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L'intégration d'un nouvel employé : pratiques gagnantes

De nos jours, on attend des employés, toutes catégories confondues, qu’ils fassent évoluer leur fonction, qu’ils fassent preuve d’un certain leadership et qu’ils proposent des solutions innovatrices aux problèmes qu’ils éprouvent. Cela implique que l’individu connaisse bien l’environnement dans lequel il évolue.

12 mai 2010
Isabelle Bédard, CRHA

Pour réussir l’intégration d’un employé, d’un administrateur ou d’un bénévole, il ne suffit donc pas qu’il devienne compétent sur le plan technique. Il s’agit aussi de l’intégrer sur le plan organisationnel et, pour cela, il faut lui faciliter l’accès le plus rapidement possible à un maximum de renseignements sur son nouvel environnement.

Pourtant, le modèle d’intégration le plus habituel ressemble à ceci : dès son arrivée, le nouvel employé est littéralement submergé d’informations à lire et à mémoriser. On lui explique comment faire son travail, puis on le laisse à lui-même. Il apprend « sur le tas ». C’est un peu comme si on lui fournissait les pièces d’un casse-tête en lui demandant de l’assembler le plus vite possible. Ces pièces sont pêle-mêle et il a une idée très approximative de l’image qu’il doit créer.

À son arrivée, la recrue a pourtant des préoccupations de toutes sortes : « À qui devrai-je m’adresser si j’ai un problème? Comment me comporter si cette personne n’est pas disponible ou intéressée à m’aider? Si je sens que je serais plus efficace en faisant les choses à ma manière, dois-je consulter les autres avant de faire des changements? Quelle est ma latitude décisionnelle? Y a-t-il dans mon nouvel environnement des tensions ou des rivalités importantes dont je devrai tenir compte? Quelle est la meilleure façon de prendre ma place ici? »

Il y a de très nombreuses personnes, dont beaucoup de jeunes de la génération Y, qui apprennent mieux lorsqu’on leur fournit dès le début une représentation de ce que doit donner le casse-tête une fois assemblé. En transmettant à l’employé des informations contextuelles sur l’entreprise en général et sur les liens qui existent entre son poste et celui des autres, on favorise chez lui l’acquisition d’une vision élargie de son poste. Il s’agit de lui faire comprendre très vite où il se situe dans le grand ensemble.

Cette approche nécessite qu’on structure le processus d’intégration différemment, en planifiant des rencontres entre le nouvel employé et certains intervenants clés dans l’entreprise. On observe que les individus qui ont bénéficié de cette vision élargie dès leur arrivée sont capables de prendre des initiatives plus rapidement et plus efficacement et de faire preuve de débrouillardise et de créativité dans leur poste. Ils acquièrent un meilleur sens des priorités et ils sont plus sensibles aux enjeux organisationnels et aux relations diplomatiques internes. Bref, ils gagnent en maturité plus rapidement. Ils ont une meilleure compréhension de leur rôle et de la contribution qu’ils peuvent apporter à l’entreprise.

Le nouvel employé est friand d’informations générales. Il en a besoin pour se situer dans l’environnement et pour établir ses repères. Essentiellement, il a besoin de comprendre la contribution qu’il peut apporter dans cette entreprise qu’il connaît peu ou pas du tout. On s’intègre bien plus vite dans un groupe quand on en connaît l’histoire.

Le processus d’intégration consiste donc à structurer ces renseignements pour qu’ils soient facilement accessibles.

Le processus d’intégration
Dans un processus d’intégration structuré, plusieurs intervenants sont mis à contribution pour informer, orienter et encadrer le nouvel employé. Si ce dernier occupe un poste en développement de produits au service du marketing, il sera mis en contact avec un représentant du service des ventes, pour comprendre comment les nouveaux produits sont introduits auprès de la clientèle. Il sera aussi mis en contact avec un collègue du service de la comptabilité, pour lui faire connaître les étapes de facturation qui soutiennent le processus de vente de ces nouveaux produits.

La durée du processus d’intégration varie selon que l’employé arrive de l’extérieur ou de l’intérieur. S’il a obtenu le poste par mutation ou promotion interne, le calendrier sera adapté en fonction des connaissances organisationnelles qu’il possède déjà. Il demeure toutefois le principal acteur dans le processus d’intégration et son rôle est d’agir de telle manière qu’il pourra conquérir son autonomie le plus vite possible.

Le tableau de la page suivante présente les intervenants impliqués dans un processus d’intégration, les raisons qui motivent leur implication (objectifs) et l’information qui relève de chacun. Dans les entreprises de petite taille, plusieurs de ces fonctions sont assumées par le même intervenant.

