Vous lisez : Et si on pouvait recruter soi-même son patron?

Engager son propre patron? L’idée peut paraître farfelue, mais pour certains, il s’agit déjà d’une réalité. Les employeurs font face à de nombreux défis en matière de recrutement dont ceux d’attirer et de fidéliser leur précieux effectif.

Par ailleurs, les coûts associés à un mauvais recrutement sont considérables pour un employeur. C’est pourquoi les employeurs doivent faire preuve d’imagination et d’innovation dans ce domaine.

On dit que la principale raison pour quitter son emploi est un manque d’affinité avec son supérieur immédiat. C’est pourquoi l’une des tendances émergentes en dotation consiste à impliquer les employés dans le recrutement de leur supérieur hiérarchique. En prenant part au processus de sélection, l’employé s’engage dans une activité stratégique. Cela augmente sa mobilisation et crée chez lui un sentiment de reconnaissance. Inclure les employés dans le choix de leur supérieur permet peut-être d’embaucher le patron idéal tout en évitant qu’ils partent pour cause d’incompatibilité.

Comment faire?

On peut impliquer les employés à trois étapes du processus de recrutement de leur patron : la préparation, la sélection et la prise de décision. Au stade de la préparation, les responsables de l’embauche organisent des rencontres avec les employés afin de connaître leurs attentes à l’égard de leur prochain supérieur, les critères d’embauche incontournables, le type de leader qu’ils recherchent. Comme à chacune des étapes du processus, la communication entre les responsables et les employés est essentielle. Elle permettra aux employés de parler de leurs attentes et de dissiper leurs doutes concernant leur participation à ce processus un peu particulier. La principale appréhension de l’employé sera de voir ses paroles se retourner contre lui si le candidat retenu ne correspond pas au profil qu’il a décrit ou, pire encore, s’il a explicitement écarté cette candidature. Voilà pourquoi il est important de rassurer les employés en leur expliquant que le but de leur participation n’est pas de les évaluer, mais de prendre leur opinion en considération. Il faudra aussi préciser que la décision finale reviendra à la direction, puisqu’il s’agit d’une participation au processus de recrutement et non d’une délégation de fonction.

L’aide des employés à l’étape de la sélection est souvent précieuse, particulièrement en raison de leur connaissance du poste et des exigences qui en découlent. Les employés subalternes ont l’avantage d’avoir une vision réaliste de l’emploi. À ce stade du processus de recrutement, l’entreprise doit veiller à assurer la confidentialité des candidatures pour éviter tout risque de fuite. Lorsque le nombre d’employés subalternes est trop important pour les impliquer tous directement dans le processus, il est conseillé de récolter l’information dans un questionnaire ou de créer un comité de volontaires, mandatés de préférence par les employés, ce qui lui donnera une plus grande crédibilité. La participation des employés à la sélection de leur supérieur peut aller du tri des dossiers de candidatures en compagnie des responsables du recrutement jusqu’aux entrevues de sélection.

L’ultime participation des employés dans le recrutement de leur patron est sans aucun doute leur intervention dans le choix final du candidat. À cette étape du processus, il faudra écouter les employés, connaître leurs avis sur les candidats proposés et les prendre en considération. Comme dans tout processus décisionnel, l’unanimité demeure bien sûr la situation idéale. Cependant, il ne faudra pas perdre de vue que l’objectif est d’impliquer les employés afin de les mobiliser. Les employés ne devront pas sentir de pression quant aux conséquences de leurs préférences ou de leur choix, puisque la décision finale ne leur revient évidemment pas.

Des avantages et des inconvénients

Les principaux avantages qui découlent de l’implication des employés dans la sélection de leur supérieur sont sans aucun doute leur mobilisation et l’efficacité du processus. Les employés sont souvent les mieux placés pour connaître la réalité du poste et les exigences nécessaires pour en exercer les fonctions. La satisfaction des employés quant au choix de leur nouveau supérieur à un impact majeur lorsque leur opinion est prise en compte par les responsables du recrutement. Entre autres, la qualité du milieu de travail est susceptible d’être améliorée.

Le fait d’impliquer les employés à différentes étapes du recrutement réduit considérablement leur résistance face au candidat retenu, facilite son intégration et améliore la chimie au sein du groupe. Les employés consultés, écoutés et encouragés à participer au processus de recrutement de leur futur patron ont la preuve que leur organisation considère leurs opinions et leur expertise dans les choix stratégiques. Cette participation a un effet mobilisateur certain et a un impact positif sur le taux de roulement du personnel.

Il n’y a cependant pas que des avantages à ce type de recrutement. Un des principaux inconvénients qui accompagne ce processus est le temps nécessaire à sa réalisation, qui augmente avec le nombre de personnes impliquées. Ainsi, puisque les courts délais de remplacement font souvent partie des défis à surmonter en matière de dotation et que le temps investi par les employés dans le cadre du processus n’est évidemment pas consacré aux tâches habituelles des employés, le facteur temps peut devenir problématique pour l’organisation.

