Rappelez-vous l’automne dernier, alors que de nombreux cas de harcèlement en milieu de travail ont déferlé dans l’actualité, la société québécoise s’est profondément indignée. Politiciens de toute allégeance, acteurs du monde du travail, personnalités publiques et citoyens avaient affirmé leur volonté de faire cesser définitivement tout type de harcèlement. Quelques mois plus tard, malgré ces belles intentions partagées par tous, aucune mesure n’a été concrètement mise sur pied afin que tous les travailleurs puissent bénéficier du milieu de travail sain et exempt de harcèlement auquel ils ont droit.
Ainsi, alors que le gouvernement s’apprête à réviser la Loi sur les normes du travail (PL no 176), nous estimons que la seule mesure proposée à cet effet est nettement insuffisante pour enrayer le harcèlement des milieux de travail. En effet, l’unique exigence imposée à l’employeur d’adopter et de diffuser une politique en matière de harcèlement ne pourra assurément pas régler la situation.
Les élus québécois doivent saisir cette occasion pour réitérer leur engagement et envoyer un message fort contre le harcèlement. Rappelons que l’Ontario et le gouvernement fédéral ont déjà légiféré, en ce sens et que le Québec tire maintenant de la patte en la matière.
Une seule approche peut véritablement réussir à éliminer le harcèlement de nos milieux de travail, et c’est ce que l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés a proposé récemment lors de son passage en commission parlementaire pour le PL n° 176, c’est-à-dire l’instauration d’une stratégie globale qui repose sur la prévention, le soutien et l’intervention. Plus particulièrement, l’Ordre recommande fortement que l’enquête à la suite d’une plainte, précédée d’une analyse de recevabilité et avec la possibilité de médiation en tout temps, soit rendue obligatoire pour les employeurs. Ce type de mandat ayant un risque de préjudice élevé pour toutes les parties s’il n’est pas réalisé adéquatement devrait impérativement être exécuté par des professionnels compétents et impartiaux comme les CRHA. D’ailleurs, ce sont déjà ces professionnels qui le réalisent la plupart du temps.
Certains employeurs, notamment de petites organisations, pourraient voir cette mesure comme un fardeau supplémentaire. Pourtant, alors que les impacts du harcèlement sont dramatiques à la fois sur les victimes et leur entourage, les employeurs auraient tout intérêt à comprendre qu’eux aussi risquent gros. Les événements de l’automne dernier nous ont bien démontré que les répercussions sont dévastatrices pour le climat de travail, la santé financière et la réputation des employeurs. Alors qu’ils n’hésitent pas à faire appel à un professionnel pour enquêter si une brèche apparaît dans la sécurité de leur base de données ou s’ils se croient victimes de fraude, pourquoi seraient-ils hésitants à déployer de telles mesures pour protéger leur main d’œuvre, leur ressource la plus importante? D’autant plus que, faut-il le préciser, l’enquête en matière de harcèlement n’est pas nécessairement fastidieuse. Plusieurs facteurs détermineront son étendue, tels que l’ampleur de la problématique et la taille de l’organisation.
Rappelons-nous que le 18 octobre 2017, les députés de l’Assemblée nationale votaient à l’unanimité en faveur d’une motion qui constatait l’urgence d’agir pour contrer le harcèlement, notamment en améliorant le traitement des plaintes et en accompagnant les victimes dans ce processus. Après toutes ces belles paroles, il est du devoir du gouvernement de passer à l’action. Si nous n’agissons pas collectivement, nous laisserons alors tomber toutes ces victimes qui ont fait preuve d’un courage exemplaire pour exposer au grand jour des situations inacceptables dans l’espoir de faire avancer notre société.
Signataires :
Marianne Plamondon, CRHA
Présidente du conseil d’administration de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés
Manon Poirier, CRHA
Directrice générale de l’Ordre des conseillers en ressources humaines agréés