Avril 2000. Contre toute attente, la ministre d'État aux Affaires municipales et à la Métropole, Louise Harel, dévoile son Livre blanc sur la réorganisation municipale. Deux mois plus tard, envers et contre tous, l'Assemblée nationale adopte le projet de loi 124 sur l'organisation territoriale municipale. Premier rejeton d'une série de mesures législatives visant à transformer le visage municipal québécois, la Loi ouvre alors définitivement le chemin aux fusions municipales massives dont le tout Québec politique se gargarise depuis déjà quelques années. Fort des recommandations émises par des spécialistes chargés d'étudier la faisabilité des projets de fusions en zone urbaine, le gouvernement, alors dirigé par Lucien Bouchard, passe à l'acte à peine six mois plus tard et adopte, le 20 décembre 2000, le projet de loi 170. Le compte à rebours est amorcé. Au-delà des protestations de plusieurs groupes de pression et de milliers de résidants en colère, brandissant leur appartenance à grands coups de pancartes et de slogans, dans un peu plus d'un an, les villes-centres de Montréal, Québec et Hull ne feront plus qu'une avec leurs banlieues éparses. Imposante sur le plan démographique, Longueuil fermera la marche après avoir englouti la quasi totalité des villes environnantes.
Une décision qui allait donner naissance à l'un des plus importants chantiers de relations du travail de la décennie, après celui des fusions de commissions scolaires orchestré en 1997. Un chantier où grouillent de nombreux acteurs sociaux, politiques et économiques ayant tous, à des degrés divers, le même mandat. Celui de faire en sorte que les dizaines de milliers d'employés touchés par la transformation soient non seulement intéressés à poursuivre la route, mais également motivés à prendre part activement aux changements. Voyage au cœur d'une aventure sans précédent.
Un projet au cadre législatif ferme
Après avoir été à l'origine de multiples tentatives de fusions municipales avortées depuis dix ans, le gouvernement québécois souhaitait voir son ultime tentative de réforme municipale prendre un envol véritable. Quoi de mieux qu'un cadre législatif strict pour y parvenire ? Deux lois président donc à la mise en place des nouvelles villes. Il s'agit de la Loi sur l'organisation territoriale municipale (Loi 124) et de la Loi portant sur la réforme de l'organisation territoriale municipale des régions métropolitaines de Montréal, de Québec et de l'Outaouais (Loi 170). Étendue géographique du territoire, nouveaux pouvoirs économiques, changements de garde politique, nouvelles structures, rien n'est laissé de côté, surtout pas les relations du travail qui, plus que n'importe quel autre aspect, sont scrupuleusement encadrées dans chacune des deux législations.
Pierre angulaire du grand édifice juridique et politique qu'est devenue la réforme, la Loi sur l'organisation territoriale municipale prévoit une multitude de mesures liées aux relations du travail. Des mesures avec lesquelles les actuels artisans des nouvelles villes doivent déjà composer.
C'est cette Loi qui prévoit notamment que les fonctionnaires et employés des anciennes villes deviennent partie prenante à la nouvelle entité municipale sans subir aucune réduction de traitement. C'est elle aussi qui consacre leur ancienneté, leurs avantages sociaux et, par-dessus tout, le fait qu'ils ne puissent pas être mis à pied ou licenciés à la suite du regroupement.
Créatrice des comités de transition, c'est également cette Loi qui pose les limites de leur champ d'intervention en matière de relations du travail. Par delà les responsabilités qu'elle leur attribue, la Loi leur impose surtout la responsabilité de procéder à l'intégration de tous les salariés à la nouvelle ville à coût nul. Une autre manière de dire que tous les salariés concernés par la fusion doivent être intégrés en emploi sans qu'il en coûte plus cher à la nouvelle ville, et ce, même s'il faut en arriver à une harmonisation des différentes conventions collectives en vigueur. Un objectif qui relève de l'exploit, selon Me Alain Bond, CRIA, avocat en droit du travail pour le cabinet Pouliot Mercure de Montréal.
