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Les principes fondamentaux de l’entrevue de sélection : un retour aux sources

Ce texte est extrait d'un mémoire de DEA en Sciences de gestion, intitulé L'entrevue de sélection: mythes, réalités et aspects pratiques, rédigé par Louis Bergeron, à l'IAE de l'Université Montpellier II. Il fait un rappel des principes fondamentaux de l'entrevue de sélection.

4 mars 2008
Louis Bergeron

L'entrevue et les autres fonctions de la gestion des ressources humaines

L'entrevue aura d'autant plus de chances d'être efficace qu'on gérera bien les autres fonctions de la gestion des ressources humaines. On pense au recrutement et surtout à la sélection, dans laquelle l'entrevue s'insère.

On fait aussi référence à deux autres fonctions de la gestion des ressources humaines : d'abord, l'analyse de poste, qui permet d'avoir une description et les spécifications du poste offert; ensuite, l'évaluation du rendement qui s'avère essentielle pour que l'intervieweur connaisse la performance au travail d'un candidat, après l'avoir choisi. L'évaluation du rendement sert aussi à ajuster les spécifications du poste.

L'évaluation absolue ou relative

On s'en tient idéalement à une évaluation absolue et non relative pour départager les candidats en sélection. En effet, on exige que ces derniers franchissent un seuil minimal. Cependant, dans certaines situations, il faut utiliser une norme relative, donc recourir à un ratio de sélection.

L'interaction entre l'entrevue et les autres outils de sélection

L'entrevue s'insère dans une procédure de sélection permettant à l'intervieweur de disposer d'un maximum de données pertinentes. Donc, elle se situe généralement plutôt vers la fin du processus de sélection.

L'intervieweur doit utiliser toutes les informations, qu'elles proviennent de l'entrevue ou d'autres outils de sélection, afin de les synthétiser pour prédire le succès futur du postulant, à l'aide d'une fiche d'évaluation globale. Il doit aussi tenir compte du poids attribué à chacun des moyens de sélection.

La popularité de l'entrevue

L'entrevue jouit d'une très grande popularité dans les organisations comme outil de sélection. Elle demeure le moyen le plus utilisé à cette fin.

La fidélité et la validité de l'entrevue de sélection

Il existe dans la littérature une certaine confusion sur la fidélité et sur la validité de l'entrevue comme outil de sélection. Cependant, la majorité des auteurs indiquent que l'entrevue n'a pas prouvé sa fidélité et encore moins sa validité à cette fin, bien que certains textes plus récents démontrent plus d'optimisme.

La fidélité de l'entrevue pose moins de problèmes que sa validité. C'est une condition nécessaire, mais non suffisante pour la validité. La fidélité et la validité seraient spécifiques à certaines situations et à certains intervieweurs. Les auteurs donnent cependant une série de conseils pour améliorer la situation, dont structurer l'entrevue et recourir à un jury de sélection.

Les différents usages de l'entrevue

L'organisation doit identifier clairement les objectifs qu'elle poursuit en recourant à l'entrevue de sélection. En effet, en plus de son but principal qui est de sélectionner, l'entrevue sert aussi sur les plans du recrutement, des relations publiques et pour donner des renseignements à un candidat. L'intervieweur doit pour sa part reconnaître que le candidat est son client, ce qui implique qu'il faut le traiter correctement.

Le ratio extrants/intrants

Comme pour toute activité de gestion, on tient compte du ratio extrants/intrants de l'utilisation de l'entrevue, au moins de manière informelle. Cette logique s'applique aussi à l'ensemble du recrutement et de la sélection.

La durée optimale de l'entrevue

Les recherches n'indiquent pas une durée optimale pour une entrevue. Si on se réfère à tous les usages de celle-ci, le sens commun permet de fixer un minimum, en fonction du poste offert, mais aucun maximum. Les coûts impliqués entrent aussi en jeu.

L'environnement physique

L'entrevue doit se dérouler dans un environnement physique tenant compte des besoins des interviewés et des intervieweurs ainsi que de la nature de l'entrevue. Autant que possible, on essaiera de placer tous les candidats dans un environnement identique.

Le nombre d'intervieweurs

Dans la littérature, on affirme généralement qu'un jury de sélection améliore la fidélité et la validité de l'entrevue. Parfois, on préfère réaliser une série d'entrevues individuelles, menées par des intervieweurs différents. Dans les deux situations, les intervieweurs décident par consensus.

Le profil et la démarche de l'intervieweur

Il n'existe pas d'intervieweur idéal pour toutes les situations. Un bon intervieweur intervient seulement quand il s'agit de postes qu'il comprend bien. La validité des décisions varierait selon les intervieweurs.

Le profil d'un intervieweur pris dans un sens large, ce qui comprend entre autres ses valeurs, ses attitudes et ses comportements, influence les jugements qu'il porte et affecte les interviewés. Les intervieweurs expérimentés placent les interviewés dans le même ordre, bien qu'ils diffèrent dans la proportion qu'ils acceptent (ratio de sélection).

Il semble qu'un intervieweur soit stable dans son approche devant différents interviewés. De plus, l'intervieweur est responsable de ses erreurs et agit sous un certain stress.

La formation des intervieweurs

Il est essentiel de former les intervieweurs, à partir des données scientifiques dont on dispose sur l'entrevue de sélection, mais en demeurant conscient des limites d'une telle action.

