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Coaching dans un environnement complexe

Les gestionnaires qui accèdent à des postes supérieurs – à un comité de direction par exemple – sont généralement surpris de constater que rien n’est aussi simple qu’ils l’avaient imaginé. Le contexte, les enjeux, les communications, les attentes, les intérêts concernés, la prise de décision, les acteurs. Tout semble plus complexe, plus difficile à saisir, plus ambigu et, parfois, contradictoire. Le coach accompagnera alors le cadre en l’aidant à acquérir une compréhension plus systémique de son organisation.
12 décembre 2017
Yvon Chouinard, CRHA, Distinction Fellow

La réponse à la complexité n’est pas toujours la simplification

Le premier réflexe d’un cadre supérieur, surtout s’il est issu d’un secteur d’expertise pointue, est de tenter de simplifier en pensant que la complexité est une mauvaise chose ou encore de confondre « compliqué » et « complexe ».

L’accompagnement de cadres supérieurs exige de la part du coach une compréhension profonde des environnements complexes et de la dynamique des systèmes. En effet, la complexité ne peut être détachée de la pensée systémique  pour tenter de comprendre un monde organisationnel complexe. Généralement, le coach doit alors aider son client à sortir de son moule habituel de pensée systématique, où les choses sont ordonnées et même prévisibles.

Si décortiquer un problème à la fois peut être approprié dans certains cas, c’est peu utile lorsqu’on approche les environnements complexes. On ne peut comprendre le système complet en examinant ses composantes individuelles. Assez souvent, les cadres supérieurs frustrés par la complexité de leur organisation cherchent une cause précise qui devient parfois un patron ou une fonction de l’entreprise. 

La complexité est difficile à saisir et accepter

Forcément, plus il y a d’éléments interagissant les uns avec les autres, plus il y a d’interdépendance entre eux; et plus ces éléments sont diversifiés, plus la complexité est grande. Le cadre doit respecter cette complexité et surtout ne pas prétendre qu’il la comprend entièrement par des déclarations émotives ou des jugements déclaratoires du style : « C’est une maison de fous ».

Cela peut être très inconfortable, mais la démarche de coaching  permet de considérer une multiplicité d’interprétations et de modèles pour développer un point de vue plus éclairé et modéré.

Ce qui est compliqué n’est pas toujours complexe

La confusion entre compliqué et complexe provient souvent d’un problème de précision du vocabulaire. Mais il est important de faire la différence entre les deux notions afin de savoir clairement sur quoi le coach doit travailler avec son client.

Les systèmes compliqués comprennent plusieurs éléments qui interagissent, mais il est plutôt facile de prévoir leurs  comportements, qui suivent un modèle répétitif et prévisible. Par exemple, le pilotage sécuritaire d’un avion de ligne comprend  des étapes compliquées, mais normalisées et leurs effets sont connus d’avance.

Dans un environnement complexe, même une décision en apparence mineure ou simple peut avoir des effets surprenants en raison de la chaîne d’événements qui s’ensuit. Par exemple, une décision qui semble simple comme celle d’accorder une augmentation salariale de 2 % à tous les employés peut engendrer des effets inattendus sur la gestion de la performance planifiée par les gestionnaires.

Les effets de la complexité

En coaching, on observe deux principaux problèmes auxquels les gestionnaires font face dans une situation de complexité :

  • l’apparition de  conséquences non désirées ou inattendues;
  • la difficulté de donner un sens à l’environnement complexe.

Le défi pour le coach est de faire ressortir la situation complexe de manière à ce que le cadre  puisse la voir et l’accepter, déterminer ce qu’il peut faire et se sentir confiant qu’il peut y naviguer avec une certaine assurance en développant de nouveaux repères de fonctionnement.

Le travail du coach consiste non seulement à faciliter une prise de conscience et une réflexion par rapport à la complexité, mais aussi à favoriser chez le gestionnaire l’émergence d’une certaine sagesse lui permettant d’accepter ce qu’il ne peut contrôler ou changer. Cela veut aussi dire, par exemple, de pouvoir accueillir en même temps deux idées qui s’opposent sans perdre sa capacité de fonctionner.

