Vous lisez : De la paie à la rémunération : 100 ans de changements

Quelles étaient les questions de rémunération les plus débattues au cours du XX

e siècle et comment ont-elles changé durant cette période? Peut-on tirer des leçons de l'histoire? Avec l'arrivée du nouveau millénaire, un examen des systèmes de rémunération en place au cours des cent dernières années s'avère particulièrement pertinent.

Alors que les «nouveaux systèmes de rémunération» des années 1990 mettent l'accent sur l'esprit d'équipe et le partage du succès, ce concept était utilisé par General Motors (GM) il y a déjà 40 ans. Le New York Times rapportait que le programme de primes de GM encourageait le travail en équipe et que les primes axées sur le rendement devenaient de plus en plus répandues dans les organisations, une tendance qui vraisemblablement durerait jusqu'au siècle prochain. Le marché baissier de 1975 a fait dire à un expert-conseil que les «options sur action n'ont plus de raison d'être». 

En examinant les livres sur la rémunération publiés au cours des cent dernières années, les similarités, de même que les différences, indiquées à la figure 1 sont évidentes. Les méthodes pour établir le salaire de base, pour concevoir et administrer les mesures incitatives et les récompenses, et pour établir les objectifs ont alterné au cours du XXe siècle. Certaines approches disparaissent. Certaines autres s'ajoutent telle la rémunération pour les groupes spéciaux (le personnel des ventes, les employés de soutien administratif, les cadres) qui apparaît dans les années 1920. 

Pour se faire une idée des changements survenus au cours du XXe siècle et en tirer les leçons appropriées, nous avons choisi quatre sujets: 

  • une «entente» en perpétuel changement;
  • la rémunération au rendement;
  • les avantages sociaux et services;
  • les précurseurs. 

Il est évident que cet exercice peut s'avérer une espèce de test de Rorschach : ce que «voit» l'un n'est pas nécessairement ce que «voit» l'autre. Il est à espérer cependant que les autres seront assez curieux pour faire leur propre examen historique.

Une entente en perpétuel changement

Une nouvelle relation d'emploi émergeant dans les années 1980 et 1990, le «New Deal» («la nouvelle entente») est caractérisée par certains changements : de la sécurité à long terme avec un seul employeur à une «employabilité» chez plusieurs; d'employés permanents à un groupe cadre d'employés auxquels s'ajoutent des contractuels; du salaire basé sur le mérite ou l'ancienneté à une plus grande importance accordée au rendement; d'un ensemble unique d'avantages sociaux à des régimes adaptés aux besoins des employés. 

La nouvelle entente est née de la nouvelle économie, accompagnée des pressions concurrentielles globales qui récompensent la flexibilité, les alliances stratégiques, les fusions, la restructuration, les améliorations de productivité dues à la technologie et la demande accrue d'employés prêts à apprendre et à s'adapter. Mais cette situation est-elle si nouvelle? La figure 2 décrit les relations employés-employeurs prédominant à chaque quart du XXe siècle. On retrouve de nos jours certains éléments de la première partie du XXe siècle. 

1900-1925 : mesures incitatives, contrats, peu de mesures de protection, contremaîtres responsables

L'économie du début du XXe siècle était remarquablement volatile : d'énormes écarts du cycle économique, une marée d'émigrés, le déclin des salaires réels et un taux de roulement élevé (300 % pour certains emplois peu spécialisés). L'expression «emploi à volonté» était sans détour, sauf qu'il s'agissait de la volonté du propriétaire. Les entreprises exploitées par leur propriétaire employaient une plus grande partie de la main-d'ouvre qu'aujourd'hui. Les contremaîtres étaient responsables de l'embauche, du congédiement et de l'établissement du salaire, de même que de la productivité et des coûts de la main-d'ouvre. Malheureusement, ils faisaient trop souvent preuve de favoritisme dans l'accomplissement de ces responsabilités; les pots-de-vin de la part de ceux qui voulaient un emploi ou une promotion n'étaient pas rares. 

Non seulement trouver et conserver un emploi était difficile, mais le montant du salaire net variait parce qu'il était fréquemment basé sur un taux à la pièce. Dans certains cas, même le salaire de base n'était pas garanti. Il existait un risque réel pour les employés. 

