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Politiques de prévention : agir pour changer les mentalités et contribuer à un mieux-être au travail

Au cours des dernières années, et en particulier depuis quelques semaines, les violences sexuelles à l’égard des femmes ont fait les manchettes, notamment avec les mouvements #agressionnondénoncée, #moiaussi et #etmaintenant. Dans un tel contexte, les organisations syndicales doivent assumer, plus que jamais, leur rôle dans la promotion et la défense de relations de travail saines et favorables à l’épanouissement et au bien-être de l’ensemble des travailleuses et des travailleurs.
29 mai 2018
Véronique De Sève | Caroline Senneville

S'appuyant sur des valeurs et des pratiques syndicales basées sur la justice, le respect et la dignité, la Confédération des syndicats nationaux (CSN) se préoccupe depuis plusieurs décennies des enjeux entourant la problématique de la violence et du harcèlement au travail. À l’automne 2017, dans la foulée des nombreuses vagues de dénonciations d’agression sexuelle, la CSN a mis à jour sa politique de prévention de la violence et du harcèlement au travail, qui est destinée à outiller ses syndicats afin qu’ils puissent se l’approprier et l’adapter à leurs réalités locales. La nouvelle édition de la politique a été actualisée afin de mieux refléter certaines préoccupations, dont la violence et le harcèlement à caractère sexuel.

Seulement 10 % des victimes dénoncent les violences sexuelles qu’elles ont subies.

La prévention : un outil essentiel

En matière de violence et de harcèlement au travail, une intervention appropriée ne peut laisser place à aucun délai. Il faut agir avant que les problèmes se présentent, notamment en améliorant l’organisation du travail. La prévention, la sensibilisation et la formation sont des éléments phares pour enrayer la violence et le harcèlement. Nombre d’études confirment l’importance des actions de prévention et de promotion. Il faut engager une réflexion collective en s’adressant à tout le monde sur les enjeux de violence et de harcèlement. Nous devons tous y travailler, ensemble.

Aussi, le bien-être de l’ensemble des personnes oeuvrant au sein d’un milieu de travail est primordial pour créer une dynamique saine et un environnement où les gens peuvent davantage se réaliser. Collectivement, en tant que société, nous avons tous à gagner de l’établissement d’un bon climat de travail. Les relations interpersonnelles doivent être empreintes d’un respect mutuel, et ce, à tous les échelons de l’organisation. De plus, la mise en place de mesures pour l’amélioration des conditions de travail contribue à l’établissement de meilleurs rapports entre les individus. Faciliter la conciliation famille-travail- études, réfléchir collectivement à des solutions lorsque des problèmes se posent ou s’assurer du transfert de connaissances entre les générations, par exemple, sont des mesures qui agissent comme boucliers pour prévenir un éventuel pourrissement du climat de travail.

La satisfaction quant à son emploi et à son milieu de travail, de même que la confiance et la coopération entre les personnes, sont également des facteurs favorisant la prévention. Des lieux de discussion, formels ou informels, facilitent l’instauration de relations de travail harmonieuses. En travaillant ensemble, nous favorisons le développement de valeurs collectives où se retrouvent la solidarité et l’entraide.

Par la prévention, l’information, l’intervention et le soutien, nous visons à ce que tous bénéficient d’un milieu exempt de violence et de harcèlement.

Les violences sexuelles : un enjeu spécifique

La violence à caractère sexuel prend différentes formes et les conséquences sur les victimes, principalement des femmes, sont multiples. En effet, les dégâts sont considérables et les contrecoups peuvent être très lourds : anxiété, altération de l’image de soi, sentiment de culpabilité et de honte, dépression, etc. À cela s’ajoutent souvent les difficultés conjugales, familiales et professionnelles.

