Vous lisez : À chacun son métier. La diversité des situations dans les milieux de travail requiert des compétences distinctes.

Qui doit-on contacter en premier lieu lorsqu'un employé s'est tapi sous son bureau en position foetale? Lorsqu'un membre du personnel nouvellement gratifié d'une belle promotion cesse d'être productif? Lorsque le ton monte et devient agressif entre deux collègues de travail?

Certaines décisions semblent se prendre toutes seules. Le robinet a des fuites? Un coup de fil au plombier et le problème est réglé en un tour de main. Le charmant petit caniche familial a des douleurs abdominales? Il est temps de rendre visite au vétérinaire. 

Pas de tergiversation: on sait fort bien qui est la personne la plus susceptible de régler le problème. Au travail, tout n'est pas si simple. Une multitude de personnes-ressources peuvent régler une situation problématique; reste à trouver qui réglera la nôtre. En gestion des ressources humaines, les choses sont d'autant plus complexes qu'il s'agit de questions individuelles: qu'il est grand le mystère de l'âme humaine! Les comportements des individus sont difficiles à comprendre lorsque tout va bien ; mais, en situation de crise, alors rien ne va plus. Voilà pourquoi il est important de savoir qui fait quoi lorsqu'il faut trouver de l'aide. 

Les conflits au travail sont difficiles à éviter. Cependant, un conflit intrapersonnel ne se traite pas comme un conflit interpersonnel ou un antagonisme entre groupes d'une même unité de travail. Qu'il s'agisse d'un conseiller en orientation, d'un travailleur social et d'un psychologue, les personnes-ressources qui jouent un rôle d'intermédiaire entre l'employeur et une situation conflictuelle ou un employé en difficulté n'abordent pas un problème de la même manière. Bien comprendre les caractéristiques spécifiques de chacun peut permettre d'épargner un temps qui est précieux lors d'une situation de crise. 

En 1994, le Conseil des travailleuses et travailleurs de Québec dévoilait dans une étude les principales raisons pour lesquelles les employés demandaient de l'aide aux délégués sociaux de leurs entreprises. Au premier rang: la toxicomanie. Seulement cinq années plus tard, les choses ont changé. 

Mme Francine Burnonville du Conseil des travailleurs et travailleuses du Montréal métropolitain révèle que selon les dernières statistiques, l'épuisement professionnel et le stress sont les principales raisons qui poussent aujourd'hui un employé à demander de l'aide aux délégués sociaux. Ce stress serait entre autres provoqué par l'inquiétude attribuable aux coupures de postes et à la détérioration des conditions de travail en général. 

Selon Mme Burnonville, un nouveau problème fait aussi son apparition: celui du jeu compulsif. «C'est une situation très préoccupante pour laquelle nous commençons à avoir des ressources», explique-t-elle. Les problèmes d'endettement reliés au jeu peuvent causer des difficultés jusque sur les lieux de travail. 

Les problèmes d'alcoolisme, de drogues et de surconsommation de médicaments sont désormais placés au deuxième rang selon l'étude réalisée en 1998. 

Orienter l'orienté 

Nous avons tous gardé l'image de l'orienteur qui guidait nos choix alors que nous étions encore sur les bancs d'école, face à cette décision de choix de carrière qui allait nous suivre toute notre vie. Aujourd'hui, les conseillers et conseillères en orientation sont sortis de l'école. 

Ils sont de plus en plus nombreux à faire carrière au sein des entreprises ou à se spécialiser en intervention en entreprises. Le conseiller en orientation est principalement appelé à jouer un rôle dans le processus de sélection et d'évaluation du personnel. Il ne s'agit donc pas uniquement de réorientation dans une situation de changement de carrière. 

Le conseiller peut également être présent lors d'une crise en milieu professionnel. Le conseiller en orientation est une personne-ressource toute indiquée dans une situation de redéfinition de poste ou d'entreprise. Un employé qui a fait des études dans un champ très spécifique et qui a toujours ouvré dans ce domaine envisagera avec une certaine appréhension un changement de la définition de ses tâches, même s'il s'agit pour lui d'une promotion. Un excellent musicien n'est pas nécessairement un bon chef d'orchestre. Dans certains cas, les inquiétudes se dissipent rapidement lorsque l'employé entre dans ses nouvelles fonctions et se sent capable de remplir son nouveau mandat. Dans d'autres situations, la transition se fait moins facilement. Un conseiller en orientation pourra être particulièrement efficace à ce moment-là : son mandat étant de concilier les besoins de l'individu avec les demandes de l'entreprise. 

Francine Chassé de FCML consultants, une firme de consultation en orientation et développement des ressources, avoue que certains individus se sentent particulièrement menacés en période de restructuration. Il ne faut pas laisser dégénérer une mauvaise situation. «Il faut voir comment l'individu peut s'intégrer à l'intérieur d'une entreprise», explique Mme Chassé qui ajoute que, bien souvent, les individus ont les compétences nécessaires. D'où l'importance de faire un bon bilan des capacités de la personne. 