Bien peu d'autre chose était offert à part le salaire en argent comptant. Seules quelques compagnies offraient un régime de pension, une participation aux profits et des salaires garantis pour les travailleurs spécialisés. Il n'y avait pour ainsi dire pas de réglementation gouvernementale et, par conséquent, peu de mesures de protection comme l'assurance-santé, l'assurance-chômage, la rémunération pour les heures supplémentaires, la sécurité sociale, etc. La sécurité économique était étroitement reliée à l'incertitude du marché et au rendement de l'industrie. Dans le jargon des ressources humaines des années 1990, un cynique pourrait dire que les employés étaient «propriétaires» de leur carrière (il ne dépendait que d'eux pour demeurer en état de travailler, gérer les risques d'un salaire basé sur le rendement et faire face à des superviseurs possédant l'autorité de prendre des décisions unilatérales).

1925-1950 : réglementation bureaucratique

Une importante dépression économique ainsi que la Deuxième Guerre mondiale ont été les agents de changement du deuxième quart du XXe siècle. Cette période tumultueuse a également été témoin de malaises ouvriers, de campagnes de syndicalisation et de longues grèves. Le chômage a atteint plus de 30 % en 1939; les listes de paie des compagnies ont baissé de 60 à 80%. 

Répondant à une perspective très réelle de bouleversements sociaux, le gouvernement [américain] est intervenu avec toute une gamme de lois à caractère social et de programmes de travaux publics. Les syndicats ont gagné en force et ont participé plus intensément aux prises de décisions sur la rémunération. Dans le cadre du New Deal de Roosevelt, des lois ont été passées pour réglementer la rémunération. Les augmentations de salaire contrôlées ont encouragé l'adoption des avantages dits «sociaux» et élargi l'utilisation de l'évaluation du rendement pour rationaliser les décisions concernant la paie et les promotions. Des procédures normalisées, la régulation gouvernementale et la négociation avec les syndicats ont pris la place du contrôle des contremaîtres pour les décisions concernant la rémunération. 

Vers la fin des années 1940, la rémunération était passée d'un système de contrat individuel, axé sur les mesures incitatives offertes par le marché, en cours au début du siècle, à un système enlisé par la régulation bureaucratique. Les soins médicaux, les pensions, les congés et une plus grande sécurité d'emploi sont devenus partie intégrante des systèmes de primes et de rémunération totale. 

L'utilisation des mesures basées sur le rendement a également diminué durant cette période, bien qu'elles ne soient jamais vraiment disparues. Le marché du travail interne signifiait, du moins pour les employés dans les grandes sociétés, qu'ils avaient un emploi pour la vie en autant que leur rendement était satisfaisant. Comparativement au climat incertain du début du siècle, les augmentations de salaire sont devenues plus prévisibles puisqu'elles étaient étroitement reliées à l'indice des prix à la consommation et qu'elles étaient négociées entre les grands syndicats et les grandes sociétés.

1950-1975 : prévisibilité, équité interne et réglementation continue

Les guerres de Corée et du Vietnam, les cycles économiques et les lois à caractère social ont été d'importantes influences sur les systèmes de rémunération au cours de la période de 1950 à 1975. Le contrôle des salaires et des prix (ou les «lignes directrices») régissait la prise de décisions en matière de rémunération. Les décisions sur la rémunération sont devenues de plus en plus systématiques et prévisibles. Les grilles d'augmentation selon le mérite, les augmentations en fonction de l'ancienneté, les dispositions sur l'indemnité de vie chère, le cheminement de carrière et l'équité interne ont fait augmenter l'utilisation des analyses d'emploi et des évaluations de rendement. L'utilisation des régimes individuels de mesures incitatives a diminué et les avantages sociaux sont passé de 12 % de la rémunération totale en 1950 à 28 % en 1975. Le futur semblait confortablement prévisible. 

De 1975 à nos jours

Le début et la fin du XXe siècle ont beaucoup en commun: 

  • salaire individualisé variable basé sur le rendement;
  • concurrence intense pour les travailleurs spécialisés mobiles;
  • une plus grande emphase sur le marché externe;
  • arrivée importante d'émigrés.