L’impact est majeur sur les victimes qui peinent à dévoiler les violences qu’elles ont subies. Un véritable silence entoure la violence sexuelle. Selon la campagne « Sans oui, c’est non! », « seulement 10 % des victimes dénoncent les violences sexuelles dont elles ont souffert, pour plusieurs raisons : crainte de ne pas être crue et d’être jugée; crainte de perdre le contrôle sur l’information diffusée ou dévoilée; crainte de la réaction de l’entourage; crainte de représailles provenant de l’agresseur ou de l’entourage; méconnaissance des ressources existantes ».

On peut observer différentes manifestations de violences et de harcèlement :

  • des paroles
  • des avances
  • des regards
  • des attouchements
  • des invitations sous forme de sous-entendus
  • des demandes explicites
  • de la coercition sexuelle (chantage pour obtenir des faveurs)
  • des actes divers non sollicités pouvant aller jusqu’à l’agression, voire même le viol
  • etc.

Les violences sexuelles entraînent de multiples effets sur la santé physique et mentale des personnes qui en sont victimes, ainsi que sur leur vie professionnelle, personnelle et familiale. Non seulement les impacts peuvent être psychologiques, sociaux et physiques, mais en découlent aussi des répercussions sur le plan financier. Le fait de reconnaître l’ampleur et la gravité des conséquences sur les victimes nous apparaît crucial lorsqu’on veut véritablement agir pour enrayer les violences sexuelles.

Outre l’élaboration d’une politique contre la violence au travail, qui est une façon concrète de faire de la prévention, d’appuyer les victimes et de sensibiliser la communauté sur ces questions, la mise en place de mesures de prévention, de sensibilisation et de formation est la clé de voûte des actions à entreprendre pour endiguer les violences sexuelles. Agir sur les mentalités et présenter une vision égalitaire des rapports entre les femmes et les hommes constituent les fondements de la vision qui doit être développée dans les milieux de travail. Ces mesures doivent s’attaquer à la banalisation des propos et des comportements sexistes. Elles doivent également déconstruire les nombreux mythes qui alimentent la culture du viol, présente dans toutes les couches de la société, qui impute la culpabilité aux victimes en plus de déresponsabiliser les agresseurs.

Pour les victimes, le fait de dévoiler la violence vécue est extrêmement anxiogène. Et contrairement à l’opinion préconçue, la levée du secret ne fait pas disparaître la souffrance, mais éveille plutôt la honte et la culpabilité.

Le silence qui pèse sur les violences sexuelles est un enjeu crucial puisqu’il participe à la banalisation du phénomène. Il importe donc d’oeuvrer à faciliter la prise de parole par les victimes et à leur fournir le soutien nécessaire dans leurs démarches de dénonciation. À cet égard, plusieurs moyens peuvent être mis en oeuvre dans les milieux de travail, notamment : publiciser les ressources existantes (comité paritaire contre la violence et le harcèlement, coordonnées des personnes responsables, etc.); alléger et accélérer le processus de traitement des dossiers; offrir l’accès à des ressources spécialisées auprès des victimes de violence sexuelle.

Œuvrer à une culture du respect

C’est un défi collectif important que celui de lutter contre la violence et le harcèlement au travail et de changer les mentalités et les façons de faire. Il faut se tourner vers les victimes avec une volonté ferme d’apporter du soutien et d’agir à la source de ces problèmes, afin de protéger la santé des travailleuses et des travailleurs.

La CSN juge que c’est en construisant une vision collective de nos interventions que nous réussirons à prévenir et à combattre la violence et le harcèlement au travail. Il importe de travailler dans un esprit de collégialité afin d’établir une culture du respect.


Pour en savoir plus

Pour en savoir plus sur la campagne « Sans oui, c’est non! » qui vise la prévention des violences sexuelles dans les communautés universitaires et collégiales : cliquez ici.


Véronique De Sève Vice-Présidente CSN

Caroline Senneville Vice-Présidente CSN

Source : Revue RH, volume 21, numéro 2, avril/mai/juin 2018