Trouver le point de vue idéal qui donnerait  une compréhension de toutes les relations d’un système complexe est quasi impossible. La capacité d’un cadre à comprendre en donnant un sens pertinent ou concret à toutes les interactions qui peuvent exister entre les divers éléments d’un environnement complexe est limitée par ses facultés cognitives. En effet, la nature des relations dans un ensemble d’éléments peut prendre bien des formes. Cela signifie que sa compréhension peut être parfois incomplète. Le cadre doit accepter que d’autres personnes aient un point de vue différent du sien et que, s’il y a toujours une logique dans ce qui arrive, celle-ci peut diverger de la sienne.

Du coaching réaliste orienté vers l’avenir

En coaching de gestionnaires, la complexité peut s’approcher de trois manières :

  • examen de ce qui s’est déjà produit dans le passé;
  • regard sur la situation actuelle et tentative  d’en dégager les contraintes et les opportunités;
  • anticipation de  ce qui pourrait arriver en envisageant un éventail de possibilités et les modes d’ajustement pour chacune.

Il s’agit donc d’un coaching orienté vers des solutions ou des options applicables dans la réalité immédiate du gestionnaire. En conséquence, l’expérience pratique du monde de la complexité peut être éminemment utile au coach pour élever  assez rapidement le niveau de conscience  du gestionnaire par rapport à ce qu’il vit.

Pour aller plus loin

  • Boyatzis, Richard (2008). « Leadership development from a complexity perspective”, Consulting Psychology Journal: Practice and Research, American Psychological Association, vol. 60, n° 4, 298–313
  • Charrette, Louise  (2007). « La gestion de la complexité », Ordre des CRHA
  • Denison, Daniel, Robert Hooijberg et Robert Quinn (1995). “Paradox and Performance: Toward a theory of behavioral complexity in managerial leadership”, Organization Science, vol. 6, n° 5, 524-540
  • Heywood, Suzanne, Jessica Spungin et David Turnbull (2007). “Cracking the complexity Code”, The McKinsey Quarterly, 2007 (2).
  • Jaques, Elliott (2002). The life and behavior of living organisms. A general Theory. Wesport, CT:Praeger
  • Jaques, Elliott & Kathryn Cason (1994). Human Capability. A study of individual potential and its application. Falls Church, VA: Cason Hall & Co, Publishers
  • Knowledge@Wharton The Complicated Lives of Today's Leaders: Why Being at the Top Is Harder Than Ever, August 18, 2010
  • Mintzberg, Henry (2009). Managing, San Francisco: Berrett-Koehler.
  • Oshry, Barry (2007). Seeing Systems. Unlocking the mysteries of organizational life, San Francisco: Berrett-Koehler Publishers
  • Sargut, Gökce & Rita Gunter McGrath (2011). “Learning to live with complexity”, Harvard Business Review, September 2011
  • Sullivan, Tim (2011). “Embracing Complexity”, Interview with Michael J. Mauboussin, Harvard Business Review, September 2011

À propos de l’auteur

Yvon Chouinard, CRHA, ACC, est chef de pratique chez  Pauzé Coaching. Il est le coauteur, avec Nicole Simard, de l’ouvrage Impact. Agir en leader. Il est aussi conseiller en implantation de programmes de mentorat en plus de faire de la formation de mentors et de mentorés. On peut le joindre par téléphone [514 861-0222] ou par courriel [ychouinard@isotopeconseil.com]. Twitter : @coachyvon


Author
Yvon Chouinard, CRHA, Distinction Fellow Conseiller en mentorat Yvon Chouinard

Yvon Chouinard, CRHA, Distinction Fellow, est conseiller en mentorat. Il œuvre activement comme bénévole à Mentorat Québec au sein de son comité Veille et Recherche. Il est en particulier rédacteur en chef de La Sentinelle mentorale qui est publiée en janvier lors du Mois du mentorat.