Pourtant, ces similarités ne sont que superficielles. La concurrence dans les années 1990 est à la fois globale et régionale. Les décisions concernant la rémunération et la relation employés-employeur sont plus réglementées. Les lois sur l'emploi, sur les impôts et sur le bien-être social, les taux d'intérêt et les taux de change internationaux jouent maintenant un rôle dans l'administration de la rémunération. 

La rémunération demeure une part critique de la relation employés-employeur, mais la prise de décision concernant la rémunération est beaucoup plus stratégique maintenant qu'au début du XXe siècle. À la place d'un contremaître gérant un éventail confus de taux salariaux, les décisions de rémunération actuelles ont été conçues pour s'aligner à la stratégie de l'entreprise et offrent un message aux employés de valeur. Cependant, la rémunération stratégique peut contenir plus d'articles que ses adeptes le désirent. 

Il est vrai qu'il peut être dangereux d'apposer une étiquette à une période donnée. Au cours de la première partie du XXe siècle, un petit nombre de compagnies comme P&G, National Cash Register et Ford ne suivaient pas l'approche du contremaître en charge, du salaire à la pièce. Plutôt, elles avaient adopté des systèmes de rémunération ressemblant beaucoup à ceux d'aujourd'hui. Bien qu'à un certain niveau, les systèmes de rémunération d'une certaine période peuvent faire l'objet d'une certaine généralisation, un examen plus attentif révèle des différences importantes dans les systèmes de rémunération adaptés à une période et à un contexte spécifiques.

Rémunération au rendement

La deuxième question qui ressort d'un examen des cent dernières années est la rémunération au rendement. Bien que de payer les employés en fonction de leur rendement ait été un point saillant dans les livres, les journaux et les magazines durant tout le XXe siècle, les détails ont varié. Les salaires à la pièce individuels utilisés au début du siècle ont été remplacé au milieu du siècle par des régimes communs à un groupe ou à la compagnie ainsi que par la rémunération au mérite. 

À la fin du XXe siècle, les systèmes de rémunération basés sur le rendement sont divers et complexes, et ils dépendent des circonstances stratégiques de chaque organisation. Il aurait été extraordinaire pour un travailleur en 1900 ou même en 1950 d'avoir une rémunération globale incluant des primes basées sur la contribution individuelle, des primes de participation aux profits et des options sur action, plus le choix parmi des avantages sociaux et des services. Une telle rémunération est de plus en plus fréquente aujourd'hui. Dans les années 1990, le Conference Board, Towers Perrin et autres ont indiqué qu'environ 35 % des compagnies membres utilisaient des mesures incitatives individuelles (c.-à-d. des primes au rendement plutôt que des taux à la pièce), 15 % utilisaient des régimes de pension avec participation aux bénéfices, 35 % des primes de rendement corporatives et 25 % des primes ponctuelles. La nécessité d'une constante amélioration de la productivité, de demeurer compétitif, d'améliorer la satisfaction de la clientèle et de contrôler les coûts de la main-d'ouvre ont été les raisons données pour utiliser la rémunération basée sur le rendement. 

Malheureusement, les données historiques recueillies assez systématiquement pour permettre des comparaisons des différents types de régimes de rémunération et déterminer la proportion d'employés visés sont presque inexistantes. Cependant, les historiques de compagnies individuelles comme Lincoln Electric, Ford et autres donnent certains aperçus. 

Au tournant du siècle, la gestion scientifique avait transformé les régimes de mesures incitatives. Les normes et les taux en vigueur en ce temps-là n'étaient pas uniformes et sujets à la manipulation tant des contremaîtres que des employés. Frederick Taylor a mis en place des taux à la pièce différentiels en divisant le travail en tâches définies et en définissant des temps minimums pour les accomplir. En prouvant son argument pour les taux à la pièce, M. Taylor a affirmé que la participation aux bénéfices et les programmes de rendement du groupe étaient des concepts «trop abstraits pour les employés». 

