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Le référentiel de compétences : attention au sur-mesure à tout prix!

Parmi les bonnes pratiques reconnues en matière de gestion des ressources humaines, un des outils de travail essentiel d’une entreprise est son référentiel de compétences. Ce référentiel, parfois aussi appelé guide ou modèle, regroupe toutes les compétences jugées utiles pour l’exercice des fonctions des employés d’une même organisation.

8 juin 2015
Antoine Devinat, CRHA

Cet outil de référence permet de créer des profils spécifiques à chaque type, famille ou niveau de postes d’une organisation et améliore grandement la cohérence des pratiques en matière de gestion des talents (dotation, formation, gestion de la performance, promotion, rémunération, etc.). Il peut également exprimer les valeurs de l’entreprise à travers sa structure même ou par le choix de certaines compétences spécifiques telles que le service à la clientèle, la rigueur, le respect, qu’il peut identifier, tous postes confondus.

Mais est-il réellement nécessaire qu’une organisation se dote d’un référentiel complètement sur mesure? Pas certain.

Définir des compétences pour un référentiel : beaucoup plus difficile qu’il n’y paraît
Créer un référentiel de compétences à partir d’une page blanche pose des défis indéniables, souvent largement sous-estimés. En effet, une telle démarche devient trop souvent un exercice de consensus et de compromis sur les définitions, voire sur le simple nom de chaque compétence, entre les différents acteurs clés de l’organisation. De plus, il existe plusieurs critères à respecter pour concevoir et rédiger des compétences, car il faut notamment :

  •  proposer une définition comportementale claire, spécifique et précise, mais suffisamment générique pour tous les types de postes auxquels la compétence pourrait s’appliquer;
  • assurer l’indépendance des compétences (par exemple planification vs gestion du temps et des priorités vs organisation du travail vs encadrement) pour ne pas qu’une compétence se superpose à une autre;
  • distinguer les compétences techniques (expertise, expérience) des compétences comportementales;
  • proposer une définition ni trop courte (phrase) ni trop longue (paragraphe) afin qu’elle circonscrive suffisamment ce qui est ciblé sans intégrer trop de notions différentes; - utiliser des verbes d’action, éviter des adjectifs épithètes (bon, efficace, approprié) ou certains adverbes (lentement, rapidement, immédiatement);
  • utiliser un langage accessible.

Considérant la complexité d’un tel exercice, on peut donc se questionner sur la valeur ajoutée pour une organisation de prendre le temps de nommer et de définir des compétences pour son référentiel, alors qu’elle ne possède pas toujours cette expertise. Bien sûr, elle pourrait faire appel à un spécialiste en la matière qui pourrait l’accompagner, mais ceci n’est pas nécessairement à la portée de toutes les bourses. Certes, un tel référentiel, composé de compétences créées par et pour l’organisation, peut augmenter le niveau d’adhésion des futurs utilisateurs; mais pour plusieurs, envisager une solution plus simple peut être préférable.

La solution : utiliser un dictionnaire de compétences existant comme outil de départ
De fait, plusieurs entreprises n’ont ni les ressources internes, ni le temps, ni les moyens financiers d’entamer une démarche exhaustive de création de compétences. En outre, l’élément au cœur d’une telle démarche est la réflexion sur ce dont l’organisation a besoin comme profils pour atteindre ses objectifs stratégiques. Utiliser un dictionnaire de compétences préexistant s’avère une solution à considérer dans cette situation.

Un dictionnaire de compétences est d’une certaine façon un lexique, créé par une firme indépendante, qui vise à nommer et à définir toutes les compétences que différentes entreprises pourraient retenir pour créer leur référentiel interne. Un des plus connus, provenant des États-Unis, est l’Architecte de carrière, créé par Lombardo et Eichinger (maintenant plus connu sous le nom de Lominger). Mais il en existe plusieurs autres, certains au Québec et de très grande qualité, qui ont conçus par des firmes de consultants en ressources humaines.

Faire le choix d’un bon dictionnaire de compétences
Choisir un dictionnaire de compétences ne doit pas se faire à la légère, car tous ne sont pas égaux. Certaines caractéristiques sont à prendre en considération afin de se doter d’un outil de travail solide, efficace et pragmatique. Un bon dictionnaire de compétences doit :

  • être basé sur des recherches récentes sur les compétences clés en matière de leadership, d’efficacité au travail, etc., afin d’aider à identifier les compétences du référentiel reconnues comme étant associées au succès selon différentes catégories de postes;
  • être composé de compétences pour tous les niveaux de postes, du contributeur individuel à la haute gestion (certains référentiels ciblent davantage l’un ou l’autre de ces groupes);
  • respecter les pratiques reconnues de définition de compétences précédemment citées;
  • être disponible dans la ou les langues de travail de l’entreprise;
  • être régulièrement mis à jour (généralement tous les 5 ou 10 ans).

Idéalement, la firme propose également avec son référentiel :

  • une définition comportementale selon différents niveaux de maîtrise de cette compétence (souvent appelés ancrages comportementaux);
  • des outils complémentaires pertinents pour les différentes pratiques RH (formation et développement des compétences, gestion de la performance, recrutement, etc.);
  • la possibilité que les définitions et les outils puissent être retouchés afin de les rendre plus représentatifs des particularités de l’entreprise.

Certes, l’entreprise devra sans doute payer des droits d’auteur pour avoir le droit d’utiliser de tels dictionnaires. Il faut savoir cependant que, pour certaines firmes, il peut être parfois avantageux que leur modèle soit utilisé, puisque cela leur offre une vitrine unique dans l’organisation. Également, grâce aux outils qui accompagnent souvent de tels dictionnaires, plusieurs des pratiques RH peuvent en bénéficier directement et ainsi faire économiser temps et argent à la fonction RH qui pourra ainsi se concentrer davantage sur son rôle-conseil.

Pour aller plus loin
Campion, M. A, A.A. Fink et al. (2011). “Doing competencies well : best practices in competency modeling”, Personnel Psychology, vol. 64., p. 225-262.


À propos de l'auteur
Antoine Devinat, CRHA, psychologue industriel et organisationnel et coach certifié PCC (Professional Certified Coach) par l’International Coach Federation, intervient à titre de consultant en gestion des ressources humaines depuis près de vingt ans. Ses champs d’expertise et d’intervention principaux sont l’évaluation et le développement des compétences de tous les niveaux de postes dans les organisations publiques, parapubliques et privées. On peut le joindre par courriel [adevinat@adnleadership.com].
Site web [www.adnleadership.com]


Antoine Devinat, CRHA Fondateur ADN Leadership