Vous lisez : La migraine : une maladie maintenant mieux comprise

Une maladie bien réelle.

La migraine est la première grande cause des maux de tête. La migraine est une maladie réelle. Bien que sa cause fondamentale soit encore inconnue, on sait qu'elle est très souvent familiale et en partie génétique. La recherche a démontré, chez les migraineux, de nombreuses anomalies biochimiques (de la sérotonine, en particulier) et physiologiques (réponses des cellules cérébrales aux stimuli, par exemple); on sait également que, durant la crise migraineuse, il se produit une inflammation et une dilatation des vaisseaux crâniens. Il n'existe chez les migraineux aucune lésion structurale. Cette maladie, «bénigne» dans sa cause, n'entraîne aucun déficit permanent; elle est cependant souvent handicapante pour les patients et leurs proches.

La migraine est une maladie fréquente: environ 15 % des personnes dans la population en souffrent, trois fois plus les femmes que les hommes. Son diagnostic se fait cliniquement, au questionnaire et à l'examen physique faits par le médecin, selon des critères précis (voir tableau 1); aucun examen de laboratoire n'est d'habitude nécessaire, si ce n'est, parfois, pour éliminer la présence d'autres causes de céphalée.

Quand et pourquoi?

Les migraineux souffrent de crises de céphalée dont la fréquence est variable : certaines personnes ne font que quelques crises par année, d'autres jusqu'à 4 ou 5 par mois. Chez environ 20 % des migraineux, les crises s'accompagnent d'auras : ce sont des déficits neurologiques qui durent quelques minutes, surtout des scintillements dans le champ de vision ou des engourdissements du visage et d'une main. La maladie migraineuse commence le plus souvent à l'adolescence ou au début de l'âge adulte, mais elle peut aussi commencer dans l'enfance ou plus tard dans la vie. Les patientes et patients migraineux ont souvent des crises répétées pendant une partie de leur vie. Lorsque les femmes atteignent l'âge de la ménopause, les crises de migraine disparaissent généralement en grande partie. La plupart des migraineux observent de nombreux facteurs dans la vie courante qui peuvent déclencher certaines de leurs crises (voir tableau 2), et ils peuvent apprendre à éviter certains d'entre eux.

Des coûts importants

La migraine est responsable de coûts importants à plusieurs niveaux : personnel, social et financier. Il y a d'abord, bien sûr, la souffrance personnelle de la personne atteinte de crises répétées de douleur modérée ou sévère, accompagnée de symptômes comme la nausée, parfois de vomissements, et l'intolérance à la lumière et au bruit. De plus, ces crises amènent une limitation fonctionnelle de la personne atteinte : la vie personnelle, familiale, sociale et professionnelle s'en trouve donc affectée, et cela influence les relations de la personne atteinte avec son entourage. Les coûts financiers, directs et indirects, en sont énormes. Au delà du coût des consultations médicales et paramédicales, du coût des médicaments utilisés, il est aussi démontré par de nombreuses études que, financièrement, en perte de productivité, en absentéisme, au travail et aux autres activités, des milliards de dollars sont perdus chaque année, dans notre pays, en raison de la migraine.

Heureusement, il y a des médicaments.

La maladie migraineuse est traitable, à condition d'y apporter l'attention qu'elle mérite et qu'elle nécessite.

Les patientes et patients migraineux peuvent faciliter grandement le diagnostic et le traitement de leur condition en tenant un «calendrier des céphalées», qui leur permettra d'inscrire tous les jours l'intensité de la céphalée si elle est présente de même que chaque médicament pris pour la soulager. La tenue de ce calendrier aidera aussi le migraineux à mieux comprendre l'évolution de sa condition, à observer les facteurs déclencheurs des crises et à éviter ces déclencheurs si possible. Les renseignements fournis par le patient dans son calendrier aident aussi le médecin à différencier la migraine des autres formes de céphalée.