Les régimes de pension avec participation aux bénéfices ont gagné du terrain dans les années 1930 et 1940. Leur défenseur le plus réputé, Joseph Scanlon, a mis un tel régime au point alors qu'il travaillait pour le Syndicat des métallurgistes unis d'Amérique. Cinq métallurgistes et trois représentants de la direction ont travaillé sur les détails du régime originel, qui continue de souligner la coopération des employés et de l'employeur pour résoudre les problèmes de production et améliorer la productivité. Ces régimes se sont répandus chez les autres producteurs, remplaçant les salaires à la pièce individualisés, qui étaient de plus en plus décrits dans les médias comme une méthode injuste pour accélérer la production. En 1953, 50 % des travailleurs américains étaient payés en vertu d'un quelconque système de primes collectives. 

Au cours des années 1960 et 1970, l'utilisation de toutes les formes de régimes de rémunération au rendement a été remplacée par une plus grande insistance sur l'ancienneté et les ajustements à l'indice du coût de la vie. Habituellement, seulement quelques cadres supérieurs bénéficiaient d'une rémunération reliée à l'amélioration de la productivité et au rendement de l'entreprise. 

Bien qu'il n'existe aucune étude systématique des facteurs contribuant à l'augmentation et à la diminution de la rémunération au rendement, il semble que l'incertitude inhérente à un salaire variable, combinée à des cycles économiques volatiles, à l'inflation et à une mauvaise administration des mesures du rendement aient contribué à son déclin. La réticence face à l'utilisation de primes se retrouve tout au cours du XXe siècle. Le livre de Belcher publié en 1955 indiquait que les employés croyaient que les mesures incitatives causaient des accélérations indues de la production, utilisaient des mesures de rendement douteuses, causaient la réduction des taux de salaire, accéléraient la disparition des emplois et encourageaient le manque de confiance et de coopération. 

Les réponses à de telles critiques continuent de prendre la forme de listes de principes qui, s'ils sont correctement appliqués, assurent l'efficacité des systèmes de rémunération au rendement. Il est troublant de comparer les «principes fondamentaux pour des systèmes efficaces de rémunération au rendement» [traduction] rédigés en 1923 et ceux offerts 75 ans plus tard. Comme le montre la figure 3, les mots peuvent différer, mais le sens demeure le même. 

Au cours des années 1980 et 1990, les systèmes de travail à haut rendement contemporains incluaient une variété d'approches qui essayaient de promouvoir une culture d'entreprise encourageant un rendement élevé et un dévouement élevé. La notion d'inclure la rémunération basée sur le rendement dans la culture de l'entreprise n'est pas unique. Le concept de la gestion scientifique du tournant du siècle traitait le salaire à la pièce comme une partie de la culture de l'entreprise, le régime de participation aux bénéfices de Scanlon faisait partie d'une entente entre les employés et l'employeur, et les programmes des options sur action faisait partie d'une culture d'appartenance. De nos jours, la notion persiste encore que les régimes de pension par participations aux bénéfices, les options sur action, les équipes et la coopération sont d'une certaine façon des approches «non traditionnelles».

Les avantages sociaux offerts aux employés

La plupart des avantages sociaux les plus fréquents aujourd'hui - les congés payés, l'assurance-santé, les régimes de pension - ont d'abord été introduits par un petit nombre de compagnies au tournant du siècle. Les pensions, les régimes de revenu garanti, les régimes d'assurance-vie et d'épargne ont tous été introduits à divers degrés au début du siècle. Les statistiques de 1929 montrent que seulement 5 % des grandes compagnies offraient la participation aux bénéfices, 15 % avaient des régimes d'assurance-santé ou assurance-accident et 2 % avaient des régimes de pension de groupe. La plupart de ces programmes demandaient l'emploi continu pour une certaine période de temps (de 5 à 10 ans) avant la participation des employés. Bien que commercialisées comme un moyen de réduire le taux de roulement, les règles concernant l'admissibilité excluaient les employés jeunes ou non spécialisés ayant le plus haut taux de roulement. Néanmoins, certains chefs de compagnie croyaient que ces programmes de «bien-être» réduiraient les problèmes de main-d'ouvre. 

Durant la Dépression, plusieurs des programmes existants ont été annulés ou ont fait banqueroute. Au même moment, des lois à caractère économique et social qui avaient été passées pour réduire les problèmes causés par la Dépression ont encouragé d'autres compagnies à offrir ou à reprendre de tels avantages sociaux. 

