ressources / dotation

Pratiques gagnantes en évaluation des candidats

L’évaluation des candidats a toujours fait partie du processus de dotation. Même si l’entrevue doit demeurer au cœur de l’exercice, les organisations qui visent l’excellence ont saisi l’importance d’investir dans des outils complémentaires sur lesquels peuvent s’appuyer les décideurs. Voici un survol des pratiques émergentes les plus probantes dans le domaine de l’évaluation.

25 février 2009

La marque employeur : une image qui colore nos méthodes d’évaluation


Ces dernières années, nombreuses sont les organisations qui investissent afin de se positionner comme employeur de choix. Beaucoup d’entre elles ont compris que la façon dont est mené un processus de dotation vient marquer la première impression des candidats à l’égard de l’organisation en tant qu’employeur. Pour réussir un tel positionnement, il importe en effet d’adapter les pratiques d’évaluation pour qu’elles soient cohérentes avec le message que l’on souhaite véhiculer. Par exemple, une organisation qui veut se démarquer pour son avant-gardisme lancerait un message discordant si elle faisait usage d’outils papier et crayon datant des années 1980. De la même façon, une entreprise qui se présente comme rigoureuse et orientée vers la qualité perd de sa crédibilité si elle a recours, pour pourvoir des postes de haut niveau, à un simple test générique auquel on répond en quelques minutes. Même les lieux où sont accueillis les candidats ont une influence sur l’établissement de la marque employeur. Ainsi, une table ronde pourra être utilisée pour créer un climat d’échange et la décoration gagnera à être choisie avec soin afin de dégager l’impression souhaitée.

En définitive, si une entreprise se targue d’investir dans ses ressources humaines et de les considérer comme la clé de son succès, elle a intérêt à le démontrer aux candidats dès le premier contact en déroulant le tapis rouge à chaque étape du processus de dotation. Ce principe implique de revoir la qualité de la rétroaction donnée aux candidats refusés, car ces derniers influenceront la réputation de l’organisation en parlant de leurs impressions et de la façon dont ils ont été traités. Il y a dix ans, il était dans la norme de refuser une candidature sans fournir d’explication constructive. Aujourd’hui, cette pratique est de moins en moins bien perçue, surtout par les nouvelles générations de candidats.

La reconnaissance du candidat comme décideur
Traditionnellement, l’évaluation était centrée sur la décision de l’employeur de retenir ou non un candidat. Avec le changement générationnel que connaissent les organisations, les candidats reprennent un peu de pouvoir et on voit s’accentuer l’aspect bidirectionnel du processus d’évaluation. Cette tendance émergente a naturellement une influence sur les canevas d’entrevue. À présent, un interviewer bien préparé connaît non seulement les questions qu’il veut poser, mais également les réponses qu’il veut donner au candidat.

Par ailleurs, des outils d’évaluation autres que l’entrevue permettent aujourd’hui au candidat d’apprécier la capacité de l’organisation à répondre à ses besoins et à ses attentes. Bien qu’encore peu répandus, ces outils se révèlent très efficaces une fois implantés. Ainsi, un employeur potentiel peut démontrer à un candidat, en toute transparence, l’adéquation entre les valeurs de ce dernier et celles de l’organisation. Le candidat est alors en mesure de prendre une décision éclairée. De plus, lorsque de tels outils sont mis à la disposition des candidats, le taux de fidélisation et le degré d’engagement des personnes embauchées augmentent souvent de façon significative.

Enfin, les moyens traditionnels et passifs pour informer le candidat, telles une description réaliste de l’emploi, une visite des lieux ou une rencontre avec l’équipe éventuelle, demeurent d’excellentes avenues à emprunter. Toutefois, les simulations de travail ou les périodes d’essai, parce qu’elles lui permettent de jouer un rôle plus actif, s’avèrent des moyens plus efficaces de s’assurer que le candidat s’engage en toute connaissance de cause.

La technologie au service de l’humain
Durant la dernière décennie, la technologie est venue bouleverser le domaine de l’évaluation. Aujourd’hui, d’un seul clic de souris, on peut accéder à des dizaines de milliers d’outils d’évaluation de toutes sortes disponibles sur le web. Il existe également des systèmes qui permettent d’automatiser de façon intégrée l’ensemble du processus de dotation. Dans la même veine, les mises en situation écrites se sont transformées en jeux de rôles virtuels interactifs.

Bientôt, les vendeurs de technologie offriront aux entreprises de se passer de 30 % de leurs recruteurs ou encore de traiter les dossiers de milliers de personnes dans un délai qui permettrait normalement d’établir des contacts directs avec seulement quelques centaines de candidats potentiels. Attention à ce genre de promesse qui ne fait miroiter qu’un côté de la médaille… Et si, en se passant de 30 % des recruteurs, on passait également à côté des meilleurs candidats, qui auraient opté pour une approche plus personnalisée? Et si, en traitant des milliers de candidatures très rapidement, on en venait à négliger un pourcentage significatif d’excellents postulants susceptibles de retenir l’attention d’un concurrent plus consciencieux?

