Vous lisez : Le chasseur de têtes : un véritable professionnel

Voilà une pratique qui ne laisse personne indifférent. Tout professionnel de la gestion des ressources humaines aura eu l'occasion, au cours de sa carrière, de faire affaire avec un chasseur de têtes, soit à titre de candidat, soit lors de la recherche de candidats possédant des compétences spécifiques à son organisation. Qu'en est-il vraiment de cette profession mal connue et si passionnante?

Cette profession est relativement jeune au Québec. Les premiers bureaux de consultants dans ce domaine sont apparus dans les années 1970. À cette époque, on faisait surtout affaire avec un chasseur de têtes pour avoir accès à un réseau élargi de contacts permettant de recruter les cadres convoités.

Cette nouvelle pratique n'est pas encadrée; c'est ainsi que certaines entreprises ont connu des expériences douloureuses, souvent à cause d'un manque d'éthique. Cependant, les consultants dans ce domaine peuvent devenir membres de l'Ordre des conseillers en ressources humaines agréés, ce qui les oblige entre autres à respecter un code de déontologie et à adhérer au régime collectif d'assurance de la responsabilité professionnelle. Les points à surveiller sont les délais, la qualité des candidatures, le suivi du mandat tant auprès des candidats que du client et surtout l'assurance que le candidat deviendra un actif pour l'entreprise et justifiera les honoraires importants qui auront été investis. Car les honoraires professionnels sont assez élevés, soit généralement entre 25 % et 35 % de la rémunération annuelle du candidat embauché et le client n'est pas toujours certain que ces sommes sont bien dépensées.

Aujourd'hui, cette pratique a beaucoup changé. Les besoins de la clientèle évoluent et se raffinent, les réseaux de contacts des clients sont beaucoup plus sophistiqués et la venue d'Internet joue aussi un rôle. Le service de recrutement des organisations a en effet accès à Internet, qui offre une multitude de services. Les gestionnaires en ressources humaines des entreprises ont donc maintenant beaucoup plus d'outils performants pour recruter avec succès les talents recherchés. Alors pourquoi donc aurions-nous besoin de chasseurs de têtes?

Chasseur de têtes versus agence de recrutement

Il est important de cerner la différence entre les agences de recrutement (ou de placement) et les chasseurs de têtes (ou firmes de recherche de cadres). Généralement, les agences fonctionnent sans honoraires garantis et utilisent beaucoup leur base de données. Elles offrent des services d'employés horaires permanents ou temporaires et parfois des services de recrutement de cadres. Elles doivent compter sur une vaste clientèle pour les employés temporaires afin d'obtenir un volume d'affaires intéressant. Cependant, lorsque vient le temps de faire du recrutement de professionnels, elles sont souvent limitées par cette même clientèle, puisqu'elles hésiteront à recruter chez leurs clients.

Les chasseurs de têtes, eux, sont généralement des consultants qui fonctionnent par mandat. Il s'agit de recruter un candidat pour un poste spécifique d'une entreprise donnée, avec des exigences précises. Un contrat d'exclusivité stipule les fonctions du poste, le cadre de travail du chasseur de têtes, les normes d'éthique commerciale à respecter, les honoraires, l'échéancier, la garantie de service et la durée du mandat. Pourquoi cette approche? Parce qu'il n'est pas rare de devoir investir au moins cinquante heures de travail avant de recevoir des candidats dans son bureau. Analyser le marché, cibler les bonnes candidatures, établir un contact, faire une première évaluation téléphonique, informer le client sur l'évolution du dossier, faire les entrevues nécessaires avant d'identifier les personnes à recommander et de rédiger le rapport d'évaluation: voilà beaucoup de travail pour obtenir des résultats satisfaisants!

Les conditions d'un mandat

À l'aube d'une pénurie de main-d'œuvre, la technique de chasse dans le recrutement demeure l'une des meilleures méthodes pour identifier et intéresser des candidats. La nature de ce marché a rendu la tâche du chasseur encore plus complexe dans ces conditions.