Une cause principale de l'intérêt accru pour les avantages sociaux a été la hausse importante de l'activité syndicale et du nombre de leurs membres. Si les syndiqués représentaient 11,6 % de la main-d'ouvre en 1930, ce nombre a rapidement augmenté dans les années 1930 et 1940 pour atteindre plus de 35 %. Les syndicats ont demandé des régimes de salaire garanti et l'utilisation de l'ancienneté pour déterminer les salaires, les promotions et les congédiements. Les syndicats ont également aidé à convaincre le War Labour Board de permettre des augmentations de la rémunération «indirecte», appelées «avantages sociaux», alors que les salaires étaient gelés Le nombre de sociétés offrant ces avantages a doublé de 1940 à 1946. 

Par conséquent, les avantages qui sont apparus au début du siècle à titre de stratégies de rémunération uniques, offerts par un petit nombre de «capitalistes» sociaux afin d'assurer la stabilité de la main-d'ouvre face aux pressions causées par l'instabilité économique, les malaises sociaux et la guerre, sont devenus des bénéfices «d'appoint». À un certain point au milieu des années 1980, faisant face à des coûts sans cesse croissants (15 à 20 % annuellement), le terme «d'appoint» a été éliminé. On considère maintenant que les avantages sociaux font partie de la rémunération globale. Cependant, la plupart des organisations continuent à les administrer séparément des autres formes de rémunération. 

«Précurseurs» versus «le restant du troupeau»

Comme le mouton à la tête du troupeau, certaines compagnies semblent anticiper ou même créer le changement, prendre des risques et avancer. D'autres suivent rapidement. Par exemple, le col. Procter était un précurseur lorsqu'il a inclus la participation aux bénéfices, le travail garanti, les pensions, les congés d'invalidité et de santé ainsi que les congés payés dans la rémunération offerte par P&G. En 1920, plus de 40 sociétés d'avant-garde avaient adopté des systèmes similaires. Henry Ford était un précurseur en 1913 lorsqu'il a augmenté le salaire journalier pour les employés de production de 2,34 $ à 5,00 $ et réduit la journée de travail de neuf à huit heures. Bill Gates était un précurseur en 1980 alors que Microsoft a mis l'accent sur les options sur action pour tous les employés, dont la valeur excède de beaucoup aujourd'hui la valeur collective du salaire de base, les primes et les bénéfices. 

Comment peut-on expliquer pourquoi certaines organisations sont des précurseurs alors que d'autres se contentent de suivre et que d'autres restent en place? La brève image nationale que nous avons pu discerner suggère que les facteurs externes créent des pressions pour le changement : le manque ou le surplus d'employés de valeur, les malaises sociaux, les préoccupations de justice et d'équité, les innovations technologiques, la pression provenant de la concurrence globale, les modifications apportées aux lois concernant l'emploi et l'impôt. 

Pourquoi certaines organisations sont-elles les premières à innover? Déterminer les catalyseurs du changement et les caractéristiques de ceux qui innovent n'est pas facile. Il est clair qu'être un précurseur n'est pas sans risques. L'avantage concurrentiel dans les stratégies de ressources humaines peut être obtenu grâce à des initiatives qui ne sont pas reliées à la rémunération. 

Dans les marchés de produits et de services, les innovateurs ont un avantage reconnu qui peut neutraliser les risques encourus - des profits plus élevés, une part de marché accrue, la reconnaissance de la marque et la création de barrières à l'entrée sur le marché. Cependant, il n'est pas clair que de tels avantages sont au profit des innovateurs dans la rémunération globale. Une analyse détaillée explique la décision de Ford de doubler les salaires par l'accroissement de la stabilité de la main-d'ouvre (réduisant un taux de roulement de 400 %), l'évitement de la syndicalisation et autres. Des gains similaires au point de vue de l'efficacité s'appliquent aux autres innovateurs. Cependant, pourquoi Henry Ford a-t-il fait le premier pas? Pourquoi pas ses concurrents? Il est raisonnable de supposer que l'avantage de Ford à titre d'innovateur a disparu dès que ses concurrents ont adopté les mêmes stratégies. Qu'est-il arrivé à ceux qui n'ont pas suivi la même tendance, mais plutôt qui ont poursuivi une stratégie de rémunération en existence? 