Poussant plus loin son incursion dans le monde des relations du travail, la Loi sur l'organisation territoriale municipale prévoit aussi, dans les moindres détails, les négociations à être menées entre les comités de transition et les différentes associations de syndiqués pour en arriver au découpage des unités d'accréditation syndicale et à l'intégration de tous les employés. En cas d'échec, la Loi prévoit également les mesures de médiation-arbitrage à mettre en branle, de même que les délais et l'ordre dans lequel chacune des parties doit être amenée à contribuer.
Plus ciblée, la Loi portant sur la réforme de l'organisation territoriale municipale des régions métropolitaines de Montréal, de Québec et de l'Outaouais établit pour sa part les responsabilités de chacune des entités de la nouvelle ville à l'égard des relations du travail. C'est aussi elle qui détermine la séquence et les dates butoirs auxquelles les différentes étapes de négociations entre les unités d'accréditation syndicale, le comité de transition et la ville doivent être franchies. (voir tableaux)
Des étapes qui se partagent en trois grandes phases. La première a trait au processus de détermination des unités d'accréditation et des agents négociateurs. Elle met à contribution les syndicats et les comités de transition. La seconde fait référence à la négociation de l'intégration des salariés. Tout comme la première, elle se joue entre les comités de transition et les centrales syndicales. Quant à la troisième et dernière étape, elle constitue l'étape cruciale des négociations entourant la détermination de la première convention collective. Des négociations qui mettront en jeu les nouvelles unités d'accréditation et les représentants patronaux de la ville nouvellement créée. Fait à noter, malgré les protestations des centrales syndicales sur la question lors des commissions parlementaires précédant l'adoption des projets de loi, aucune grève ne pourra venir entacher le processus de négociation. C'est que la Loi sur l'organisation territoriale municipale prévoit la suspension du droit de grève pour toute la période entourant l'établissement de la première convention collective.
Qui fait quoi?
De la mise en place du comité de transition à l'entrée en fonction des diverses instances de la nouvelle ville, différentes étapes relatives aux relations du travail seront franchies. Pour chacune de ces étapes, le ministère des Affaires municipales et de la Métropole a prévu un partage de responsabilité bien précis. En voici l'essentiel.
Les comités de transition
Créés le 22 janvier dernier, les comités de transition sont rattachés à chacune des nouvelles villes de Montréal, Québec, Hull, Longueuil et Lévis. Composés d'au plus sept membres, nommés par la ministre des Affaires municipales et de la Métropole, leur rôle en matière de relations du travail en est un de préparation du terrain. Plus explicitement, ils doivent :
- s'entendre avec les associations syndicales relativement au découpage des unités d'accréditation syndicale; un exercice qui les amènera à répondre à des questions du genree : où commence et où se termine le statut de col bleu, col blanc, professionnel, cadre, etc.;
- s'entendre avec les associations syndicales sur l'intégration des employés dans la nouvelle ville et procéder à la dotation de personnel en fonction de la nouvelle organisation, etc.;
- proposer des modalités d'intégration des fonctionnaires et employés municipaux non syndiqués.
Les conseils de ville
Une fois les nouvelles villes officiellement mises sur pied au 1er janvier 2002, c'est au conseil de ville que reviendra au premier chef la responsabilité des relations avec les diverses unités syndicales présentes sur le terrain. À ce titre, ils devront :
- assumer l'embauche;
- négocier les conditions de travail et l'ensemble de la convention collective.
Les conseils d'arrondissement
Afin de rapprocher les citoyens des centres de décision, la Loi portant sur la réforme de l'organisation territoriale municipale des régions métropolitaines de Montréal, de Québec et de l'Outaouais prévoit la création d'arrondissements au sein de chaque nouvelle municipalité. La taille et le nombre d'arrondissements varieront d'une ville à l'autre, tout comme les responsabilités qui leur incomberont. Cela dit, en matière de relations du travail, il est entendu qu'ils seront généralement en charge de :
- la gestion quotidienne du travail;
- la négociation des points relatifs à l'aménagement du temps, comme les horaires de travail, les heures supplémentaires, les jours fériés, etc.
