Vous lisez : Le joueur d’équipe : un rôle mieux défini
  • On perd beaucoup de temps dans un groupe où les buts ne sont pas bien définis, les rôles ambigus et les conflits non résolus.
  • Il existe des outils de conversation productive destinés à aider les coéquipiers à maximiser la productivité des échanges dans une équipe en action.

En tant que membre d'une équipe de professionnels, votre objectif est d'obtenir le maximum de résultats dans un contexte où les changements sont la norme, et ce, sans trop «user» les individus impliqués.

L’efficacité d’équipe en 2001

De nombreux gestionnaires et professionnels se trouvent chaque jour dans cette situation. Ils doivent contribuer par leur savoir-faire à l’objectif commun et, de plus, travailler en étroite collaboration avec des gens qui ne partagent pas nécessairement leur façon de voir les choses. En fait, si chaque membre d'une équipe pouvait affirmer qu’il est satisfait du travail accompli, qu’il a le sentiment de bâtir des relations et d’apprendre d'une telle expérience, voilà qui témoignerait d’une vraie collaboration d’équipe !

Au sein des groupes de travail, les gens sont aujourd’hui conscients que différents points de vue aident l'organisation à «apprendre», c'est-à-dire à s'adapter et à innover plus rapidement pour être en mesure de faire face aux exigences du marché. Et nul ne contestera l'importance de l'apprentissage continu, tant pour l'individu que pour l'organisation. Cela dit, comment un membre d’équipe peut-il contribuer à maximiser les résultats lorsqu’il fait face aux multiples points de vue de personnes ayant une expérience et des opinions diverses ? Qui a le temps, dans un environnement au rythme accéléré, de concilier les optiques de chacun pour maximiser la synergie de l’équipe ?

«Ce n'est pas mon rôle, direz-vous… c’est au chef d'équipe de se débrouiller pour que ça marche.» Pourtant, un membre d'une équipe ne devrait pas pouvoir s'en tirer si facilement, puisque chacun a au moins la responsabilité envers son entreprise d'utiliser son temps de façon productive… Or, si nous posons un regard lucide sur nos habitudes de travail en groupe, nous aurons vite fait de déceler toutes sortes de comportements ou de façons de faire qui non seulement nous font perdre du temps à plus ou moins long terme, mais nuisent aussi grandement à l’efficacité d’équipe, entre autres :

  • les attentes que nous avons les uns envers les autres, mais que nous ne formulons pas;
  • les objectifs communs, les modes de fonctionnement, et les rôles de chacun que l’on ne prend pas le temps – ou la peine – de définir clairement;
  • les engagements que l’on prend sans y adhérer vraiment, en taisant nos doutes, nos réserves, nos objections, par peur, en les exprimant, de ne pouvoir faire face aux conséquences;
  • les vieux conflits relationnels aux cicatrices mal refermées.

Bref, tout ce qui est source de malentendus, qui occupe nos pensées, que parfois nous partageons avec notre petit cercle d’alliés, mais qui le plus souvent ne remonte pas à la surface et demeure par conséquent non résolu.

Au cours des trente dernières années, des recherches sur les caractéristiques des équipes à haut rendement ont permis de découvrir les pièges à éviter. Il suffit de consulter les nombreuses publications à ce sujet pour déceler les pratiques qui risquent de nuire au bon fonctionnement d’une équipe. Malheureusement, la prise de conscience n'est que la première étape d'un long et difficile processus visant à changer la dynamique de l’équipe.

Les difficultés d’apprentissage de l’équipe

Il n’est pas facile d’accélérer, dans un temps record, l’évolution d’une équipe de travail vers une efficacité qui sera le fruit des qualités et des connaissances de tous ses membres… La raison en est simple : nous sommes tous des êtres humains sensibles aux réactions des autres, et notre façon individuelle de percevoir et d’interpréter ce qui est dit ou non par nos interlocuteurs, jumelée à nos expériences de travail et de vie, nous amène à faire des choix qui peuvent s’avérer improductifs dans nos relations. Qui plus est, nous ne sommes pas toujours conscients des choix que nous faisons et encore moins de leurs raisons…

Prenons Michèle, responsable des ressources humaines, et Jacques, directeur des opérations de leur entreprise. Michèle et Jacques travaillent ensemble pour la première fois sur un projet, où la synergie entre leurs deux équipes est nécessaire s’ils veulent réussir. Or, Michèle trouve que les commentaires de Jacques ressemblent souvent à des critiques voilées. Aujourd’hui, ils participent à une réunion du comité de direction et Michèle fait un compte rendu du projet en cours. En sortant, Jacques lui dit : «Bon ! Au moins, on a réussi à obtenir un peu plus de ressources ! C’est intéressant, la façon dont tu t’y prends pour présenter les choses. Qu’est-ce que tu en penses ?» Agacée, Michèle répond : « Je pense que ça a très bien été », et elle rentre dans son bureau.

Michèle et Jacques vont-ils prendre le temps de réfléchir à cette conversation ? Dans nos organisations, il n’est pas courant de chercher à apprendre de façon systématique lors d’une expérience de travail d’équipe, même si cette expérience est presque toujours source d’apprentissage, surtout si elle est particulièrement intense. Cependant, c’est peut-être là la clé d’une amélioration progressive des relations d’équipe dans nos organisations. Quelle est par conséquent la responsabilité du joueur qui veut apporter à l’équipe plus que son expertise fonctionnelle ?