Si nous ne pouvons pas dire pourquoi certains sont des précurseurs, pouvons-nous dire pourquoi d'autres sont des suiveurs ? Il semble que deux forces primaires poussent les organisations à adopter certaines pratiques innovatrices: 

  1. les pressions institutionnelles ou les forces externes décrites ci-dessus; 
  2. l'espérance d'une plus grande efficacité. 

La plus grande efficacité prévue à la suite de l'innovation est fonction des objectifs stratégiques de l'organisation qui sont, à leur tour, affectés par les conditions du marché du travail, la nature du travail, les facteurs relatifs au coût et les préférences des employés. 

Une troisième question est pourquoi, lorsque ces innovations ont été adoptées, la variabilité du concept semble-t-elle s'accroître avec le temps? La logique sous-tendant les avantages adaptés semble juste, mais les sondages montrent que près des deux tiers des organisations ayant un effectif de plus de 1000 employés n'ont pas adopté un tel programme. Les programmes qui ont été adoptés varient considérablement sur le plan du choix offert aux employés. 

Des tendances similaires émergent en ce qui concerne la rémunération au rendement et des autres pratiques de rémunération. Les précurseurs sont les premiers à innover ; puis le reste du troupeau suit, d'une façon ou d'une autre. D'autres ne bougent pas. Il se peut que s'adapter aux forces institutionnelles et aux pressions économiques force les organisations à changer leurs systèmes de rémunération par des façons uniques, créant la variabilité. Néanmoins, l'expérience suggère que les modes et les tendances jouent également un rôle.

Retour vers le futur: les leçons apprises

Depuis le début du siècle passé, où le propriétaire-exploitant était seul responsable du salaire des employés, l'administration de la rémunération s'est accrue en importance et en complexité. Des lois la régissent, des sections entières y travaillent, d'innombrables sondages diffusent de l'information à ce sujet, le Federal Reserve Board la contrôle et une association professionnelle mondiale, forte de 25 000 membres, y est dévouée. Presque personne n'est indifférent à ce propos. Parallèle à cette croissance en importance se trouve la croissance en sophistication et en complexité. L'ACA [American Compensation Association] publie un glossaire des termes de rémunération ; même un simple manuel alloue plus de 20 pages aux définitions. Un nombre si élevé d'expressions étourdit la plupart des gens. Cependant, étant donné un historique si riche et continu, à l'étude du matériel, quelle leçon peut être retenue qui informera ou influencera les décisions futures? 

Ne cherchez pas une stratégie de rémunération «idéale» pour votre organisation. Il y aura toujours un système de rémunération différent, comme ceux en place chez General Electric, Microsoft, Toyota ou Citigroup. Les quatre organisations font des affaires au niveau mondial, mais elles ont toutes des systèmes de rémunération différents. Les systèmes en place aujourd'hui dans ces compagnies sont différents de ceux en existence par le passé et de ceux qui seront en place dans l'avenir. 

Si le changement est une constante, il est plus facile de s'y ajuster en améliorant sa compréhension des circonstances ou du contexte dans lequel il survient. Cela nous amène à notre deuxième leçon. 

Comprendre ce qui importe. Les décisions relatives à la rémunération sont influencées par une myriade de facteurs. Lequel est le plus important? Accroître sa compréhension de ce qui importe le plus dans la situation présente peut aider à établir les changements nécessaires aux systèmes de rémunération. 

Après avoir étudié cette brève période de l'histoire, quelques facteurs peuvent être extrapolés comme les gains économiques prévus et les pressions institutionnelles. Les gains prévus sont fonction des insuffisances ou des surplus d'employés de valeur, des objectifs stratégiques de l'entreprise et des pratiques des concurrents. Les principales pressions institutionnelles proviennent des lois relatives à l'impôt et à l'emploi, des objectifs et du pouvoir des syndicats, du contrat social de la nation, etc. L'administration d'un système de rémunération global inclut de faire le suivi de ces facteurs et si possible de les influencer, en participant à leur création. 

Appuyer une expérimentation pratique. Une autre leçon à retirer de cette étude est que les changements dans les systèmes de rémunération évoluent en grande partie à la suite de tâtonnements. 

