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Conseiller ou responsable de la formation en entreprise : un métier à professionnaliser

Pourquoi engage-t-on un comptable pour faire sa comptabilité? Aurait-on l'idée de faire affaire avec un chimiste pour déboguer un système informatique? Alors, pourquoi n'embauche-t-on pas un spécialiste lorsqu'il s'agit de traiter de problématiques reliées à la formation et au développement des compétences?

6 janvier 2005
André Gagnon, CRHA

La formation procède de l'art… mais aussi de la science

De nombreuses expériences ont démontré sans l'ombre d'un doute que la formation procède de l'art bien sûr, mais aussi de la science exacte. Il existe en formation comme en ingénierie, de meilleures façons de faire qui ont fait l'objet de nombreuses expérimentations. Il existe une «ingénierie» de la formation, c'est-à-dire des processus éprouvés qui garantissent le succès du premier coup. L'apprentissage de ces règles ne se fait pas du jour au lendemain, mais pour un conseiller ou un responsable de la formation en entreprise, la maîtrise de ces compétences devrait être un critère d'embauche incontournable.

Démontrer la valeur ajoutée de la formation

Lors d'une conférence s'adressant à des professionnels de la formation en entreprise au milieu des années 1970, le président du Conseil du patronat avait lancé un message clair: «Tant que les professionnels de la formation n'auront pas démontré la valeur ajoutée de la formation, les dirigeants d'entreprise hésiteront toujours à investir dans ce domaine.» Aujourd'hui, trente ans plus tard, les statistiques lui donnent raison et inquiètent, quand on sait qu'à peine 10 % des apprentissages réalisés en formation dans les entreprises sont transférés en situation de travail. Le message était pourtant plein de bon sens: la valeur ajoutée de la formation n'a pas de lien avec la quantité de cours donnés dans une année, mais plutôt avec la mise en œuvre en milieu de travail des savoirs acquis et leur contribution aux résultats organisationnels. Ce n'est pas tout de faire de la formation, encore faut-il démontrer aux dirigeants d'entreprise que ça vaut la peine d'en faire. Nous sommes persuadé que faire cette démonstration nécessite de solides compétences chez les responsables de la formation: les entreprises qui s'en écartent devront se contenter de 10 % et moins d'efficacité!

Les compétences requises pour une formation à valeur ajoutée

Un premier domaine concerne les compétences de gestion et de type relationnel. On peut y inclure des capacités reliées à la communication bien sûr, mais aussi à la créativité, la capacité de faire face à l'incertitude, de planifier, d'organiser et de diriger ainsi que l'orientation client. Cependant, il en est une qui semble fondamentale au rôle conseil que doit jouer le professionnel de la formation: c'est la capacité d'influencer l'organisation à tous les niveaux pour qu'elle fasse de la formation un enjeu stratégique et inscrive l'apprentissage comme une valeur clé.

Cette capacité d'influencer l'organisation nous amène à un deuxième grand domaine de compétences que doivent posséder les professionnels de la formation. Il s'agit de la maîtrise des processus reliés à ce que l'on pourrait appeler «l'ingénierie de la formation». La diffusion d'un cours ne constitue qu'un de ces processus et ceux qui le précèdent (analyse du besoin, design pédagogique) ou qui le suivent (évaluation, suivi, soutien) sont aussi importants pour l'atteinte des finalités attendues par les dirigeants. Tous ces processus sont en interaction et ne pas maîtriser l'un d'eux peut avoir des conséquences désastreuses. Conseiller l'entreprise en matière de formation veut dire, par exemple, convaincre un membre de la direction que la formation, dans ce cas particulier, n'est pas la solution et apporter les justifications pour le démontrer: cela suppose la maîtrise du processus d'analyse des besoins. Conseiller l'entreprise, ça veut aussi dire persuader un formateur que les cent diapositives qu'il a préparées pour donner son cours risquent fort de détourner son auditoire des apprentissages essentiels: cela suppose la maîtrise du design pédagogique.

La formation en entreprise, on le voit bien, met en interaction plusieurs processus tout aussi importants les uns que les autres. Mais ce qui est particulier à cette discipline, c'est qu'elle interagit également avec l'ensemble des fonctions de l'entreprise (production, qualité, santé et sécurité du travail, etc.) et se doit d'en tenir compte. Conseiller l'entreprise en matière de formation exige donc de solides connaissances des rouages d'une organisation pour être en mesure de faire ces liens. Voici un cas vécu illustrant ce phénomène: le service de formation d'une entreprise manufacturière avait demandé à une firme d'élaborer des outils de formation à l'intention des employés qui auraient à faire fonctionner une nouvelle ligne de production et à en assurer la maintenance. Ce matériel de formation devait comprendre, entre autres, la description de méthodes appropriées de travail en lien avec leurs futures tâches. Une simple question préalable a permis au conseiller de découvrir que, parallèlement, une équipe de santé et sécurité avait été désignée pour rédiger des procédures sécuritaires pour les mêmes tâches. Et toujours la même question lui a permis de constater que des employés en charge du programme d'assurance-qualité de l'entreprise avaient également entrepris une opération similaire en vue d'élaborer des procédures qualité. Heureusement pour l'entreprise, l'expérience du conseiller l'avait sensibilisé à l'interrelation de la formation avec les autres préoccupations organisationnelles. Que de temps et d'énergie ont été épargnés grâce à cette question, en faisant des liens entre diverses fonctions!

Encore aujourd'hui, la formation en entreprise reste perçue, par plusieurs organisations, comme un mal nécessaire. On ne se débarrasserait pas facilement de son comptable, même en période difficile… Mais qu'en est-il de son responsable de la formation? Ce champ d'expertise obtiendra ses lettres de noblesse lorsqu'il aura démontré sa valeur ajoutée, ce qui, selon nous, n'est pas le cas actuellement. Tant que la formation ne sera mesurée que par le pourcentage de la masse salariale ou autres indicateurs quantitatifs, rien n'y changera. La reconnaissance des métiers de la formation passe par la nécessaire voie de la valeur ajoutée. Mais il y a de l'espoir, les choses commencent à changer. Plusieurs établissements de haut savoir ont pris le flambeau et offrent, depuis quelques années, des programmes en technologie éducationnelle et en gestion de la formation. Certaines entreprises ont commencé à mettre ces qualifications comme exigences d'embauche. Subtilement, la bonne nouvelle se répand.

André Gagnon, CRHA, est consultant associé chez AGD Formation inc.

Source : Effectif, volume 7, numéro 5, novembre / décembre 2004


André Gagnon, CRHA