La situation ville par ville
Montréal
«Une île, une ville», voilà le rêve du défunt maire Jean Drapeau enfin devenu réalité. D'est en ouest, au 1er janvier 2002, c'est 28 municipalités qui ne formeront désormais plus qu'une seule entité en plein milieu du Saint-Laurent.
Sur le plan des relations du travail, de tous les processus de regroupement en cours, Montréal présente le dossier le plus imposant. C'est que, prise globalement, la fusion touchera un peu plus de 22 700 employés, dont une large part de cols bleus. Des ressources humaines réparties entre quelque 145 unités syndicales distinctes et représentant une masse salariale oscillant entre 3 à 4 milliards de dollars.
Un immense bateau avec le sous-ministre du Travail, Normand Gauthier, CRIA, à son gouvernail, à titre de responsable des relations du travail et membre du comité de transition.
D'ailleurs, parce que la taille du vaisseau est la plus imposante de toute, la mise en œuvre des opérations se fait aussi un peu plus lentement. Ainsi, alors que la majorité des autres comités de transition avaient déjà amorcé leurs négociations avec les unités d'accréditation syndicale au moment de mettre sous presse, le comité de Montréal, lui, commençait à peine ces travaux. «L'équipe chargée de répondre au mandat de ressources humaines est en place depuis quelques semaines. Nous avons entrepris une tournée auprès des responsables des relations du travail dans chacun des arrondissements mais, même si nous sommes sur le terrain depuis un certain temps déjà, les négociations pour le découpage des unités syndicales débutent à peine», explique Normand Gauthier.
Si la négociation en vue du découpage des unités syndicales en est encore à ses premiers balbutiements, le processus de dotation est par contre un peu plus avancé, soutient le responsable des relations du travail. Un exercice qui n'est cependant pas de tout repos. C'est que, explique-t-il, «plus on analyse la situation, plus on mesure à quel point il y a des différences d'une municipalité à l'autre et comment tout ça risque d'être très complexe».
Optimisme malgré tout, Normand Gauthier croit tout de même être en mesure d'avoir complété, au 15 juillet prochain, non seulement l'exercice de dotation, mais également le nouveau partage des unités syndicales. Le nombre total d'unités visées est de quinze pour l'ensemble de l'île. Une lutte qui promet puisque, selon le responsable des relations du travail, «les réactions des syndicats sont déjà extrêmement vives sur le terrain».
Québec
De Saint-Augustin-de-Desmaures à Beauport, puis des bordures du fleuve Saint-Laurent à Lac-Saint-Charles et Val-Bélair, la nouvelle ville de Québec étendra ses tentacules sur des milliers de kilomètres carrés. De quoi la consacrer hors de tout doute deuxième ville en importance au Québec.
Après Montréal, c'est aussi là que les plus grands enjeux sont les plus cruciaux en matière de relations du travail puisque, globalement, de 6 à 7 000 employés seront touchés par le regroupement. Des employés ayant divers statuts, mais dont la partie la plus importante est composée de cols bleus, policiers ou pompiers, selon le responsable des relations du travail pour le comité de transition de Québec et consultant en ressources humaines, Claude Pagé.
Pour faire face aux exigences du regroupement, quinze tables de négociation et sept groupes de négociations patronales-syndicales ont été instaurés. Des structures qui avaient déjà permis, au moment de l'entrevue, l'organisation d'un certain nombre de rencontres entre les parties. De l'avis de Claude Pagé, «les négociations devraient encore se faire assez légères en avril, puis plus intensives en mai de manière à arriver dans les délais prescrits de juin.» Tout comme à Montréal, le comité de transition espère réduire considérablement le nombre d'unités d'accréditation syndicale présentes sur le terrain, les faisant passer de soixante-huit à dix ou quinze au maximum.
Dans une perspective à plus long terme, le comité de transition espère que la dotation du personnel sera complètement terminée au 30 novembre prochain et que chaque travailleur, quel que soit son statut, aura été informé de son nouveau lieu d'affectation et des tâches qui y sont rattachées. Dans cette optique, des négociations ont déjà été entreprises avec les représentants des employés non syndiqués des villes, de manière à en arriver également à une entente avec eux le plus rapidement possible.
