats déjà atteints indiquent que les acteurs de l'entreprise ont tout intérêt à prendre connaissance de ces ressources collectives et à contribuer à leur dynamisme.

Des réalisations bien concrètes

On pourrait le qualifier de « patriarche» des comités sectoriels. Le Centre d'adaptation de la main d'oeuvre aérospatiale au Québec (CAMAQ) existe en effet depuis 1983. Son objectif est le même depuis sa fondation: s'assurer que les programmes d'enseignement répondent adéquatement aux besoins de l'industrie et surtout suivent leur évolution. Tout un défi quand on sait qu'il y a 20 ans à peine, ce secteur d'activité souffrait d'un manque évident de main-d'oeuvre locale compétente et qualifiée. » À l'époque, raconte Serge Tremblay, directeur général du Centre, la formation dispensée dans les maisons d'enseignement ne répondait pas aux standards de l'industrie. Dans les entreprises, les emplois de directeurs, contremaîtres et autres postes de responsabilité étaient généralement occupés par des personnes recrutées en Angleterre, en Inde ou en Égypte, laissant du même coup très peu de chance aux travailleurs québécois de progresser à l'intérieur des structures hiérarchiques.» 

De concert avec l'ensemble des acteurs de l'industrie aérospatiale au Québec, le CAMAQ s'est donc attelé à renverser la vapeur. «Diminuer le recrutement étranger passait forcément par l'amélioration des programmes d'enseignement», poursuit-il. De la mise sur pied de l'École des métiers de l'aérospatiale de Montréal - une école unique au monde relevant de la Commission scolaire de Montréal (CSDM) - à l'implantation d'un programme de maîtrise en génie aérospatial offert dans cinq universités québécoises (Polytechnique, McGill, Concordia, Laval et Sherbrooke), en passant par la création de bourses d'études en aérospatiale par le Fonds de concertation et d'aide à la recherche (FCAR). en 16 ans, les réalisations du CAMAQ ont été nombreuses. 

«Tout ça ne s'est pas fait du jour au lendemain, tient à préciser M. Tremblay. Mais nos partenaires des milieux de l'industrie et de l'éducation ont fait preuve de beaucoup de vision et se sont montrés suffisamment patients. Aujourd'hui, ils récoltent.» Avec une masse critique d'ingénieurs, de techniciens et de scientifiques, le Québec occupe désormais une place de choix dans le monde de l'aérospatiale. La qualité de la main-d'oeuvre est telle qu'elle fait de plus en plus l'envie, à l'étranger, des Boeing, Rolls Royce, Airbus Industries et autres Ariane Espace. «La problématique de la fuite des cerveaux existe bel et bien, concède le directeur général. Et les compagnies doivent se montrer très vigilantes pour éviter que cela ne devienne un problème endémique.» Toute médaille à son revers! 

Et l'avenir? L'industrie aérospatiale étant en constante évolution, le CAMAQ n'a pas l'intention de s'endormir sur ses lauriers. «Quand il est question de ressources humaines, il y a toujours place à l'amélioration», souligne M. Tremblay. Une amélioration qui selon lui devrait non seulement passer dans les prochaines années par le développement des compétences personnelles et interpersonnelles des futurs diplômés, mais aussi par la création d'un programme en environnement virtuel. Ceci afin de répondre aux nouveaux besoins du travail en équipe et à distance. 

Main-d'oeuvre touristique 

Autre secteur, autres mours, l'industrie du tourisme s'est également dotée il y a cinq ans d'un comité sectoriel : le Conseil québécois des ressources humaines en tourisme (CQRHT) qui regroupe treize associations (syndicales et patronales), mais aussi 25 des 75 grandes entreprises ouvrant dans le domaine touristique au Québec. Si dans ses premiers balbutiements, le Conseil a dû faire face au scepticisme de ses principaux partenaires quant à la viabilité de cette entreprise, «très vite les gens ont réussi à se concentrer sur les problèmes qu'ils avaient en commun en laissant de côté leurs divisions», lance la directrice générale, Adèle Girard. 