Le siècle dernier est un collage d'expériences pratiques et appliquées, la plupart totalement indépendantes des principes théoriques formels. Bien qu'implicites, les opinions souvent indéterminées des gestionnaires guident probablement leurs expériences et les théories officielles ne semblent pas guider ces innovations. Étant donné la nature pratique et appliquée des décisions de rémunération, certains peuvent s'interroger sur l'utilité de la théorie et des recherches dans le domaine de l'administration de la rémunération. Cependant, nous croyons qu'en l'absence de la connaissance des théories et des recherches, l'approche par tâtonnements peut produire des résultats aléatoires, ponctuels et inefficaces. 

L'amélioration de la compréhension des facteurs importants aide à comprendre pourquoi certains des changements seront probablement plus utiles que d'autres. Par conséquent, nous sommes d'avis qu'une meilleure compréhension de la théorie aidera à faire face aux changements et à l'expérimentation nécessaires. Au pis aller, la leçon est que l'expérimentation dans le domaine de la rémunération est caractéristique d'un précurseur. La recherche peut aider à former les précurseurs. Cela nous amène à notre quatrième et dernière leçon. 

Apprentissage continu concernant la rémunération. En se fondant sur l'étude des systèmes de rémunération utilisés au cours du XXe siècle, l'interaction limitée entre les deux activités essentielles à une meilleure compréhension est flagrante : il y a la recherche - la poursuite disciplinée de connaissances systématiques - et la pratique - les gens qui travaillent ensemble par tâtonnements pour amasser des connaissances pratiques basées sur leur expérience. 

La recherche et la pratique dans le domaine de la rémunération se produisent, de façon typique, dans des organismes distincts, spécialisés (les commerces, les universités, les firmes d'experts-conseils) et il y a eu peu de rapprochement entre ces deux pôles au cours des cent dernières années. 

Il existe des exceptions bien entendu. Scanlon a travaillé à MIT et dans le domaine; de nombreux centres universitaires, des compagnies et l'ACA expérimentent avec diverses formes d'alliances pour augmenter les connaissances par des projets conjoints de recherche. Peut-être que ces projets ne sont pas suffisamment dignes d'être publiés, ce qui expliquent leur absence des journaux et des magazines d'affaires. Si de telles alliances se poursuivent lorsque l'histoire du XXIe siècle sera rédigée, peut-être seront-elles incluses.