Ce qu'il faut faire: d'abord, rencontrer l'employé pour bien déterminer quelles sont ses compétences. Ensuite, bien évaluer le nouveau poste ou les nouvelles fonctions de l'employé pour avoir une juste idée de ce qui lui est demandé. Reste à comparer les deux. Dans le cas où l'employé ne posséderait pas toutes les ressources nécessaires, le conseiller en orientation, qui connaît bien la formation professionnelle, pourra indiquer où et comment l'individu peut acquérir les notions manquantes. Il s'agit d'élaborer un projet professionnel qui sera adapté à la personnalité et aux compétences de l'individu et qui répondra à ses aspirations de carrière. Une mauvaise transition au sein d'une entreprise peut coûter beaucoup plus cher qu'on ne le pense. Un employé qui manque de motivation, qui s'absente régulièrement ou qui ne travaille pas adéquatement affecte le rendement ainsi que le climat de l'entreprise. 

Francine Chassé se souvient d'une intervention réalisée dans une institution financière : «Au début de la réunion, 75 % des effectifs présents disaient vouloir quitter l'entreprise». Les employés ne voyaient pas de stimulation dans le nouveau rôle professionnel qu'on leur imposait et qui semblait au-delà de leurs compétences. Mme Chassé a d'abord rencontré l'employeur pour bien comprendre la nouvelle définition de l'emploi. Ensuite, les discussions de groupe ont permis à tous de bien saisir le virage effectué par l'entreprise et la place de chaque personne dans cette nouvelle aventure. À la fin des ateliers, 80 % des employés avaient pris la décision de rester. «Ils avaient un projet professionnel et étaient motivés à retourner aux études!» 

Le conseiller en orientation est aussi le spécialiste des tests de personnalité qui déterminent le potentiel, les intérêts, la personnalité et les aptitudes des individus. C'est ce qu'on appelle l'évaluation psychométrique. Lorsqu'un employé remplit les mêmes fonctions depuis des années, son employeur ne connaît que ses compétences qui sont utilisées dans ce travail bien précis. Or, l'employé a souvent plusieurs autres capacités ignorées de tous, parfois de lui-même. «Pour les employeurs, c'est intéressant de savoir qui mettre où. Ça évite les complications comme le congé de maladie, le burnout ou la perte d'un employé: quelqu'un qui part chez un compétiteur, ça fait mal», de conclure Mme Chassé. 

Le travailleur social en entreprise 

De plus en plus, les travailleurs sociaux agissent comme consultants externes pour des entreprises. Le travailleur social est un thérapeute qui se spécialise dans l'intervention auprès d'une personne en difficulté ou auprès des groupes. Ses interventions en milieu de travail sont très semblables à celles qui sont effectuées par un psychologue clinicien. Les travailleurs sociaux qui ouvrent en entreprise possèdent d'ailleurs une formation clinique équivalente au temps de formation du psychologue clinicien. France Boucher de MRB associés, firme qui offre des programmes d'aide aux employés, précise que, dans certains cas comme celui de l'épuisement professionnel, il n'y a aucune distinction entre le traitement fait par un psychologue et celui d'un travailleur social. 

Difficile de garder certains problèmes à la maison. La plupart de nos problèmes nous suivent d'un endroit à l'autre. Conséquemment, on ne peut demander à un employé qui est en détresse d'avoir au travail un niveau de concentration égal à celui qu'il a quand son moral est excellent. Plusieurs comportements déviants, telle la toxicomanie, dérangent l'individu jusque dans sa vie professionnelle. Or, un problème personnel est un problème. personnel! Sauf dans des cas particuliers, l'employeur n'est pas responsable de la santé de ses employés. 

L'employeur se doit de fournir une assistance, mais ne prend pas le problème en charge. Le travailleur social agit régulièrement à titre de consultant dans la mise en ouvre de programmes d'aide et de soutien pour le personnel qui expérimente des problèmes en tous genres. Tout comme le psychologue, il peut jouer un rôle de guide lorsqu'il se trouve devant un individu dont les problèmes externes affectent le rendement au travail. Il existe une panoplie de groupes et associations qui peuvent aider un individu à traverser une situation de crise personnelle. Travailleurs sociaux et psychologues peuvent indiquer au gestionnaire de ressources humaines quels groupes ou organismes communautaires pourraient soutenir l'employé en difficulté. 

La chose à ne pas faire est de traiter les symptômes sans s'attaquer au véritable problème; il faut trouver la source du problème et c'est ce que fait le travailleur social lorsqu'il effectue l'évaluation d'un individu. Mme Boucher explique qu'une personne devra parfois avoir recours aux services de conseillers juridiques ou financiers plutôt qu'à une aide psychothérapeutique Selon elle, il est tout à fait inutile de traiter un individu pour les troubles émotifs que lui causent ses déboires financiers si on ne lui indique pas d'abord comment gérer son portefeuille. La collaboration entre spécialistes est donc primordiale. Le travailleur social pourra montrer toutes les avenues possibles à un employé qui vit des moments difficiles. 

Reste une situation grandement déplorée par les travailleurs sociaux du Québec: leurs services sont encore peu reconnus par les assurances. Un individu qui doit avoir recours à un programme d'aide à long terme aura plus tendance à consulter un psychologue dont les services lui seront remboursés en partie ou en totalité. 

