Vous lisez : La création du ministère de l'emploi et de la solidarité

I. Introduction

Cet article pourrait raconter une histoire qui a plus de 30 années; mais le but n'est pas de refaire l'historique des discussions fédérale/provinciale en matière de prise en charge des mesures actives d'emploi par le Québec.

Cet article vise plutôt à dresser le portrait de la fusion de quatre organisations et des actions qui ont été réalisées pour créer le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, en place depuis le 1er avril 1998.

C'est à l'automne 1996 que les premières discussions administratives ont eu lieu entre les représentants du gouvernement fédéral et ceux du gouvernement provincial pour convenir d'une entente relative au marché du travail. Le 21 avril 1997, les deux gouvernements signaient d'ailleurs l'Entente Canada-Québec; ont suivi l'adoption à l'Assemblée nationale du projet de loi 150 créant le ministère de l'Emploi et de la Solidarité, instituant la Commission des partenaires du marché du travail ainsi qu'une unité autonome nommée Emploi-Québec, et par la suite la signature à l'automne 1997 de l'Entente de mise en ouvre relative au marché du travail. Dès lors, les principaux jalons pour la mise en place du nouveau Ministère étaient posés. Il faut enfin ajouter à ceux-ci l'adoption plus récente du projet de loi 186 intitulé Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale.

II. Le projet de mise en place

Comme nous l'avons déjà mentionné, le Ministère est né de la fusion du ministère de la Sécurité du revenu, de la Société québécoise de développement de la main-d'ouvre, d'une partie des effectifs de Développement des ressources humaines du Canada et, enfin, d'une partie des effectifs de la Ville de Montréal. Il faut rappeler à ce sujet que la Ville de Montréal gère sur son territoire, par entente avec le gouvernement du Québec, les mesures reliées à la prestation de la sécurité du revenu et aux programmes afférents.

Le projet avait comme principales assises une harmonisation et une révision en profondeur des programmes et mesures touchant l'emploi, la main-d'ouvre et l'aide financière, une réorganisation complète des structures administrative et partenariale en matière de services publics d'emploi, l'accès de l'ensemble de la main-d'ouvre aux mêmes services et l'actualisation des orientations et des objectifs découlant de la nouvelle Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale.

Le nouveau Ministère a une double mission :

  • promouvoir et soutenir le développement de la main-d'ouvre et de l'emploi par l'intermédiaire de la Politique du marché du travail;
  • mettre en ouvre des politiques et des mesures d'aide financière et de soutien du revenu.

Le Ministère compte environ 6 800 personnes auxquelles s'ajoutent 750 employés de la Ville de Montréal ouvrant en sécurité du revenu. La nouvelle structure ministérielle compte deux réseaux de services complémentaires, soit ceux de la Sécurité du revenu et d'Emploi-Québec concrétisés par la mise en place de 17 directions régionales et de 151 centres locaux d'emploi, comprenant chacun un module Emploi-Québec et un module Sécurité du revenu. Viennent compléter cette structure une Direction générale des politiques et des unités centrales de soutien administratif et opérationnel. Le Ministère emploie aussi un peu plus de 370 gestionnaires répartis aux niveaux central, régional et local.

Dès l'automne 1997, afin de favoriser une fusion harmonieuse, les autorités du Ministère créaient le Bureau de coordination de la mise en place; le Bureau est dédié exclusivement à la gestion de ce projet et son rôle est exercé autant en mode matriciel qu'en mode hiérarchique. Le cadre de gestion comprenait le comité exécutif de la mise en place, dirigé par le sous-ministre, l'établissement de chantiers de conception et de développement chapeautés par un comité de planification et de suivi, des équipes régionales d'implantation supervisées par un comité de direction de l'implantation, des équipes centrales de soutien à l'implantation et des comités aviseurs. Le directeur du Bureau occupe ses fonctions à temps plein et est assisté par une dizaine de personnes, toutes prêtées par différentes unités administratives.

  • Le projet de mise en place est fondé sur cinq objectifs :
  • élaborer la planification globale de la réorganisation et en assurer la réalisation;
  • assurer l'examen de l'ensemble des éléments essentiels à une implantation efficace et harmonieuse;
  • assurer l'implantation des multiples changements pour chacune des unités administratives;
  • faciliter l'adaptation du personnel à ces changements majeurs;
  • intervenir auprès de l'organisation sans exercer de pression indue sur la continuité des services.

