ressources / developpement-competences-releve

La gestion de la formation au service du gestionnaire

De nombreuses entreprises sont confrontées à des problèmes associés à la mobilité de la main-d’œuvre, aux changements rapides, à la croissance ou à la réduction de leur effectif. Elles ont un but commun : réussir à atteindre leurs objectifs tout en relevant des défis importants sur le plan du développement des compétences de leurs équipes.

4 décembre 2008
Josée Bouchard, CRHA

Un déficit de compétences entraîne des pressions sur le personnel, la fonction ressources humaines et les gestionnaires qui, avec une charge de travail à la hausse, cherchent à prioriser leurs interventions. L’enjeu est donc de répondre aux besoins de l’entreprise tout en se donnant une orientation de développement des compétences, en identifiant les interventions prioritaires à la mesure de ses capacités.

Développer stratégiquement les compétences
  1. Identifier les compétences clés individuelles et collectives pour réaliser la stratégie de l’entreprise en fonction des besoins présents et futurs.
  2. Mesurer l’écart entre les compétences actuelles et celles qui sont requises.
  3. Définir une stratégie de développement de ces compétences.
  4. Développer les compétences.
  5. Faire un suivi de la maîtrise des compétences.
  6. Mesurer l’impact sur la performance.
  7. Établir le rendement de l’investissement.
Les entreprises performantes développent…
  • les compétences techniques critiques
  • le leadership
  • le travail d’équipe
  • la gestion efficace du changement
  • la prise de décision juste et rapide
  • la communication
Comment améliorer la capacité de développer les compétences?
L’organisation doit avoir la capacité de réaliser son potentiel et pouvoir compter sur des ressources humaines, techniques et financières permettant d’exécuter sa stratégie. La mise en place d’un système de gestion de la formation et de mécanismes pour mesurer l’efficacité de la formation et la maîtrise des compétences peut contribuer de façon importante à améliorer le capital humain. Les efforts viseront prioritairement à combler l’écart entre les besoins de l’organisation et le niveau de compétences pour relever les défis d’affaires.

Dans la plupart des organisations, on ne sait pas avec exactitude quelles connaissances et habiletés sont les plus critiques. On ne peut ni anticiper les compétences requises ni assurer leur développement. Pour remédier à cette lacune, la direction, le service des ressources humaines et les gestionnaires doivent unir leurs efforts pour développer le personnel clé. En établissant les besoins présents et futurs en matière de compétences, sur une base tant individuelle que collective, il sera possible d’accroître les compétences, de mesurer l’impact de la formation sur la performance et d’établir ainsi le rendement de l’investissement.

Les organisations n’étant pas toutes égales, on évitera de chercher à tout développer, par des choix stratégiques et judicieux. Il importera de faire appel à des ressources spécialisées en développement des compétences, préoccupées de lier stratégiquement formation et développement organisationnel. On sera soucieux d’intervenir de façon décentralisée pour rester près des besoins tout en conservant une gouvernance centrale. Avec une identification juste et ciblée des besoins, des stratégies et méthodes de formation, de la planification et du suivi du transfert, on obtiendra un effet maximal sur la performance et le développement des individus.

Quelles compétences développer?
Il faut s’intéresser en premier lieu aux compétences techniques. On procédera d’abord à l’analyse des situations de travail pour dégager les savoir-faire essentiels. On déterminera ensuite la stratégie, la méthode de formation, le transfert des apprentissages et, s’il y a lieu, des façons de favoriser la maîtrise de cette compétence jusqu’au niveau de performance requis. Des mandats ponctuels permettront aussi de développer la relève, d’améliorer la performance ou de changer une méthode de travail.

Il appartient aussi à chaque entreprise de déterminer les compétences individuelles et collectives les plus critiques à l’exécution de sa stratégie, en se basant sur sa mission et ses principes directeurs de gestion. Dans les entreprises performantes, certaines compétences qui permettent de conduire l’entreprise vers les résultats souhaités sont valorisées.

Ces entreprises partagent un dénominateur commun : leur position de leadership. Des habiletés de leadership supérieures sont donc requises pour mettre en œuvre les changements et certains savoir-faire clés nécessaires pour établir la gouvernance, les lignes directrices, aligner, planifier, guider, motiver et inspirer. Un déficit de leadership peut causer d’importantes difficultés à opérationnaliser la stratégie d’entreprise. En associant la gestion des talents au développement du leadership, ces entreprises obtiennent un avantage concurrentiel important. Elles font ainsi des efforts pour recruter et fidéliser leurs bons employés. Celles qui réussissent à mobiliser, à communiquer efficacement leurs objectifs, à s’occuper de leurs préoccupations, à encourager le travail en équipes interdisciplinaires, à développer les compétences clés et à offrir des opportunités de développement se démarquent des autres.