Intervenant

Objectifs Points à couvrir
Conseiller en ressources humaines
  • Formaliser l’embauche.
  • Accueillir l’employé au sein de l’entreprise.
  • Coordonner le processus d’intégration.
  • Contexte global de l’entreprise, organigramme, documents, administratifs, règlements et politiques internes, structure salariale.
  • Présentation des lieux.
Supérieur immédiat
  • Donner à l’employé des points de repère sur son rôle et sur le mode de fonctionnement du service.
  • Faire un suivi du processus d’intégration.
  • Présentation des collègues immédiats, du personnel administratif.
  • Présentation du service : raison d’être, organigramme, organisation du travail, objectifs, valeurs de gestion, interrelations avec les autres services.
  • Présentation du poste, attentes envers l’employé, personnes-ressources, évaluation du rendement.
  • Présentation du plan d’intégration et rétroaction sur l’intégration.
Supérieur hiérarchique
  • Représenter la haute direction.
  • Créer un sentiment d’appartenance.
  • Mot de bienvenue.
  • Importance du service de l’employé pour l’entreprise.
Collègue expérimenté dans l’équipe
  • Accélérer le transfert des connaissances organisationnelles.
  • Historique du service.
  • Valeurs de gestion de la direction.
Collègue débutant dans l’équipe
  • Informer et rassurer sur les difficultés d’intégration.
  • Témoignage sur les difficultés éprouvées lors de sa propre intégration.
Collègue d’un service relié
  • Élargir la vision de l’employé.
  • Le sensibiliser aux enjeux organisationnels et à l’importance de son rôle.
  • Établir un niveau de collaboration.
  • Rôle de son service.
  • Interdépendance avec le service de l’employé.
  • Personnes-ressources dans le service, au besoin.
Coéquipier
  • Entraîner à la tâche.
  • Accélérer le transfert des connaissances techniques.
  • Faire un suivi de l’intégration des connaissances techniques.
  • Raison d’être du poste, explication détaillée des tâches, description d’une journée type, principaux obstacles au quotidien, principales interrelations (interne/externe), normes de rendement.
  • Personnes-ressources dans le service, conseils personnels.

Les pratiques d’intégration

Pour dynamiser le processus d’intégration, chaque entreprise a avantage à donner une couleur locale à ses pratiques. La « bonne réputation » du processus d’intégration constitue une valeur sûre pour le développement du sentiment d’appartenance et pour l’attraction de nouveaux employés. Andréanne Manseau, étudiante à la maîtrise en gestion des ressources humaines raconte : « Lorsque j’ai travaillé chez ABI (Aluminerie de Bécancour), notre intégration comportait un certain nombre de “ doublages ” où nous étions jumelés à un employé d’expérience. Pendant tout le quart du travail, cet employé nous assistait et nous montrait comment bien exécuter les tâches, puis il nous évaluait à la fin du quart. Si nous le jugions nécessaire, nous pouvions demander davantage d’heures de jumelage. Le “ doubleur ” n’était pas le même d’un quart à l’autre. Ça nous aidait à développer rapidement notre compétence et notre confiance en nous. Ces activités de doublage avaient lieu à chaque réembauche au début de l’été, même pour ceux qui en étaient à leur cinquième été à l’usine. »

Marie-Pierre Tardif, gestionnaire en restauration ajoute : « À la fin de chaque journée de formation, nous insistons pour que le chef d’équipe prenne quelques minutes de son temps pour jaser seul à seul avec le nouvel employé. C’est un moment privilégié pour connaître ses impressions, ce qu’il a aimé et moins aimé, et on en profite pour lui donner des trucs supplémentaires et l’aider dans son apprentissage. Les jeunes en particulier sont très sensibles à ces marques d’attention. »

Chez IKEA France, on mise sur des séminaires d’intégration ludiques et interactifs, qui abordent des thèmes comme les impacts de la culture suédoise sur la culture organisationnelle d’IKEA, l’histoire de l’entreprise, un lexique du vocabulaire IKEA sous forme de mots croisés, l’organisation d’un magasin, les métiers IKEA, la fabrication des meubles, le marketing, l’éthique, l’environnement, etc. Le tout se conclut par un grand jeu, le Wall Bingo, pour valider les connaissances acquises.

Toutes les entreprises possèdent des pratiques qui les distinguent de leurs concurrents. Ces façons de faire se reflètent aussi dans la façon dont les nouveaux employés et dirigeants sont intégrés, car le processus d’intégration témoigne des valeurs de l’entreprise et de l’importance qu’elle accorde à son personnel.

En conclusion
Il est important de se rappeler que la qualité de l’intégration d’un nouvel employé ne repose pas uniquement sur son adaptation à son nouveau poste, mais aussi sur sa compréhension des enjeux organisationnels qui s’y rattachent. Il doit avoir accès à une foule de renseignements contextuels sur l’entreprise. Le processus d’intégration se termine lorsqu’on a acquis le sentiment que le nouvel employé s’épanouit dans l’entreprise, qu’il s’implique avec confiance et qu’il apporte une contribution générale qui dépasse le cadre de son emploi.

Isabelle Bédard, CRHA, MBA, présidente, et Annie Belhumeur, coordonnatrice des ressources humaines, CIB Développement organisationnel

Source : Effectif, volume 13, numéro 2, avril/mai 2010.


Isabelle Bédard, CRHA