Il privilégie les valeurs suivantes :

  • l'élaboration d'une mission commune à partir des cultures de quatre organisations distinctes;
  • l'association des partenaires du marché du travail à la démarche d'organisation;
  • la création de la nouvelle organisation sur les forces des quatre organisations d'origine;
  • l'importance de la continuité des services tout au long de la période d'implantation;
  • une association étroite avec le personnel à la mise en place du changement et la mobilisation à cohabiter harmonieusement;
  • l'équité et le respect pour tout le personnel;
  • la définition, l'optimisation et l'arrimage judicieux des processus, des systèmes et des technologies des organisations fusionnées;
  • la bonification de la qualité des services qui seront rendu;
  • la transmission au personnel et aux partenaires d'une information continue.
III. Les chantiers de conception et de développement

La réalisation majeure du projet a débuté par l'élaboration de chantiers touchant tous les domaines de la nouvelle organisation :

  • la configuration géographique des réseaux de service;
  • les politiques et les programmes;
  • l'organisation générale des directions régionales et des centres locaux d'emploi;
  • l'organisation du travail et des processus;
  • les ressources humaines, dont l'organisation administrative et la gestion du changement;
  • les technologies de l'information;
  • les communications externes;
  • les ressources matérielles et financières.

Dans cette section, nous traitons plus spécifiquement du chantier des ressources humaines et des différents sous-chantiers qui ont été réalisés par la Direction des ressources humaines. Soulignons d'abord celui sur la planification des ressources humaines mis en ouvre dans le but de dresser le portrait des ressources actuelles dans l'ensemble des quatre organisations, et de prévoir les besoins quantitatifs et qualitatifs de main-d'ouvre pour les unités centrales et les réseaux; les résultats livrés ont été un plan intégré de répartition des ressources humaines au sein des unités centrales et l'établissement de principes et de critères de répartition des ressources administratives et opérationnelles pour les réseaux. Un autre sous-chantier, celui sur l'intégration du personnel provenant des organisations hors fonction publique et leurs conditions de travail, avait pour but d'assurer l'intégration harmonieuse des différentes catégories de personnel. Dans ce contexte, les membres du groupe de travail ont négocié et conclu une entente de transfert des employés fédéraux (DRHC) et préparé un décret concernant l'intégration des employés de la SQDM; ce dernier groupe présentait un défi particulier puisque les employés étaient accrédités auprès de six syndicats différents. La réalisation de ce sous-chantier s'est concrétisée par une approche transparente basée sur une communication continuelle avec les représentants des syndicats concernés.

La Direction des ressources humaines a également eu comme mandat d'élaborer la structure administrative supérieure et intermédiaire, en concertation avec les autorités ministérielles, de déterminer les niveaux de tous les emplois d'encadrement et de proposer et mettre en ouvre des stratégies de dotation pour le redéploiement des cadres et des autres catégories de personnel. Ce sous-chantier a généré plusieurs réalisations, dont les principales sont :

  • l'élaboration du plan d'organisation administrative supérieure et l'approbation, en octobre 1997, de cette nouvelle structure par le Conseil du trésor;
  • la description et l'évaluation des emplois d'encadrement des unités de directions centrale, régionale et locale (environ 370 postes);
  • le déploiement des cadres, dans une première phase, pour pourvoir les postes de direction supérieure, à partir de leurs champs d'intérêt ainsi que des besoins de l'organisation, et l'ouverture d'une trentaine de concours pour les postes non pourvus par affectation;
  • l'identification et l'affectation au réseau Emploi-Québec du personnel ouvrant en développement de l'emploi provenant du réseau de la Sécurité du revenu; cette opération, réalisée en concertation avec le Syndicat de la fonction publique, a visé environ 1 000 personnes;
  • l'intégration, à Emploi-Québec, du personnel de DRHC ayant accepté l'offre d'emploi du gouvernement du Québec; 1 023 employés fédéraux ont alors accepté, sur une base individuelle, d'être transférés au Québec;
  • le début, en août 1998, de la phase deux du déploiement des cadres dans les structures régionale et locale qui visent la dotation de plus de 270 postes.

D'autres sous-chantiers ayant tous leur importance ont aussi été réalisés, en parallèle aux précédents; soulignons entre autres celui de la prise en charge de la rémunération de plus de 2 000 nouveaux employés et leurs avantages sociaux; et celui sur la santé et la sécurité du travail dont le mandat devait permettre la mise en place de mécanismes assurant le respect de la Loi sur la santé et la sécurité au travail et le maintien d'un milieu de travail sain et sécuritaire.

