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Quand la diversité, l’équité et l’inclusion modèlent l’expérience employé

Repenser son expérience employé à travers le filtre de l’équité, de la diversité et de l’inclusion a le potentiel d’améliorer autant l’engagement affectif et le bien-être des équipes que la performance de l’organisation.
13 juin 2023
Ordre des conseillers en ressources humaines agréés

De nombreuses organisations tentent de repenser leur expérience employé. Et pourquoi ne pas faire passer ces changements à travers le filtre de l’équité, de la diversité et de l’inclusion? Un rapprochement qui procure des avantages sur tous les plans !

Pénurie de main-d’œuvre, guerre des talents, quête de sens des travailleurs et travailleuses : dans le contexte actuel, les avantages liés à l’offre d’un environnement de travail mettant de l’avant les principes d’équité, de diversité et d’inclusion (EDI) sont légion. Il s’agit d’un formidable levier pour les organisations, qui peuvent ainsi non seulement accroître leur capacité d’attraction et de rétention, mais aussi améliorer leur performance, fait valoir Julie Carignan, CRHA, psychologue organisationnelle et associée chez Humance, une firme de consultation en stratégies d’affaires et humaines. « La recherche scientifique le démontre. Le fait de compter sur une équipe diversifiée permet de combiner les forces de chacun et de mieux s’adapter aux changements », rappelle-t-elle.

Toutefois, pour que ces démarches portent leurs fruits, elles doivent s’incarner au quotidien. En effet, pas question de se contenter de proposer une formation, de compiler des statistiques en ressources humaines ou d’écrire une politique d’EDI. « L’expérience des employés doit être au cœur de cette démarche. Sinon, on passe à côté de l’essentiel », observe Émilie Ruffin, leader de la pratique EDI chez Humance.

Or, bien souvent, les organisations ont tendance à réfléchir à ces deux concepts en parallèle. Pourtant, l’EDI peut avoir un effet dans tous les moments clés du parcours d’un employé ou d’une employée, depuis son embauche jusqu’à son départ. « Ce n’est pas une révolution, ce ne sont que des lunettes spéciales qu’on met quand il est question d’aborder l’expérience employé », illustre Julie Carignan.

Repenser le parcours des membres du personnel

Chausser ces lunettes permet de revoir l’expérience employé pour englober toute la diversité des réalités, souligne Julie Carignan. Elle donne en exemple les fameux personas, ce concept inspiré du marketing qui dresse les caractéristiques principales d’un client ou, dans ce cas-ci, d’un groupe d’employés et employées. « Voyez-vous le piège potentiel? En définissant un persona, on détermine un profil type, qui correspond à la majorité. Mais si on utilise cela pour concevoir son expérience employé, on risque de passer à côté de beaucoup d’autres réalités. »

Tout autant primordial est le sentiment d’équité, lequel augmente quand les décisions sont expliquées plutôt qu’imposées, note-t-elle. « Pour le volet inclusion, cela va de soi. Il faut se demander si chaque personne se sent non seulement accueillie, mais aussi reconnue, valorisée pour son caractère unique », dit-elle.

Bref, l’EDI permet de créer des milieux de travail sains et inclusifs, où chaque personne se sent à l’aise d’être elle-même, résume Émilie Ruffin. Cela permet aussi de « conscientiser toutes les strates de l’organisation à l’importance de chaque personne au sein de l’équipe. » Cette démarche améliore également la performance des organisations ainsi que la culture organisationnelle, précise-t-elle aussi. De plus, c’est une façon de repenser ses pratiques en gestion des ressources humaines, en relevant les différents biais possibles dans les formulaires d’embauche, les outils d’évaluation du talent ou de la performance, par exemple.

« Le fait d’inviter les personnes dans des groupes de discussion, des formations et des moments de célébration permet aussi de mettre ces questions de l’avant dans un contexte positif, de présenter des résultats et des avantages qui sont vraiment porteurs de sens, tant pour les personnes que pour les organisations », ajoute la spécialiste de l’EDI.