Les changements pouvant survenir sur des horizons aussi courts que six mois, l’entreprise doit pouvoir réagir, adapter ses processus et développer des compétences individuelles ou collectives de façon accélérée. La connaissance et la maîtrise de l’environnement deviennent donc des éléments critiques de la gestion efficace du changement. En adoptant une structure organisationnelle en matrices décisionnelles, l’entreprise peut prendre des décisions justes et rapides. Comme moteur de mobilisation, d’engagement, de communication et de concertation des efforts, elle mise sur la capacité de travailler en équipes interdisciplinaires, ce qui génère en plus des comportements innovateurs et le partage des connaissances et apprentissages. Il sera alors important que le gestionnaire puisse rester connecté à l’opérationnel, quitte à diminuer le ratio superviseur/employé pour favoriser la communication, ce qui permet de donner
à chacun l’information nécessaire pour mener son travail à bien.

Quel mode de développement privilégier?
Les modes de développement sont variés pour qui sait gérer ses apprentissages et apprendre de ses expériences. Cependant, il importe de savoir que certains modes sont plus efficaces que d’autres pour accélérer et optimiser le transfert des apprentissages, favoriser la maîtrise de la compétence et produire un impact sur la performance. Par exemple, on choisira de préférence les modes les plus centrés sur l’individu (en italique dans le tableau de la page suivante) favorisant l’apprentissage dans l’action. Les modes centrés sur les groupes sont aussi intéressants si on ramène l’apprentissage dans l’action en planifiant le transfert et le suivi.

Afin d’améliorer l’efficacité et la rapidité de l’assimilation des compétences, on privilégiera le coaching qui devient ainsi une compétence à acquérir. Il est particulièrement efficace pour transférer non seulement les compétences techniques, mais aussi pour modéliser les comportements souhaités. Il permet de donner une rétroaction continue, informelle et immédiate. Il permet aussi d’évaluer le potentiel de développement de la personne. Cette rétroaction devra viser à bâtir la confiance en soi et le sentiment d’efficacité personnelle en consolidant les acquis. On ciblera ensuite spécifiquement ce qui doit être amélioré pour atteindre la maîtrise de la compétence. Comme outil d’encadrement, une communication systématique de la performance?; une analyse périodique des besoins d’apprentissage et des approches de formation ciblées permettront de clarifier les attentes et de mesurer la maîtrise de la compétence.

Confier des mandats et des responsabilités constitue un autre mode de choix qui permet d’augmenter et de tester les capacités de l’employé à prendre en main ses apprentissages et son développement. Le mandat défini dans le temps ciblera l’acquisition de compétences spécifiques. Pour en retirer de meilleurs bénéfices, on veillera à ne pas abandonner l’employé : encadré, il recevra une rétroaction sur sa progression. L’opportunité d’utiliser et de développer les habiletés dans l’action comme outil de perfectionnement est une option gagnante, qui permet de motiver et de fidéliser les bons employés tout en améliorant leur capital de compétences. En contrepartie, savoir déléguer devient une compétence essentielle du gestionnaire. De plus, on peut aussi retirer des bénéfices importants en performance et en mobilisation par la promotion interne ou par la création de passages obligés à certaines responsabilités.

On complétera par une formation sur mesure en vue de développer le leadership et certaines compétences clés. Les formateurs internes seront privilégiés, pour démontrer l’engagement de la direction à l’égard des attentes, modéliser plus efficacement les comportements et mobiliser les individus envers leurs apprentissages. Pour développer à long terme, on considérera aussi des programmes de longue durée comme des formations universitaires. Elles favorisent les apprentissages dans l’action et par métacognition (réflexion sur ses apprentissages), induisant ainsi des changements profonds dans la compétence de l’employé et sa contribution à l’organisation.

Ces modes d’apprentissage contiennent les éléments essentiels de la formation-action : une responsabilité à intégrer, un coaching pour faciliter l’apprentissage et une rétroaction pour faire le point sur ce qui est maîtrisé et à parfaire.