Une bonne approche à en juger par les nombreux programmes élaborés depuis plusieurs années pour accroître les compétences des employés dans ce secteur d'activité. En effet, aidé par des subventions fédérales et provinciales, le CQRHT a très vite su imposer sa marque dans ce milieu plus versé dans le marketing que dans le développement de ses ressources humaines. 

«Le meilleur coup, aux dires de Mme Girard, demeure sans aucun doute le programme "Client plus".» Mise en place à l'échelle de la province en collaboration avec des maisons d'enseignement - comme l'Institut de tourisme et d'hôtellerie du Québec (ITHQ) à Montréal - cette formation vise à aiguiser les capacités des employés de l'industrie du tourisme, déjà fortement ancrées culturellement, dans le domaine de l'accueil et du service à la clientèle. D'ores et déjà, 3000 personnes ont suivi ce cours de sept heures qui semble remporter un franc succès auprès des membres de l'industrie. Un chiffre qui ne devrait cesser de croître grâce entre autres à la présence en région d'un vaste réseau de formateurs chargés de la diffusion de ce programme. 

Autre fait d'armes: L'école de la vie enfin reconnue. Un titre poétique pour un programme, partagé avec d'autres provinces canadiennes, qui consiste en fait à reconnaître et valider les compétences professionnelles des employés de l'industrie ayant appris leur métier sur le tas. «Les jeunes se retrouvent également au cour de nos préoccupations avec la création de notre Programme jeunesse: Carrières en tourisme qui vise à favoriser leur intégration principalement dans l'hôtellerie et la restauration», précise la directrice du CQRHT. 

Avec un budget annuel de 1,7 millions de dollars et la confiance acquise d'une majeure partie des membres de l'industrie, des initiatives comme celles-ci, le Conseil a la ferme intention d'en réaliser bien d'autres dans les années à venir. Les enjeux? «Après le démarrage que nous avons connu, le plus gros défi à relever sera sûrement de ne pas s'essouffler», conclut Mme Girard.

Fabien Deglise est journaliste pigiste. Il collabore entre autres aux magazines L'actualité et Protégez-vous, à l'hebdo culture ICI Montréal, au journal Le Devoir ainsi qu'à La Tribune de Genève en Suisse.

1 On pouvait lire dans l'Énoncé de politique du Québec en 1991 : «Les mutations de l'économie se manifestent avant tout par secteurs économiques ou industriels. Le gouvernement et ses partenaires développent donc de plus en plus l'approche sectorielle à l'égard des questions relatives à la main-d'oeuvre parce que la réalité de l'emploi et la problématique du développement des compétences se présentent différemment d'un secteur industriel à un autre. (.) Le gouvernement entend travailler à la consolidation des actuels comités sectoriels de main-d'oeuvre et promouvoir la mise sur pied de comités dans d'autres secteurs industriels.» (p. 43) 
2 Société québécoise de développement de la main-d'oeuvre. Se prendre en main. Politique d'intervention sectorielle, SQDM, Québec, 1995, p. 3. 
3 Charest, Jean. Restructuration économique, transformations des relations industrielles et innovations institutionnelles: configuration, émergence et impacts des initiatives sectorielles dans les contextes canadien et québécois. Thèse de doctorat en relations industrielles, Université Laval, 1998, 634 p.; voir aussi Charest, Jean. «The Configuration of Sectoral Human Resource Initiatives in Quebec in the 1990s». Forging Business-Labour Partenerships: The Emergence of Sector Councils in Canada. Morley Gunderson et Andrew Sharpe (ed.), University of Toronto Press, Toronto, 1998, p. 131-157. 
4 Voir Murray, Gregor et Pierre Verge. La représentation syndicale. Visage juridique actuel et futur, Les Presses de l'Université Laval, Sainte-Foy, 1999.

Jean Charest est professeur à l'école de relations industrielles de Université de Montréal.

Source: Effectif, volume 2, numéro 4, septembre /octobre 1999

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