Les clés de la réussite

Créer un environnement équitable, diversifié et inclusif est un travail de longue haleine et requiert des changements en profondeur, estime Julie Carignan. « Ce n’est pas qu’en donnant quelques ateliers qu’on peut opérer ce changement culturel, relève-t-elle. Cela prend un plan précis. Il faut briser les silos. » En effet, bâtir une culture inclusive constitue un défi qui touche toutes les sphères de l’organisation. « Il faut donc que tout le monde participe, autant les leaders que tous les employés; c’est vraiment majeur. Et il est important de ne pas mettre toute la pression sur la personne des ressources humaines ou l’expert en EDI responsable du chantier. »

C’est d’ailleurs l’approche préconisée par Humance, qui élabore actuellement sa propre politique interne à ce sujet. L’équipe de leaders s’est donc réunie pour discuter de ce positionnement et établir une stratégie à court, moyen et long terme. « En fait, on ne voulait pas que cette démarche se limite à cocher des cases sur une liste, mais plutôt que ces valeurs se vivent au quotidien. On s’est donc demandé ce qu’on était prêts à investir en temps et en ressources pour y arriver », indique Julie Carignan.

Tout le personnel a été formé à l’EDI dans un parcours de développement concocté en collaboration avec des spécialistes de l’Université Laval qui combinait apprentissage, codéveloppement et consolidation des acquis en équipe. « Ce qui est important, c’est que tout le monde comprenne le contexte, qu’on parle un langage commun, pour avoir cette compréhension commune », note Émilie Ruffin.

L’équipe teste aussi différents outils, comme des indicateurs visuels qui permettent de mesurer les progrès, et a inclus ces questions dans ses évaluations de rendement et ses objectifs stratégiques. Une façon de garder le cap sur l’EDI à travers les aléas du quotidien. En parallèle, l’équipe a aussi fixé des objectifs plus simples, permettant des gains rapides qui agissent comme facteurs de motivation pour les membres du personnel, explique Julie Carignan. « Même si tout n’est pas ficelé, si la haute direction y travaille encore, on peut déjà avancer dans certains dossiers, comme la communication inclusive, avec le reste de l’équipe. »

Les organisations ont aussi tout avantage à développer une certaine expertise en interne. Par exemple, Julie Carignan s’est spécialisée dans les questions de neurodiversité et du leadership féminin. Elle agit donc comme référence auprès des membres de l'équipe-conseil Humance qui interviennent dans des contextes où ces expertises peuvent être mises à contribution. « On ne peut pas être expert en tout, reconnaît-elle. On a quand même le devoir, la responsabilité de savoir où trouver les bonnes personnes-ressources. Il y a plein de réseaux, de personnes intervenantes, qui ont acquis des connaissances pointues dans des domaines comme la diversité de genre. » Bien s’entourer constitue d’ailleurs l’une des clés de la réussite.

Continuer d’avancer

S’il peut être tentant de se reposer sur ses lauriers une fois l’élaboration de sa politique d’EDI terminée, c’est un piège. « Certaines directions pourraient avoir l’impression qu’elles sont arrivées à destination, mentionne l’associée. Mais ce genre de concept évolue constamment. » Certes, il suffit de poser un regard quelques années en arrière pour constater tout le chemin parcouru depuis. Il faut donc ne rien tenir pour acquis, surtout qu’il peut être difficile — et long — de défaire des habitudes, qui sont souvent bien ancrées.

Autre piège à éviter : vouloir aller trop loin, trop vite. « Il faut comprendre d’où on part et amener les gens à faire de petits pas, avec humilité, en leur donnant le droit à l’erreur, en montrant de l’ouverture, de la tolérance. Quand tu tentes de changer quelqu’un, si tu pousses trop vite, tous les mécanismes de défense et de résistance embarquent », mentionne la psychologue. D’où l’importance de prendre le pouls des membres de l’équipe avant de se lancer dans l’action.

Si cette démarche peut sembler complexe, c’est toutefois un exercice puissant. « Plusieurs vont voir cela comme un caillou dans leur soulier, mais c’est plutôt une façon de réfléchir à des solutions hyper pratiques qui permettent de mettre en place un environnement de travail agréable, sain et inclusif », résume Émilie Ruffin. Des efforts qui améliorent autant l’engagement affectif et le bien-être des équipes que la performance des organisations, font valoir les deux spécialistes.


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