Si Claude Pagé se montre si enthousiaste face à l'aboutissement des négociations actuellement en cours, c'est que «les rencontres préliminaires avec les différentes centrales syndicales ont été très encourageantes et que tout laisse présager que le climat favorable est là pour rester».
Hull-Gatineau
Longeant la rivière des Outaouais, la nouvelle ville de Hull-Gatineau englobe les anciennes municipalités de Aylmer, Hull, Gatineau, Masson-Angers et Buckingham. Un cordon de 344 kilomètres carrés faisant face à la capitale nationale du Canada, à la limite extrême du Québec.
Cinq municipalités employant quelque 2 050 personnes et qui ne feront plus qu'un au 1er janvier 2002. Deux milliers d'emplois répartis entre une majorité de cols bleus et une poignée de cols blancs, de pompiers, de policiers et de cadres, estimés pour leur part à environ 300 personnes.
Quel que soit le nombre de personnes en cause, le responsable du dossier des relations du travail pour le comité de transition, Renaud Paquet, également professeur en relations industrielles à l'Université du Québec à Hull, est fier d'affirmer que son équipe de travail «est nettement en avance sur les autres au plan des négociations».
Et pour cause… Le 28 février dernier, alors que la majorité des comités de transition en étaient encore à former leurs groupes de travail, l'équipe de gestion des ressources humaines de Hull-Gatineau, elle, entamait les négociations avec la vingtaine d'unités d'accréditation présentes sur son territoire.
Basées sur une structure de négociation formée de cinq tables d'échange, les travaux vont effectivement bon train. En fait, explique Renaud Paquet, «si les choses continuent de bien aller, nous devrions avoir une entente sur la structure des unités syndicales au plus tard le 14 juin».
Quant à la dotation du personnel, le rythme soutenu auquel les travaux sont effectués devrait permettre d'en arriver à une entente ferme aux environs d'octobre prochain.
À condition bien sûr que les parties en arrivent bel et bien à une entente. C'est que, si les travaux sont amorcés depuis déjà un certain temps, l'écart considérable existant entre les différentes municipalités en ce qui a trait à l'organisation et aux conditions de travail pourraient bien forcer la ville à s'en remettre au Commissaire du travail pour trancher certaines questions. «Nous devrions normalement en arriver à une entente sur le cœur des éléments, mais il est fort possible que certaines choses clochent, comme la fusion des listes de rappel et les horaires de travail pour ne nommer que celles-là», précise Renaud Paquet à ce sujet.
Longueuil
Située, tout comme Québec, en bordure du fleuve Saint-Laurent, la nouvelle ville de Longueuil étendra son territoire jusqu'au pied du mont Saint-Bruno et englobera les municipalités de Saint-Bruno-de-Montarville, Saint-Hubert, Brossard puis, plus près de Montréal, Saint-Lambert, LeMoyne, Greenfield Park, Boucherville et l'ancien Longueuil.
Un territoire beaucoup plus vaste que celui de Hull-Gatineau, mais à peu près équivalent sur le plan des relations du travail, puisqu'un peu plus de 2 300 employés seront touchés par la réforme municipale. Un personnel se partageant presque également entre cols blancs, cols bleus et policiers, selon le responsable du sous-comite ressources humaines pour le comité de transition de la Rive-Sud de Montréal et ex-sous-ministre du Travail, Réal Mireault, CRIA.
Là, comme ailleurs, les activités de négociation se sont organisées autour de différents groupes de travail. L'un dont les travaux se limiteront au découpage des unités d'accréditation syndicale et l'autre qui se consacrera à la collecte de données sur le terrain en vue de procéder à la dotation, puis à l'intégration du personnel dans le cadre de la nouvelle ville.
Au total, 34 unités d'accréditation syndicale sont impliquées dans les négociations, un chiffre que le comité de transition aimerait bien voir fondre de moitié au terme des discussions.
Jusqu'à présent, l'introduction des structures mise à part, peu de choses ont cependant été faites, selon Réal Mireault. C'est que, «si les syndicats ont été rencontrés régulièrement, les vraies négociations devraient débuter en avril et prendre leur vitesse de croisière en mai, pour en arriver à une entente en juin tel que convenu», explique-t-il.
