Vous lisez : Comment se préparer à une entrevue d'évaluation de la performance?

«T'as bien l'air préoccupé! 

- Parle-m'en pas, je dois rencontrer Louise vendredi matin pour son évaluation annuelle. J'ai autant envie de ça que d'aller chez mon dentiste! 

- Pourtant ça fonctionne plutôt bien avec elle? 

- Oui, oui, mais. c'est pas ça, c'est seulement que c'est très inconfortable, il me semble que ses résultats parlent par eux-mêmes! Il faut que je remplisse ce foutu formulaire. Puis j'ai l'impression de me retrouver comme un avocat qui doit convaincre un jury.» 

ou encore. 

«Qu'est-ce que tu fais? 

- J'essaie de préparer mon évaluation annuelle! 

- Tu n'as pas à t'inquiéter, tu as atteint tes objectifs! 

- Oui, oui, mais. à chaque année, c'est pareil. Je n'aime pas ce genre d'entrevue, ma patronne est nerveuse, moi je suis nerveux, on ne sait jamais trop par quel bout prendre ça. Je vais encore me faire dire que je suis mal organisé, que mon bureau est un fouillis et que je ne remets pas mes comptes de dépenses à temps, je trouve que cet exercice est frustrant .»

Ces dialogues vous semblent familiers?

Dans ma pratique professionnelle, j'ai rencontré plusieurs collègues qui m'ont avoué avoir fait face à des réactions d'ennui, de malaise ou même de résignation hostile lorsqu'ils expliquaient les principes et le fonctionnement du système de gestion de la performance de leur entreprise à des employés ou à des superviseurs. 

L'évaluation de la performance constitue pour bien des superviseurs et des employés une tâche difficile et même déplaisante. L'évaluation est effectivement une occasion où le caractère hiérarchique de la relation patron-employé prend toute sa signification, situation qui met bien des personnes mal à l'aise. Dans leur article intitulé L'échec de l'évaluation de la performance, les auteurs Alain Gosselin et Kevin Murphy indiquent que, «dans la plupart des entreprises, les modes d'évaluation de la performance, avec leurs formulaires et procédures, ne sont que des exercices bureaucratiques, sans plus. Ils sont un fardeau pour les superviseurs et une source de démotivation pour les employés». Les auteurs passent en revue les différents facteurs qui contribuent à rendre cet exercice difficile (des croyances erronées, un contexte déficient, des pratiques inefficaces et des acteurs trop préoccupés par la politique) et offrent des pistes de solution pour améliorer la qualité de ce processus de gestion, notamment en indiquant que «le degré de réalisation du mandat confié au départ sert de base à l'évaluation de la performance et que le formulaire d'évaluation est un instrument de gestion servant de guide aux usagers dans l'amélioration continue de la performance». 

Comment rendre l'exercice moins difficile? Voici, pour les aider à bien se préparer, vingt conseils aux évaluateurs et dix conseils aux personnes évaluées.

10 conseils à la personne évaluée
La préparation
  1. Révisez vos objectifs, vos mandats ou projets et votre description d'emploi. Relisez rapidement les dossiers de projets, vos objectifs, les mandats que votre patron vous a confiés, les changements en cours de route, les incidents significatifs (bons ou mauvais) qui vous ont frappé.
  2. Faites le lien entre vos propres résultats et ceux que votre patron doit atteindre. Par définition, vous collaborez à l'atteinte des résultats d'affaires ou à la réalisation du mandat de votre patron. Révisez les résultats et les événements significatifs dans votre unité d'affaires ou dans votre service.
  3. Faites un brouillon de votre évaluation. Votre patron devrait en principe vous remettre un exemplaire du formulaire d'évaluation au moment où il prendra rendez-vous avec vous pour l'entrevue d'évaluation. Préparez-vous à expliquer vos commentaires, vos points forts (à moins que ce ne soient des aspects reconnus dans le passé, il est utile de donner quelques exemples factuels) et les zones où vous pensez devoir vous améliorer. Considérant ce dernier aspect, réfléchissez à ce qui peut être fait pour vous aider à vous améliorer (formation, assistance professionnelle, mandats, projets et affectations, etc.), et demandez conseil à votre patron.
L'entrevue proprement dite
  1. Choisissez le moment propice. Choisissez un moment de la semaine où il sera plus facile de communiquer. À éviter le lundi matin (où les interruptions risquent d'être plus fréquentes) et le vendredi après-midi (où la fatigue accumulée et les soucis de la semaine diminuent la qualité de l'écoute).
  2. Si votre patron vous demande de parler en premier, plongez mais concentrez-vous sur l'essentiel. Une bonne entrevue d'évaluation de la performance dure généralement de 60 à 90 minutes. Vous pouvez contribuer à la réussite de l'entrevue en évitant les digressions ou les développements superflus sur un même sujet.
  3. Écoutez attentivement les commentaires de votre patron. Évitez de vous tenir sur la défensive! Laissez votre patron vous donner ses commentaires et réagissez en lui demandant des précisions. Si vous n'êtes pas d'accord, indiquez-le lui en soutenant votre point de vue avec des faits. Au besoin, utilisez le formulaire comme guide de discussion. Dans la plupart des entreprises, la règle est qu'en cas de désaccord majeur, vous pouvez écrire à votre patron une note qui sera jointe au dossier. Écoutez, écoutez, écoutez !
  4. Souvenez-vous que l'entrevue est une occasion de dialoguer. Sauf pour le cas où l'entrevue d'évaluation serait utilisée pour vous mettre en garde formellement que votre emploi sera compromis si vous ne changez pas votre comportement (ce qui de toute façon ne devrait pas être une surprise), l'entrevue est une occasion de faire le point, de discuter de ce qui va bien et de ce qui pourrait être amélioré.
  5. Offrez votre collaboration et demandez du soutien. Lorsqu'une personne doit changer son comportement ou son attitude, le soutien du patron (surtout au début) est essentiel. Discutez des façons concrètes dont votre patron peut vous aider. Si vous ne trouvez pas ce qui pourrait être fait, allez consulter votre service des ressources humaines.
Après l'entrevue
  1. Consignez votre plan d'action rapidement. Résumez les actions que vous ou votre patron devez mettre en ouvre pour vous améliorer et transmettez-en une copie à votre patron.
  2. Faites un suivi. Mettez votre plan d'action en ouvre et revoyez votre patron de quatre et six semaines après l'entrevue pour faire le point. De cette façon, vous lui démontrerez concrètement votre désir de vous améliorer.

