Depuis 5 ans maintenant qu'on prédit un avenir prometteur au multimédia en formation, force est de constater que très peu d'entreprises ont investi à ce jour dans ce média. Et que dire de l'intranet? Cet article décrit les contraintes rencontrées pour implanter cette approche de diffusion, le succès des entreprises qui ont contourné ces obstacles et se veut aussi une réflexion sur l'arrivée de l'intranet comme nouveau véhicule.
Qu'est-ce qui empêche aujourd'hui l'éclosion de cette technologie dans les grandes entreprises?
Il y a deux raisons majeures: l'absence de spécialistes en pédagogie dans ces projets et les contraintes technologiques de l'entreprise. Premièrement, au point de vue de la pédagogie, l'architecture du programme de formation multimédia doit être réalisée par un expert en ingénierie de la formation. Ce spécialiste devrait avoir des compétences en analyse de besoins et en analyse de tâches. À la suite de ces analyses, il pourra distinguer le contenu qui doit être diffusé en formation multimédia de celui auquel, pour des tâches non fréquentes, on pourra accéder de façon «juste à temps» au moyen d'aides à la tâche sur intranet par exemple. Enfin, il détermine les stratégies pédagogiques appropriées au type de contenu déterminé (concepts, processus, procédures et principes), conçoit les exercices et rédige le scénario d'apprentissage (comme dans l'industrie du cinéma) avec un expert en communications.
Plusieurs entreprises dites multimédias sont en réalité axées uniquement sur la technologie. Trop souvent, on n'y retrouve aucun spécialiste en pédagogie. Ainsi, quelques projets de formation multimédia ont échoué dans certaines grandes entreprises, ce qui n'a pas aidé l'avènement de cette technologie. Par exemple, certains logiciels de formation multimédia proposent des stimulants visuels très intéressants, mais il y a très peu d'exercices. Un logiciel de formation de qualité devrait en fait contenir un minimum de 60 % d'exercices guidés et d'exercices libres pour que l'employé puisse démontrer les habiletés qu'il a acquises.
Deuxièmement, pour ce qui est des contraintes technologiques, la raison est fort simple : malgré la puissance relative des micro-ordinateurs installés dans les entreprises aujourd'hui, aucun périphérique multimédia (lecteur CD-ROM, carte de son) n'est installé sur ces postes. Pour l'entreprise, ce n'est pas seulement une question de coûts, mais également de complexité pour configurer et entretenir ce genre d'équipement. Pourquoi alors ne pas utiliser la diffusion par réseau client-serveur? (C'est l'autoroute électronique qui relie tous les postes de travail des employés à un micro-ordinateur plus puissant (le serveur) qui contient les données de l'entreprise.) Pour répondre à cette question, il faut considérer la quantité d'informations numériques qui est véhiculée dans le réseau d'une entreprise. Prenons le cas d'une institution bancaire. Les données qui circulent dans le réseau correspondent à des fichiers de quelques dizaines de kilo-octets. Durant les heures d'ouverture d'une banque, la quantité d'informations qui circulent dans le réseau peut devenir très élevée (il y a aussi risque de congestion sur l'autoroute électronique). Un fichier multimédia avec vidéo contient un volume d'informations 1000 fois plus important. C'est un véritable éléphant numérique. Il est alors très risqué d'introduire un tel fichier dans le réseau sans compromettre les transactions qui sont très critiques pour les objectifs d'affaires de l'entreprise.
Comment contourner ces obstacles? Le succès d'un cas vécu.Qui dit multimédia s'attend à un environnement de textes, d'images, de graphiques, d'animation, du son et de vidéo. Pourtant, il est possible de créer un environnement de formation multimédia très riche en utilisant une interface interactive, un choix approprié de textes, d'images et de graphiques sans compromettre la qualité pédagogique. Ainsi, pour l'apprentissage de logiciels, la valeur ajoutée de l'utilisation de la vidéo est pratiquement nulle. L'utilisation de simulations complexes pour la démonstration de cas et la présentation d'exercices est de loin la plus rentable pour l'entreprise. Plusieurs recherches ont démontré que le média utilisé (vidéo, ordinateur, enseignement en classe) a un impact négligeable pour juger de la qualité d'un programme de formation. Comme il est mentionné plus haut, c'est la stratégie pédagogique appropriée au type de contenu qui est déterminante.
La Banque Laurentienne a ainsi contourné tous les obstacles précédents pour implanter une solution de formation riche en interactivité et simulations. L'utilisation d'une métaphore, le dessin animé avec personnage et bulles de texte, a effectivement bien remplacé, et de façon attrayante, la vidéo. Ce projet avait pour but de former près de 2 000 conseillers financiers dans 150 succursales à l'utilisation d'un système informatique de planification financière. Le projet, qui fut un grand succès, a permis de réduire le temps de formation de 5 jours à 15 heures, tout en éliminant les frais de déplacement et d'hébergement. L'entreprise a évalué à 1,8 million les économies de coûts par rapport à la formation traditionnelle. Enfin, un système de gestion automatisé de l'apprentissage sur le réseau client-serveur permet aux employés de s'inscrire, d'accéder en mode «juste à temps» à leur programme de formation, de s'autoévaluer et même d'imprimer le certificat de réussite de l'apprentissage.
De plus, l'entreprise peut colliger le nombre de jours-personnes de formation pour se conformer à la loi 90. Une analyse exhaustive de ce système de formation a révélé que d'apprendre à son rythme était la principale raison qui motivait les employés à utiliser ce média.
Qu'en est-il de l'intranet?De plus en plus d'entreprises implantent un intranet pour favoriser les communications internes. Malgré que l'intranet suscite plus d'espoir pour du multimédia, les entreprises rencontrent les mêmes contraintes que celles d'un réseau client-serveur. On parle de «largeur de bande», c'est-à-dire la limite de débit de l'information qui circule dans ce réseau. Et les gestionnaires évitent systématiquement d'installer des ajouts multimédias (plug-ins) au fureteur utilisé (Netscape ou Explorer) pour éviter de congestionner l'autoroute.
L'intranet se révèle un média d'avenir pour la formation «juste à temps», le soutien électronique à la tâche et la possibilité de centraliser la gestion de l'apprentissage pour l'entreprise. L'utilisation du langage HTML dynamique (DHTML) et les capacités accrues du langage JAVA permettent de créer un environnement hautement interactif et riche au niveau visuel. De nos jours, les grandes entreprises d'intégration en informatique, telles que DMR, Andersen et Oracle, utilisent ce média pour la formation de leurs consultants où qu'ils soient sur la planète. Un prochain article traitera plus en détail de ce sujet.
Louis Rodrigue est président du conseil,chez Groupe Mentor
Source : Effectif, volume 1, numéro 2, avril / mai 1998