Parallèlement aux travaux menés auprès des employés syndiqués, le comité de transition a aussi établi un premier contact avec les employés non syndiqués du territoire. Les négociations devraient quant à elles suivre leur cours dès qu'un représentant aura été désigné par eux, selon le responsable des relations du travail.
Peu inquiet de l'issue des négociations parce qu'il considère le climat excellent, Réal Mireault confesse toutefois que «les réactions des syndicats sont imprévisibles». Heureusement, précise-t-il, «la Loi donne un cadre assez bien défini».
Des enjeux majeurs
Qu'ils soient plutôt optimistes ou, au contraire, teintés d'inquiétude en fonction de la situation particulière régnant chez eux, les propos des membres des comités de transition mettent tous, sans exception, un certain nombre d'enjeux en lumière.
Pour Normand Gauthier, responsable des relations du travail au comité de transition de Montréal, le premier de ces enjeux est sans contredit l'harmonisation des conventions collectives à coût nul. «Arriver à remplir à la fois notre mandat d'harmonisation des conventions collectives et d'intégration des employés, tout en veillant à ce que la facture finale ne soit pas plus grosse est un gros, gros défi. Il est encore trop tôt pour savoir quel scénario le futur conseil de ville adoptera pour y parvenir, mais chose certaine, ce ne sera pas du tout facile. Ni pour eux qui auront à le vivre concrètement, ni pour nous qui préparons le terrain.»
Une vision des choses que Claude Pagé du comité de transition de Québec partage entièrement. C'est que, explique-t-il, «sur le plan financier, la seule manière d'y arriver est, au premier coup d'œil, d'harmoniser les conventions collectives à la moyenne. C'est financièrement viable, mais sur le plan des relations du travail, ça ne passera jamais. Personne n'est prêt à faire des concessions sur le bénéfice qu'il a déjà. Ce sera une tâche odieuse.»
À chacun sa définition
De l'avis de Renaud Paquet, membre du comité de transition Hull-Gatineau, la tâche sera d'autant plus ardue que les écarts entre les anciennes villes sont parfois énormes, notamment en ce qui concerne les conditions et les classes d'emploi. «Que ce soit au niveau des grilles salariales ou des plans de classification, il existe des fossés énormes entre certaines villes. Des fossés qui ne faciliteront, ni l'harmonisation des conventions collectives, ni le découpage des unités syndicales», souligne-t-il.
Jonglant avec les principes de professionnels syndicables, mais non syndiqués, de professionnels considérés comme cadres ou encore de cols blancs pouvant aussi être considérés comme professionnels, Me Alain Bond, du cabinet d'avocats Pouliot Mercure, avoue que les discussions autour des unités syndicales peut rapidement prendre des allures de méli-mélo sans fin. D'autant plus, précise-t-il, que «la réaction syndicale reste imprévisible».
Imprévisible et discrète, puisque jusqu'à présent, aucun des représentants des syndicats impliqués dans le dossier, que ce soit la Fédération des travailleurs du Québec (FTQ), la Confédération des syndicats nationaux (CSN) ou le Syndicat canadien de la fonction publique (SCFP) n'a accepté de faire connaître sa position.
Le calme avant la tempête? Pour Claude Pagé, il est clair que les syndicats vont d'abord et avant tout livrer une guerre de tranchées sans fin pour avoir la mainmise sur la majorité des unités d'accréditation syndicale. Une guerre vaine, selon Michel Grant, professeur en droit du travail à l'Université du Québec à Montréal, puisque, selon lui, ce sont «les syndicats les plus imposants, soit la SCFP et la FTQ, à Montréal tout le moins, qui vont récolter le gros lot».
La situation particulière des cadres
Au-delà des luttes syndicales proprement dites, les regroupements de municipalités risquent aussi de poser un autre problème de taille, selon Réal Mireault du comité de transition de Longueuil, soit celui de l'intégration des cadres.