20 conseils à l'évaluateur
La préparation
  1. Révisez votre documentation. Relisez le dossier de l'employé, revoyez ses objectifs, les mandats que vous lui avez confiés, les changements en cours de route, les incidents significatifs (bons ou mauvais) qui vous ont frappé.
  2. Consultez les «clients» de vos employés. Tous les emplois dans une organisation ont été créés dans le but de produire un résultat qui servira soit à des personnes de l'extérieur de votre organisation, soit à des collègues d'autres unités. Consultez les utilisateurs de ces résultats. Demandez-leur de vous parler de la qualité de ce qu'ils reçoivent, des délais, de la facilité à traiter avec cette personne, etc. Certaines entreprises ont même introduit des formulaires simples pour noter les évaluations de ces «clients». Attention toutefois à la qualité de la rétroaction, c'est infiniment mieux d'obtenir des faits que des impressions.
  3. Faites le lien entre vos propres résultats et ceux qui sont atteints par l'employé. Par définition, vos employés collaborent à l'atteinte de vos résultats d'affaires ou à la réalisation de votre mandat. Révisez les résultats et les événements significatifs de votre propre performance, cela alimentera votre conversation avec la personne évaluée.
  4. Étudiez le formulaire et révisez le guide de gestion si vous en avez un. La plupart des entreprises utilisent un formulaire pour consigner les résultats de l'évaluation. Ce formulaire est généralement accompagné d'un guide de gestion conçu pour aider l'évaluateur à se préparer pour l'exercice. Étudiez le formulaire et transmettez-en un exemplaire à chaque personne qui doit être évaluée pour qu'elle puisse se préparer elle aussi.
  5. Faites un brouillon de l'évaluation. Préparez-vous à expliquer vos commentaires, les points forts que vous avez observés (ou qui vous ont été rapportés par les clients) et les zones où la performance doit être améliorée. Considérant ce dernier aspect, réfléchissez à ce qui peut être fait pour aider l'employé à s'améliorer (formation, assistance professionnelle, mandats, projets et affectations, etc.), car dans la mesure où l'employé reconnaît devoir s'améliorer, il vous demandera des conseils et le soutien pour y arriver.
  6. Demandez à l'employé de se préparer. Lorsque vous prenez rendez-vous avec l'employé, demandez-lui de remplir le formulaire au brouillon et de noter les accomplissements qu'il considère comme significatifs pour la période évaluée.
L'entrevue proprement dite
  1. Ordonnez vos entrevues. L'entrevue est une tâche difficile même pour un patron expérimenté. Commencez la séquence d'entrevues par des employés performants ou encore par ceux avec qui la communication est plus aisée.
  2. Choisissez le moment propice. Choisissez un moment de la semaine où il sera plus facile de communiquer. À éviter le lundi matin (où les interruptions risquent d'être plus fréquentes) et le vendredi après-midi (où la fatigue accumulée et les soucis de la semaine diminuent la qualité de l'écoute).
  3. Prévoyez suffisamment de temps. Il faut prévoir entre 60 et 90 minutes pour faire une entrevue de qualité. Des évaluations de la performance de moins de 40 minutes laissent généralement une impression désagréable à la personne évaluée, même si l'évaluation est positive. Faites très attention de ne pas être interrompus durant l'entrevue.
  4. Si vous évaluez un collaborateur expérimenté, laissez-le parler en premier. Laissez l'employé vous parler de sa performance. Au besoin, utilisez le formulaire comme guide de discussion. Écoutez, écoutez, écoutez!
  5. Si vous évaluez un nouveau collaborateur, parlez en premier. Un nouvel employé a généralement hâte de recevoir une rétroaction sur sa performance. À moins que vous ayez affaire à un verbo-moteur qui de toute façon «tiendra le crachoir», l'employé appréciera que vous lui donniez l'heure juste rapidement.