DIFFÉRENTES APPROCHES D’OPPORTUNITÉS DE DÉVELOPPEMENT
Coaching
personnalisé
Rotation
de poste
Mentorat Visite
de client
Engagement
communautaire
Réseau
d’échange
Conférences
spécialisées
Formation
interne
Affectations
et défis
spécifiques
Programmes
universitaires
Affectation chez un fournisseur Formation-action Séminaires
Cours
Colloques
Consolidation
d’équipe

Quelques bonnes pratiques…
  1. Définir des compétences clés, les développer, les encadrer, donner une rétroaction.
  2. Privilégier des cours de base tôt en carrière pour accroître les habiletés de gestion des employés techniques promus à des postes de gestion.
  3. Développer dans l’action : assigner des projets, des responsabilités, encadrer, offrir du coaching et donner de la rétroaction.
  4. Adopter une structure organisationnelle branchée sur l’opérationnel et alignée stratégiquement.
  5. Rester collé aux besoins. Disposer de ressources affectées à la formation, alignées sur le développement organisationnel.
  6. Intégrer le développement des compétences au développement des gestionnaires, de la relève, des hauts potentiels, des employés performants et de tout autre poste clé selon leurs aspirations, leur potentiel, leurs intérêts et leurs capacités.
Qui développer en priorité?
Un soutien prioritaire sera dépendant du rôle dans l’atteinte des objectifs de l’organisation. Sur le plan des compétences techniques, en fonction de la criticité des tâches et des enjeux, il est essentiel que les employés puissent bénéficier d’un encadrement des apprentissages pour atteindre le niveau de performance désiré.

Dans le développement des compétences individuelles et collectives, on donnera priorité à la formation du gestionnaire de premier niveau, car il doit être capable d’opérationnaliser la stratégie d’entreprise. Ce gestionnaire est souvent un individu avec des compétences techniques fortes, mais sans assises solides en gestion. Pour mieux la cibler, on prendra soin de définir la formation en objectifs et résultats à atteindre, en lien avec les besoins de l’entreprise et le potentiel et les aspirations de l’individu.

Il est aussi nécessaire de voir au développement des employés performants en actualisant leurs compétences, par des défis comme des assignations de projet. Il est tout aussi souhaitable d’investir dans les hauts potentiels pour répondre aux besoins à venir de l’organisation, par des interventions de développement à moyen et à long termes. Ce n’est que récemment que les entreprises ont commencé à prendre conscience du fait que, pour atteindre leurs objectifs stratégiques à long terme, il leur fallait aussi s’intéresser aux besoins de formation d’autres catégories d’employés. Peu importe la clientèle visée, il faut élaborer des stratégies de formation en fonction des besoins. En alternant formation/application et une rétroaction continue, on obtiendra une intégration efficace de ces nouveaux savoirs au profit de tous.

Conclusion
Le rôle du gestionnaire a évolué ces dernières années. Il doit maintenant se préoccuper d’atteindre les objectifs de l’entreprise tout en assurant sa pérennité en préservant et en développant ses ressources. Il devient donc responsable de la performance de son équipe, de la fidélisation, du développement et de la mobilisation. Aujourd’hui, il n’est plus seul dans cette mission. Pour identifier les besoins et le guider dans ses options et ses choix, il bénéficie du soutien de professionnels autant à l’intérieur de l’entreprise qu’à l’extérieur par l’entremise d’un service de consultation. Il est important de clarifier son rôle dans le développement de ses ressources et de l’impliquer davantage dans la planification stratégique. On veillera à inclure la formation et le développement des ressources dans ses objectifs annuels.

Les services des ressources humaines ne peuvent plus se permettre de suggérer des solutions au contenu approximatif. Les activités d’apprentissage mal ciblées, voir inutiles font grand tort, car elles ne donnent pas les résultats escomptées et coûtent très cher financièrement et en espoirs déçus. Les services des ressources humaines doivent donc accroître leur expertise et instaurer des processus de gestion de la formation qui seront évalués pour leur performance à développer une main-d’œuvre compétente au moment opportun.

La création d’un plan de développement et des politiques permettant de concilier travail, famille et développement professionnel contribueront à fidéliser l’employé, à améliorer le capital de compétences et, par conséquent, à relever les défis des entreprises.

Josée Bouchard, CRHA, M. Ed., B. Gest., chef, développement des apprentissages, Schering-Plough Canada

Source : Effectif, Volume 11, numéro 5, novembre/décembre 2008


Josée Bouchard, CRHA