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Créer un milieu de travail inclusif : comment en assurer le succès?

La création d’un milieu de travail inclusif exige un certain doigté, mais la démarche doit passer par trois éléments essentiels à son succès.
2 mai 2023
Élisabeth Petit, CRHA

Voilà une question qu’on se pose chez plusieurs entreprises. D’autant plus que créer un milieu de travail inclusif rappelle à l’esprit qu’il s’agit d’un défi de taille, voire colossal. C’est vrai si l’on s’attarde à la définition « Réaliser ou concevoir quelque chose; être à l’origine de son existence; faire naître, engendrer un sentiment, un état »[1]. Comme si le don d’omnipotence semble un requis absolu pour créer cette culture inclusive; la perception d’une tâche titanesque, d’un défi d’une ampleur qui nous dépasse. Le succès est-il possible?

S’il est certain que créer un environnement de travail inclusif ne se fait pas en claquant des doigts, il existe par ailleurs des prédicteurs de réussite éprouvés. Par conséquent, et nous le verrons plus loin, il est possible d’envisager le succès de la création d’un milieu de travail inclusif avec beaucoup d’efforts, certes (efforts = succès, nous rappelle depuis plus de 25 ans le conférencier Sylvain Boudreau[2]).

Voici donc trois points sur lesquels vous devriez consacrer vos efforts en vue de créer un milieu plus inclusif et, de surcroît, mettre les conditions favorables à son maintien.

  1. Savoir d’où vous partez pour savoir où vous allez

    Cette première étape vise à avoir un examen honnête du niveau actuel de maturité de l’organisation sur le plan de la diversité et de l’inclusion et à amener les membres de la direction à s’interroger sur le pourquoi; c’est-à-dire sur quels impératifs : légal, recrutement, économique ou de justice sociale repose la démarche[3]. Se doter d’un point de référence, déterminer le niveau souhaité et établir les aspirations seront des gages de succès en plus de donner l’heure juste sur les efforts qui devront être consentis.

    Un premier modèle de maturité en EDI est celui du Center for Global Inclusion, organisme reconnu à l’échelle internationale, dans leur rapport Global Diversity, Equity and Inclusion Benchmarks : Standards for Organizations Around the World (GDEIB) [4]. Ce modèle propose cinq niveaux permettant d’évaluer sa position actuelle et sa progression souhaitée.

    Figure 1

    Figure  1 : Adaptation par Loin Devant Ressources Humaines du Modèle de maturité GDEIB

    Un second modèle de maturité est celui que Deloitte présente dans le rapport The diversity and inclusion en 2018[5]. Ce modèle permet également aux entreprises d’évaluer leur niveau actuel d’EDI et celui désiré, mais sous l’angle, entre autres, de la mobilisation des gestionnaires et de leur engagement. De plus, ce modèle soulève au passage que créer un milieu de travail inclusif est une question de culture organisationnelle, voire une remise à zéro de la culture des organisations et propose sept actions de transformation.

    C’est d’ailleurs cet élément qui nous apporte à vous présenter en deuxième point l’importance de voir la création d’un milieu inclusif comme une gestion de changement. Un élément assurant la réussite soutenue dans plusieurs recherches et écrits, notamment pour le développement de comportements inclusifs comme le souligne Brière, Pulido et Savard dans leur plus récent ouvrage[6].

  2. Aborder l’EDI comme une démarche de gestion du changement

    Dans cette optique, bâtir une culture inclusive partira de votre capacité à soutenir le changement par un narratif fort, qui permettra à l’ensemble de votre personnel de partager une vision commune et d’en comprendre le pourquoi. Cette trame narrative s’inscrira dans vos objectifs fondamentaux et devra émaner de votre équipe de direction.[7]

    À cela, soulignons l’importance de décrire la situation actuelle, celle souhaitée et pourquoi vous en faites maintenant une priorité. Votre équipe aura besoin de comprendre cette évolution, d’autant qu’elle leur demandera également des efforts.