  6. Souvenez-vous que l'entrevue est une occasion de dialoguer. Sauf pour le cas où l'entrevue d'évaluation serait utilisée comme une occasion d'avertir formellement l'employé que son emploi sera compromis s'il ne change pas son comportement (ce qui de toute façon ne devrait pas être une surprise pour l'employé), l'entrevue est en réalité une occasion de faire le point, de discuter de ce qui va bien et de ce qui pourrait être amélioré.
  7. Attention à l'effet «journal comptable». Certains évaluateurs se sentent obligés de donner une rétroaction prétendument équilibrée en alternant les commentaires positifs et les commentaires négatifs, un peu à la manière d'un comptable qui doit équilibrer les crédits et les débits. Il faut plutôt se concentrer sur les aspects essentiels et se souvenir que le but premier d'une entrevue d'évaluation de la performance est d'améliorer cette performance ou de maintenir cette performance. Donc, pas trop d'aspects négatifs, seulement les plus importants.
  8. Si vous êtes en désaccord, offrez à l'employé un droit de réplique. Il arrive parfois que l'évaluateur et la personne évaluée n'aient pas la même opinion sur ce qui doit être amélioré. Généralement, le désaccord ne porte pas sur les faits, mais plutôt sur l'importance accordée aux comportements à changer. Dans la plupart des entreprises, la règle est que l'employé peut écrire à son patron, en cas de désaccord majeur, une note qui sera jointe au dossier. Si votre évaluation négative ne repose pas sur des faits observés, vous ne devriez toutefois pas modifier votre évaluation. Dans le cas où votre interprétation des faits serait erronée ou discutable, soyez beau joueur et modifiez votre évaluation, l'employeur vous en respectera davantage.
  9. Manifestez votre reconnaissance. L'employé souhaite recevoir une rétroaction positive et cette dernière a un effet multiplicateur sur les comportements désirés, contrairement à la croyance selon laquelle une rétroaction positive aura pour effet «que l'employé s'enflera la tête».
  10. Offrez votre soutien. Lorsqu'une personne doit changer son comportement ou son attitude, le soutien du patron (surtout au début) est essentiel. Discutez de moyens concrets pour l'aider. Si vous ne trouvez pas ce qui pourrait être fait, offrez à l'employé de le revoir et allez consulter votre service des ressources humaines.
  11. Concluez l'entrevue. Convenez de ce qui sera consigné sur le formulaire (les cotes d'évaluation) et de ce qui devrait être fait concrètement pour que l'employé maintienne une performance satisfaisante ou améliore une performance déficiente.
  12. Demandez à la personne de résumer par écrit les éléments du plan d'action convenu. Cet exercice vous permettra de voir si la personne a bien saisi les actions concrètes qu'elle doit mettre en ouvre pour s'améliorer et, au point de vue de l'engagement personnel, le fait d'écrire un résumé du plan d'action a souvent l'effet de le rendre plus important aux yeux de la personne évaluée.
Après l'entrevue
  1. Consignez vos observations rapidement. Même si c'est un travail fastidieux, l'employé verra le fait que vous consigniez vos notes rapidement et que vous lui transmettiez la copie finale dans un délai de quelques jours comme un signe manifeste de l'importance que vous accordez à sa performance.
  2. Faites un suivi. Quatre à six semaines après l'entrevue, revoyez l'employé pour voir comment les activités prévues dans le plan d'action se déploient.

Bibliographie 

Gosselin, A. et Murphy, K. «L'échec de l'évaluation de la performance», Gestion, vol. 19, n° 3, septembre 1994, p. 17-28. 
Maier, N.R.F. «The Appraisal Interview: Three Methods with Specific Objectives», Personnel Administration Today, 1979, Reading mass. Addison-Wesley Publishing Co., p. 152-162. 
Thériault, R. Guide Mercer sur la gestion de la rémunération, Chicoutimi, Gaëtan Morin Éditeur, p. 359-390.

Jacques L. Charuest, C.R.I.A., est psychologue consultant en développement organisationnel.

Source : Effectif, volume 3, numéro 1, janvier / février  / mars 2000

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