Puisque les crises de migraine comportent des symptômes limitant la fonction de la personne atteinte, celle-ci doit généralement utiliser des médicaments pour les soulager. Des analgésiques, en vente libre ou sur prescription médicale, peuvent souvent soulager les crises d'intensité légère à modérée; des médicaments spécifiques, fruits de la recherche fondamentale et pharmaceutique, sont aussi disponibles depuis plusieurs années. Les médicaments appelés triptans ont largement supplanté les dérivés de l'ergot, qui étaient la base du traitement spécifique de la migraine depuis très longtemps. Les triptans soulagent généralement bien les crises même les plus sévères. Dans le traitement des symptômes de la migraine, les patients doivent éviter d'utiliser la médication trop fréquemment, au risque de développer de la céphalée chronique quotidienne d'origine médicamenteuse : cela constitue malheureusement un problème trop fréquent, dont les patients ne sont pas assez informés.

Certaines thérapies non médicamenteuses sont aussi, parfois, efficaces : on peut penser aux thérapies de relaxation ou à la rétroaction biologique thermique qui peuvent aider, si le patient migraineux en pratique les exercices régulièrement.

Le médecin peut parfois prescrire temporairement des médicaments préventifs, visant à réduire la fréquence et l'intensité des crises migraineuses.

.et un soutien

De nombreuses ressources sont disponibles aux migraineux. Le diagnostic et la prescription des traitements appropriés sont du domaine des médecins, omnipraticiens et spécialistes, et des autres travailleurs de la santé; ceux-ci sont maintenant mieux au courant des critères diagnostiques de la migraine, de ses caractéristiques et de son évolution ainsi que des possibilités de traitement. Des associations, comme la Fondation québécoise de la migraine et des céphalées, peuvent offrir aux patients et à leurs familles des informations qui les aideront dans leurs recherches de traitement. De nombreux dépliants explicatifs de plusieurs aspects de la migraine (des calendriers de la migraine, des explications diagnostiques et thérapeutiques, des listes de facteurs déclencheurs, des informations sur la céphalée d'origine médicamenteuse, etc.) sont offerts dans les cabinets de médecin, dans certaines pharmacies ou par des associations de patients. Les personnes migraineuses peuvent ainsi mieux collaborer à l'évaluation de leur condition, à leur traitement et au suivi.

Beaucoup de chemin a déjà été parcouru, surtout au cours de la dernière décennie, concernant ce problème de santé important que constitue la migraine. Les recherches ont contribué à en montrer de façon plus claire les nombreux mécanismes et ouvert la porte à de bien meilleurs traitements, dont plusieurs sont déjà disponibles. La Société canadienne de la céphalée a publié un guide d'évaluation et de traitement de la migraine à l'intention des médecins canadiens; l'éducation médicale continue aide les médecins à mieux la reconnaître et la traiter. La migraine est maintenant une maladie mieux comprise : socialement, elle n'est plus aussi méconnue ou banalisée. Les patients, leurs proches, et la population en général, peuvent mieux s'informer; les associations de patients, la disponibilité d'une littérature explicative plus diffusée, peuvent les aider en ce sens. Si on bâtit sur ces acquis, les souffrances, les handicaps et les coûts qu'entraîne la migraine sont appelés à diminuer.

 
Tableau 1
Caractéristiques principales de la crise migraineuse
DuréeLa crise de céphalée dure de 4 à 72 heures.
CaractéristiquesLa céphalée a au moins deux des caractéristiques suivantes :
1- localisation à prédominance unilatérale;
2- caractère pulsatile (comme des battements de cour);
3- intensité modérée ou sévère;
4- s'aggrave lors d'activité physique routinière.
 Durant la céphalée, présence d'au moins une des caractéristiques suivantes :
1- nausées ou vomissements;
2- intolérance à la lumière et au bruit.

Tableau 2
Certains facteurs déclancheurs des crises de migraines
Cycles hormonaux. période péri-menstruelle et ovulatoire
. adolescence et pré-ménopause
. amélioration en grossesse et ménopause
Facteurs diététiques. plusieurs aliments : vin, bière, chocolat, fromage, noix, charcuteries, etc.
. alimentation irrégulière
. glutamates, nitrites, nitrates, caféine, aspartame, etc.
Facteurs physiologiques. lumière, bruit, odeurs intenses
. activité physique violente
. changements de pression barométrique
. changements du sommeil
Stress. anxiété, émotion, fatigue
. période de repos après stress (ex. : fin de semaine)
Autres. infection, fièvre
. contraction musculaire soutenue, surtout cervicale


Le docteur Claude Roberge est neurologue à la Clinique de la migraine de Charlesbourg.

Source : Effectif, volume 3, numéro 4, septembre  / octobre 2000

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