Extrait tiré : ACA Journal, 1er quart 2000, vol. 9, no 1

Matières tirées des livres sur la rémunération de 1900-1999 (figure 1)
«Methods of Industrial Remuneration» par David Schloss 1892
  1. Différents types de salaire
  2. Salaire horaire
  3. Salaire à la tâche
  4. Salaire à la pièce
  5. Objections au travail à la pièce
  6. Solde progressif
  7. Salaire à la tâche collectif
  8. Salaire à la pièce collectif 
  9. Salaire à forfait
  10. Travail d'équipe
  11. Superviseurs du travail à la pièce
  12. Sous-traitance
  13. Objections à la sous-traitance « The Sweating System» (« Le Système d'exploitation patronale»)
  14. L'interférence de l'autorité publique face à la sous-traitance
  1. Les relations entre la coopération et le syndicalisme
  2. Les deux types de coopération
  3. Que signifie la participation aux bénéfices
  4. La participation au produit
  5. La théorie de la participation aux bénéfices
  6. La participation aux bénéfices en pratique
  7. Examen critique de la participation aux bénéfices
  8. La théorie de la coopération industrielle
  9. La pratique de la coopération industrielle
  10. La coopération industrielle rejette la participation aux bénéfices
  1. Examen critique de la théorie de la coopération industrielle
  2. L'importance réelle du mouvement de coopération industrielle
  3. La coopération pratique
  4. Les régimes de participation aux bénéfices créés par Yale et Towne
  5. Le régime d'avantages sociaux de la Morgan Crucible Co.
  6. Institution d'avantages sociaux pour les employés de L&W Ry Col.
  7. Liste des compagnies britanniques offrant la participation aux bénéfices
  8. Système de participation aux bénéfices en vigueur avec M. Bushill
«Financial Incentives for Employees and Executives» par Daniel Bloomfield 1923
  1. Observations d'ordre général
  2. Types de systèmes de rémunération
  3. Travail à la pièce
  4. Salaire journalier et salaire hebdomadaire
  5. Principes des régimes de primes
  6. Primes pour augmentation de la production
  7. Primes pour meilleure qualité
  8. Primes pour économie
  1. Primes pour présence assidue
  2. Primes pour durée de service
  3. Plans d'épargne
  4. Participation aux bénéfices
  5. Plans de participation aux options sur action
  6. Sociétés de secours mutuel
  7. Régimes de pension
  1. Mesures incitatives dans les magasins de détail
  2. Rémunération des vendeurs
  3. Rémunération du personnel de bureau
  4. Mesures incitatives pour les superviseurs et les cadres
«Compensation Administration» par David W. Belcher 1955-1974
  1. Le modèle de l'agence de placement
  2. Théorie de rémunération - Aspects économiques
  3. Théorie et recherches de la rémunération selon le comportement
  4. Contributions reliées au travail
  5. Collecte de renseignements sur le travail et détermination de facteurs concernant la rémunération
  6. Évaluation de rendement - méthodes non quantitatives
  1. Évaluation de rendement - méthodes quantitatives
  2. Contributions au rendement
  3. Contributions personnelles
  4. Rémunération économique Niveau salarial
  5. Rémunération économique Structure salariale
  6. Primes économiques selon le rendement - Taux de salaire
  7. Primes économiques selon le rendement - Mesures incitatives 
  1. Primes financières
  2. Primes non financières
  3. Normes de comparaison
  4. Politiques de rémunération
  5. Sondages sur les taux salariaux et la rémunération
  6. Critères relatifs aux salaires
  7. Rémunération pour les vendeurs
  8. Rémunération pour les gestionnaires et les professionnels
  9. Contrôle et intégration du système de rémunération
«Compensation» par Milkovich and Newman 1999
  1. Le modèle de rémunération
  2. Perspectives stratégiques
  3. Définition de l'uniformité interne
  4. Analyse du travail (postes vs employés, collecte de renseignements, descriptions de postes)
  5. Évaluation du travail : évaluation du rendement (structures basées sur le poste, méthodes : méthode de classement, classement des facteurs-points)
  6. Structures axées sur les employés (aptitudes, compétences)
  1. Définition de la concurrence externe (politique de rémunération compétitive, conséquences)
  2. Conception de niveaux et de structures de salaire (sondages, marchés pertinents, gammes et bandes de conception)
  3. Rémunération au rendement : la preuve
  4. Régimes de rémunération au rendement (régimes de mesures incitatives à long terme individuels et de groupe)
  5. Évaluation de rendement
  6. Le processus de détermination des avantages
  1. Options des avantages sociaux (avantages requis légalement, pension et régimes d'épargne, assurance-vie, assurance-santé)
  2. Rémunération des groupes spéciaux 
  3. Rôle des syndicats dans les salaires et l'administration de la rémunération
  4. Systèmes internationaux de rémunération
  5. Rôle du gouvernement dans la rémunération 
  6. Budgets et administration
Une entente en perpétuel changement (figure 2)
 Début 1900-19251925-19501950-19751990.
Politique relatives à la rémunération- Contrats individuels- Marchés de travail internesÉquité interne - Basé sur le rendement stratégique du marché
Rendement- Salaire à la pièce
- Taux forfaitaire
- Participation aux bénéfices- Augmentations selon le mérite
- Indemnités de vie chère
- Basé sur le rendement
Compétitivité- Basé sur le marché- Équité interne
- Ajustements selon le marché
- Équité interne
- Ajustements selon le marché
- Structures flexibles basées sur le marché
Rémunération globale- Argent comptant comme mesures incitatives - Services de bien-être- Argent comptant comme mesures incitatives
- Réglementation gouvernementale
- Équité
- Avantages sociaux flexibles
- Rémunération globale : comptant, choix d'avantages sociaux
Sécurité- Contrat- Stabilité et dévouement- Prévisibilité et dévouement- Employabilité
- Agilité

George T. Milkovich, Ph.D. et Jennifer Stevens

Source : Effectif, volume 3, numéro 2, avril  / mai 2000

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