Comme cela se produit lors de toute nouvelle vague, certaines organisations sont tombées dans l’extrême : l’attraction du moyen les a éloignées de leurs objectifs. Pourtant, s’engager dans une relation d’emploi s’avère une décision clé tant pour l’employeur que pour l’employé qui, tous deux, s’appuient sur des bases à la fois rationnelles et émotionnelles pour se faire une idée. Malgré les gains en efficacité que permet la technologie, l’humain doit demeurer au cœur du processus de dotation pour que s’établisse le lien de confiance essentiel au succès de la relation employeur/employé.

Une épidémie de psychométrie!
Facilitée par la technologie, la création de nouveaux outils d’évaluation s’accélère. Et comme elle n’est pas un acte réservé aux experts, la qualité des outils que l’on trouve sur le marché est fort inégale. Les plus en vogue ne sont d’ailleurs pas nécessairement les meilleurs, car le marketing persuasif dans ce domaine hautement concurrentiel a un impact important sur la popularité des outils. Le plus grand défi n’est donc pas de trouver des solutions d’évaluation, mais plutôt de savoir bien juger de leur valeur, avec un regard critique. Choisir un outil d’évaluation exige donc de posséder une maîtrise avancée des principes scientifiques de la mesure du comportement humain. Il est donc fortement recommandé d’obtenir l’avis d’experts indépendants avant d’implanter de telles solutions.

Trop souvent, malheureusement, le choix des outils se fonde principalement sur la validité d’apparence. Certains décideurs, tels des cobayes, passent en revue plusieurs outils et retiennent celui qui leur fournit le rapport qui s’apparente le plus à la perception qu’ils ont d’eux-mêmes. Cette façon de faire ne devrait pas, en toute logique, l’emporter sur des outils dont la validité est démontrée par des études menées auprès de centaines d’individus et utilisant des mesures de performance tangibles.

En fait, il est essentiel de pouvoir répondre à certaines questions lorsqu’on veut juger de la valeur d’un outil d’évaluation. L’outil mesure-t-il réellement ce qu’il prétend mesurer? Se fonde-t-il sur des bases scientifiques solides et à jour? Offre-t-il un portrait de l’individu qui demeurera stable dans le temps? Est-il facile à manipuler par ceux qui tentent de bien paraître? Offre-t-il la possibilité de confronter les résultats du candidat à un point de comparaison pertinent dans le contexte d’utilisation? La traduction française a-t-elle été validée et normalisée par des experts et donne-t-elle des résultats équivalents à la version anglaise? Le langage utilisé est-il adapté au type de candidats recherchés? L’outil permet-il d’obtenir les mêmes résultats lorsqu’on l’utilise pour évaluer des candidats de différentes minorités protégées par la loi? Répondre à ces questions exige un solide bagage dans le domaine des statistiques, de la mesure du comportement humain et des enjeux légaux liés à la sélection.

Dans les années à venir, ces quatre grands axes que nous venons de parcourir viendront donner le ton aux pratiques d’évaluation, et ce, à tous les niveaux de poste des organisations. Afin d’en étudier la solidité, le département de recherche et développement de la Société Pierre Boucher, en collaboration avec des universités et des clients partenaires, a mené diverses études à partir des services d’évaluation offerts à la clientèle québécoise et canadienne. Les résultats sont éloquents : 97 % des personnes dont la candidature a été retenue au terme d’un processus intégrant ces approches combinées atteignent ou dépassent les attentes de leurs supérieurs. De plus, les candidats embauchés au moyen d’un tel processus présentent un sentiment d’engagement élevé envers l’organisation, une fois en poste. Une réduction de près de 20 % du nombre d’employés qui ne répondent pas aux attentes a même pu être observée chez un client avec qui nous avons collaboré pour optimiser les méthodes d’évaluation de ses postes de première ligne auprès de la clientèle.

Les meilleures pratiques d’évaluation représentent donc sans contredit un levier important pour bâtir des équipes à la fois performantes et engagées. Que l’organisation évolue dans un contexte de croissance, de décroissance ou d’incertitude, une constante demeure : l’adéquation entre la personne embauchée et la mission qui lui est confiée représente une des principales clés du succès. Lorsqu’il est question de pratiques d’évaluation, on ne peut espérer faire de compromis sans nuire à l’atteinte des résultats.

Julie Carignan, CRHA, psychologue organisationnelle et associée, Société Pierre Boucher

Source : Effectif, volume 12, numéro 1, janvier/février/mars 2009.