Une opinion que défend également Renaud Paquet. «De par leur fonction, les cols bleus ne ressentiront pas énormément les effets de la fusion dans leur travail de tous les jours. On a beau être fusionné, le territoire à entretenir, lui, reste le même. Peu importe la taille de la ville, on aura toujours besoin de quelqu'un pour s'occuper de telle piscine ou de tel parc. Pour les cadres, c'est une toute autre chose. Ils occupaient des fonctions qui disparaîtront dans plusieurs cas, parce qu'une seule personne suffira pour remplir la tâche. Dans un tel contexte, parvenir à les intégrer dans la nouvelle structure sera beaucoup plus complexe. Ils verront, non seulement leur travail changer, mais seront aussi peut-être, plus que d'autres, appelés à sortir du territoire où ils travaillaient auparavant.»
Également préoccupé par la question, Normand Gauthier affirme pour sa part que, «la situation particulière des cadres nécessitera effectivement un certain doigté».
Une intégration sans heurts
Un doigté que Claude Pagé refuse de voir se limiter à la situation particulière des cadres. C'est qu'à son avis, l'un des enjeux les plus importants des fusions sera de parvenir à faire vivre en douceur les changements aux gens. «Nous ne sommes pas engagés dans des négociations devant mener à un renouvellement de convention collective traditionnelle. Avec ce que nous discutons en ce moment, c'est tout l'univers des travailleurs qui sera transformé. Pour réussir leur intégration dans ce nouvel environnement, il faudra miser sur une bonne dose de respect et d'écoute.»
Question d'adoucir le choc, plusieurs comités de transition, dont ceux de Hull-Gatineau et de Montréal, ont décidé de faire du maintien dans l'arrondissement d'origine la trame de fond de tout l'exercice de réaffectation des employés.
La diffusion d'information par divers moyens de communication est aussi au cœur des actions des comités de transition. Des envois postaux au site Internet en passant par l'affichage traditionnel sur les babillards d'équipe, des efforts particuliers sont faits pour tenir les travailleurs au courant de l'évolution des travaux. «Une politique essentielle au maintien de la motivation des travailleurs», selon Claude Pagé, qui confesse par ailleurs avoir déjà mesuré les effets positifs de l'exercice dans le cadre des fusions des commissions scolaires à la fin des années 1990.
Fort de son expérience passée, il a d'ailleurs mis sur pied au comité de transition de Québec un groupe de travail sur le changement, question, insiste-t-il, de faire les choses comme il le faut.
Dans un an… les économies ?
Quels que soient les défis que devront relever les comités de transition puis les élus, dans un an, l'ensemble des nouvelles villes devraient normalement en être rendues au même endroit.
En fait, en mai 2002, conformément à ce que prescrit la Loi, elles devraient toutes, sans exception, être sur le point d'amorcer les négociations entourant leur première convention collective.
Un véritable tour de force qui pourrait bien d'ailleurs ne pas engendrer les économies escomptées, selon Renaud Paquet. «Comme la Loi ne permet aucune réduction d'effectif, il est peu probable que la signature de la nouvelle convention entraîne des économies. En fait, les villes qui réussiront à satisfaire l'exigence de l'harmonisation des conventions collectives à coût nul auront déjà relevé tout un défi.»