Le chasseur de têtes professionnel doit faire une analyse rigoureuse du mandat et évaluer sa capacité à le réaliser réellement avec succès. Il doit tenir compte du rayonnement de l'entreprise, de la réputation du gestionnaire client, du niveau de rémunération globale en concordance avec le niveau du poste, des défis proposés, du risque professionnel du poste, de la situation géographique, des possibilités d'avancement, des attentes du client en matière de résultats, de l'historique du poste, des raisons du départ du prédécesseur ainsi que de l'arrimage entre le profil de personnalité des candidats recherchés et les valeurs de l'entreprise.

L'attitude d'un chasseur de têtes professionnel responsable

Celui qui réussit dans ce domaine a des pratiques professionnelles et des principes d'éthique très rigoureux. Avant d'accepter un mandat, il s'informe sur l'entreprise, rencontre le client et évalue ses besoins de façon objective. À cet égard, il est important de bien conseiller le client. Il est primordial de l'informer sur la nature des compétences sur le marché et de valider le niveau de rémunération en fonction du marché. Le chasseur de têtes professionnel doit faire des mises en garde responsables s'il croit que la rémunération du poste est sous-évaluée par rapport au marché.

Le client doit pour sa part évaluer la capacité du chasseur de têtes à approcher les candidats potentiels qui travaillent chez le concurrent du client. S'il a trop de clients dans un domaine ou une industrie donnés, il sera peut-être limité en fonction de ses clauses contractuelles protégeant ses clients contre le maraudage chez eux. Il est donc recommandé d'encadrer la durée de l'exclusivité du mandat pour pouvoir se dégager du contrat, advenant des délais trop longs, mais aussi de pouvoir considérer d'autres solutions en cas d'échec du recruteur.

L'éthique professionnelle du chasseur de têtes

Dans l'exercice de sa profession, le chasseur de têtes rencontre des milliers de candidats et il est informé des grandes stratégies d'affaires de ses clients. Il est donc primordial qu'il ait une éthique commerciale irréprochable et un grand respect de la confidentialité. À ce sujet, l'appartenance à un ordre professionnel est une garantie additionnelle, puisqu'à ce titre, le chasseur de têtes est notamment assujetti à des règles déontologiques strictes et au respect du secret professionnel. Par ailleurs, depuis août 2003, les CRIA et CRHA adhèrent tous à un régime d'assurance de la responsabilité professionnelle qui garantit à leurs clients qu'ils sont en mesure de répondre financiairement de leurs actes, si un pépin survient en cours de mandat.

Pour ce qui est de la confidentialité, il doit y avoir une relation de confiance naturelle entre le client et son chasseur de têtes. La confidentialité dans ce milieu est essentielle tant en ce qui concerne les candidats, qui désirent garder l'anonymat, que l'entreprise qui partage ses secrets. Il est cependant important de mentionner au chasseur de têtes les éléments confidentiels du dossier et de définir les limites de cette confidentialité afin d'éviter tout malentendu. De son côté, le chasseur de têtes doit aussi respecter un cadre confidentiel dans l'exercice de ses fonctions et il doit partager avec son client les limites qui lui sont imposées à cet égard.

Une fuite de renseignements peut mettre l'entreprise cliente en difficulté, particulièrement quant aux informations stratégiques sur le développement du marché. Pour le candidat, c'est le risque que son employeur actuel soit informé de son intention de partir, ce qui peut mettre en danger son emploi, mais aussi avoir un impact financier important sur l'entreprise. Cela explique aussi pourquoi les chasseurs de têtes sont souvent avares d'informations dans le descriptif de leur mandat.

Cependant, sur le plan du déroulement et de l'évolution de leur mandat, ils auraient intérêt à faire preuve de plus de transparence pour démontrer à leur client les efforts réels déployés dans l'exécution du mandat. C'est souvent là que le client n'est pas toujours convaincu: le chasseur de têtes aurait intérêt à informer le client de l'évolution de son dossier.

La profession du chasseur de têtes est certes exigeante, mais aussi très enrichissante: il a la chance de pouvoir conseiller des entreprises et des personnes sur leurs objectifs d'entreprise et de carrière; il est en contact étroit avec les gestionnaires de haut potentiel qui seront les dirigeants des grandes sociétés de demain; il a un contact étroit et privilégié avec l'ensemble du milieu économique. Pour toutes ces raisons, cette profession devient alors des plus passionnantes.

Source : Effectif, volume 7, numéro 1, janvier / février / mars 2004
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