La violence au travail: tolérance zéro 

Michel Oligny connaît bien la violence au travail. Après une carrière de policier de plus de 25 années, M. Oligny décide de retourner à l'école étudier le comportement humain. Il est aujourd'hui titulaire d'une maîtrise en travail social et forme les gens qui vivent des situations difficiles en milieu de travail, notamment celles qui impliquent une violence physique ou verbale. M. Oligny est clair : la violence au boulot est inacceptable et il est faux de dire que la violence dans un milieu de travail ne concerne que l'individu qui est agressif. L'ancien policier dénonce le climat de peur dans lequel vivent certaines entreprises : «La qualité de vie au travail est très importante. On passe plus de temps au travail qu'avec sa famille. Les employés ont le droit de vivre dans l'harmonie et de dire c'est assez!» Il faut donc agir dès qu'apparaît une situation conflictuelle qui risque de dégénérer. Selon M. Oligny, le climat dans le monde du travail actuel n'est guère à son meilleur. Il y aurait une augmentation déplorable de conflits interpersonnels et de violence dans les milieux de travail. Le travailleur social condamne également le langage ordurier qui est selon lui une forme de plus en plus courante de violence au travail. Que faut-il donc faire alors lorsqu'on se retrouve avec un collègue de travail violent? 

Tout d'abord en parler avec l'individu et ensuite, si cette démarche est infructueuse, s'adresser au gestionnaire des ressources humaines qui, lui, ira trouver les ressources nécessaires. Un travailleur social pourrait, dans un cas comme celui-là, jouer un rôle de médiateur. 

Psychologue industriel 

«La psychologie industrielle, c'est tout ce qui concerne la science du comportement humain appliquée au travail», explique François Boulard, lui-même psychologue industriel depuis 25 ans. Le psychologue industriel ne fait pas de thérapie. Il peut certes diagnostiquer qu'un employé a besoin d'une thérapie, mais il lui conseillera d'aller voir le bon spécialiste. Cet aspect de la pratique est essentiellement réservé au psychologue clinicien. Or, il ne faut pas confondre: le psychologue industriel ne s'occupe aucunement des relations du travail. Son rôle est plutôt de gérer des situations à problèmes et des conflits, de faire du développement organisationnel et des diagnostics organisationnels. Selon M. Boulard, dans une situation de crise, le psychologue industriel peut aider l'employeur à poser un diagnostic pour vraiment comprendre la nature du problème. «Le gestionnaire ou l'employeur n'est pas un spécialiste en comportements humains. Quand survient une situation de crise avec des comportements irrationnels et incompréhensibles, les gens sont perdus. Le psychologue peut aider à démêler tout ça.» 

Il peut jouer un rôle de médiateur dans une situation de crise. «Disons qu'il y a deux personnes dans la problématique. On rencontre l'une et l'autre des personnes, l'un et l'autre des groupes, et on s'inscrit dans un processus de médiation pour éviter que la situation ne dégénère», explique M. Boulard. 

Quant à la situation des relations du travail actuellement, elle n'est pas excellente selon le psychologue industriel. Si François Boulard se félicite de toutes les ressources disponibles aujourd'hui, il déplore le paradoxe où se trouvent certaines entreprises. Des milieux de travail auraient en effet un très bon programme d'aide pour les employés qui vivent des situations difficiles, mais pousseraient leurs employés à performer à tout prix, parfois au détriment de leur santé. 

Docteur, à l'aide! 

Dans quelles circonstances l'employeur devrait-il d'emblée demander l'aide d'un médecin? Lorsque l'employé en détresse a des symptômes physiques. «Une personne sous l'effet de la médication qui est incohérente ou une personne qui fait plein d'erreurs au travail à cause d'un problème de concentration ou d'attention, ce n'est plus un besoin d'assistance: c'est une maladie», explique François Boulard. Un médecin est celui qui sera en mesure de voir si un patient a besoin d'une médication, comme c'est possible dans un cas de dépression ou d'épuisement professionnel. 

Donc, si un employé est en position fotale sous son bureau et refuse tout contact avec ses collègues, il ne faut pas perdre son temps à faire une investigation psychologique: il faut appeler une ambulance. François Boulard a déjà eu à faire face à un cas comme celui-là. «J'ai vu un autre cas, celui d'une personne qui durant plusieurs semaines se plaçait devant son écran cathodique et se mettait systématiquement à pleurer. Pas des larmes de peine, mais des yeux qui coulent», se rappelle le psychologue industriel. Dans ce dernier cas, il fallait tout d'abord faire une investigation médicale puisqu'on ne savait pas si les symptômes étaient psychosomatiques. Le problème de l'employée s'est avéré très compliqué et a finalement nécessité une intervention en bioénergie - un cas extrêmement rare. Il fallait cependant poser un diagnostic médical, comme dans tous les cas ou un problème affecte la santé physique de l'employé.

Stéphanie Bérubé

Source: Effectif, volume 2, numéro 4, septembre /octobre 1999 

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