Phase 1 Processus de détermination des unités d'accréditation et des agents négociateurs : les scénarios prévus | |
Étape | Échéancier |
Scénario 1 | |
1. Mise en place du comité de transition. | Janvier 2001 |
2. Négociations et entente entre le comité de transition et les associations accréditées sur le découpage des nouvelles unités d'accréditation. | Du 1er mai au 14 juin 2001 |
3. Négociations et entente entre les associations accréditées sur l'agent négociateur de la nouvelle unité d'accréditation. | Du 1er mai au 14 juin 2001 |
4. Le Commissaire du travail prend acte de l'entente. | Au plus tard le 27 octobre 2001 |
5. Entrée en vigueur des regroupements dans les grands centres. Les nouvelles unités deviennent effectives. | Le 1er janvier 2002 |
Scénario 2 | |
1. Mise en place du comité de transition. | Janvier 2001 |
2. Échec des négociations entre le comité de transition et les associations accréditées sur le découpage des nouvelles unités d'accréditation. | Du 1er mai au 14 juin 2001 |
3. Dépôt d'une requête par le comité de transition pour faire décrire les unités d'accréditation. | Du 15 juin au 14 juillet 2001 |
4. Échec des négociations entre les associations accréditées sur l'agent négociateur de la nouvelle unité d'accréditation. | Du 1er mai au 14 juin 2001 |
5. Dépôt d'une requête en accréditation au Commissaire général du travail par une association. | Du 15 juin au 14 juillet 2001 |
6. Le Commissaire du travail rend une décision sur la requête selon les critères habituels. | Au plus tard le 27 octobre 2001 |
7. Entrée en vigueur des regroupements dans les grands centres. Les nouvelles unités deviennent effectives. | Le 1er janvier 2002 |
Source : Ministère du Travail |
Phase 2 Processus de négociation de l'intégration des salariés : les scénarios prévus | |
Étape | Échéancier |
Scénario 1 | |
1. Mise en place du comité de transition. | Janvier 2002 |
2. Négociations et entente entre le comité de transition et les associations de salariés sur les modalités relatives à l'intégration. | Du 1er mai au 14 juin 2001 |
3. Entrée en vigueur de la nouvelle ville. | Le 1er janvier 2002 |
Scénario 2 | |
1. Mise en place du comité de transition. | Janvier 2001 |
2. Échec des négociations entre le comité de transition et les associations de salariés sur les modalités relatives à l'intégration. | Du 1er mai au 14 juin 2001 |
3. Intervention d'un médiateur-arbitre. | Jusqu'au 14 septembre 2001 |
4. Si aucune entente n'intervient, le médiateur-arbitre détermine lui-même les conditions d'intégration de même que les droits et recours des salariés. | 15 septembre 2001 |
5. Entrée en vigueur de la nouvelle ville. | Le 1er janvier 2002 |
Source : Ministère du Travail |
Phase 3 Processus de détermination de la première convention collective : les scénarios prévus | |
Étape | Échéancier |
Scénario 1 | |
1. Expiration de la convention collective. | 30 avril 2002 |
2. Lancement de l'avis de négociation. | À partir du 1er mai 2002 |
3. Négociation. | Non déterminé |
4. Adoption de la nouvelle convention. | Non déterminé |
Scénario 2 | |
1. Expiration de la convention collective. | 30 avril 2002 |
2. Lancement de l'avis de négociation. | À partir du 1er mai 2002 |
3. Négociation. | Non déterminé |
4. Intervention d'un conciliateur. | Non déterminé |
5. Adoption de la nouvelle convention. | Non déterminé |
Scénario 3 | |
1. Expiration de la convention collective. | 30 avril 2002 |
2. Lancement de l'avis de négociation. | À partir du 1er mai 2002 |
3. Négociation. | Non déterminé |
4. Conciliation infructueuse. | Non déterminé |
5. Intervention d'un médiateur. | Non déterminé |
6. Adoption de la convention collective. | Non déterminé |
Scénario 4 | |
1. Expiration de la convention collective. | 30 avril 2002 |
2. Lancement de l'avis de négociation. | À partir du 1er mai 2002 |
3. Négociation. | Non déterminé |
4. Conciliation infructueuse. | Non déterminé |
5. Intervention d'un médiateur. | Non déterminé |
6. Rapport du médiateur. | Non déterminé |
7. Adoption de la convention collective. | Non déterminé |
Scénario 5 | |
1. Expiration de la convention collective. | 30 avril 2002 |
2. Lancement de l'avis de négociation. | À partir du 1er mai 2002 |
3. Négociation. | Non déterminé |
4. Conciliation infructueuse. | Non déterminé |
5. Intervention infructueuse d'un médiateur. | Non déterminé |
6. Arbitrage. | Non déterminé |
7. Adoption de la convention collective. | Non déterminé |
Source : Ministère du Travail |
Guylaine Boucher, est journaliste indépendante.
Source : Effectif, volume 4, numéro 2, avril / mai 2001