    À cette étape, la manière dont est suggérée d’anticiper et de répondre aux cinq types de préoccupations (informations, personnel, mise en œuvre, effets, améliorations), dans le modèle Leadership dans le changement[8] de The Ken Blanchard Companies, nous apparaît comme un gage de succès. Cette approche, comme tant d’autres en gestion du changement, repose sur le temps que vous prendrez à écouter et comprendre ce que les employé•e•s pensent de ce changement; cela vous permettra de réagir en communiquant les bonnes informations ou en prenant les bonnes mesures pour répondre à leurs besoins réels. Car, comme le disait l’économiste John Maynard Keynes : « La difficulté n’est pas de comprendre les idées nouvelles, mais d’échapper aux idées anciennes ».

    Cette citation nous amène à notre troisième et dernier point pouvant mener au succès de la création d’un milieu de travail inclusif.

  3. Soyez conscient de ce qui est invisible

    Le dernier prédicteur de réussite réfère à l’importance de considérer avec une attention toute particulière la culture d’entreprise dite « invisible », telle que proposée par Edgar Schein[9]. Il définit la culture d’entreprise comme « ... un ensemble de prémisses et de croyances partagées que le groupe a apprises au fur et à mesure qu’il a résolu ses problèmes d’adaptation externe et d’intégration interne, qui a fonctionné suffisamment bien pour qu’il soit considéré valide, et par conséquent est enseigné aux nouveaux membres comme la manière appropriée de percevoir, de penser et de ressentir par rapport à ces problèmes. »

    Mais pourquoi ce concept est-il capital dans la création d’une culture inclusive? Tout ! C’est même le fondement des actions concrètes, des programmes et des formations que les organisations mettent en place.[10] C’est le socle sur lequel repose un véritable changement pour une inclusion durable, voire l’atteinte de la justice sociale.

    Comme nous constatons, la concrétisation d’une culture inclusive et la conception d’un environnement de travail où l’inclusion est avérée exigent de prendre en compte ce qui se trouve sous l’eau : l’invisible. Puisque c’est là que résident les valeurs qui peuvent alimenter la discrimination et qui engendrent les barrières systémiques.

    Figure 2

    Figure 2 – Adaptation par Loin Devant Ressources Humaines inc. du modèle de Edgar Schein.

    En ce sens, vous aurez beau modifier vos politiques, vos processus ou vos structures; si tout cela ne repose pas sur des croyances renouvelées, une prise de conscience des biais, une évolution des perceptions, une remise en question des traditions, vous serez inévitablement condamné à une succession d’efforts à la portée limitée, et ce, au risque de vous maintenir aux premiers niveaux du modèle de maturité.

Conclusion

C’est sur ces rhétoriques que nous concluons :

  • Quel est le niveau de maturité actuel de votre organisation et la destination souhaitée?
  • Abordez-vous cette nouvelle culture inclusive comme une gestion du changement et donc avec l’approche et la patience requises?
  • Investissez-vous suffisamment d’efforts dans l’intangible pour des résultats tangibles?

Répondre à ces questions pourrait bien être le premier pas vers le succès de votre projet. Finalement, si le don d’omnipotence n’a rien à voir là-dedans, en revanche, les efforts permanents sur ces trois points ont tout à y voir!

Pour aller plus loin


Author
Élisabeth Petit, CRHA Présidente et experte en diversité, inclusion et équité Loin Devant Ressources Humaines inc.

Professionnelle passionnée et gestionnaire en ressources humaines depuis près de 20 ans, Élisabeth a porté de nombreux projets significatifs tant au Canada, qu’aux États-Unis, au Mexique, en Chine, en France et au Royaume-Uni. Ses expertises sont tant dans des milieux manufacturiers, qu’industriels ou de services professionnels. De plus, Élisabeth a mené, avec ses équipes, plusieurs transformations d’envergure autant pour le compte d’entreprises familiales, de PME, d’OSBL, d’entreprises publiques que de sociétés privées de toutes les tailles.

Au cours des années, elle a activement pris part à divers mandats tels que le déploiement d’initiatives en ÉDI, la gestion du changement, l’accompagnement de la haute direction, la redéfinition de l’offre de services des fonctions RH, le coaching de gestion et d’équipes, les relations de travail, l’animation d’ateliers de planification stratégique ainsi que la facilitation de formation.