La responsabilité du joueur d’équipe

Le joueur d’équipe doit apprendre à travailler avec les autres en privilégiant la compréhension du raisonnement qui mène aux actions et aux comportements de ses collègues. Si tous les membres d’une équipe commencent à mettre en pratique quelques outils de conversation productive, chacun apprendra des autres par une meilleure appréciation de leur mode de pensée. De surcroît, à cause du questionnement des autres, il fera sans doute des découvertes sur sa propre façon de faire des choix.

La décision de mettre l’accent sur la façon d’apprendre de l’équipe ne devrait pas créer un fardeau additionnel pour l’équipe qui cherche à obtenir un résultat d’affaires. Les recherches de Chris Argyris, professeur à l'Université Harvard, sont utiles pour comprendre comment, même avec les meilleures intentions, les équipes s'enferment dans des mécanismes de défense organisationnels qui réduisent leur efficacité et la qualité des résultats. Argyris a mis au point des outils de conversation productive destinés à dépister ces mécanismes de défense et à aider les coéquipiers à mettre leur perspective à contribution. Bien qu'utiles en diverses circonstances, ces outils prennent tout leur sens dans une équipe «en action», c'est-à-dire lorsque les membres de l'équipe peuvent les appliquer pour découvrir précisément comment leurs «routines défensives» les empêchent d'apprendre.

Argyris recommande qu'un facilitateur expérimenté guide, au moins dans un premier temps, les membres de l'équipe dans leur réflexion sur leurs comportements et dans leur recherche de solutions possibles. En effet, il est difficile pour les membres de l’équipe d’expérimenter de nouvelles attitudes tout en se concentrant sur le contenu des conversations. Il est donc préférable que le groupe soit aidé par une personne qui connaît bien les outils, qui a une solide expérience de leur utilisation, qui est extérieure aux débats et qui a pour seul objectif d’aider le groupe à être plus efficace. Autrement dit, il importe également de toujours laisser à l’équipe la responsabilité de choisir ce qui est bon pour elle.

Les outils d’apprentissage en action

Ces outils – l’échelle d’inférence, la colonne de gauche et questionner/exposer – ont été décrits dans plusieurs recueils de textes concernant le concept de l’organisation apprenante, depuis la publication de La Cinquième Discipline de Peter Senge en 1991. Ils peuvent malheureusement paraître trop théoriques pour aider une équipe orientée vers les résultats. Ces outils sont cependant faciles à mettre en pratique, en utilisant les comportements d’équipe en temps réel, ou à un moment consacré à un bilan d’apprentissage; on illustre alors les mécanismes de défense et on démontre comment l’utilisation des outils pourrait maximiser la productivité des échanges. Voici un aperçu global d’un de ces outils, l’échelle d’inférence (voir ci-contre).

L’échelle d'inférence est un modèle qui démontre la façon dont une personne peut arriver à ses propres conclusions après avoir été exposée aux mêmes données que d’autres personnes. Parmi les données qui me sont présentées, je choisis automatiquement celles qui ont un sens pour moi. À mesure que je gravis l’échelle d’inférence, je me décris à moi-même ce qui se passe, en déduisant les morceaux manquants et en ajoutant certaines interprétations personnelles avant de décider quoi faire. Reprenons l’exemple de Michèle et Jacques et voyons comment Michèle, en quelques secondes, gravit les échelons de son échelle d’inférence :

L’une des manières d’apprendre est de savoir comment se servir de l’échelle d’inférence. Nous pouvons «descendre au bas de l’échelle» et voir quelles hypothèses, quelles opinions et quels filtres ont balisé notre interprétation des données. Nous pouvons en apprendre davantage sur la façon dont notre manière de raisonner et de donner une signification aux choses peut limiter nos options. De la même manière, nous pouvons apprendre comment les autres parviennent à leur propre point de vue. Pour créer ce dialogue, il nous faut :

1. dégager la conclusion à laquelle une personne arrive;

2. demander quelles données ont permis d’en arriver à cette conclusion;

3. chercher à connaître le raisonnement et les sentiments qui relient les données et la conclusion;

4. déduire une opinion ou une hypothèse possible;

5. faire part de notre déduction et la mettre à l’épreuve auprès de notre interlocuteur.

Ainsi, Michèle pourrait entamer le processus d’apprentissage en posant à Jacques la question suivante : «Tu trouves intéressante ma façon de présenter les choses; peux-tu m’aider à comprendre ce que tu veux dire ?»

Assumer la responsabilité de devenir un meilleur joueur d'équipe

À l’heure où l’on met l’accent sur la nécessité de développer l’esprit d’équipe à tous les niveaux de l’organisation, des outils comme l’échelle d’inférence peuvent donc être utiles à tous ceux qui veulent acquérir les compétences indispensables à ce nouveau rôle, et ce, sans interrompre le déroulement des activités de l’équipe. Enfin, pour que chacun puisse exercer pleinement sa responsabilité à cet égard, il lui faudra être conscient que le fait de parler du processus de groupe contribue à faire progresser la tâche à accomplir, tenir pour acquis que les gens ont des motivations derrière leurs actions et que leurs points de vue leur paraissent pertinents et considérer chaque rencontre de l’équipe comme une occasion d’apprendre et de bâtir des relations productives.

Par Louise Macdonald, CRIA, associée, Bussandri Macdonald Groupe conseil

Source : Effectif, volume 4, numéro 4, septembre / octobre 2001

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