La formation des interviewés

Il est essentiel de former les interviewés, particulièrement ceux des groupes défavorisés, à partir des données scientifiques dont on dispose sur l'entrevue de sélection, mais en demeurant conscient des limites d'une telle action.

Une meilleure préparation des postulants forcera les organisations à améliorer l'ensemble de leur procédure de sélection, dont l'entrevue.

La structure de l'entrevue

L'entrevue sera conduite à partir d'un guide, donc structurée. Ainsi, on vise l'amélioration de la fidélité de la technique, une condition essentielle à la validité. L'intervieweur doit disposer d'une formule d'évaluation standardisée lui permettant de synthétiser les informations obtenues au moyen de celle-ci.

L'entrevue non structurée est à proscrire. Elle possède un très faible coefficient de fidélité, qui vient limiter sa validité. Il en va de même, à un moindre degré, de l'entrevue semi-structurée, réservée uniquement à certains intervieweurs professionnels.

L'entrevue structurée basée sur la description des comportements futurs

Une forme assez récente d'entrevue structurée utilise des questions reposant sur des mises en situation, construites à partir d'incidents critiques reliés au poste offert. L'interviewé doit indiquer ce qu'il ferait dans l'avenir, dans de telles circonstances. Le principe est qu'il faut pouvoir décrire comment on agira avant de le faire.

L'entrevue structurée basée sur la description des comportements passés

Une forme assez récente d'entrevue structurée utilise des questions reposant sur des mises en situation, construites à partir d'incidents critiques reliés au poste offert. L'interviewé doit répondre selon ce qu'il a fait dans le passé dans des circonstances semblables. Le principe est que le passé est garant de l'avenir.

La prise de notes pendant l'entrevue

Pendant une entrevue, un intervieweur doit prendre des notes sur un formulaire standardisé et les utiliser quand vient le temps d'évaluer un candidat. L'organisation les conserve en cas de contestation de sa procédure de sélection.

La parole à l'interviewé

L'intervieweur laisse parler le postulant durant la majorité du temps que dure l'entrevue, afin d'obtenir le maximum d'informations sur ce dernier.

Les types de questions

On doit poser aux interviewés des questions plutôt ouvertes, c'est-à-dire à développement, qui leur permettent d'élaborer. Par ailleurs, on doit éviter de suggérer par la question la réponse aux interviewés.

Que doit mesurer l'entrevue?

L'entrevue sert à étudier les caractéristiques du candidat qu'elle semble le mieux saisir. Les auteurs mentionnent fréquemment l'intelligence définie dans un sens large (habileté intellectuelle), la motivation au travail et les relations interpersonnelles (contexte social du travail). Cependant, peu importe la capacité de l'entrevue de mesurer une caractéristique, on ne le fait que si celle-ci est reliée au succès dans le poste pour lequel on sélectionne.

Les éléments non verbaux

Il semble que le comportement non verbal de l'interviewé influence l'évaluation faite de lui par l'intervieweur. Mais, l'impact s'avère généralement inférieur à celui des éléments verbaux. Cependant, on se demande si le non-verbal ajoute des informations à celle qui sont obtenues par le verbal ou s'il ne diminue pas la validité de l'entrevue.

La recherche d'éléments négatifs

En général, l'entrevue semble une recherche d'éléments négatifs chez le postulant. L'intervieweur attache plus d'importance aux éléments défavorables qu'aux points favorables. Il cherche surtout à réduire au minimum l'erreur d'acceptation en prédisant la performance du candidat, c'est-à-dire affirmer que ce dernier convient pour le poste offert alors qu'en pratique, il ne confirmerait pas ce pronostic. L'ordre dans lequel l'évaluateur prend connaissance des éléments négatifs et positifs relatifs à un candidat pourrait influencer sa décision.

La confirmation d'hypothèses par l'intervieweur

Les intervieweurs cherchent des données confirmant ou niant leurs hypothèses et, lorsque qu'ils sont satisfaits, portent leur attention ailleurs. L'entrevue semblant une recherche d'éléments négatifs, les hypothèses portant sur des points négatifs du candidat posséderaient plus d'importance que celles qui touchent à des éléments positifs.

Les filtres à la perception en entrevue

L'intervieweur idéal ne doit pas être affecté par les différents filtres à la perception d'autrui, quand il évalue un postulant. Ceux-ci changent la réalité en la déformant. Il devrait donc s'en tenir aux comportements pertinents d'un candidat. Les principaux filtres à la perception sont : préjugés et discrimination; tendance centrale, jugements souvent trop négatifs ou positifs; effet de contraste; premières impressions; effet de halo; stéréotypes et dissonance cognitive.

Ce texte visait à présenter certaines recommandations destinées aux personnes œuvrant en dotation en s'attachant particulièrement à l'entrevue, un outil très généralement utilisé. De tous les principes énumérés, le plus important demeure de structurer l'entrevue exactement comme s'il s'agissait d'un test. Il est donc essentiel de dire adieu à une démarche informelle.

Louis Bergeron, CRHA, est conseiller administration et gestion des ressources humaines chez GRH Service Conseil à Granby.
Téléphone : (450) 776 1074
Adresse électronique : loubergrh@videotron.ca


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