La fin du congé estival a sonné pour les élèves qui retournent ces jours-ci sur les bancs d’école. Dans ma petite bulle familiale, c'est la rentrée de mon fils à l'école secondaire. Un passage important pour son avenir et qui, j’espère, se conclura par l’obtention de son diplôme. Mais comme garçon, les statistiques jouent contre lui. Qui plus est, lors d’un récent souper en famille, un restaurateur montréalais lui a offert son premier emploi à 12 ans. Bien que nous ayons poliment décliné cette première offre, je crains que le marché de l'emploi soit bien attrayant pour lui avant la fin de son secondaire.
Plusieurs jeunes continueront d'occuper pendant l’année scolaire l’emploi qu’ils ont trouvé durant l’été. Quelques-uns le feront pour expérimenter le monde du travail, d'autres pour se payer le prochain modèle de téléphone. Dans le contexte inflationniste actuel, certains auront même besoin de ces revenus pour contribuer aux dépenses du ménage.
Cette conciliation travail-étude n’est pas sans risques. Selon le ministère de la Santé et des Services sociaux, 21 % des garçons qui travaillent d’une à dix heures par semaine sont susceptibles de décrocher de leur parcours scolaire. Cette proportion grimpe à un taux alarmant de 41 % chez ceux qui travaillent 21 heures ou plus. Chez les filles, ces proportions varient de 13 % à 24 %.
Les risques liés à la santé et la sécurité sont également bien présents. Selon des données publiées plus tôt cette année par la CNESST, les accidents de travail chez les jeunes de moins de 16 ans ont bondi de 36 % en 2021, comparativement à l’année précédente.
Une responsabilité sociale des employeurs
Bien sûr, ce n'est pas d'aujourd'hui que les jeunes travaillent pendant leurs études. Ce qui semble nouveau – et qui sera à confirmer par un portrait statistique sous peu – c'est la tendance à embaucher des travailleurs encore plus jeunes et d'avoir beaucoup d'heures à leur proposer chaque semaine. On conçoit aisément qu'afin de pourvoir des postes qui ne nécessitent pas de qualification particulière, l'embauche des jeunes est une avenue attrayante dans un contexte de pénurie de main-d'œuvre.
Bien qu’il n’y ait pas d’âge légal minimum pour travailler au Québec, ces employeurs ont toutefois la responsabilité sociale de déployer des pratiques exemplaires. Voici quelques exemples :
- Prévoir un aménagement responsable du temps de travail en tenant compte du calendrier scolaire, même si parfois ceci peut avoir une incidence sur les opérations de l’employeur.
- Former de manière soutenue les jeunes sur les risques de santé et sécurité inhérents à leurs fonctions.
- Prendre des engagements en matière de persévérance scolaire, en créant par exemple un programme de bourses ou en soulignant l’obtention des diplômes par leurs jeunes employés.
Une législation renforcée?
Si des balises ne sont pas mises en place, le phénomène pourrait mener à des dérapages. C’est pourquoi plusieurs voix se sont élevées au cours des derniers mois pour réclamer une réflexion collective sur la question. En tant qu’organisation qui a pour mission de protéger le public, l’Ordre était du nombre et a proposé l'instauration d’un maximum de 12 heures de travail par semaine en période scolaire pour les moins de 16 ans et l’interdiction pour les moins de 14 ans d’occuper des postes à haut risque pour la santé et la sécurité physique et psychologique.
Nous espérons que tous les partis politiques profiteront de la campagne électorale pour présenter des propositions concrètes à cet égard. Il en va du bien-être et de la réussite des jeunes, qui doivent demeurer notre priorité.
Cette lettre d’opinion a paru dans l’édition du 29 août du Journal de Montréal.