La bonne réalisation de ce processus de recrutement nécessite une excellente communication et une bonne compréhension des rôles et responsabilités des employés et de la direction. Les écarts de communication peuvent entraîner des ratés dans le processus qui vont au-delà des bénéfices que celui-ci peut engendrer. Les employés doivent bien comprendre leur rôle et les avantages qu’ils peuvent tirer du processus. Une mauvaise perception peut avoir comme conséquence que les employés se sentent utilisés ou évalués sur leur choix.

Un autre inconvénient est le risque d’avoir de bonnes candidatures mal évaluées ou rejetées par les subalternes. Le processus implique en effet la divulgation et l’explication de son déroulement non seulement aux employés impliqués, mais aussi aux candidats potentiels. Du point de vue des candidats, le processus doit être transparent. L’organisation se doit d’être honnête avec eux et de leur expliquer qui sont les personnes qui assistent à l’entrevue, c’est-à-dire leurs employés potentiels. Il faut tenir compte du fait que tous les candidats ne seront pas intéressés à se faire interviewer et évaluer par des subalternes. Finalement, il faut faire preuve de réserve relativement à ce que les employés impliqués peuvent fournir comme préférences, critères de sélection et autres exigences concernant le patron idéal. Les responsables du recrutement auront la tâche d’évaluer les critères parfois trop sévères des employés, qui fixeront parfois des exigences allant au-delà du profil ou des considérations reliés directement à l’emploi.

Tenir compte du climat de travail ou du type de poste

Il serait utopique de penser que ce type de processus est réalisable pour l’ensemble des postes à pourvoir dans une organisation et dans toutes les entreprises. Plusieurs facteurs peuvent influencer l’adoption d’un processus de dotation impliquant les employés subalternes : la taille de l’organisation, le type d’industrie, la nature du poste à pourvoir, la culture organisationnelle, l’ouverture d’esprit des employés potentiellement impliqués et des responsables du recrutement.

De nos jours, le recrutement des employés n’est plus considéré comme une simple activité opérationnelle du service des ressources humaines. Le processus complet de dotation est maintenant considéré par les entreprises sérieuses comme une véritable activité liée à la stratégie organisationnelle. Voilà pourquoi certains gestionnaires des ressources humaines font preuve d’innovation et de créativité en impliquant les employés dans le processus de sélection, et ce, non seulement pour améliorer son efficacité, mais aussi pour mobiliser le personnel. Quant aux employés subalternes susceptibles d’être impliqués dans le processus, il s’agit d’évaluer leur réceptivité. En effet, ce ne sont pas tous les travailleurs qui seront réceptifs à cette méthode de recrutement. Certains employés craindront l’impact de leur participation au processus lors de l’entrée en poste de leur futur patron. D’autres ne s’y intéressent tout simplement pas, ne comprenant pas les avantages qu’ils pourraient en retirer et voyant leur implication comme une simple surcharge de travail.

Par ailleurs, il est plus aisé d’introduire une telle méthode de recrutement dans une entreprise dont la culture organisationnelle favorise la participation des employés à d’autres activités opérationnelles que celles qui sont directement liées à leur travail. Ainsi, il sera plus difficile d’établir un processus de recrutement participatif au sein d’une organisation de type traditionnel ou conservateur possédant une forte structure hiérarchique et des règles fortement établies et rigides. À titre d’exemple, une entreprise œuvrant dans l’industrie des nouvelles technologies, où la créativité de l’organisation et des gestionnaires doit s’accorder avec celle du personnel, serait plus susceptible d’intégrer un modèle de recrutement participatif qu’une entreprise du secteur de l’assurance ou du milieu financier.

La nature et le niveau hiérarchique du poste à pourvoir entrent également en ligne de compte dans le choix de ce modèle de recrutement. Ainsi, il serait plus profitable, voire souhaitable d’avoir recours à un processus plus conventionnel de recrutement pour des postes de gestionnaires d’opérations impliquant la supervision de plusieurs employés non spécialisés. L’efficacité et les bénéfices d’un tel processus seront plus probables si on veut pourvoir un poste de directeur d’un service du marketing que si on cherche à embaucher un contremaître de production ou un superviseur de centre d’appels.

Finalement, d’autres facteurs comme la taille de l’entreprise ou la présence d’un syndicat peuvent aussi avoir une incidence sur la décision d’utiliser ou non le modèle de recrutement participatif. Plus l’équipe de travail sera réduite, plus il sera facile de mettre les employés à contribution dans le processus de recrutement. Dans les cas d’entreprises syndiquées, l’implication des employés ne sera pas suffisante; le consentement et la collaboration préalable du syndicat sont nécessaires lorsque les employés qui seront impliqués dans le processus de recrutement sont membres d’un syndicat.

En somme, le recrutement participatif nécessite évidemment l’implication des employés, mais il exige aussi d’accorder une grande attention aux informations qu’ils fournissent. L’exercice n’atteindra pas son but si les opinions des employés ne sont pas prises en considération par les responsables du recrutement. Les nombreux facteurs à considérer dans la décision d’avoir recours à ce type de recrutement expliquent pourquoi il est important de bien expliquer tout le processus autant aux employés qu’aux candidats potentiels et d’obtenir l’assentiment total de la direction.

Source : Effectif, volume 14, numéro 2, avril/mai 2011.
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