Il ne saurait être question de traiter d'un projet de cet envergure sans aborder la gestion des impacts humains reliés au changement. Préoccupation majeure de l'ensemble des responsables, c'est dans le but de favoriser une intégration progressive et harmonieuse de tous à la nouvelle organisation que différentes actions ont été élaborées, en quatre principaux volets :

  • l'accueil et l'intégration du personnel;
  • l'intégration et la mobilisation des gestionnaires;
  • la formation du personnel;
  • les communications internes.

En ce qui concerne l'accueil et de l'intégration, le plan d'action prévoyait l'intégration administrative le 1er avril 1998, suivie d'une intégration physique étalée sur douze mois et, enfin, d'une intégration sociale et psychologique progressive. Parmi les actions réalisées, signalons la préparation de documents en vue de rencontres d'information et un soutien téléphonique centralisé accessible aux heures de bureau.

Pour ce qui est de la mobilisation des gestionnaires, dès l'automne 1997, tous les directeurs généraux, les directeurs centraux et les directeurs régionaux (environ une centaine de personnes) ont été conviés à une rencontre d'information de deux jours pour faire le point sur la mise en place du nouveau ministère. Également, la Direction des ressources humaines a organisé, en collaboration avec le Secrétariat du Conseil du trésor et l'ÉNAP, différentes activités de formation portant sur l'environnement gouvernemental et sur certains aspects de la gestion des ressources humaines, financières et matérielles.

La formation du personnel a nécessité plusieurs actions dont une formation de base de deux jours sur le nouvel environnement organisationnel et une formation spécifique sur les programmes, les processus et les systèmes. Tout le personnel a eu accès à la formation de base, alors que la formation spécifique, d'une durée variant entre 12 à 18 jours, a été suivie par le personnel des opérations. Au total, c'est environ 30 000 jours-personnes, entre février et juin 1998, qui ont été consacrés à ce volet.

Enfin, un dernier volet, non négligeable, celui de la communication interne, pour lequel la Direction des ressources humaines a joué un rôle crucial et de collaboration avec la Direction des communications, a été maintenu tout au long de la mise en place, à l'aide d'outils variés : journal télévisé interne, création d'un nouveau journal écrit, messages de la ministre et du sous-ministre, papillons d'information annexés au chèque de paie, boîte téléphonique et ligne 1 800 et, enfin, vidéocassette et outils d'animation pour faire du Jour I, une journée d'accueil réussie.

IV. L'implantation

C'est donc le 1er avril 1998 qu'ont commencé officiellement les activités du nouveau Ministère et que les employés de DRHC et de la SQDM en sont devenus officiellement les employés. Ces derniers disposaient alors d'un coffre à outils transitoire, dans un contexte majeur d'ajustements aux façons de faire. Le regroupement physique du personnel débutait et, en même temps, l'intégration des technologies de l'information.

V. Ce qui reste à faire

Nous faisons face encore à de nombreux défis. La finalisation de la mise en place doit être complétée par l'ouverture de tous les centres locaux d'emploi; les prochains mois verront également la fin du déploiement des nouvelles infrastructures technologiques et permettront d'achever les arrimages administratif et opérationnel interréseaux. Enfin, le déploiement du personnel cadre dans les réseaux, tant aux niveaux régional que local, nécessitera énormément d'énergie.

Il faudra également, comme prochains défis, consolider les acquis en ce qui concerne, par exemple, l'intégration des cultures organisationnelles, la synergie des équipes de travail et de gestion, la concertation avec les partenaires du marché du travail, l'amélioration du coffre d'outils transitoire et l'élaboration des programmes et des mesures d'emploi.

Enfin, de nouveaux défis seront à relever, tels l'entrée en vigueur et l'application de la nouvelle Loi sur le soutien du revenu et favorisant l'emploi et la solidarité sociale, le déploiement des guichets Info-Emploi et Info-Québec et, enfin, l'utilisation accélérée des nouvelles technologies par la clientèle et les partenaires.

VI. Conclusion

La mise en place du ministère de l'Emploi et de la Solidarité a nécessité et nécessitera encore la concertation et la contribution de milliers de personnes provenant de quatre organisations différentes, ainsi que des partenaires du marché du travail et ce, tant au niveau national que dans l'ensemble des régions. Le défi a été et sera de maintenir pour les Québécoises et les Québécois un service à la clientèle disponible, transparent et, si possible, amélioré. Ce défi est le nôtre et le demeurera pour l'avenir.

François Giroux, est directeur des ressources humaines, au Ministère de l'Emploi et de la Solidarité.

Source : Effectif, volume 1, numéro 5, novembre / décembre 1998

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